22_POS_31 - Postulat Sonya Butera et consorts au nom du groupe socialiste - Avoir plus d'une langue à son arc : quelle est la place accordée aux cours de langue et culture d'origine dans le canton de Vaud.
Séance du Grand Conseil du mardi 7 février 2023, point 15 de l'ordre du jour
Texte déposé
Pays multiculturel soucieux de sa cohésion nationale, la Suisse encourage depuis longtemps l'enseignement des langues, notamment les langues nationales, à l'école obligatoire... avec des retombées plus que positives sur la compétitivité de son économie de service et ses échanges économiques avec plusieurs pays européens. L'Observatoire Économie-Langues-Formationi estime que la plus-value apportée par le plurilinguisme au PIB de la Suisse est d'environ 10%.
Selon une récente enquêteii de l'Office Fédéral de la Statistique, la population suisse devient de plus en plus polyglotte : alors que le monolinguisme est la norme chez nos ainés (64% des plus de 75 ans), ce n'est désormais plus qu'une très petite minorité des 15 à 24 ans (13%) qui ne parle qu'une seule langue. Cette évolution est particulièrement réjouissante puisque plus une deuxième langue est apprise tôt, meilleure en est sa maîtrise et plus facile s'avère l’apprentissage ultérieur d'autres langues.
Autrefois suspecté d'interférer avec les apprentissages, le plurilinguisme a le vent en poupe. Les recherches en psychologie du développement, en psychologie cognitive, en pédagogie ou encore en neuropsychologie ont démontré que la co-existence de deux langues, voire plus, est bénéfique au fonctionnement cérébral, notamment au moment des apprentissages et lors du vieillissement. Ainsi, non seulement les enfants bilingues réussissent mieux les tests cognitifs impliquant des tâches complexes, mais à l'autre extrémité de la vie, les démences, maladie d'Alzheimer par exemple, débutent plus tardivement chez les personnes parlant régulièrement plusieurs langues.
Les grandes lignes de la stratégie d’enseignement des langues ont été définies par la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP); celles-ci, ainsi que les recommandations émises par la CDIP, sont reprises dans le concordat Harmosiii. Les objectifs actuellement visés par l'enseignement des langues à l'école obligatoire sont une solide maîtrise orale et écrite de la langue locale et l'acquisition des "compétences essentielles dans une deuxième langue nationale et dans une autre langue étrangère au moins"
En plus d'énoncer les attentes concernant l'enseignement des langues "étrangères" en milieu scolaire, le concordat Harmos, en reconnaissance de l'atout de scolarisation et d'intégration que représente la valorisation de la langue d’origine des élèves allophones, soutient très explicitement les cours de langue et culture d'origine (LCO) organisés à l'intention des élèves des différentes communautés linguistiques (art. 4 al.4).
Les cantons confient généralement la responsabilité de faciliter la tenue des cours LCO au département cantonal en charge de la formation. Les cours sont organisés et dispensés par diverses entités : ambassades ou consulats, département de l'éducation, associations privées. Ils débouchent sur des certifications allant d'une simple attestation de participation à un diplôme de scolarisation ou une validation par un certificat européen de connaissance de la langue enseignée (CELI pour l'Italien, DELE pour l'Espagnol, par exemple).
Il s'avère que l'accueil réservé à ces cours et, donc, leur accompagnement varient fortement d'un canton à l'autre. Dans certains cantons, il arrive que les cours LCO soient organisés sur le temps d'école ou que les appréciations des enseignant.e.s LCO soient prises en considération dans l'évaluation annuelle ou l'orientation de l'élève. Ils bénéficient parfois même d'une reconnaissance officielle, pour autant qu'ils remplissent des critères définis par le département cantonal de la formation.
Dans le canton de Vaud, la LEOiv prévoit que l'école apporte son soutien aux cours LCO par "des mesures d’organisation" (art.8). La responsabilité d'informer les "parents concernés" et de faciliter l'accès aux locaux scolaires incombe à la direction des établissements scolaires; et les évaluations d'un.e élève par son enseignant.e LCO peuvent être inscrites dans son agenda (RLEO art. 6)v. Il est également à relever que plusieurs cantons romands ont choisi de centraliser l'information relative aux cours LCO, garantissant ainsi aux familles concernées l'accessibilité à l'information au delà du simple bouche-à-oreille. Les informations vaudoises les plus aisées à obtenir concernent (uniquement) les cours LCO dispensés à Lausanne. Ces données, centralisées par les autorités lausannoises, sont disponibles sur le site internet de la villevi.
En 2015, dans sa réponse à l'interpellation (14_INT_290)viide la députée Romano-Malagrifa, le Conseil d'Etat a annoncé que plusieurs opérations interdépartementales étaient en cours avec le Bureau cantonal d'intégration afin de stabiliser les liens entre l'école vaudoise et les écoles de langue et culture d'origine (ELCO) et de renforcer le dispositif d'accompagnement des enfants allophones ne fréquentant pas encore l'école obligatoire. Cette réponse faisait également état d'une grande disparité qualitative dans les cours offerts et mentionnait qu'aucune information relative aux cours LCO et leur fréquentation par les élèves de l'école obligatoire vaudoise n'était systématiquement récoltée.
Au cours des 7 dernières années, les ELCO semblent effectivement avoir bénéficié d'une certaine attention. Ils ont notamment été discutés lors des XVIIe assises de la chambre cantonale consultative des immigrés (CCCI)viii et la Haute École Pédagogique du Canton de Vaud s'est récemment engagé dans un projet de formation destiné aux enseignant·e·s des ELCOix.
Ce postulat demande au Conseil d’Etat
1) D'établir un rapport détaillant l'offre de cours LCO dans le canton de Vaud.
Cet état des lieux comprendra, entre autres, les informations suivantes :
- un recensement des langues enseignées avec le diplôme obtenu (attestation de participation, certification CECR, équivalence d'un titre délivré par le pays d'origine...),
- une liste des langues fortement présentes pour lesquelles de tels cours ne sont pas offerts
- la distribution géographique des cours LCO à travers le canton (régions/communes/EPS),
- une estimation du nombre d'élèves allophones fréquentant ces cours (nombre annuel moyen par exemple),
ainsi qu'une présentation des démarches et des projets de collaboration entrepris depuis 2015 pour "stabiliser" les liens entre l'école vaudoise et les ELCO.
2) D'étudier l'opportunité de mettre en place une procédure de reconnaissance ou d'accréditation des cours LCO existants, notamment ceux ne débouchant pas sur une certification "reconnue" (tels qu'un diplôme de scolarisation ou un test de langue CECR)
3) D'envisager, dans un but informatif mais également de promotion du plurilinguisme, une communication plus proactive de l'existence de ces cours auprès des familles, par l'insertion sur le site officiel de l'Etat de Vaud, d'une page centralisant toutes les informations concernant les cours LCO, à l'instar de ce qui se fait dans d'autres cantons romands ou à la ville de Lausanne;
et de réfléchir à toute autre mesure qui permettrait aux directions des EPS de remplir efficacement l'obligation de renseigner les familles telle que définie à l'art. 4 RLEO (affiches, circulaires...)
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Pierre Zwahlen | VER |
Muriel Cuendet Schmidt | SOC |
Felix Stürner | VER |
Valérie Induni | SOC |
Jean-Louis Radice | V'L |
Sergei Aschwanden | PLR |
Anne-Sophie Betschart | SOC |
Yannick Maury | VER |
Muriel Thalmann | SOC |
Stéphane Montangero | SOC |
Sylvie Pittet Blanchette | SOC |
Didier Lohri | VER |
Catherine Labouchère | PLR |
Carine Carvalho | SOC |
Delphine Probst | SOC |
Cédric Echenard | SOC |
Sébastien Cala | SOC |
Josephine Byrne Garelli | PLR |
Léonard Studer | |
Alexandre Démétriadès | SOC |
Vincent Keller | EP |
Marc Vuilleumier | EP |
Amélie Cherbuin | SOC |
Julien Eggenberger | SOC |
Olivier Gfeller | SOC |
Séverine Evéquoz | VER |
Claire Attinger Doepper | SOC |
Blaise Vionnet | V'L |
Jean-Claude Glardon | SOC |
Salvatore Guarna | SOC |
Nathalie Jaccard | VER |
Werner Riesen | UDC |
Yves Paccaud | SOC |
Pierre Fonjallaz | VER |
Sabine Glauser Krug | VER |
Elodie Lopez | EP |
Julien Cuérel | UDC |
Sébastien Pedroli | SOC |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourJe vais me plier aux ordres de la présidente du Conseil d’Etat et serai extrêmement bref. Le Conseil d’Etat est favorable à ce postulat, tout en rappelant qu’il existe un cadre légal fédéral, intercantonal et cantonal via la Loi sur l’enseignement obligatoire (LEO) et le Concordat Harmos. Il faut également préciser que ce n’est pas le rôle de l’école que de créer ce genre de cours, mais aux communautés d’origine. Je vous invite donc à renvoyer ce postulat au Conseil d’Etat.
La discussion est ouverte.
Je serai un peu plus longue que M. le vice-président de la commission pour défendre le postulat de notre ancienne collègue, Mme Sonya Butera. Etre bilingue ou trilingue est sans doute un atout tant pour la scolarisation que pour l’insertion professionnelle. Renforcer les compétences langagières et le plurilinguisme a des avantages certains pour l’économie, mais aussi pour les échanges entre les personnes et les pays. Le Concordat Harmos en reconnaissance de l’atout pour la scolarisation et l’intégration que représente la valorisation de la langue d’origine des élèves allophones, soutient très explicitement les cours de langue et de culture d’origine. Parce qu’en apprenant à parler la langue maternelle de ses parents et grands-parents avec affluence, les enfants peuvent également améliorer leur compréhension et leur utilisation du français, ainsi que l’apprentissage d’autres langues. C’est pour cette raison que nous vous invitons à soutenir ce postulat qui demande un état des lieux de l’enseignement des langues et des cultures d’origine, dans notre canton, d’étudier l’opportunité de mettre en place une procédure de reconnaissance ou d’accréditation des cours existants et d’envisager une communication proactive sur l’existence de ces cours auprès des familles. L’enseignement de la langue d’origine aide à la communication intergénérationnelle et interculturelle, ce qui soutient l’intégration de toute la famille dans la société d’accueil. En effet, en conservant la langue maternelle des parents et grands-parents, les jeunes peuvent mieux communiquer avec leur famille et leurs amis dans leur pays d’origine et transmettre leur culture aux générations futures. C’est une invitation au dialogue interculturel qui soutient fortement le bien-être, l’estime de soi, la confiance en soi et l’inclusion des jeunes. Nous soutiendrons les conclusions du rapport de la commission et nous vous invitons à faire de même.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Le rapport du Conseil d’Etat est approuvé à l’unanimité.