A. Histoire de l'imprimerie
1. Les débuts de l'imprimerie en Suisse
Utilisée à Mayence par Gutenberg à partir de 1450, l'impression par caractères mobiles en plomb révolutionne la fabrication du livre. Vers 1468, la technique nouvelle arrive à Bâle, amenée par Berthold Ruppel, un des compagnons de Gutenberg. On donne aux imprimés d’avant 1500 le nom d’incunables. Œuvres d'imprimeurs ambulants qui acceptaient des commandes à court terme, il en existe une trentaine pour le seul territoire helvétique. Après Bâle (1468), on connaît l’existence d’incunables provenant de Beromünster (1470-1473), Berthoud (1475), Genève (1478), Zurich (1479-1482), Rougemont (1481), Promenthoux près de Prangins (1482), Sion (1482), Lausanne (1493), etc. Le premier imprimé sur le territoire actuel du canton de Vaud date donc d’il y a 530 ans. Il s’agit d’un exemplaire du Fasciculus temporum de Werner Rolewinck imprimé en 1481 à Rougemont, prieuré clunisien situé à l’époque dans le comté de Gruyère. Résumant l’état des connaissances en histoire universelle telle qu’on la concevait alors, il présente une intéressante chronologie. Le Fasciculus temporum de Rougemont a été édité trente ans seulement après l’invention de l’imprimerie. On ne sait que très peu de choses de l’imprimeur à l’origine de cet ouvrage. Il s’agit probablement du moine Henri Wirczburg né près de Nuremberg. Il vivait dans des prieurés clunisiens et travaillait aussi comme imprimeur : à Genève vers 1479, à Rougemont en 1481 puis à Istein en Allemagne, non loin de Bâle, de 1484 à 1504. A la fin du 15e siècle, l’édition de livres est encore liée de très près aux milieux ecclésiaux comme elle l’a été durant tout le Moyen Age. A l’instar d’autres villes épiscopales, Lausanne comptait un scriptorium, dans lequel des moines copistes produisaient de précieux livres manuscrits. L’imprimerie va donner une plus large audience au savoir. Grâce aux livres plus nombreux, les sciences, les techniques et les arts vont beaucoup progresser, du simple fait que le nombre de personnes y ayant accès est plus grand.
Au 16e siècle, les auteurs vaudois font généralement publier leurs ouvrages à Genève, plus rarement à Berne, où s’impriment les actes officiels, les psautiers ainsi qu’une partie des catéchismes. La politique de puissance des autorités concentre en effet les centres d'impression dans les capitales cantonales (Genève, Neuchâtel, Berne, Fribourg, etc.). L'ouverture d'une imprimerie nécessite une concession qui n’est en général accordée qu'à des entrepreneurs résidant dans les chefs-lieux. Les imprimeries fondées sans autorisation dans des villes sujettes sont en butte à la répression du gouvernement. Peu après septembre 1555, Jean Rivery de Genève ouvre, par exemple, une imprimerie à Lausanne. Sur ordre du Conseil de Berne, celle-ci est fermée en octobre 1556, mais elle est rouverte en mai 1557. Jean rentre à Genève à la fin de 1558. Durant ces trois années, il imprime une dizaine de petits ouvrages. Berne ne supprime l'obligation de la concession (1767) qu'à l'époque des Lumières, lorsqu'elle ne peut plus interdire des imprimeries hors de la capitale, mais elle les soumet alors à une censure d'autant plus sévère.
2. Implantation durable à Lausanne
L’arrivée à Lausanne du Genevois Clément Gentil marque le début d’une belle aventure éditoriale. Au bénéfice d’une concession de Berne, Clément Gentil fonde en 1652 l’Almanach de Lausanne. A sa mort en 1669, la succession sera prise par son fils David puis son petit-fils Frédéric Gentil dès 1705. L’Almanach est ensuite édité par Jean Zimmerli (1726-1768) puis par François Grasset (1769-1773). Lecture populaire, il est diffusé généralement par des colporteurs, ce qui lui permet d’atteindre toutes les régions et toutes les couches sociales. Il donne les horaires des diligences, les dates des éclipses solaires et lunaires et, au 19e siècle, les tarifs postaux, les poids et mesures et de nombreux renseignements sur les autorités cantonales et le clergé. Les derniers numéros de l’Almanach de Lausanne sont édités en 1911 par Payot & Cie!
Le 18e siècle correspond à un petit âge d'or de l'imprimerie lausannoise, avec notamment l'activité de François Grasset (1758-1789), de Jean-Pierre Heubach (1764-1796) et la réimpression de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert. En plus des livres et des almanachs, les imprimeries sortaient aussi régulièrement de leurs presses des imprimés à usage courant, tels des feuilles volantes, des jeux de cartes et des gravures. Quant au 19e siècle, il est marqué entre autre par la multiplication du nombre des éditeurs, imprimeurs et lithographes lausannois.
3. Lausanne, capitale des arts graphiques
Les Trente Glorieuses (1945-1973) constituent une période faste non seulement pour l’économie européenne mais aussi pour les éditeurs lausannois. L’appareil de production n’a, en effet, pas été détruit durant la guerre. Quant au savoir-faire des imprimeurs helvétiques, il est reconnu loin à la ronde. Plusieurs éditeurs se spécialisent dans les ouvrages consacrés à l’art comme, par exemple, les maisons Skira (dès 1949) et Edita (dès 1953). Cerise sur le gâteau, La Venoge et autres poèmes de Jean Villard-Gilles, publié à Lausanne, décroche le prix du plus beau livre suisse de l’année 1960. Une partie des œuvres produites par des entreprises lausannoises comme les Imprimeries réunies, l’Imprimerie Centrale, Edita ou les Editions Payot est aujourd’hui conservée aux Archives cantonales vaudoises.
Le 9e Congrès international des industries graphiques a lieu à Lausanne en 1957. Au Palais de Beaulieu, l’exposition Graphic 57 reçoit en quinze jours plus de 200 000 visiteurs!