Enseignement à distance, un épisode historique
Dès le 16 mars 2020, le système éducatif et de formation vaudois a connu un épisode inédit et historique : le passage intégral à l’enseignement à distance. Inédit … ou presque. Un siècle plus tôt, la pandémie de grippe espagnole avait créé un précédent. Elle avait déjà obligé les autorités scolaires suisses à fermer des écoles dans les régions les plus touchées. C’était en 1918, au sortir de la Première Guerre mondiale. Les devoirs étaient apportés à l’imprimerie locale pour être ensuite distribués par courrier postal aux élèves. On parlait alors d’« enseignement par correspondance ».
Vendredi 13 mars 2020, la décision du Conseil fédéral de fermer tous les lieux de formation, sans exception, dès le lundi suivant, a cette fois concerné le territoire national dans son intégralité. Cette fermeture généralisée des classes, qui va durer six semaines pour l’école obligatoire et dix pour le postobligatoire, a contraint les autorités scolaires de tous les cantons à lancer partout des programmes d’enseignement à distance dans un délai très bref. Le défi a été de taille pour les acteurs de l’école et de la formation, des classes de premier cycle jusque dans les universités et les HES.
Cette période, inouïe à maints égards, a été vécue comme une expérience intense par la grande majorité des professionnel·le·s de l’enseignement et bien sûr les élèves et leurs parents contraints de faire l’école à domicile. Comme toutes les situations de crise, la parenthèse de l’enseignement à distance a accru les inégalités qui traversent le système de formation. Elle a souvent été vécue comme une épreuve générant de la tension, de la frustration voire un potentiel sentiment d’échec. Mais pas seulement. Cette parenthèse a également permis de tester à grande échelle des outils numériques dans le contexte scolaire ; des enseignant·e·s ont pu développer et exprimer différemment leur créativité pédagogique ; des élèves ont pu démontrer leur capacité d’autonomie dans un contexte nouveau.
La nécessité de documenter le vécu de l’enseignement à distance en vue de l’analyser s’est imposée, pour la direction du DFJC. Un bilan complet de cette expérience reste encore à établir une fois le retour des élèves en classe effectué sur une longue période. Le prérequis d’un tel bilan sera sans doute d’admettre, en toute modestie, que l’enseignement à distance a surtout été une réponse urgente et nécessaire dans le contexte de crise sanitaire. En revanche, une certitude s’impose d’ores et déjà : il n’a pas été la préfiguration d’une « école du futur » qui aspirerait à basculer dans le tout numérique et le tout à distance. Les élèves et les enseignant·e·s auront toujours besoin de se croiser et d’échanger dans un même cadre physique propice à l’apprentissage à travers la relation pédagogique directe. Se voir sur un écran est mieux que ne pas se voir du tout, mais ce n’est en rien équivalent à la richesse qui naît des interactions en classe. En témoigne la joie partagée par la grande majorité des élèves et des enseignant·e·s à la réouverture des classes, à la fin du semi-confinement.
Dès le mois d’avril, alors qu’il était happé par la gestion de la crise au quotidien, le DFJC a donc souhaité analyser ces éléments. Il a créé un groupe de travail chargé de fixer la démarche appropriée en vue de tirer les leçons de l’enseignement à distance dans les écoles vaudoises. Au fil des échanges avec différents acteurs de l’école, trois axes d’analyse ont été identifiés :
- l’EPFL interrogerait un nombre important d’enseignant·e·s pour identifier quels outils ils·elles mobilisaient pour remplir leurs missions pédagogiques en situation d’éloignement de leurs élèves et pour évaluer leur sentiment de réussite ou d’échec dans l’accomplissement de leurs tâches à distance ;
- la HEP Vaud lancerait une recherche auprès de parents de jeunes enfants scolarisés pour mieux cerner l’impact de l’encadrement familial sur l’enseignement à domicile ;
- la Direction générale de l’enfance et de la jeunesse (DGEJ, anciennement SPJ) piloterait une étude impliquant de nombreux acteurs du DFJC pour recueillir le vécu des élèves (entretiens) et leur avis sur une série de questions précises (sondage).
Cette triple approche est encore en cours de réalisation et nécessite du temps pour aboutir à des résultats fiables. Elle donnera au DFJC un panorama précis et nuancé de ce qui s’est passé sur le terrain. Ce sera certainement utile en vue d’un hypothétique retour de l’enseignement à distance si la situation sanitaire venait à se péjorer à nouveau. Et cela servira également à enrichir et à diversifier les approches pédagogiques actuelles. Un rapport définitif et consolidé de cette triple démarche d’évaluation est attendu pour l’automne 2020. À mesure que les dépouillements progressent, ils alimentent toutefois d’ores et déjà certaines réflexions au sein du département. À cet égard, l’enquête lancée par l’EPFL est la plus avancée et permet de dégager quelques constats intermédiaires.