22_LEG_272 - Exposé des motifs et projet de loi modifiant la loi sur la santé publique du 29 mai 1985 et rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion Julien Eggenberger - Pour l'interdiction des "thérapies de conversion" (21_MOT_6) (1er débat) (suite des débats).
Séance du Grand Conseil du mardi 3 septembre 2024, point 10 de l'ordre du jour
Documents
- Tableau miroir 22_LEG_272 avant 1er débat au GC
- Rapport de majorité de la commission - RC maj 22_LEG_272 - Gérard Mojon
- Texte adopté par CE - EMPL modifiant la LSP et rapport motion Eggenberger - thérapies de conversion - publié
- Rapport de minorité de la commission - RC min 22_LEG_272 - Sylvie Podio
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourArt. 71a. –
Le débat est repris.
Dans le but de freiner certains thérapeutes enthousiastes, désireux d’intervenir rapidement et avec force, et d’inciter les jeunes à la prudence dans une période de leur vie caractérisée par des questionnements identitaires, un commissaire propose d’ajouter une nouvelle lettre c à la teneur suivante :
« Art. 71a. – Al. 5, lit. c (nouvelle) : le fait d’inviter à la prudence et à la réflexion, tout en respectant son autodétermination, une personne qui s’interroge sur son identité de genre et qui envisage un traitement prévu à la lettre b.»
Les commissaires opposés à cet amendement précisent que les processus de conversion sont longs et difficiles. Les craintes de traitements lourds prescrits à la légère ne sont donc pas fondées à leurs yeux. L’amendement pourrait laisser entendre que les personnes concernées ne mesurent pas totalement les conséquences de leur acte et qu’elles seraient ainsi incapables de se déterminer. Le rappel du consentement libre et éclairé du patient, comme prévu à la lettre b, suffit.
A l’inverse, les commissaires favorables à cet amendement estiment qu’il n’entrainerait aucun problème pour les patients profondément motivés. L’amendement introduit la notion de durée en vue d’évaluer la motivation des personnes concernées, à l’instar de ce qui se fait pour d’autres interventions difficilement réversibles. Inciter à la prudence et se donner du temps permet d’éviter des revirements douloureux. Si la lettre b garantit un consentement libre et éclairé à un moment, la lettre c ajouterait un délai pour éprouver dans le temps une décision majeure du ou de la patiente.
L’amendement a été adopté par la commission par 8 voix contre 6 et 1 abstention.
Comme précisé lors de la discussion d’entrée en matière, la minorité invite le Grand Conseil à rejeter cet amendement. Il constitue un doublon de la lettre b amendée, reprenant seulement certaines des conditions déjà existantes et nécessaires au consentement libre et éclairé, tout en en omettant d’autres, avec l’effet inverse. Du point de vue de la minorité, cet amendement envoie un signal positif aux thérapeutes réfractaires aux soins d’affirmation, alors que la loi vise à interdire les thérapies de conversion ainsi que les actions qui s’en rapprochent. De plus, il véhicule un message négatif envers les personnes concernées en remettant en question leur capacité d’autodétermination et de discernement. L’amendement présente également une vision des traitements liés à la transidentité comme étant moins acceptables que d’autres traitements chirurgicaux. En effet, tout traitement chirurgical est irréversible, mais aucun ne bénéficie d’une spécificité légale affaiblissant l’article 23 de la LSP traitant du consentement libre et éclairé. La minorité recommande donc de refuser cet amendement.
Je souhaite développer les raisons nous ayant conduits à introduire l’alinéa c, qui vise à encourager la prudence et la réflexion pour les personnes envisageant une réassignation de genre, tout en respectant leur autodétermination. Je vais mentionner quelques faits objectifs.
Premièrement, comme que je l’ai mentionné la semaine passée, l’adolescence est une période complexe marquée par la maturation cérébrale, laquelle peut prendre des années, avec une variabilité émotionnelle et cognitive, impliquant une certaine instabilité décisionnelle.
Deuxièmement, la situation dans certains pays européens est préoccupante. La Suède, pionnière dans les réassignations de genre depuis environ 25 ans, a décidé de restreindre par deux décisions sa position. En février 2022, elle a restreint les traitements hormonaux pour les mineurs, les limitant aux études scientifiques. En décembre 2022, elle a également stoppé les mastectomies chez les mineurs, sauf dans le cadre de protocoles de recherche. La Finlande a fait de même en 2020, et la France a émis des réserves sur les traitements hormonaux pour les mineurs. Il est important de réaliser que la réversibilité de ces traitements d’assignation de genre pose des problèmes majeurs. Plus on avance dans le traitement, plus la possibilité de retour en arrière diminue.
A ce sujet, je tiens à mentionner la consultation spécialisée du CHUV, que j’ai pu rencontrer il y a trois mois, lors d’une journée de formation. Seuls 10 % des patients arrivent au terme du processus, ce qui témoigne du sérieux de leur accompagnement. Ils n’ont eu que deux demandes de retour en arrière jusqu’à présent. En Suède et au Royaume-Uni, les demandes de détransition explosent, probablement en raison d’un manque de réflexion et de prudence dans la démarche. Si seuls 10 % des patients arrivent au terme du processus au CHUV, 90 % des patients interrompent leur traitement en cours de route. A certains stades, la réversibilité n’est plus possible, en particulier pour les traitements chirurgicaux, mais aussi pour les conséquences durables et irréversibles des traitements hormonaux, tels que ceux affectant la voix. C’est justement en raison de cette irréversibilité que nous invitons à la réflexion et à la prudence.
Troisièmement, nous manquons actuellement d’études scientifiques pour évaluer les conséquences à long terme des thérapies de réassignation. Il n’existe aucune guideline ou ligne de conduite qui orientent les professionnels. Actuellement, nous n’avons que des avis d’experts, dont les avis varient beaucoup.
Pour conclure, je souhaite citer deux témoignages. Le premier, publié dans le 20 Minutes il y a deux semaines, mentionne : « L’égérie des transgenres regrette son changement de sexe. Christian Brönimann, devenu Nadia il y a 26 ans, est la femme trans la plus célèbre de Suisse. Aujourd’hui, elle estime que l’opération était une erreur et se sent coincée dans son rôle féminin. La femme trans, âgée de 55 ans, tire un bilan amer de son changement de sexe et regrette sa décision. Nadia Brönimann critique depuis un certain temps la manière dont sont pris en charge les jeunes qui se sentent trans. Elle estime qu’on les traite beaucoup trop tôt et trop rapidement avec des médicaments aux conséquences radicales. ». Le second témoignage provient d’un article du 24 Heures du 31 août dans lequel trois médecins genevois, le docteur Daniel Alperin, pédiatre et enseignant aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), le docteur Jacques de Haller, ancien président de l’Association médicale suisse (FMH), et la doctoresse Nicole Pellaud, ancienne présidente de la Société suisse de pédiatrie, appellent à la prudence. Selon ces médecins, « des traitements irréversibles sont entrepris sur des mineurs alors que leur bénéfice n’a pas été démontré. » Ils s’inquiètent de l’augmentation du nombre de mastectomies, qui sont passées d’une seule en 2016 à 114 en 2021 et indiquent : « Il est périlleux de proposer des traitements médicamenteux ou des traitements chirurgicaux définitifs au moment de l’adolescence. Plutôt que de se précipiter vers l’irréversible, nous préférons dire à nos patients que tout est ouvert et qu’il faut prendre le temps de la réflexion ».
C’est pour ces raisons que nous avons proposé cet amendement, qui vise à encourager la réflexion et à la prudence, tout en respectant l’autodétermination. Je vous invite donc à soutenir cet amendement, afin de prévenir des souffrances supplémentaires à bon nombre de personnes.
Cet amendement ne vise qu’à encourager la prudence et la réflexion, rien de plus. Il ne remet aucunement en cause le fait que les thérapies dites de conversion sont traumatisantes, tant sur le plan psychologique que physique, et qu’elles doivent être interdites. Son objectif est d’appuyer l’amendement à la lettre b. Pour ma part, je considère qu’il protège d’éventuelles poursuites judiciaires, non seulement le corps médical, mais aussi le corps enseignant, le cercle familial, ou tout autre confident suggérant à un mineur la prudence et la réflexion.
Bien que je ne sois pas juriste, à la lecture de l’article 7, alinéa 1 indiquant « Toute pratique visant à modifier ou réprimer », il est important de rappeler que des termes tels « modérer », « retenir », « réfréner » peuvent être considérés comme des synonymes de « réprimer ». Des conseillers ou accompagnants, quels qu’ils soient, pourraient ainsi être poursuivis pour avoir simplement « modéré », c’est-à-dire inviter une personne s’interrogeant sur son identité de genre à la prudence et à la réflexion. C’est pourquoi je vous encourage à accepter cet amendement.
L’amendement de l’alinéa 5, lettre c, doit être rejeté pour différentes raisons, que je vais maintenant vous exposer. Tout d’abord, cet amendement présente un risque d’interprétation qui pourrait affaiblir les conditions relatives au consentement libre et éclairé, comme prévu à l’article 23 LSP, créant une lex specialis à celle-ci. Par ailleurs, cet alinéa repose sur un principe d’attente vigilante, enracinant dans le texte légal la croyance que le temps guérira la personne de son questionnement identitaire. Ce type de pratique est également utilisée dans les processus d’avortement, où un délai de réflexion est imposé, comme si une telle décision n’était pas précédée d’une réflexion.
Au-delà de l’aspect infantilisant et paternaliste d’une telle pratique, il ne faut pas oublier qu’attendre, c’est aussi faire quelque chose qui aura tout autant de conséquences futures que le fait d’accueillir la demande. Ce positionnement clinique, courant dans les années 1990, n’a pas démontré d’effets significativement bénéfiques dans la population adolescente. Au contraire, les spécialistes qui accompagnent ces jeunes depuis près de 40 ans s’accordent, tant à travers les recherches que les réalités cliniques, sur les effets bénéfiques liés à un accompagnement et soutien adapté à leurs questionnements. Introduire un délai d’attente vigilante dans une loi de santé publique, c’est augmenter les risques de mal-être chez les personnes concernées, et c’est contraire au but de nos politiques de santé publique.
Cet amendement va également à l’encontre d’une valeur cardinale pour les Vertes et les Verts : le droit à l’autodétermination. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé sexuelle ne peut être acquise et maintenue que si les droits sexuels de toutes les personnes sont respectés, protégés et garantis. Parmi ces droits figure celui à l’autodétermination, qui sous-entend la reconnaissance légale et la liberté sexuelle de chaque individu, laissant l’opportunité à chacun d’exercer un contrôle sûr et de décider librement de ce qui touche à sa sexualité, son orientation sexuelle et sa personne.
En réponse à mes préopinants, sur la question de la maturité des adolescents, je rappelle ce que j’ai mentionné la semaine dernière. Selon certaines études, la maturation du cerveau interviendrait à 25 ans. Pourtant, le droit de vote intervient à 18 ans. Doit-on remettre en question ce droit sous prétexte que notre cerveau ne serait pas suffisamment mature ? Devrait-on interdire les implantations mammaires à 18 ans ou restreindre la possibilité de se faire vacciner ? Est-ce que donner une pilule à une enfant de 12 ans souffrant d’endométriose irait à l’encontre de cette idée de laisser du temps au temps ?
Concernant la question de la réversibilité, prenons des exemples concrets : administrer des hormones de croissance à un enfant trop petit, pratiquer des mutilations génitales sur des bébés intersexes. Dans notre fonctionnement actuel et nos rapports de santé, l’idée d’un délai d’attente est très peu employée. Introduire une telle mesure irait à l’encontre du bien-être des personnes concernées.
Enfin, en ce qui concerne le témoignage évoqué par mon collègue Vionnet, sur une personne qui se sentirait « coincée » dans son rôle féminin, il est important de rappeler que les accompagnements pratiqués en Suisse respectent les bonnes pratiques sur le plan international. Elles sont validées scientifiquement et sont assurées par des professionnels de la santé qualifiés et expérimentés. Les pratiques d’affirmation de genre évoluent constamment et sont soumises à des recherches rigoureuses et régulières.
Il convient de souligner que nombre de personnes interrompent leur traitement d’affirmation de genre sous des pressions extérieures – le rejet familial, le rejet sociétal et les violences subies au quotidien après la transition. C’est la réalité des témoignages recueillis sur le terrain et également le constat des associations qui nous ont d’ailleurs contactées en tant que députés pour exprimer leur position face à cet amendement. À mon sens, il convient de s’intéresser à ces violences et à leur impact, plutôt que de complexifier encore le parcours de transition et de stigmatiser davantage les personnes concernées. Un bon accompagnement permettra à ces personnes d’atteindre une meilleure santé mentale et physique.
En complément à ce qui a été dit et au rapport de minorité, il faut faire attention aux interprétations peu claires qui pourraient découler de cet amendement. Non seulement cet amendement constitue un doublon par rapport à la lettre b en matière de consentement libre et éclairé, figurant à l’article 23, mais il fait également doublon avec la lettre a. Je vous rappelle que ce projet ne remet pas en question le fait que les prestations d’aide et de soutien de nature psychosociale et psychothérapeutique respectueuses de l’autodétermination ne sont pas couvertes par les aléas 1 à 3. Dans ce contexte, ajouter un élément à la lettre c visant à encourager la prudence et la réflexion, tout en respectant l’autodétermination, revient à créer un doublon par rapport aux lettres a et b.
Les doublons législatifs créent malheureusement des problèmes d’interprétation, notamment sur ce que l’on a voulu dire ainsi que sur le but de l’ajout, la distinction par rapport à ce qu’il y avait avant, et à ce qui figure à l’article 23. Ce type de situation crée non seulement des difficultés d’application pour les professionnels appelés à appliquer la loi, mais également un risque concret de contournement. Dans le cadre de procédures judiciaires, cela ne peut rendre heureux que les avocats et les avocates.
A ce titre, il faut éviter les ajouts qui ne font que créer des problèmes d’interprétation. Bien que promouvoir la prudence et la réflexion relève du bon sens, cette notion figure déjà dans le cadre du consentement à l’article 23. Avec l’introduction d’une telle notion, il est plus compliqué de savoir ce qui tombe dans le cadre de la loi, et ce qui la contourne abusivement. Cet ajout crée des risques, non seulement pour les personnes concernées qui subiront un retard abusif, mais aussi pour les praticiens et praticiennes appelés à appliquer cette loi, qui ne sauront pas comment interpréter la lettre c. Pour ce motif purement juridique en complément des autres éléments de fonds déjà présentés, je vous appelle à ne pas accepter cet amendement, qui crée plus de problèmes qu’il n’apporte de solutions.
Mardi dernier, j’avais déjà appelé à ne pas faire de ce débat législatif une discussion pour ou contre une approche différente de la dysphorie de genre dans le milieu médical. Je n’ai malheureusement pas été entendu. On peut avoir un avis sur la manière dont ces traitements sont administrés dans notre pays et notre canton, mais il est essentiel de se baser sur des éléments factuels un peu plus développés qu’un simple article du 20 Minutes.
On peut être pour ou contre : certains pensent qu’il faut aller plus vite, d’autres moins vite ; qu’il faut plus réfléchir ou moins réfléchir ; qu’il faut laisser parler les gens, ou encore se baser sur le consentement des individus. Nous avons tous un point de vue, y compris moi-même, mais aucun de ces éléments n’est directement liés à la loi dont nous discutons aujourd’hui. Cet amendement, contrairement à ce que j’ai déjà entendu trois fois dans le débat, n’introduit pas un délai d’attente. Je suis personnellement opposé à l’amendement de la commission, mais ne lui faisons pas dire ce qu’il ne dit pas. Il n’introduit pas de délai d’attente ou de réflexion dans la prise en charge.
Cet amendement introduit une nouvelle exception mal définie à l’interdiction des pratiques de conversion dans le canton. Comme l’a expliqué le député Raedler, cette nouvelle exception crée de la confusion, raison pour laquelle il faut la rejeter. En réalité, cet amendement ne modifie en rien la pratique des hôpitaux vaudois concernant le traitement des personnes demandant, par exemple, des hormones. Il n’affectera pas non plus le délai de prise en charge, ni la manière dont les médecins prennent en charge et accompagnent ces jeunes, et peut-être moins jeunes. Ce n’est pas l’objet de cette loi.
Si vous examinez attentivement cet article, vous constaterez que la loi prévoit déjà deux exceptions. Cette proposition en introduit une troisième qui incite à la prudence et à la réflexion. Cet amendement sous-entend que certains n’incitent pas assez à la prudence et à la réflexion. Cependant, j’ai totalement confiance dans le corps médical, et la pratique dans notre canton montre que c’est exactement ce qui se passe. Dans tous les cas, on peut penser que les médecins incitent à la prudence ou pas. Cette loi ne changera pas la manière dont les médecins traitent les patients. Cet amendement ne répond dès lors pas à l’interrogation du député Vionnet.
Si le député Vionnet veut aller au bout de son raisonnement, il doit proposer une motion visant à créer un nouvel article dans la loi stipulant un délai d’attente ou des critères supplémentaires d’âge ou autre. Je ne suis pas favorable à une telle solution, mais il serait plus honnête d’agir ainsi plutôt que d’introduire une exception à l’interdiction des pratiques de conversion dans ce canton, car cet amendement ne changera rien. En revanche, cet amendement rendra moins compréhensible ce que nous essayons de faire ici, à savoir interdire ces pratiques dans notre canton. C’est une sorte de cavalier législatif, et l’ajout d’exceptions supplémentaires dans une loi déjà assez volumineuse ne fera qu’enrichir les avocats qui devront faire des interprétations devant des tribunaux.
Je vous invite à en rester à des choses simples. La loi prévoit déjà le consentement libre et éclairé. On l’a réaffirmé à la lettre b. Notre travail a été mené correctement, il faut en rester là et rejeter cet alinéa. Encore une fois, cet amendement ne changera absolument rien à la manière dont les traitements de transition seront administrés dans notre canton.
Je suis en partie d’accord avec M. Eggenberger sur le fait que deux sujets ont été liés dans ce débat. Il y a d’abord la question des abus qui, je le reconnais, est condamnable. Cette problématique a ensuite été liée à celle de la transition de genre. Sur ce point, il faut interroger votre conseillère d’État, car c’est elle qui a lié les deux éléments. Quant à l’intervention de M. Mojon concernant l’enthousiasme de certains thérapeutes, le problème – je pense que le terme est juste – réside dans le fait que certaines transitions peuvent entraîner des interventions chirurgicales parfois définitives.
En l’occurrence, un de mes préopinants a indiqué qu’il est possible de voter avant de prendre une décision concernant une transition. Cela amène à se demander si, à 18 ans, on ne pourrait pas également être en mesure de décider d’une transition. Cependant, le fait de voter à cet âge a d’autres implications que les conséquences sur le long terme. C’est pourquoi, selon moi, ces deux éléments ne peuvent pas tout à fait être mis en avant de la même manière. Quant à moi, je dois avouer être un peu moins confiant que M. Eggenberger à l’égard des médecins, bien que je sois entouré d’eux. En effet, dans certains pays, il y a eu des retours en arrière, et des médecins ont indiqué s’être trompés. Cela me rend un peu moins enthousiaste.
Si vous souhaitez des avis médicaux, je vous renvoie à un article paru ce weekend dans le 24heures – et non dans le 20 minutes – dans lequel un pédiatre, M. Alpérin, a formulé une réflexion que j’ai trouvée assez intéressante : « Ce sont ceux qui affirment à des jeunes désorientés qu’il n’existe qu’une solution, la réassignation de genre et le changement de sexe qui prônent des mesures de conversion ». C’est un peu ironique, mais j’ai trouvé cela assez intéressant. Je déclare mes intérêts : je suis enseignant au gymnase et j’ai, ainsi que j’ai eu, des élèves qui se questionnent sur la transition.
Imaginons un cas concret : un élève – ce qui ne m’est pas arrivé – s’interroge sur une potentielle transition ; il sollicite l’avis d’un professeur ou d’une professeure qu’il apprécie et ce dernier lui répond que c’est un parcours lourd, délicat, parfois irréversible. Il ou elle l’invite à bien réfléchir avant de se lancer, à ne pas se précipiter, à attendre un peu pour voir si cette option s’inscrit sur le long terme ou si, avec le temps, son avis évoluera. Or, sans cet article, une telle réponse serait, selon moi, simplement hors la loi. Dans l’absolu, un élève pourrait même porter plainte contre un enseignant ou enseignante simplement parce qu’il ou elle lui a dit de réfléchir, de faire attention face à ce processus lourd, et de ne pas s’engager à la légère. J’espère qu’aucun professeur ne se retrouvera devant un tribunal pour avoir conseillé à ses élèves d’être prudents et de réfléchir. Cela relève du bon sens.
Très honnêtement, je ne comprends pas pourquoi la réflexion et la prudence devraient être condamnées, raison pour laquelle je vous encourage vivement à accepter l’article proposé, ne serait-ce que pour protéger mes collègues enseignants.
Cet amendement relève d’un certain paternalisme, car il permet à différents milieux de remettre en cause une démarche qui, sans aucun doute, a déjà fait l’objet de nombreuses réflexions, démarches et qui a bénéficié de soutiens médicaux, psychologiques ou sociaux. A notre sens, il est inutile d’ajouter un obstacle supplémentaire qui pourrait potentiellement s’avérer culpabilisant, brouiller les cartes et, finalement, aura pour résultat de décourager la personne à poursuivre cette démarche bien difficile. Nous refuserons donc cet amendement.
Je pense qu’il est essentiel d’éviter de jouer aux apprentis sorciers dans le Canton de Vaud. Comme l’a très bien souligné M. Vionnet, médecin, dont on peut attribuer une grande valeur en termes d’opinion, la Scandinavie connaît un rétropédalage, avec des victimes de transitions mal réalisées et mal pensées, faute d’un processus de maturation. Lorsque l’on constate ce qui se passe ailleurs et les changements mis en place, il me semble absolument nécessaire de voter pour cet amendement, ce que je ferai personnellement.
Tout d’abord, j’aimerais exprimer ma satisfaction de voir que nous légiférons enfin contre ces thérapies, qui sont une aberration et infligent une souffrance totalement inutile à des personnes déjà en difficulté face à un entourage qui ne les accepte pas tels qu’ils ou elles sont. Concernant cet amendement, vous aurez remarqué que notre groupe est partagé, mais à titre personnel, j’invite fermement le plénum à le rejeter. Je ne partage pas les craintes qui ont été exprimées.
Comme mentionné précédemment, cet amendement reprend certaines conditions déjà existantes en matière de consentement libre et éclairé. Il me semble moralisateur et superflu dans cette loi. Je tiens à rappeler que les jeunes souhaitant accéder à hormonothérapie doivent généralement attendre environ deux ans entre leur premier entretien psychothérapeutique et l’accès à un traitement hormonal, ce qui constitue, à mon sens, une période de réflexion suffisante.
Par ailleurs, je ne suis pas sûre de bien comprendre la crainte d’un « thérapeute enthousiaste ». Un ou une thérapeute qui inciterait ses patients à changer de genre, et qui ferait fi des précautions d’usage ? Permettez-moi d’exprimer ma confiance envers nos thérapeutes, qui exercent leur travail avec une vision professionnelle et non idéologique. De plus, comme l’a expliqué M. Eggenberger, l’objectif de ce projet de loi est bien d’interdire les thérapies de conversion, et non de régler la question des transitions de genre. Je vous invite donc à rejeter cet amendement.
Les commentaires de notre collègue sur les avocats me poussent à réagir, je déclare mes intérêts : je suis avocat de profession. Les avocats ont souvent bon dos. Sans clients pour crier au scandale et émettre des objections sur la façon dont on applique les lois, il n’y aurait pas de mandat, et donc pas de travail pour les avocats. Je bois les paroles de M. Raedler selon qui il faut des lois simples, sans trop d’exceptions. Cependant, comme pourvoyeur de travail pour les avocats, la nouvelle loi sur le patrimoine naturel et paysager, en particulier son règlement d’application, comporte d’innombrables exceptions, précisions, etc. Il semble que nous n’ayons pas confiance dans la capacité des communes à appliquer les dispositions de la loi, et les difficultés d’application sont telles qu’il est difficile de s’y retrouver. À mon avis, simplifier les lois est une bonne chose, tout comme faire confiance au bon sens de ceux qui les appliquent. Cependant, parfois, ce qui va sans dire va encore mieux quand on le dit expressément. Je vous encourage donc à soutenir cet amendement.
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