L’éducation numérique, un chantier en progression

Un enjeu de société

De manière grandissante, la numérisation de notre société impacte toutes les activités humaines, qu’elles soient professionnelles ou privées. Dans cet environnement en mutation, le système vaudois d’éducation et de formation a la mission de prévenir et de réduire un risque croissant de fracture numérique. Pour ce faire, il a la responsabilité de préparer à cette réalité les jeunes d’aujourd’hui qui seront les citoyen·ne·s de demain. Il doit permettre leur intégration sociale et professionnelle et veiller à ce qu’ils·elles puissent tou·te·s s’épanouir au quotidien.

Pour relever ce défi, et afin de garder l’humain au centre de cette évolution, une éducation de tous les élèves au numérique et à ses multiples enjeux ainsi qu’une formation à la science informatique s’imposent. Tous les cantons s’attellent à cette tâche à leur manière et avec leurs ressources propres. Ils s'engagent à respecter les grandes lignes qu’ils se sont donné tant au niveau national que régional. L’année scolaire 2018-2019 a en effet été mise à profit par la Conférence des directeurs de l’instruction publique (CDIP) pour adopter sa Stratégie nationale pour la numérisation de l’éducation. La Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP) a pour sa part adopté son Plan d’action en faveur de l’éducation numérique. Le Plan d'études romand est par ailleurs en révision pour intégrer les objectifs d'enseignement de l'éducation numérique.

Soulignons que la formation au numérique est une chance pour faire évoluer les manières de penser, de croiser les regards et d’insuffler de nouvelles dynamiques interdisciplinaires. C’est aussi une opportunité sans précédent d’éveiller l’intérêt des femmes pour les métiers des domaines des mathématiques, de l’informatique, des sciences naturelles et de la technique (MINT). Enfin, dans le contexte du Concept 360 qui vise une école vaudoise davantage inclusive, c’est renforcer l'usage du numérique pour permettre à tou·te·s d'apprendre.

Un cadre en trois volets

En 2017 et en 2018, le Conseil d’État a fait de l’éducation numérique une double priorité politique de son Programme de législature et de sa première Stratégie numérique. Cette priorité se décline dans un plan d’actions ambitieux comprenant trois volets :

  • Le premier donne un rôle central aux enseignant·e·s afin qu’ils·elles disposent des compétences requises pour assurer la formation de tous les élèves dans un environnement technologique en mutation. Il leur revient donc d’assumer un rôle capital dans la transition numérique de la société.

  • Le deuxième doit permettre d’initier les élèves à la maîtrise de la science informatique, aux humanités digitales ainsi qu’aux usages du numérique.

  • Le troisième prévoit de créer, au niveau cantonal, les conditions cadres permettant le développement d’environnements d’apprentissage propices à l’éducation numérique dans toutes les classes, pour tou·te·s les enseignant·e·s et dans toutes les disciplines.

Une première suisse, l’éducation numérique dès le 1er cycle

Le projet d’éducation numérique mis sur pied par le DFJC a d’emblée pris en compte les trois volets du plan d’action du Conseil d’État. Dans le cadre des deux premiers volets et dès la rentrée 2018, dix établissements pilotes de la scolarité obligatoire ont été choisis pour introduire de la science informatique au premier cycle (années 1P à 4 P) sous l’égide de l’EPFL.

À souligner : l’introduction de l’éducation numérique chez les tout petits se pratique principalement en « débranché », c’est-à-dire sans recourir à l’utilisation d’appareils informatiques (ordinateurs, tablettes).

Les nouvelles formations continues qui ont été dispensées l‘année scolaire écoulée sont le résultat d’une collaboration fructueuse entre l’EPFL, l’UNIL, la HEP et la Direction pédagogique de l’enseignement obligatoire. Une collaboration appelée à s’intensifier.

Le DFJC s’est aussi saisi du troisième volet du plan d’action du Conseil d’État. La création d’environnements d’apprentissage propices à l’éducation numérique dans toutes les classes est un prérequis indispensable à la réussite de cette politique publique ambitieuse. À ce jour, et selon les résultats des premiers sondages conduits ces derniers mois dans les établissements de la scolarité obligatoire, la moitié des salles de classe du canton ne disposent pas encore d’équipements numériques suffisants (connexion internet haut débit, affichage digital, réseau sans fil performant et sécurisé). Ce constat a permis d’ouvrir de nouvelles discussions avec les représentants des communes qui sont les propriétaires des bâtiments scolaires. Une mise à niveau de ces mêmes équipements au niveau du postobligatoire sera aussi incontournable.

Un premier bilan positif et une science informatique au féminin

L'évaluation intermédiaire de la première année de pilotage, coordonnée par l'UNIL, permet de tirer un bilan positif. Ces leçons vont permettre de préparer efficacement la deuxième année de pilotage dès la rentrée scolaire d’août 2019.

À ce stade, 97% des enseignant·e·s faisant partie des dix établissements pilotes de l’enseignement obligatoire et ayant suivi la première formation continue ont introduit avec succès 2’312 périodes d’activité de science informatique dans leur classe, en 1 -2 P (807 périodes) et en 3-4P (1’227). Cela correspondrait à 0.66 heure hebdomadaire durant cette période pilote. En tout, ce sont 1434 périodes d’activités robotiques et 878 périodes d’activités non robotiques qui ont été réalisées.

Même s’il est encore trop tôt pour tirer un bilan des nouvelles compétences acquises par les élèves, ceux-ci ont été partout enthousiastes et volontaires. Du côté des enseignant·e·s, ils·elles se sont montré·e·s très satisfait·e·s du format, de la richesse et de la qualité de la formation. L’intérêt pour le « débranché » a été clairement mis en avant. 

Par ailleurs, le corps enseignant du cycle 1 étant majoritairement féminin, il convient de souligner l’engagement tout particulier des enseignantes dans les premiers gestes de transmission des bases de la science informatique aux plus jeunes élèves. Elles ont joué un rôle clé dans la réussite de cette première année en étant pionnières dans un domaine jusqu’ici très masculin. Elles seront d'ailleurs de plus en plus sollicitées au fur et à mesure de l'avance du projet.

Du côté de l’enseignement spécialisé, deux projets pilotes ont débuté avec succès. Ils couvrent les aspects suivants : « La pensée computationnelle comme soutien aux apprentissages » (Fondation Entre-Lacs) et « Le numérique en éducation précoce spécialisée » (Service éducatif itinérant de la Fondation de Verdeil). De nombreux autres projets visant notamment l'accessibilité pour tou·te·s sont en cours de construction ou de réalisation.

Enfin, les établissements et écoles du postobligatoire ont mené différents projets pilotes dans les domaines suivants : « Sensibilisation aux outils numériques pédagogiques et à l’informatique aux futurs étudiants de la HEP et aux futurs enseignants vaudois » (Gymnase de Morges), « Cyberharcèlement » (École professionnelle du Chablais Aigle) et « Mise en place de MOOCs pour les apprentis » (Centre professionnel du Nord Vaudois).

Outils et équipements : des réflexions en cours et trois priorités

Les réflexions sur les futurs besoins en infrastructure informatique, en matériel informatique pédagogique et en logiciels progressent. Elles devront être affinées ces prochains mois en tirant profit des expériences pilotes et du partenariat entre les divers acteurs du projet. En effet, le déploiement de ces moyens informatiques devra répondre à des critères précis découlant, par exemple, du niveau des connaissances numériques des enseignant·e·s, de critères d’utilité pédagogique et d’intégration avérée pour l’élève et la classe, de critères d’économicité, de considérations de développement durable et de santé publique. Ces différents critères, couplés à une planification de déploiement soigneusement orchestrée, doivent permettre d’échelonner les investissements tout en ne laissant aucun élève, aucune classe et aucun établissement sur la touche. 

Trois priorités peuvent déjà être évoquées. Tout d’abord, la nécessité de disposer dans les établissements d'accès internet à haut débit et de réseaux sans fil (WiFi) professionnels, gérés de manière uniforme et centralisée. Sans réseau informatique performant et sécurisé, impossible de déployer davantage d’appareils connectés. Cette priorité s’inscrit d’ailleurs parfaitement dans la logique de la Stratégie numérique du Conseil d’État et plus particulièrement dans le cadre du deuxième axe stratégique à mettre en œuvre et qui concerne les infrastructures numériques et la sécurité. En effet, la transition numérique de l’école et les aspects de cyberadministration qui en découlent nécessiteront que les réseaux informatiques soient très fiables, entièrement sécurisés et respectueux de la santé des utilisateurs. 

La deuxième priorité concerne le remplacement des fonctionnalités de la plateforme pédagogique educanet2 qui offre au monde suisse de l’enseignement un espace virtuel de travail et d’échanges privilégié depuis deux décennies. Cette plateforme, encore utilisée, mais devenue obsolète face à l’émergence de nouvelles plateformes collaboratives, sera mise hors service le 31 décembre 2020. Les conséquences pour le canton ne sont pas négligeables. En effet, educanet2 offre aujourd’hui trois fonctionnalités principales que le canton doit prendre à sa charge d’ici à l’été 2020 : l'adresse électronique professionnelle des enseignant·e·s aujourd’hui délivré par educanet2 ; l’utilisation de cet email comme moyen d’authentification ; enfin, une solution collaborative. Aujourd’hui, enseignant·e·s et élèves ont accès à de nombreuses ressources informatiques en ligne par le biais de leur email educanet2. Pour répondre à l’urgence des deux premières fonctionnalités, le DFJC et la DSI ont lancé des travaux pour remédier vite et de manière optimale à ces problématiques. Pour ce qui est de trouver une solution collaborative répondant aux besoins de l’école à chaque cycle, diverses options sont à l’étude. 

La troisième priorité concerne les questions de cyberadministration de l’école et la gouvernance de l’informatique pédagogique : des aspects indispensables à l’accompagnement de la transition numérique de tout le système de formation. Des réflexions sur ces sujets ont commencé avec l’ensemble des partenaires.

Une feuille de route pour la suite

Ce bilan de la première année du projet riche en apprentissages et en succès est l’occasion de rappeler que les expériences pilotes doivent s’étendre à l’entier des cycles d’enseignement d’ici 2021 au plus tard. Et dès cette même année, il est prévu de commencer à déployer l’éducation numérique sur l’ensemble des classes du cycle 1 et progressivement sur les autres cycles.

Au niveau de l’enseignement obligatoire, les périodes d’activité de science informatique et les projets numériques continueront au cycle 1 dans les dix établissements pilotes par un suivi des enseignant·e·s. Deux nouveaux établissements pilotes viendront rejoindre le panel du projet. Sur la base des expériences de l’an 1, il s’agira de tester un modèle modifié de formation continue des enseignant·e·s, qui passera de quatre à trois jours de formation. Les deux nouveaux établissements sont Villars-le-Terroir – Poliez-Pittet et Pierrefleur à Lausanne. Les projets pilotes couvriront ainsi sept des huit régions du canton. 

Parallèlement, l’introduction de la science informatique démarrera dans les dix établissements pilotes initiaux au cycle 2 en 5-6P. Des activités en « débranché » sont aussi au programme. Pour accélérer l'introduction au cycle 2 en 7-8P, il est envisagé d'organiser des semaines dédiées à l'éducation numérique en fin d'année scolaire.

Au secondaire II, en école de maturité, plusieurs enseignants introduiront de la science informatique pendant l’heure de bureautique traditionnellement inscrite au programme de la 1re année. Ce pilote permettra de rassembler des expériences en vue de l’introduction, dès la rentrée 2022, des quatre périodes d’informatique imposées, au niveau national, par le Règlement de reconnaissance des certificats de maturité (RRM) et son ordonnance d’application (ORM) qui ont été révisés dans ce sens.

Enfin, d’autres projets pilotes verront le jour dans les établissements de la pédagogie spécialisée. De plus, et à la faveur du rapprochement de l’enseignement obligatoire (DGEO) avec l’enseignement spécialisé (SESAF), il est prévu d’intégrer les expériences de la pédagogie spécialisée dans l’éducation numérique à l’école obligatoire.

Une organisation simple et des responsabilités claires

La direction globale du projet reste confiée au Secrétariat général du DFJC. La formation continue en éducation numérique des enseignant·e·s est confiée à l’EPFL (Centre LEARN). La mise à jour de la formation initiale des enseignant·e·s relève de la HEP Vaud, qui travaille de concert avec l’UNIL et l’EPFL et se base principalement sur la nouvelle formation continue que cette dernière dispense. En plus de la science informatique, les éléments d’humanités digitales et d’usages du numérique viendront peu à peu compléter la formation continue dispensée par l’EPFL. Les questions de déploiement de l’éducation numérique sont traitées par les différents ordres d’enseignement sur les impulsions des instituts de formation. Un comité de pilotage stratégique présidé par la cheffe du DFJC et réunissant les chefs des directions et services du département et les responsables des institutions de formation est mis sur pied à la rentrée scolaire d’août 2019. Enfin, des nouveaux canaux d’information spécialement dédiés au déploiement de l’éducation numérique dans l’école vaudoise verront le jour l’automne prochain.

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