22_MOT_51 - Motion Pierre Zwahlen et consorts au nom du groupe Vert - Pour des délibérations finales et des votes de commissions permettant la séparation des pouvoirs.

Séance du Grand Conseil du mardi 23 mai 2023, point 12 de l'ordre du jour

Texte déposé

Les recommandations données par les commissions parlementaires ont une influence généralement déterminante sur les décisions prises par le Grand Conseil. Il importe que les discussions finales et les votes de ces commissions respectent le principe de la séparation des pouvoirs, au sens de l’art. 89 de la Constitution vaudoise.

 

Certes l’art. 43 de la loi sur le Grand Conseil prescrit la participation des membres du Conseil d’Etat aux séances des commissions traitant d’objets relevant de leur département à titre consultatif. Accompagnés de leurs collaboratrices et collaborateurs, elles et ils peuvent ainsi renseigner les commissaires en détails, apporter tant les informations que les réponses appropriées. Le chancelier peut également assister aux séances. La discussion se nourrit alors des éléments d’appréciation nécessaires formant les avis des membres de la commission.

Une fois l’examen de l’objet achevé, les délibérations finales et les votes de la commission gagnent à se dérouler hors de la présence du pouvoir exécutif. Plusieurs communes et de nombreux parlements appliquent cette règle écrite ou non écrite. Au terme de l’examen, libérer la conseillère ou le conseiller d’Etat et ses accompagnants permet d’assurer l’appréciation indépendante des commissaires.

Ainsi, un 3e alinéa peut compléter l’art. 43 de la LGC, qui aurait la teneur suivante : « Les délibérations finales sur les recommandations de la commission et les votes y relatifs ont lieu hors de la présence des membres du Conseil d’Etat, du chancelier d’Etat ainsi que de leurs collaboratrices et collaborateurs. »

 

Les signataires proposent que cette motion soit examinée par la commission chargée de la révision en cours de la loi sur le Grand Conseil.

 

 

Pierre Zwahlen

et Andreas Wüthrich

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Martine GerberVER
Yolanda Müller ChablozVER
Céline MisiegoEP
Théophile SchenkerVER
Julien EggenbergerSOC
Alice GenoudVER
Aurélien DemaurexV'L
Yannick MauryVER
Géraldine DubuisVER
Alberto MocchiVER
Sabine Glauser KrugVER
Nathalie VezVER
Felix StürnerVER
Vincent BonvinVER
Sébastien HumbertV'L
Didier LohriVER
Sylvie PodioVER
David RaedlerVER
Elodie LopezEP
Kilian DugganVER
Pierre WahlenVER
Nathalie JaccardVER
Cloé PointetV'L

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Cloé Pointet (V'L) — Rapporteur-trice de majorité

La Commission thématique des institutions et des droits politiques a examiné la motion de M. Zwahlen lors de ses séances du 13 janvier, en présence du motionnaire, et du 10 février 2023. Les notes de séance ont été tenues par M. Jérôme Marcel que je remercie. La motion demande que la Loi sur le Grand Conseil (LGC) soit modifiée afin que, lors des séances de commissions, les conseillers d’Etat et leurs collaborateurs soient libérés avant les délibérations finales et les votes. Cette proposition souhaite renforcer la séparation des pouvoirs en permettant aux commissaires de s’exprimer hors de la présence de l’exécutif. Cette pratique courante dans de nombreuses communes est dans certains cas une règle systématique. Le Conseil d’Etat n’est pas favorable à cette proposition, étant attaché à pouvoir accompagner les commissaires jusqu’à la fin de leurs travaux. Au niveau cantonal, il est à noter que, dans la pratique, séparer la partie information de la partie délibération et vote du travail de la commission n’est pas possible puisque l’on est plutôt dans un échange entre les commissaires, le Conseil d’Etat et l’administration.

Les commissaires partagent le constat de la Conseillère d’Etat sur la difficulté à mettre en place le système automatique, notamment dans le cas de l’examen d’un projet de loi ou de décret. Plusieurs députés soulèvent que la présence ou non du Conseil d’Etat élu et assermenté n’influence pas les votes et les prises de position des membres du législatif, et que le passage par le plénum est un filtre suffisant aux pressions que le motionnaire souhaite limiter. La commission a constaté que la situation actuelle ne permet pas aux commissions de demander au Conseil d’Etat et à son administration de quitter temporairement la salle de commission s’ils l’estiment nécessaire. Cette possibilité est donnée uniquement à la Commission des finances, comme le stipule l’article 49b alinéa 3 : « Avant les délibérations finales sur les recommandations de la commission et les votes y relatifs, la commission peut demander à siéger temporairement hors la présence des membres du Conseil d'Etat ou de leurs collaborateurs. » Cet article pourrait être étendu à l’ensemble des commissions, ainsi que l’avait proposé la Commission de modernisation du Parlement, en 2011.

Une proposition de prise en considération partielle reprenant cet article est proposée et acceptée par la majorité de la Commission thématique des institutions et des droits politiques. Par 8 voix contre 6 et 1 abstention, la commission vous recommande donc de prendre partiellement la motion en considération. Dans le cas où le plénum confirmerait la position de la commission, celle-ci pourrait ensuite délimiter plus clairement cette possibilité dans le cadre dans son travail sur la révision de la LGC.

Mme Carole Dubois (PLR) — Rapporteur-trice de minorité

Contrairement à la majorité, il semble important à la minorité de la commission que le Conseil d’Etat puisse accompagner les commissions jusqu’à la fin de leurs travaux, et ce, pour plusieurs raisons. A son avis, l’indépendance du vote des députés ne tient pas au fait qu’un représentant du Conseil d’Etat soit présent lors du vote. De la même manière, la minorité ose espérer que les membres du Grand Conseil ont l’indépendance nécessaire et respectivement le courage de leurs opinions lors des votes en séance plénière. Si, dans les communes, on peut concevoir une distinction entre la présentation d’un préavis et la délibération, nous ne sommes pas dans la même posture dans la culture actuelle du Grand Conseil. Les députés et le Conseil d’Etat sont dans l’échange jusqu’à l’issue des travaux, y compris juste avant le vote. Souvent, lors des délibérations de commissions, des éléments sont complétés durant les travaux et ces évolutions gagnent à disposer de l’expertise technique de l’exécutif et des services. Les commissaires représentant la minorité attestent qu’ils ne ressentent pas de pression due à la présence du Conseil d’Etat et de ses services. Au contraire, des amendements et des précisions peuvent être apportés jusqu’au dernier moment.

Malgré la proposition de prise en considération partielle, soit sortir les projets de loi et de décret du périmètre de la motion, la minorité de la commission recommande d’en rester au fonctionnement actuel. L’adoption de ce texte amènerait un changement de culture important par rapport à une pratique de longue date, alors que nous sommes persuadés que le travail s’effectue actuellement dans le respect de la séparation des pouvoirs. D’autre part, la minorité craint – et ce n’est pas une crainte moindre – qu’en cas d’acceptation de la motion, la commission refasse le débat après le départ du représentant du Conseil d’Etat. Ce n’est clairement pas le but, mais tout de même fort probable dans certains cas, et totalement inefficient. En conclusion, par 6 voix contre la prise en considération partielle de la motion, la minorité de la commission recommande son classement.

M. Laurent Miéville (V'L) — Premier vice-président

La discussion est ouverte.

M. Pierre Zwahlen (VER) —

Je tiens à remercier la majorité de la Commission thématique des institutions et des droits politiques qui propose une prise en considération partielle de ma motion. Je remercie en particulier la rapporteuse pour son rapport écrit et oral.

Il est vrai que j’aurais préféré une forme plus réglée, car du point de vue de la séparation des pouvoirs et de l’esprit défendu par Montesquieu, il me semble important, lorsque l’on vote en commission, que l’on n’ait pas l’impression de le faire sous le regard des ministres. C’est une formule appliquée dans de nombreuses communes et que j’ai par exemple moi-même vécue dans la Commune d’Ecublens pendant de nombreuses années. Je sais qu’à Jongny, à Nyon et ailleurs, cela se pratique aussi et vous avez sans doute aussi des exemples en tête. Ce système a le mérite de préserver la pleine autonomie et capacité de décision des élues et des élus. Je me rallie pourtant très volontiers à la vision de la majorité de la Commission thématique des institutions et des droits politiques, en admettant que, selon les cas, la commission libère la conseillère ou le conseiller d’Etat et ses collaborateurs de la séance pour les délibérations finales et pour les votes.

Il s’agit bien sûr des débats finaux et je crois que vous l’avez compris. Lorsque l’on examine un projet de décret ou de loi, il n’est pas question de faire sortir les représentantes ou représentants du gouvernement tout au long de l’examen de détail. C’est bien pour le vote final d’une loi ou d’un décret et pour la recommandation d’entrée en matière qu’il s’agit de libérer les représentants de l’exécutif. Tel est le sens de la proposition et je crois qu’elle est raisonnable. Si la Commission thématique des institutions et des droits politiques, par la suite, modifiait ou nous proposait une révision de la LGC, nous pourrions encore affiner la manière de voir les choses. Ce système a le mérite de la clarté et, encore une fois, il est déjà appliqué dans de nombreux parlements ou organes délibérants. C’est une formule qui facilite l’indépendance des pouvoirs et ainsi je vous invite à suivre l’avis du rapport de majorité.

M. Jean-Rémy Chevalley (PLR) —

M. le motionnaire prend pour référence les législatifs communaux, mais je crois pour ma part que le Grand Conseil n’a pas à se calquer sur ces législatifs. Chaque commune et chaque législatif communal s’organise comme il l’entend et nous n’avons pas à en tenir compte. Ensuite, pour moi le cas est clair : dans une commission ad hoc ou une commission parlementaire, les membres qui sont convoqués sont tenus d’assister à l’ensemble de la séance, alors que l’on peut éventuellement demander aux membres invités de quitter la séance avant la fin. D’après ce que j’en sais, les conseillères et conseillers d’Etat sont, comme l’ensemble des commissaires, tenus d’assister à la séance jusqu’à la fin. Par conséquent, je vous encourage à soutenir le rapport de minorité.

Mme Elodie Lopez (EP) —

Le groupe Ensemble à gauche et POP partage les préoccupations soulevées par le motionnaire. Nous pensons que lors des délibérations finales et des votes finaux en commission, il peut parfois y avoir une pression si le Conseil d’Etat ou ses collaborateurs et collaboratrices sont présents. Ce n’est pas toujours le cas, cela dépend des enjeux, mais c’est possible. Le groupe aurait ainsi soutenu le renvoi de la motion sans prise en considération partielle. Conscient des enjeux liés aux projets de loi avec des discussions et votes article par article qui auraient pu conduire à une usine à gaz de sorties et d’entrées, selon nous, il aurait été possible d’envisager une proposition qui différencie les cas de figure. Nous soutiendrons néanmoins aujourd’hui la proposition issue de la majorité de la Commission thématique des institutions et des droits politiques et reviendrons peut-être sur la proposition législative qui sera faite en ce sens.

Nous souhaitions aussi soulever que d’autres situations peuvent amener des coups de pression sur les commissaires dans le cadre des commissions. Cela s’est d’ailleurs présenté à l’un ou l’autre de nos membres, par exemple si le Conseil d’Etat invite des représentants externes à l’administration lors de commissions pour les entendre sur des sujets qui les concernent. L’invitation de personnes externes est de compétence de la commission et si le Conseil d’Etat souhaite le faire, la commission devrait en être avertie en amont. On peut rappeler ici que toutes les commissions ont la compétence de demander que ces invités sortent lors des débats et des votes ; les discussions au sein de la Commission thématique des institutions et des droits politiques autour de la présente motion ont permis de mettre ce point au clair. Je remercie Mme la conseillère d’Etat et le Bureau du Grand Conseil, d’ailleurs, d’avoir relayé ces préoccupations et points d’attention. Pour conclure, nous soutiendrons la prise en considération partielle de la motion, et donc la majorité de la commission et vous invitons à faire de même.

M. David Vogel (V'L) —

Je reviens rapidement sur les coups de pression évoqués par ma préopinante. Je cite une phrase du rapport de minorité avec laquelle je suis d’accord, alors qu’en même temps, je suis en désaccord avec la pratique : « De la même manière, la minorité ose espérer que les membres du Grand Conseil ont l’indépendance nécessaire et respectivement le courage de leurs opinions lors des votes en séance plénière. » Je suis absolument d’accord avec cette phrase et c’est également ce que je souhaite, mais la réalité est un peu moins rose. Nous avons connu des cas, il n’y a pas si longtemps, où des députés annoncent qu’ils vont voter « oui », puis s’abstiennent pendant le vote, avant de voter « non » lors du vote de confirmation. Cela arrive dans tous les partis et je n’en vise aucun en particulier, car je pense qu’il y a dans tous les groupes des gens qui ont dit « oui » parce que c’est le copain ou la copine qui a déposé et donc ils n’osent rien dire, ou s’abstiennent, mais n’en pensent pas moins, ou vont vite aux toilettes… Ces coups de pression existent et il est parfois difficile d’avoir le courage de ses opinions, dans quelque groupe que ce soit. Par conséquent, pour préserver le courage de chacun, je vous encourage à suivre la position de la majorité.

M. Jacques-André Haury (V'L) —

Je ne suis pas très favorable à tous ces gestes de méfiance d’un pouvoir à l’égard de l’autre, mais il faut quand même reconnaître… Vous souvenez-vous de l’histoire du Bâtiment des sciences de la vie, 1000 m3 de béton, verre et métal ? En séance de commission, face aux malheureux quinze membres de la commission, il y avait deux conseillers d’Etat, le Recteur, le Directeur général du CHUV et quatre ou cinq personnes qui représentaient soit l’UNIL, soit la Direction générale de l’enseignement supérieur. Eh bien, malgré la solidité de chacun d’entre nous, il faut reconnaître que dans ces conditions, il faut avoir le caractère d’un vieux grognard de Napoléon pour oser tenir tête au projet du Conseil d’Etat. Il me semble donc que la proposition que nous fait la commission dans son rapport de majorité – une prise en considération très partielle et très modérée du postulat – est quelque chose qu’il faut soutenir.

M. Grégory Devaud (PLR) —

J’étais également membre de la commission et je devrais peut-être indiquer que le PLR soutiendra le rapport de minorité. J’aimerais rappeler quelques éléments de principe. Mme la rapporteuse de minorité l’a bien dit, de notre point de vue, il faut aussi prendre en compte la question de la responsabilité. J’ai entendu parler de courage, de responsabilité et de peur, mais il faut du courage, ainsi que de l’ambition et de la fierté ! Nous avons entendu plusieurs représentants des groupes qui n’ont peut-être malheureusement pas de représentants au Conseil d’Etat, mais de grâce ! Je vais le dire comme je le pense : MM. Maillard et Broulis ne sont plus au gouvernement et nous n’avons plus à craindre nos conseillers d’Etat, chers collègues. Nous avons tous pu sentir, à un moment ou un autre, une forme de pression de la part d’élus au gouvernement, et cela avant, pendant, ou après la commission, d’ailleurs ! Mais à ceux qui prétendent devoir ou pouvoir travailler à huis clos, sans la présence de l’administration et de ses représentants, ainsi que du gouvernement, je rétorque qu’il y a une nécessité de transparence par rapport à ses positions, ainsi que de courage, d’ambition et de fierté. Cela nécessite un peu de travail, c’est certain, mais jusqu’à preuve du contraire, les débats de commission sont confidentiels et il y a lieu de pouvoir travailler sereinement dans ce cadre. Aujourd’hui, il nous semble important que le Conseil d’Etat puisse être présent pour apporter un petit éclairage à un moment ou un autre.

Je déclare d’autres intérêts, car vous savez que je suis syndic de ma commune. On a souvent fait le parallèle avec des élus communaux et les séances de commission dans les conseils communaux, etc., et je l’ai aussi vécu personnellement. Parfois, des commissions vous disent avoir fait le tour de la question, que l’on va passer aux votes et donc que l’on peut remercier le municipal ou le syndic. Et finalement, une personne qui n’est pas membre de l’exécutif, mais qui a peut-être un peu d’influence ou de charisme, relance la discussion de bonne foi et sème un doute, les débats repartent et vous apprenez le lendemain que la commission a décidé de se réunir à nouveau, alors que tout semblait plié ! Je crois pouvoir dire qu’il est arrivé à bon nombre de personnes de se dire que c’était dommage, alors que le membre de l’exécutif aurait pu donner quelques informations, sans faire jeu de son influence, encore une fois, mais simplement donner des informations, de bonne foi. C’est notre travail, mais nous sommes des miliciens et nous devons avoir l’honnêteté de le dire, mais au quotidien, les membres de l’exécutif et de l’administration voient probablement d’autres choses et ils sont aux affaires ; il est donc important que nous puissions avoir la présence de ces personnes jusqu’à la fin des délibérations. Au nom du PLR et aussi en mon nom personnel, je vous recommande de soutenir le rapport de minorité. Encore une fois, chers députés, soyez fiers, soyez ambitieux et soyez courageux !

M. Jean-Marc Udriot (PLR) —

Après bientôt une année de fonction dans ce Grand Conseil, j’aimerais que nous parlions de cette institution et non des autres, qu’elles soient communales ou d’autres cantons, car chacun s’organise comme il l’entend et en fonction de son environnement. On a parlé de la séparation des pouvoirs, et pour avoir participé à plusieurs commissions ad hoc alors que j’ai un peu d’expérience puisque je suis syndic d’une commune comme mon préopinant, je considère qu’elle est assurée. Bien sûr qu’elle l’est, puisque nous avons affaire à des conseillères et conseillers d’Etat de tous bords politiques qui défendent leurs dossiers, qui croient en ce qu’ils font et cherchent à nous convaincre, mais aussi à débattre avec nous. Pour moi, la séparation des pouvoirs est donc véritablement assurée et ce qui m’importe, c’est l’échange, qui est primordial. Parfois, on se retrouve dans des commissions dont on ne maîtrise pas forcément le sujet, et on se trouve avoir affaire à une conseillère ou à un conseiller d’Etat hors du PLR – en ce qui me concerne – et j’ai du plaisir à entendre et à comprendre ce qui se passe au niveau du département pour ce qui est proposé. Pour moi, cet échange est primordial.

Quand on parle de la problématique des pressions, cela me fait doucement rigoler ! La pression peut exister avec le Conseil d’Etat ou sans. Si vous arrivez au milieu d’une commission alors que vous êtes mal préparé ou pas très au fait du sujet, vous avez vite fait de vous faire mettre la pression par l’un ou l’autre de vos collègues, ce qui est à peu près normal. C’est donc à chacune et chacun d’entre nous de bien se préparer et de maîtriser le sujet, faute de quoi l’on part dans les choux. Enfin, j’aimerais encore dire que la proposition qui nous est faite aujourd’hui n’est pas raisonnable, de mon point de vue, car elle complexifie encore plus les relations entre le Grand Conseil et le Conseil d’Etat, ce que je ne verrais pas d’un bon œil, car tous ces dossiers sont déjà assez difficiles. Pour ce qui me concerne comme pour le groupe PLR, je suis favorable au classement de la motion et suivrai le rapport de minorité.

Mme Cloé Pointet (V'L) — Rapporteur-trice de majorité

Suite au débat, je souhaite préciser certaines choses. Effectivement, il n’est pas bon de mélanger les institutions et nous parlons bien ici du Grand Conseil qui a son propre fonctionnement. Nous ne souhaitons pas une systématique automatique, comme elle existe dans certaines communes, mais bien une possibilité. Cette possibilité est déjà donnée à la Commission des finances depuis 2011 et il ne me semble pas que les relations entre le ou la ministre des finances et cette commission se soient détériorées depuis cette date. Cette possibilité n’a pas besoin d’être utilisée systématiquement et, même si elle est validée, il est possible qu’elle ne soit pas utilisée au cours des cinq prochaines années et que le premier cas où cela s’avérerait nécessaire n’intervienne que dans six, sept ou huit ans. Je ne pense pas que donner cette possibilité à une commission, dans le cas où les débats auraient besoin d’avoir lieu momentanément sans la présence du Conseil d’Etat va diminuer la qualité des échanges que nous avons avec l’exécutif.

M. Alexandre Démétriadès (SOC) —

Mme Pointet a presque entièrement résumé ce que je voulais dire, mais j’aimerais ajouter que vous êtes en train de rendre ce débat caricatural en présentant une situation où l’on voudrait systématiquement enlever le Conseil d’Etat des séances de commission. La prise en considération proposée par la majorité de la Commission thématique des institutions et des droits politiques est très claire : il s’agit de donner le droit à une commission de notre Parlement de demander que le Conseil d’Etat sorte de la salle. Défendons quelque peu ici les droits de notre Parlement face au Conseil d’Etat ! Bien sûr que nous devons avoir l’avis du Conseil d’Etat et de l’administration, lors des séances, et bien sûr que nous devons être éclairés par ses positions. Mais ici nous devons simplement voter pour savoir si l’on veut octroyer à nos commissions le pouvoir de demander au Conseil d’Etat de temporairement sortir de la salle, comme la Commission des finances peut le faire ainsi que cela a été rappelé. Alors, recentrons le débat. J’ai bien entendu les longues explications de M. Devaud qui étaient bonnes et justes s’il s’agissait de combattre la suppression définitive de la place du Conseil d’Etat dans nos séances. Mais là, recentrons le débat sur une proposition partielle et tout à fait modérée. Je vous recommande, également au nom du groupe socialiste, d’accepter la prise en considération partielle.

M. Philippe Jobin (UDC) —

Effectivement, ce sujet est un peu délicat. Nous n’avons pas de conseiller en charge présent en ce moment, et j’ai donc toute liberté de m’exprimer en fonction de différents points. Dans la dernière commission à laquelle j’ai participé, le ou la conseiller ou conseillère d’Etat – je m’exprime ainsi pour qu’on ne sache pas qui c’était – est resté jusqu’à la fin pour que l’on puisse accepter partiellement une motion qui était transformée, etc. Grâce à la personne présente, nous avons pu effectuer le travail ! Alors, j’entends bien que si ce n’est pas à chaque fois ni tout le temps, alors c’est comme à la Commission des finances… Je ne sais pas si celle-ci a déjà une seule fois utilisé cette possibilité de dire au conseiller ou à la conseillère d’Etat en charge : « On vous remercie infiniment, mais on va pouvoir trancher sans vous. » J’éprouve un petit doute.

En règle générale, pour chacun de nous, quand on se rend dans une commission, notre religion est faite, elle est déjà établie. Le conseiller ou la conseillère d’Etat en charge va défendre son projet jusqu’à la fin, que nous soyons d’accord ou non, que cela nous semble une bonne idée ou non. Nous faisons aussi de la politique et avons tous des visions générales sur la société en général et comment nous aimerions qu’elle soit managée, d’une façon ou d’une autre, et donc nous serions de toute façon en droit d’être d’accord ou non, malgré les bons arguments de la conseillère ou du conseiller d’Etat. A mon avis, qu’ils soient présents évite certaines longueurs, car parfois… En tout cas en tant que syndic, une fois qu’on n’est plus là, la commission dure trois fois plus longtemps, parce qu’il n’y a plus la possibilité de poser les bonnes questions, ou en tout cas d’avoir les bonnes réponses. On a vu parfois des informations largement erronées dans des rapports, malheureusement, parce que la personne en charge n’était plus là pour régler le problème. Je ne suis pas un afficionado, mais je soutiendrai tout de même le rapport de minorité, malgré que nous n’ayons pas de conseiller d’Etat en charge avec nous en ce moment.

M. Jean-Daniel Carrard (PLR) —

Je ne comprends pas bien ce débat. De quoi avons-nous peur ? Avons-nous peur de nous faire influencer par des représentants de l’Etat, par le Conseil d’Etat ? Ne peut-on pas avoir confiance en soi et décider sereinement de ce que l’on veut bien faire ? Une commission sert à obtenir des renseignements, certes. Quant à savoir si notre opinion est déjà faite avant le débat, je n’en suis pas si sûr, car parfois il peut y avoir de bonnes idées qui apparaissent lors du débat. Mais de quoi aurions-nous peur si ces messieurs et dames restaient jusqu’à la fin ? Nous avons toutes et tous assisté à des commissions et, parfois, des renseignements complémentaires peuvent être nécessaires entre deux votes. En effet, il n’y a pas qu’un vote, mais parfois il y en a deux parce qu’il faut modifier une prise de position. Avoir un élément complémentaire me semble intéressant. Moi, je ne crains pas les représentants du Conseil d’Etat, que ce soient les conseillers d’Etat ou leurs représentants. Je pense donc qu’il faut simplement classer cette motion et suivre le rapport de minorité.

Mme Carole Dubois (PLR) — Rapporteur-trice de minorité

M. le député Démétriadès a rappelé que c’était pour des occasions épisodiques, pour des exceptions qui pourraient se produire tous les trois mois comme tous les sept ou dix ans. Il s’agit d’une possibilité que se donne le Grand Conseil de demander au conseiller d’Etat de sortir lors d’une séance de commission. Mais alors : d’autant moins ! En effet, si l’on se trouve dans le cas de demander à un conseiller d’Etat ou à ses services de sortir justement parce que le sujet est polémique, compliqué et qu’il prête à disputes entre législatif et exécutif, alors je dis qu’il faut d’autant plus que le conseiller d’Etat, l’exécutif et toutes les parties restent en présence jusqu’au bout pour pouvoir s’expliquer jusqu’au bout et jusqu’au vote. Je pense donc d’autant plus qu’il faut suivre le rapport de minorité et classer la motion.

M. Jean-Marc Udriot (PLR) —

Je considère qu’il n’est pas anodin de travailler au cas par cas et que cela peut créer des tensions terribles entre le Grand Conseil et le Conseil d’Etat, en fonction des personnes qui se trouvent autour de la table. Ce qu’a dit notre collègue Démétriadès n’est pas anodin, quand il évoque l’idée de demander au conseiller ou à la conseillère d’Etat en place de quitter la salle avec ses services pour commencer à débattre du vote. Cela nuira fortement au fonctionnement de notre Grand Conseil, de nos institutions. Encore une fois, je vous recommande fortement de suivre le rapport de minorité.

M. Xavier de Haller (PLR) —

J’avoue que je ne comprends pas bien la portée de ce débat et le temps que nous y consacrons. C’est probablement dû à ma relative jeunesse dans ce Parlement… Si l’objectif est de garantir une forme d’indépendance intellectuelle ou autre de la part des députés, ne devrait-on pas pousser le raisonnement jusqu’à prévoir la sortie du Conseil d’Etat, du Chancelier et des représentants des services lors du vote en plénum ? Car la décision finale qui est prise est bien celle du Parlement, et non celle de la commission qui, à priori, se contente de formuler une recommandation. A mon sens, la proposition qui est faite n’est pas cohérente dans son raisonnement et je ne vois pas pourquoi on voudrait prétendument garantir une indépendance des parlementaires dans le cadre des commissions, alors qu’ensuite le débat et le vote en plénum se font en présence de tout le monde. Pour cette raison, je pense que nous devons suivre la proposition de la minorité et classer cette proposition.

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Président-e du Conseil d’Etat

C’est avec un certain bonheur que j’interviens sur ce sujet miné, au vu de ma position ! J’interviens ici au nom du Conseil d’Etat et comme entité concernée – voilà en guise de déclaration d’intérêt – mais évidemment aussi pour le bon fonctionnement des institutions. Je porte ici la décision de l’ensemble du gouvernement vaudois, soit une position négative, même si l’on ne parle ici que d’une prise en considération partielle de la motion, car nous sommes opposés à ce texte. Tout d’abord, il faut rappeler que le Conseil d’Etat est attaché à la séparation des pouvoirs cantonaux que sont le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Cependant, il nous apparaît que le système actuel ne contrevient absolument pas à ce principe et qu’il n’enlève aucun droit à la députation, ce que nous pouvons affirmer clairement, s’agissant à la fois de la lettre du texte que nous connaissons actuellement et de l’esprit de la loi.

J’aimerais rappeler plusieurs points, à commencer par l’indépendance. Votre indépendance ne tient pas à la présence d’un conseiller d’Etat dans une salle, car vous les députés êtes des personnes élues et à même d’assumer vos opinions avec une pleine capacité de décision, et ce, qu’il s’agisse d’une commission ou en plénum comme c’est le cas aujourd’hui, et quel que soit le conseiller d’Etat en question. Bien sûr que le conseiller d’Etat va défendre la position du collège, ce qui est la moindre des choses étant entendu que c’est une décision collégiale qui est portée, en donnant normalement l’impression que l’on est convaincu de la décision prise, en termes d’équilibre et d’intérêt général pour l’ensemble de la population vaudoise. Cela étant, c’est le droit le plus strict du député ou de la députée, respectivement du Grand Conseil, ensuite, de disposer par rapport aux propositions faites. S’agissant de l’intervention de M. Haury, je comprends ce qui a été dit sur les intervenants externes, mais je rappelle que les invités du Conseil d’Etat ou de la députation peuvent en tout temps être exclus du débat en commission. A mon sens, ce n’est pas un argument, car la LGC est déjà très claire : les invités n’ont pas vocation à rester jusqu’à un vote et dans tous les cas, on peut en tout temps demander que les invités se retirent.

Pour ma part comme pour notre part, il paraît tout à fait artificiel, au niveau d’une commission, de séparer l’information des aspects de délibération et de vote, tant il est vrai que les questions ne sont pas étanches. Comme moi, vous avez vécu des commissions, notamment sur de gros projets de lois, dans lesquelles tout d’abord des informations sont données, puis suivent des débats d’ordre général, puis à nouveau des discussions d’ordre technique sur lesquelles on nous demande des prises de position, respectivement des informations complémentaires. Il arrive que nous travaillions sur des textes de prise en considération partielle, y compris au niveau du gouvernement. Il arrive même qu’on nous demande de reformuler certains amendements, ou qu’on nous demande des avis de droit complémentaires en séance de commission… Je puis le dire d’autant mieux que, par exemple, nous avons eu plus de vingt séances de commission sur le PAC Lavaux, où les aspects d’information et de délibération sont plus que liés, plus qu’interdépendants, je puis vous le dire ! Dans ce cadre, je vois mal comment, même avec la formulation prévue ici, l’on pourrait totalement délier les différents aspects d’information et de délibération sur les votes, d’autant plus qu’il n’est pas indiqué dans le texte s’il s’agit uniquement des votes finaux ou aussi des votes sur chaque article, ce qui pourrait amener un conseiller d’Etat à entrer et sortir d’une séance de commission en fonction des votes successifs sur les amendements et sur les articles en question.

A notre sens, la séparation des pouvoirs n’implique pas une étanchéité dans la discussion et notre présence ne contrevient pas à l’indépendance des décisions. D’ailleurs, le débat que nous avons aujourd’hui en est la preuve ; je ne pense pas que quiconque se sente brimé parce que je suis là pour défendre la position du Conseil d’Etat et bien au contraire, nous avons un débat tout à fait sain et ouvert sur ces questions d’ordre démocratique. Il nous paraît que, loin d’améliorer les discussions et les décisions, on pourrait créer des tensions entre les institutions, ou respectivement de l’inefficacité dans le cadre de ce qui se pratique déjà aujourd’hui en termes d’échanges, d’interventions du gouvernement, de demande de soutiens ou de compléments apportés dans le cadre des délibérations et des votes. Car il est entendu – je le rappelle – que les demandes de compléments interviennent souvent jusqu’à la fin des délibérations et jusqu’aux votes. On peut avoir des demandes d’information complémentaires qu’elles soient juridiques, techniques ou des questions liées à des rédactions ou des compléments de tout autre type. Pour toutes ces raisons, au nom du Conseil d’Etat, je vous invite à ne pas prendre cette motion en considération, même partiellement.

M. Laurent Miéville (V'L) — Premier vice-président

La discussion est close.

Le Grand Conseil refuse la prise en considération partielle de la motion par 69 voix contre 63 et 3 abstentions.

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

Je demande un vote nominal.

M. Laurent Miéville (V'L) — Premier vice-président

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui soutiennent la prise en considération partielle de la motion votent oui ; celles et ceux qui préfèrent son classement votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, le Grand Conseil refuse la prise en considération partielle de la motion par 72 voix contre 66 et 1 abstention.

*introduire vote nominal

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