Le 360°, année de la consolidation

Le mûrissement des concepts d'établissement

Le Concept cantonal 360° est la mise en œuvre concrète de l’accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée (AICPS 2007), de la loi sur l’enseignement obligatoire (LEO 2013) et de la loi sur la pédagogie spécialisée (LPS 2015). Il est le cadre permettant, pour l’école vaudoise, de favoriser l’égalité des chances en donnant la possibilité à chaque élève, indépendamment de son sexe, de son origine sociale et culturelle ou de son handicap, de développer pleinement ses compétences. Ce cadre cantonal, appelé à être décliné en concepts d’établissement sur tout le territoire vaudois, décrit les différentes modalités possibles de prise en charge des élèves concernés selon leurs besoins particuliers. Il précise les rôles et types de coordination qui pourront s’opérer entre les acteurs concernés au sein de l’école. Il fixe donc les buts et les conditions d’une école à visée inclusive, avec pour ambition de donner à chaque professionnel·le engagé·e dans l’école un pouvoir d’agir dans son champ de compétences, en s’inscrivant dans une coopération accrue de tous les acteurs issus des métiers qui composent l’encadrement scolaire.

La première édition du Concept cantonal 360° a été publiée en décembre 2019. Si certains établissements avaient déjà démarré les travaux en vue de rédiger leur propre concept, d’autres avaient prévu de le faire au 2e semestre de l’année scolaire 2019-2020. La pandémie de la Covid-19, qui a conduit à la fermeture des classes pendant deux mois et à la mise en place du plan de protection cantonal pour la reprise dès le 11 mai 2020, a retardé les travaux, contraignant le Département et les établissements à revoir le calendrier. Il a été décidé que chaque établissement remettra la première version de son concept au DFJC en juillet 2022 au plus tard.

Dès la rentrée d’août 2020, un plan d’actions pour le soutien aux établissements sera déployé. Il s’agira entre autres de proposer un développement professionnel chez chacun·e des acteur·trice·s concerné·e·s par le Concept 360°. Toujours dans cette logique de soutien aux établissements, plusieurs projets, à l’étude, se réaliseront durant la nouvelle année scolaire : ouvrir un portail de ressources pédagogiques pour une école à visée inclusive ; tenir des rencontres décentralisées dans le canton de Vaud réunissant des expert·e·s nationaux ou internationaux et des acteur·trice·s des établissements sur les thématiques, par exemple, des dispositifs inclusifs, de la différenciation de l’enseignement et des programmes scolaires personnalisés ; créer une communauté de pratiques ; développer des formations pour les enseignant·e·s, qui les préparent au renforcement du socle universel de prestations favorisant l’intégration des élèves en classe.

L’interdisciplinarité promue au service des élèves

L’autre objectif prioritaire sera de favoriser la pratique de l’interdisciplinarité, enjeu majeur de la réussite d’un déploiement efficient de cette politique pour une école à visée inclusive, qui valorise
les regards croisés au service du projet de l’élève. Dans la littérature scientifique, l’interdisciplinarité peut être liée d’une part au travail collaboratif ou coopératif : « Des personnes qui appartiennent à des disciplines ou des professions différentes pratiquent l’interdisciplinarité si elles partagent leurs points de vue et leurs expertises, se transmettent de l’information, se consultent, travaillent ensemble particulièrement au sein d’une équipe. » (Payette, 2001). Cependant, elle peut également être caractérisée par la notion d’intégration : « La véritable interdisciplinarité n’apparaît que
lorsque les points de vue de chaque discipline commencent à s’intégrer et à se dépasser dans une vérité plus globale.» (Leclerc, 1990). La notion d’interdisciplinarité va donc interpeller les types de collaboration entre professionnel·le·s, quel que soit le niveau de leur intervention. Pour rappel, le Concept 360° distingue quatre niveaux d’action selon l’intensité des soutiens apportés aux élèves en vue de leur intégration. Le graphique ci-dessous présente les métiers et fonctions des professionnel·le·s appelé·e·s à coopérer selon les quatre niveaux d’intervention. Dès les premiers mois de l’année scolaire
2020-2021, plusieurs actions participeront au développement du « pouvoir d’agir » de chacun·e. Il conviendra de les coordonner dans une logique de « fertilisation », afin notamment de favoriser la construction d’un référentiel commun et de développer les échanges de pratiques. Ainsi, les accompagnements des établissements par les coachs de la HEP Vaud se poursuivront tout au long de l’année. Des outils seront progressivement fournis aux professionnel·le·s : des balises pour déterminer les apprentissages fondamentaux ; un calendrier permettant de conduire le processus de rédaction du concept d’établissement sur deux ans ; un guide et des recommandations pour différencier, aménager et adapter l’enseignement pour les élèves ayant des besoins particuliers ; des indicateurs pour garantir une mise en oeuvre cohérente et équitable du Concept 360° ; etc.

Des moyens accrus

Pour concrétiser les ambitions du Concept cantonal 360°, le DFJC a pu augmenter de 10,8% son budget alloué aux élèves en âge de scolarité obligatoire (chiffre 2020 par rapport à 2015). Cet effort significatif (+668 francs en moyenne par élève, +130 millions de francs au total) représente plus du double de l’augmentation démographique (+5,2% d’élèves pour la même période). Concrètement, c’est l’équivalent de 318 postes à plein temps qui ont été créés. Ce sont en priorité des postes d’enseignant·e·s spécialisé·e·s (+142) et d’assistant·e·s à l’intégration (+176). S’ajoute, à cet effort, la hausse progressive des moyens investis par la nouvelle Direction générale de l’enfance et de la jeunesse (DGEJ, ex-SPJ) dans le dispositif socio-éducatif en milieu scolaire, avec la création d’une trentaine de postes à plein temps d’éducateur·trice·s en milieu scolaire.

Le dispositif socio-éducatif en milieu scolaire, un nouveau partenariat en construction

Parmi les besoins particuliers d’élèves en mal d’intégration scolaire figurent, en bonne place, les comportements perturbateurs qui mettent en difficulté des enseignant·e·s et des directions d’école tout en mettant en danger la scolarité des enfants concernés. Ces comportements sont les signes de difficultés socio-éducatives plus larges de ces élèves, et ils appellent de nouvelles réponses. Celles-ci s’orientent notamment vers l’intervention d’éducateur·trice·s directement dans le champ de l’école et auprès des parents. Cette évolution, préconisée par le Concept cantonal 360°, initie un nouveau partenariat entre l’école et les professionnel·le·s de l’action socio-éducative dans la recherche d’un projet éducatif global pour les élèves.

Des pôles de compétences éducatifs dans chaque région scolaire

L’année scolaire 2020-2021 sera celle de la mise en œuvre des pôles régionaux de compétences éducatifs en milieu scolaire (PEMS), mesure phare du dispositif socio-éducatif ainsi renforcé. Les PEMS seront chargés de déployer les éducateur·trice·s en milieu scolaire (ESS) dans tous les établissements primaires et secondaires de leur région. Ils deviennent des interlocuteurs de proximité en matière socio-éducative pour les écoles.

Les PEMS ont été attribués à des institutions socio-éducatives œuvrant depuis de nombreuses années dans la politique socio-éducative de protection des mineurs. Ces institutions bénéficient d’une très bonne connaissance du milieu scolaire, acquise notamment aux travers des prestations existantes que sont les MATAS (Module d’activités temporaires alternatif à la scolarité) ou les ASEJ (accueils socio-éducatifs de jour). La création de ces pôles régionaux vise à assurer une coordination renforcée des mesures socio-éducatives dans le champ scolaire. Ce dispositif favorisera également une grande mobilité et une disponibilitéaccrue des équipes éducatives qui interviendront dans les établissements scolaires vaudois.

Un projet pilote dans les Alpes vaudoises

Le déploiement des ESS, à l’agenda de l’année scolaire 2020-2021, s’appuiera sur le projet pilote mené depuis janvier 2020 dans la région des Alpes vaudoises, première région scolaire à bénéficier de cette mesure. Cette expérience teste différentes modalités d’intervention des ESS. Elle aidera à préciser les contours du dispositif à l’épreuve du terrain. La Haute école de travail social de Lausanne (HETSL, anciennement EESP) a reçu le mandat d’évaluer les conditions de mise en œuvre du dispositif socio-éducatif dans la région des Alpes vaudoises et d’émettre des recommandations qui seront utiles à la mise en œuvre du dispositif dans les autres régions. Le rapport d’évaluation est attendu pour mars 2021. Toutefois, les premiers enseignements apportés par la démarche d’évaluation montrent déjà que le mode de fonctionnement régional favorise la réactivité des ESS et leur capacité à s’adapter aux situations rencontrées.

Le déploiement des éducateur·trice·s dans les écoles

L’arrivée des ESS dans les autres régions se fera à partir d’octobre 2020, au rythme du processus de co-construction du projet avec les établissements ainsi que du recrutement des professionnel·le·s. Les ESS interviennent principalement dans le champ de la prévention (niveau 2 du Concept 360°). Ils·elles aident au repérage des élèves présentant des difficultés socio-éducatives et ils·elles proposent des réponses précoces pour ces élèves. Leurs interventions sont multiples et elles devront être affinées progressivement : présence dans les écoles, observation, soutien aux directions et aux enseignant·e·s, suivi de situations individuelles, dialogue avec les parents, gestion de crise ou encore travail de réseau à l’intérieur et à l’extérieur de l’école. Ils·elles interviennent toujours en coordination avec les autres professionnel·le·s de l’école, en cherchant la complémentarité et la cohérence des soutiens apportés aux élèves. Ils·elles sont aussi impliqué·e·s dans la rédaction du concept d’établissement en contribuant à dresser un état des lieux des mesures socio-éducatives existantes au sein des établissements comme dans le réseau extérieur.

Projet pilote des Alpes vaudoises, un témoignage du terrain

Le démarrage du PEMS dans les Alpes vaudoises s’est fait en plusieurs phases, de la constitution de l’équipe au recensement des ressources existantes, tant à l’interne qu’à l’externe de l’école. Plusieurs rencontres ont également été effectuées avec les conseils de direction. Ce processus a permis de co-construire la prise en charge imaginée par les établissements scolaires. Nous avons commencé par aborder leurs attentes par rapport aux éducateurs, et ensuite défini le champ d’action de ceux-ci. Un cheminement de pensées et de prise en charge concrète s’est alors dessiné pour démarrer le plus rapidement possible, de manière réactive, afin de répondre aux besoins des professionnel·le·s de l’école face à des situations complexes d’élèves en difficulté.

Très vite, les éducateur·trice·s ont pu intervenir sur le terrain, amenant leur regard différent, proposant des clés de compréhension et des pistes d’action pour améliorer la situation. Loin de freiner leur action, la crise sanitaire et la fermeture des classes ont été au contraire une occasion de montrer que le PEMS était un interlocuteur précieux et fiable. Dans ces moments difficiles, il a prouvé sa capacité de s’adapter, tout comme l’école, à une situation extraordinaire, se montrant présent et soutenant auprès des divers professionnel·le·s, des élèves et de leurs familles.

Des questions stimulantes attendent désormais les partenaires. Comment concilier un travail éducatif mené sur le long terme avec un système scolaire jalonné par des échéances régulières et des critères
de réussite ou d’échec ? Quelle place donner à chaque professionnel·le dans ce système complexe pour que chacun·e puisse développer la collaboration de manière interdisciplinaire, dans son propre champ de compétences mais en s’inscrivant dans une démarche d’enrichissement mutuel ?
La diversité régionale et les ressources extérieures sont également des défis à relever, tant ces ressources doivent rester vivantes et servir de relais en cas de besoin.

Joëlle Cosandey, adjointe de direction et responsable régionale
Association de la Maison des jeunes, mdj-Szilassy

Michele Cherubini, directeur
Établissement primaire et secondaire Les Ormonts-Leysin

L’interdisciplinarité renforcée à tous les niveaux

L’année scolaire 2019-2020 a été consacrée aux préparatifs du dispositif socio-éducatif. Avec en particulier la rédaction de lignes directrices. Outre la désignation des PEMS, elle a été l’occasion de présentations et discussions réunissant des directeurs et directrices d’école par région.

La nouvelle année scolaire sera plus opérationnelle, avec la mise en œuvre effective du dispositif socio-éducatif. Cette étape suppose la tenue de rencontres régionales entre les acteur·trice·s concerné·e·s des établissements scolaires et des PEMS, accompagnés par l’Unité de pilotage de la prévention de la DGEJ. Ces rencontres seront l’occasion de porter une attention soutenue à la co-construction du dispositif en tenant compte non seulement des enjeux propres à chaque région, mais également des enjeux de chaque établissement scolaire. Ces moments permettront aussi de renforcer la collaboration entre le champ scolaire et le champ socio-éducatif, de fédérer les acteurs en trouvant un langage commun et en développant une vision partagée de l’école à visée inclusive.

Cette collaboration doit en premier lieu s’incarner au niveau des professionnel·le·s œuvrant auprès des élèves. Les nouveaux et nouvelles éducateur·trice·s scolaires devront s’intégrer comme une ressource complémentaire aux côtés des autres professionnel·le·s de l’encadrement scolaire comme les médiateur·trice·s, les délégué·e·s PSPS ou les infirmier·ère·s scolaires. Le récent rattachement de l’Unité de promotion de la santé et de prévention en milieu scolaire (UPSPS) au sein de la DGEJ facilitera cette articulation. Ensemble, ils·elles auront à faire vivre l’interdisciplinarité au bénéfice des enfants et élèves et de leur prise en charge cohérente et appropriée.

Le soutien à la parentalité

Le soutien à la parentalité est une autre mesure nouvellement développée dans le cadre du Concept 360°. La prestation « Histoire de parents d’élèves » s’est déployée à partir de la rentrée scolaire 2019-2020. Plus d’une cinquantaine de situations étaient suivies au printemps 2020. Les établissements sont invités à y recourir. Ils y ont été sensibilisés par des rencontres d’information. Les retours des écoles ont aussi permis d’ajuster la prestation. Les modalités ont également été reprécisées afin de faciliter l’accès direct des parents. Le soutien à la parentalité promis à des adaptations fera l’objet d’une réflexion élargie.

Les MATAS et l’ASEJ appelés à évoluer

Le dispositif socio-éducatif en milieu scolaire comprend toujours les prestations existantes que sont les modules d’activités temporaires alternatives à la scolarité (MATAS) et les accueils socio-éducatifs de jour (ASEJ) . Suite à une évaluation, des recommandations ont été formulées en vue d’améliorer le pilotage et le fonctionnement des MATAS. Ces deux prestations sont appelées à évoluer pour garantir leur complémentarité avec les missions menées, en amont, dans les écoles, par les éducateur·trice·s scolaires. À court terme, le fonctionnement de ces deux prestations n’est toutefois pas modifié.

Partager la page

Partager sur :