Sur un plan légal, le droit de la famille favorise le divorce à l’amiable depuis une vingtaine d’années, et le maintien de l’autorité parentale conjointe est en principe la règle depuis 2014. Ces principes de base concrétisent la volonté du législateur de préserver le droit de l’enfant d’avoir des relations personnelles avec chacun de ses parents, afin de garantir son développement affectif et personnel, ainsi que sa sécurité socio-économique. Et pourtant, lors d’un divorce (dans le cas d’un mariage sur deux en Suisse) ou d’une séparation d’un couple marié ou non marié, d’importants conflits se cristallisent souvent entre les parents, nécessitant le recours à de nombreuses ressources sociales et judiciaires.
Prise en compte de l’intérêt de l’enfant
Afin de protéger les enfants des effets délétères de ces séparations conjugales, l’Ordre judiciaire vaudois (OJV) et la Direction générale de l’enfance et de la jeunesse (DGEJ) ont décidé de lancer, dans l’Est du canton, un projet pilote commun. Ce projet mise sur l’orientation des parents vers la coopération et le réaménagement non conflictuel de leur coparentalité, selon le modèle du consensus parental dit de Cochem.
Ce modèle vise en premier lieu à convaincre les parents en situation de séparation ou de divorce qu’ils ont une responsabilité commune vis-à-vis de leurs enfants. Dans cette perspective, obligation leur est faite de se rencontrer, de communiquer et de trouver un accord satisfaisant dans l’intérêt de l’enfant. L’objectif est ainsi d’éviter que la procédure judiciaire n’aggrave les tensions. En effet, le caractère écrit de cette dernière et sa durée accroissent le risque d’une surenchère émotionnelle, où les parents s’agressent mutuellement et montent en épingle le moindre incident.
Coopération pluridisciplinaire entre tous les intervenants
Le projet consiste à mettre en place, sous l’impulsion du juge, une coopération pluridisciplinaire de tous les intervenants professionnels autour des familles (magistrats, avocats, experts, médiateurs, intervenants sociaux), afin de véhiculer un message identique. Le but est d’amener les parents en conflit à trouver des solutions à l’amiable, qui répondent aux besoins des enfants et qui ne fassent pas de ces derniers un enjeu dans les tensions qui les opposent.
Concrètement, le modèle se fonde sur la mise en place d’une procédure judiciaire adaptée et rapide. Saisie par l’une des partie, l’autorité judiciaire fixe une première audience dévolue à la conciliation. Dans l’intervalle, elle procède à différentes mesures d’instruction préliminaires dont, en principe, l’audition des enfants mineurs. Sur cette base, lors de l’audience de conciliation, l’autorité judiciaire aide les parents à trouver une solution conforme à l’intérêt des enfants. Si aucune solution n’est trouvée, le tribunal oriente les parents vers une des mesures d’accompagnement prévues (médiation, travail de coparentalité ou psychothérapie), avant de fixer une nouvelle séance de conciliation. À terme, soit la situation des parties est réglée par un accord qui peut être ratifié par un juge, soit la procédure judiciaire se poursuit en vue de rendre un jugement.
Les expériences similaires menées dans d’autres cantons, notamment en Valais, ou à l’étranger sont très positives et montrent que, dans l'immense majorité des cas, des solutions solides sont trouvées.
Projet pilote dans l’Est vaudois en 2022
Le projet vaudois sera élaboré en collaboration avec l'ensemble des acteurs concernés, dans l’objectif de déployer le pilote au cours du dernier trimestre de l’année 2022. Il sera mené au sein du Tribunal d’arrondissement de l’Est vaudois, des justices de paix des districts de la Riviera-Pays d’Enhaut, de Lavaux-Oron et d’Aigle, ainsi que de l’Office régional de protection des mineurs de l’Est et de l’Unité Evaluation et Missions spécifiques de la DGEJ. Si les résultats constatés à l’issue de cette première phase sont favorables, le modèle du consensus parental devrait être étendu à l’ensemble du canton de Vaud.