20_INI_3 - Initiative Vincent Keller et consorts - Le taux unique : seule solution au casse-tête de la péréquation (Suite des débats).
Séance du Grand Conseil du mardi 8 février 2022, point 8 de l'ordre du jour
Texte déposé
Le système de la péréquation mis en place en l’an 2000 comme contre-projet de fait à l’initiative du POP pour un taux unique, refusée en 2001 au niveau cantonal (acceptée à Lausanne et Yverdon à 60%, de même qu’à Renens et Chavannes à plus de 67%), visait à rééquilibrer les fortes disparités fiscales entre communes. Aujourd’hui, on constate que ce système n’est pas parvenu à ses fins, comme l’avait prédit le POP dès le début. L’écart des taux ne s’est réduit qu’en 2004 et en 2011 suite à l’échange de tâches entre le canton et les communes, mais en aucun cas grâce aux péréquations. Actuellement, les taux fiscaux vont de 46 à 84 selon les communes.
L’autonomie fiscale des communes ne subsiste plus que sur le papier. La seule marge de manœuvre qui reste aux autorités communales, c’est de baisser leurs taux, mais ils ne peuvent plus guère être augmentés malgré les besoins financiers avérés. Ceci est évidemment vrai pour les communes les plus pauvres en termes de valeur du point d’impôt et qui ont déjà les taux d’imposition les plus élevés. Mais c’est aussi le cas pour les communes riches, qui se heurtent aux référendums lorsqu’elles tentent de rehausser leur taux, à l’exemple récent de Pully.
Par ailleurs, la légende qui voudrait que le taux d’imposition communal dépende de la bonne ou de la mauvaise gestion des pouvoirs publics est démentie par les faits. Par contre, le cercle vicieux qui concentre les gros contribuables dans les communes à imposition faible et logements coûteux, et les autres dans les communes à taux élevés et logements moins chers, est bien réel. Le système fiscal doit être là pour corriger ces inégalités, au-lieu de susciter une concurrence délétère entre communes allant jusqu’à créer de véritables oasis de prospérité d’un côté et des poches de pauvreté de l’autre.
L’expérience de la péréquation (qu’elle soit directe ou indirecte par la facture sociale) a montré aussi qu’il est difficile de ne pas en faire une « usine à gaz », aux mécanismes opaques et difficiles à comprendre pour le citoyen et même souvent pour les municipaux.
Le groupe Ensemble à Gauche et POP dénonce toute réforme qui aurait pour effet d’affaiblir d’une part l’engagement social de notre canton, et d’autre part l’effet péréquatif entre communes, qui devrait être non pas diminué mais au contraire renforcé.
Une solution équitable et transparente
Aujourd’hui, tout le monde semble d’accord que ce système de péréquations, inefficace et obscur, doit être réformé d’urgence. Une « Nouvelle péréquation » (appelée NPIV) est même dans le pipeline de l’Etat et de l’UCV. Celle-ci devra être simple, transparente, équitable, stable, non manipulable, ni source de « mauvaises incitations ». Or les négociations en cours, où chacun veut tirer la couverture à soi, font craindre le pire. Les récentes prises de position de l’AdCV laissent entrevoir des négociations dans lesquelles les communes viseront à « récupérer » ce qu’elles estiment avoir perdu, plutôt d’agir en faveur d’une juste répartition des charges et des ressources. Dans ce contexte, la seule péréquation qui remplisse parfaitement les 6 critères précités est le « taux unique ». Avec ce dernier :
Chaque contribuable paie son impôt communal à un même taux moyen, calculé en fonction des charges nécessaires, (actuellement, le taux moyen est de 68), et l’entier de la somme est redistribuée aux communes selon des critères objectifs garantissant que deux entités de même importance disposent des mêmes ressources.
Deux communes de même importance ont les mêmes ressources financières à disposition pour remplir leurs tâches, indépendamment de la richesse ou de la pauvreté moyenne de ses habitants.
Ceci donnera l’autonomie financière à toutes les communes - au-lieu d’une autonomie fiscale qui n’existe plus que sur le papier - tout en profitant à 2/3 de la population, à savoir tous ces contribuables qui, depuis des lustres, payent leurs impôts communaux à des taux trop élevés.
C’est pourquoi nous déposons l’initiative parlementaire constitutionnelle suivante, à savoir remplacer l’art. 168 de la Constitution vaudoise par :
Le taux d’impôt communal est identique sur tout le territoire du canton.
La totalité du produit de l’impôt alimente un fond de péréquation. Ce fond est entièrement redistribué aux communes, sans affectation imposée, suivant des critères objectifs. Le barème de redistribution prend notamment en compte le nombre d’habitants et de places de travail ainsi que les tâches régionales financées par la commune.
La loi fixe le taux communal et le barème de distribution.
Pour faire face à des dépenses exceptionnelles, les communes peuvent être autorisées à fixer un nombre limité de points d’impôts supplémentaires et sur une période déterminée.
Mesure transitoire : Lors de son introduction, le taux d’impôt communal sera égal à la valeur moyenne pondérée des taux existants.
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Didier Lohri | VER |
Jean-Marc Nicolet | |
Taraneh Aminian | EP |
Yvan Luccarini | EP |
Jean-Louis Radice | V'L |
David Raedler | VER |
Léonard Studer | |
Rebecca Joly | VER |
Circé Fuchs | V'L |
Serge Melly | |
Pierre Fonjallaz | VER |
Raphaël Mahaim | VER |
Sylvie Podio | VER |
Pierre Zwahlen | VER |
Andreas Wüthrich | V'L |
Hadrien Buclin | EP |
Nathalie Jaccard | VER |
Marc Vuilleumier | EP |
Céline Misiego | EP |
Jérôme Christen |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLe débat est repris.
J’annonce d’emblée la couleur : le groupe PLR va refuser l’initiative de M. le député Vincent Keller et consorts en faveur d’un taux unique. Pourquoi ? Il s’agit d’un copier-coller de l’initiative déposée par le député Dudt, il y a 20 ans. Cette initiative ne répond pas du tout à la problématique rencontrée par les communes. La péréquation est un casse-tête, c’est vrai, mais la solution du taux unique est une fausse réponse à ce problème. Si ce taux unique est appliqué au niveau des prélèvements fiscaux communaux, il devra y avoir en conséquence un système réglant la redistribution des impôts en fonction de la situation des communes vaudoises, et cela selon des critères décidés par le canton. Cherchez l’erreur ! Le taux unique est une fausse bonne idée, car il ne va pas régler le problème soulevé par les auteurs de l’initiative. Les initiants veulent balayer l’autonomie des communes et la politique de proximité qui permet à celles-ci d’ajuster les impôts en fonction des enjeux locaux. Supprimer l’autonomie des communes, de facto signifie leur mort. La suppression de cet échelon démocratique serait une atteinte grave à nos institutions.
Le groupe PLR est respectueux des différences et de l’autonomie des communes. Or, le taux unique pourrait devenir une chape de plomb fiscale qui pousserait les contribuables à déplacer leurs centres d’intérêt dans d’autres cantons. Par ailleurs, des référendums peuvent être déposés dans de nombreuses communes, découlant de l’augmentation de la pression fiscale. Laissons-leur ce choix. Ne faisons pas des communes une cause commune à la sauce cantonale en imposant une nouvelle couche centralisatrice pour mieux faire passer une idée idéologique. Réformer, oui, mais pas niveler. La pensée unique, comme l’impôt unique, ne rend pas les gens heureux. Le PLR vous invite à suivre le rapport de la majorité de la commission.
Je déclare mes intérêts : je suis municipal depuis 11 ans et je suis un défenseur de l’autonomie communale. Une proposition de taux unique venant de notre collègue Keller ou de son groupe politique ne m’étonne pas, mais va totalement à l’encontre de ma position politique. Du reste, une fois de plus, vous essayez de mélanger la facture sociale et la péréquation intercommunale en critiquant les communes à forte capacité financière, alors que les citoyennes et les citoyens fortunés de ces communes font doublement la richesse de notre canton.
Monsieur Keller, les communes font des choix politiques et ce n’est pas aux autres de les assumer. Certaines choisiront d’offrir des billets journaliers CFF à prix réduit ; d’autres voudront une grande salle pour permettre à leurs sociétés locales de se produire ; d’autres construiront des terrains de sport ; certaines investiront dans une déchetterie moderne, dans l’entretien de leurs chemins communaux ou dans l’achat d’un restaurant, et j’en passe. C’est là leur choix et ce n’est pas à leurs voisines ou aux communes de l’autre bout du canton de financer ces choix. C’est cela l’autonomie communale : chaque municipalité fait sa politique, acceptée ou non par le conseil communal, le conseil général, voire par sa population. C’est pour cela que nous ne voulons pas de votre initiative, qui n’est que du communisme pur et dur.
Vous faites miroiter que le taux unique serait le remède à la péréquation, mais vous ne parlez même pas de la redistribution de cet argent dans les communes, car vous n’en avez simplement aucune idée. Que va-t-on favoriser ? J’ai de la peine à suivre les syndics et municipaux socialistes qui soutiennent cette initiative et n’hésitent pas à dire qu’ils défendent l’autonomie communale ! Mesdames et Messieurs les socialistes, le taux unique, c’est la mort des communes ! Est-ce vraiment ce que vous voulez ? J’ose espérer que non. Je vous invite à classer cette initiative. Vive les communes !
On vient de le voir : chaque fois que le Grand Conseil essaye d’harmoniser quelques pratiques, on brandit systématiquement la question de l’autonomie communale. Aujourd’hui, nous parlons du taux d’impôt au niveau communal. Des chiffres nous ont été transmis la semaine dernière et l’on constate qu’une harmonisation du taux profiterait à une majorité de la population vaudoise. On constate aussi que la majorité des personnes qui subiraient une hausse d’impôts, si l’on appliquait un taux unique, se trouverait aussi parmi les classes sociales les plus aisées de notre canton. Evidemment, pour les députés provenant des communes qui seront impactées par une hausse, c’est un peu délicat de soutenir cette initiative. C’est d’ailleurs toujours difficile de défendre une position qui profite à une majorité, lorsqu’elle désavantage clairement les personnes qui nous ont élus. Néanmoins, je vous rappelle que le rôle du Grand Conseil est de prendre des décisions qui profitent à l’ensemble de la population.
Concernant la question de l’autonomie communale, dans les faits, l’argument ne tient pas non plus. Nous avons pu constater, ces derniers temps, que les communes qui souhaitent relever leur point d’impôt se font finalement débouter par un référendum. On constate donc que l’autonomie ne fonctionne pas, dans ce cas, quand bien même la majorité de l’organe délibérant souhaite relever le point d’impôt. Comment expliquer à la population que nous refusons d’appliquer un barème identique entre les différentes communes du canton alors que les taux les plus bas profitent aux classes les plus favorisées de notre canton ? Nous avons la possibilité de corriger ce déséquilibre qui ne peut aucunement se justifier. L’autonomie communale ne peut pas s’opposer à l’égalité de traitement face à l’impôt. Pour toutes ces raisons, la grande majorité du groupe socialiste soutiendra le rapport de minorité de la commission.
Mon cher collègue Keller, je vais vous surprendre, mais je suis assez d’accord avec vous… sur un point seulement : le titre de votre initiative. En effet, avec le taux unique – si nous devions en arriver là – nous n’aurions plus de problème de péréquation, puisque, à terme, il y aurait le canton, un district, une commune. Le taux unique – et surtout son train de mesures – c’est la mort des communes ! Malgré tout ce que vous voudrez bien argumenter, le choix du taux d’imposition fait partie de l’ADN de nos communes et le standardiser revient à retirer sa substance même. Or, comme dans tout élément, lorsqu’on retire la substance, c’est le vide qui s’installe.
Quelle est la base de notre démocratie ? C’est la diversité : la diversité des langues, la diversité de la population, des entreprises, des communes, des régions, des districts, des cantons. C’est grâce à cette diversité que la Suisse existe. Sachons donc la conserver et la préserver, en laissant à nos communes la capacité de se gérer. A mon sens, le taux unique est une atteinte directe à notre démocratie. Je vous invite donc à clairement refuser cette initiative.
Sans revenir dans le détail sur les prises de paroles de mardi passé et de ce jour, permettez-moi d’être surpris de la tournure du débat. Les arguments énoncés par mes préopinants parlent du passé pour justifier un refus d’analyser – et je dis bien d’analyser – la problématique du taux unique. Or, nous devons absolument soutenir toutes les démarches permettant d’analyser et de décortiquer le principe du mélange de la facture sociale et de la péréquation. Même les rapports de commission commettent des lapsus qui sont révélateurs d’un manque de compréhension du problème. Pour l’exemple, comment peut-on écrire ou dire que : « (les) effets péréquatifs provoquent (…) l’augmentation de la participation des communes à la facture sociale » ? Nous mélangeons les genres mathématiques. L’augmentation de la participation des communes à la facture sociale n’a rien à voir avec les effets de la péréquation. D’où les premiers points d’incompréhension. A titre plus personnel, certains trouvent paradoxal que je milite à la fois pour « SOS Communes » et pour le taux unique. Mon soutien à l’initiative de notre collègue Keller s’inscrit dans la continuité de mes actions entreprises au niveau du Parlement, depuis 2017, au sujet de la péréquation, de l’Association vaudoise d’aide et de soins à domicile (AVASAD) et de la fiscalité, ponctionnée dans le porte-monnaie du milicien communal, que vous défendez.
Sans préjuger du bien ou du mal de la proposition soumise à discussion ce jour, le Conseil d’Etat doit prévoir des contre-projets à ces initiatives et motions. Le gouvernement oublie que la situation crée des tensions entre le Conseil d’Etat et les communes. Le manque de volonté d’évoluer est justement dû à la peur de toucher au système et de créer de nouvelles guerres des tranchées. Il faut absolument sortir du schéma actuel – et ancestral, qui consiste à regarder la ligne de sa commune et à déclarer l’absolue nullité de la péréquation, en cas de perte, ou à la trouver idéale, si sa commune y gagne. Le rapport de la Commission des finances au sujet de mon initiative sur la Loi sur les péréquations intercommunales (LPIC) – que vous avez reçu jeudi de la semaine passée – confirme de manière évidente que le doute gagne tout le monde. Lorsqu’une commission conclut par un vote comptant 10 abstentions sur 13 présents, il est indispensable, voire primordial, de soutenir toutes tentatives afin d’obliger ou même de contraindre le Conseil d’Etat à travailler – je dis bien travailler – sur la globalité du problème du partenariat financier canton-communes.
Je ne peux plus me contenter de voir des représentants de l’Etat – payés 450’000 francs par an par les communes – s’appuyer sur des intuitions, ou sur des prophéties absconses, pour démontrer le peu de sens des démarches faites par les députées et députés, et cela sans transmettre aucun document permettant d’analyser les nombres. Vous admettrez qu’à ce tarif, nous sommes en droit d’attendre du concret, et pas uniquement qu’on nous réponde « Nous avons fait tourner le programme et cela ne joue pas ». Moult motions, initiatives, interpellations n’ont pas fait changer d’un iota la position du Conseil d’Etat. Il faut entreprendre les démarches par le biais du législatif cantonal et non par les faîtières des communes. Nous allons vers un échec cuisant si toutes les données du problème ne sont pas mises en réflexion pour le futur et sans revenir sur les points noirs du passé pour expliquer la problématique.
En revenant sur le fond de la question de notre collègue Keller, permettez-moi d’avoir une vision un peu plus nuancée que la droite au sujet du taux unique, en vous posant la question suivante : ne sommes-nous pas déjà dans une forme de taux unique lorsqu’on parle de gendarmerie, de péréquation, de cohésion sociale, en prélevant près de 38 points d’impôts communaux pour alimenter une caisse intercommunale ou cantonale ?
Il est indispensable – et je le répète, comme je l’ai fait à la Commission des finances – que le Grand Conseil prenne ce dossier à son compte. Je vous encourage à voter pour le renvoi de cette initiative au Conseil d’Etat, pour que le Grand Conseil prenne ses responsabilités.
Tout d’abord, je déclare mes intérêts : je suis vice-syndic à la ville de Sainte-Croix. L’initiative proposée par notre collègue Keller se veut la seule solution au casse-tête de la péréquation. Or, non seulement cette initiative manque sa cible, mais le remède qu’elle propose est pire que le mal.
Je peux comprendre la position de notre collègue Keller et sa vision communiste : un pouvoir centralisateur qui enlève toute autonomie aux communes, toute vision de perspectives, avec un Etat proche d’une vision de Moscou ou de Pékin. Si nous voulions supprimer les communes, la première étape serait de supprimer le taux d’impôts communal qui est basé sur des besoins et des recettes. Il y a une forte disparité d’une commune à l’autre. Une commune qui a un cinéma ou une commune qui doit construire une salle de gym adaptent leur taux d’impôt en conséquence. Avec un taux unique dirigé depuis Lausanne – de nouveau, l’Etat centralisateur – il n’y aura plus aucune compétence pour les communes. A quoi servirait alors d’avoir encore des législatifs et les exécutifs dans les communes, si ces dernières ne peuvent même plus décider si elles doivent construire une nouvelle classe de jeu, mais qu’elles n’ont pas le financement pour le faire ? C’est la réalité.
A l’unanimité, le groupe UDC refusera avec vigueur l’initiative proposée, une initiative communiste qui vise à un Etat centralisateur.
J’ai bien entendu, mardi dernier, MM. Dessemontet et Keller – l’un pour le rapport de minorité, l’autre pour les initiants – nous rassurer sur le sort réservé à l’autonomie communale par l’introduction d’un taux unique. Selon M. Dessemontet, il n’y aurait pas de quoi s’inquiéter, puisque l’autonomie communale en matière de taxation n’existe plus de facto. Comme le relève le rapport de la minorité que je cite : « La situation actuelle ne donne pas d’autonomie effective aux communes concernant la fixation de leur taux d’imposition. » Ah bon ! Pas de quoi s’inquiéter non plus pour le surplus en matière d’autonomie communale, puisque, je cite toujours le rapport de minorité : « L’objection voulant que l’introduction d’un taux d’imposition unique signifierait la fin de l’autonomie communale par prise de pouvoir de l’échelon cantonal ne peut pas être retenue. L’existence institutionnelle des communes découlant déjà du droit cantonal, à savoir la Constitution du canton et la Loi sur les communes. » Tiens donc ! Et M. Keller de renchérir en concluant : « L’initiative sur le taux unique n’est pas une attaque contre l’autonomie communale, c’est exactement le contraire. »
On finirait presque par vous croire, messieurs, si l’on s’en tenait uniquement au texte de l’initiative tel qu’il nous est proposé, à savoir un abandon du système de la péréquation prévu à l’article 168 de notre Constitution. Mais à partir du moment où l’on y va « à la hache », pour sabrer des dispositions, il faut frapper fort pour éviter une trop grande souffrance. On ne peut pas s’en prendre à la péréquation sans s’en prendre également à l’autonomie communale, car, qu’on le veuille ou non, l’article 139 de notre Constitution au doux titre « Autonomie communale » prévoit à son alinéa 1, lettre c, que les communes disposent d’autonomie dans la fixation des taxes et des impôts communaux. Si c’est un taux unique que vous voulez, il conviendrait également de modifier l’article 139 de notre Constitution et vous en prendre, que vous le vouliez ou non, à l’autonomie communale.
A mes yeux, l’initiative qui nous est proposée est donc incomplète pour être réalisable constitutionnellement. Il me paraît dès lors vain de m’exprimer sur le fond, tant la forme me pose déjà un problème. Pour cette raison, je vous invite à ne pas prendre en considération cette initiative.
Je déclare mes intérêts : je suis coprésidente du comité d’initiative « SOS Communes » et ancienne présidente de l’Association des communes vaudoises (AdCV).
Il y a 20 ans, l’initiative du POP pour un taux d’imposition unique pour les communes vaudoises a été rejetée par 60 % des votants, et avec raison. Cette fois, ils arguent que la péréquation intercommunale n’est pas parvenue à rééquilibrer « les fortes disparités fiscales entre communes ». Cette affirmation est démentie par la conseillère d’Etat Christelle Luisier qui a présenté en commission le fait que la péréquation actuelle réduit de plus de 90 % les disparités entre communes.
En fait, le vrai coupable du blocage actuel est la progression fulgurante des coûts de la politique de cohésion sociale. Cette augmentation impacte négativement toutes les communes vaudoises :
- premièrement, celles qui auraient besoin de davantage de redistribution dans le cadre de la péréquation intercommunale ;
- et deuxièmement, celles qui souhaiteraient augmenter leur contribution à cette péréquation horizontale, mais dont les recettes sont siphonnées par la politique de cohésion sociale.
Depuis 2006, les communes ont financé pas moins de 10 milliards de francs pour une charge cantonale. La source de cette information est le rapport n°56 de la Cour des Comptes sur les péréquations. Cette charge et sa progression ont complètement effacé la progression de la valeur du point d’impôt par habitant des communes. Au lieu de progresser de 38,8 à 46,3 francs – et aujourd’hui 48 – il n’est passé que de 28,2 à 29,5 francs une fois les coûts de la facture sociale déduits. Autant dire une stagnation.
Pire encore, en 2018, sur 2,6 milliards de francs de recettes fiscales communales, les communes ont dépensé 33 % pour la facture sociale. A titre de comparaison, le canton de Vaud n’y a consacré que 18 % sur 5 milliards de recettes fiscales. Répétons-le encore une fois : les communes ont versé 33 % de leurs recettes, le canton seulement 18 %, alors qu’il s’agit de ses propres dépenses. Les communes ne sont pas contre la politique sociale. Elles disent que la charge pour les communes est disproportionnée par rapport à leurs ressources.
Sous un angle plus politique, le canton de Vaud et toutes les communes vaudoises ont intérêt à avoir des communes qui peuvent maintenir des taux d’imposition intéressants. Ces communes attirent des contribuables à forte capacité fiscale, que ce soient des personnes physiques ou des personnes morales. Une centaine de communes vaudoises ont un taux d’imposition entre 46 et 68 points. Selon les acomptes des péréquations 2021, elles vont encaisser 1,1 milliard de francs de recettes fiscales. Grâce à ces communes, le canton de Vaud en encaissera le double, 2,2 milliards de francs, soit environ 20 % de son budget annuel. Dire que les classes aisées ne contribuent pas à la richesse du canton, il est permis d’en douter.
De plus, ce gros tiers des communes vaudoises finance à elles seules 55% des charges en lien avec la politique de cohésion sociale. Elles soulagent toutes les autres communes face aux coûts de la facture sociale. Elles alimentent aussi la moitié du montant à redistribuer dans le cadre de la péréquation intercommunale. Ainsi, elles font preuve de beaucoup de solidarité envers les autres communes, mais elles ne peuvent pas en faire plus, parce qu’elles sont souvent exsangues.
La réalité est qu’un taux unique de 68 ne changera pas la valeur du point d’impôt communal. Quand le rapport de minorité affirme que l’initiative se traduirait par un renforcement sensible des mécanismes péréquatifs et de la solidarité entre les communes, il est permis d’avoir des doutes. En fait, cette initiative ne changera pas les montants à disposition de l’ensemble des communes vaudoises. Je vous le démontrerai tout à l’heure.
Et imaginons un seul instant que le taux unique soit accepté. Quelle sera la réaction des contribuables à forte capacité fiscale ? Le taux unique nuirait gravement à l’attractivité fiscale de notre canton et diminuerait drastiquement les recettes fiscales pour tout le monde, échelon cantonal compris.
Je souhaiterais projeter quelques graphiques que j’ai fait parvenir hier au Secrétariat général.
*insérer graphiques qui sont dans dossier séance : byrne_garelli.pptx
Vous avez ici des extraits du décompte définitif de 2020 sur le calcul de la valeur d’impôt. C’est le tableau des péréquations que vous trouvez sur Internet, colonnes S, T et U montrant le taux communal 2020, les impôts suivant le taux – c’est-à-dire les recettes soumises au taux – et la valeur du point d’impôt cantonal. A gauche, vous avez les taux d’impôts qui sont appliqués dans les communes. J’ai pris les 10 dernières communes pour que vous puissiez voir les totaux. On voit que le taux moyen des communes est de 67,30. Si vous transcrivez ce 67,30 sur la colonne de droite, vous arrivez à peu près au même montant. Les communes considérées ensemble, la valeur du point d’impôt est de 39'270’000 d’une manière ou d’une autre. Je pense que les chiffres sont arrondis à deux décimales sur la deuxième colonne pour 67,30. Dire que le taux unique va augmenter les recettes pour les communes, ce n’est pas la vérité.
*Insérer graphique
Vous avez ici la facture sociale 2018. On voit que les communes ont dépensé 33 % de leurs recettes fiscales pour la facture sociale, alors que le canton n’en a dépensé que 18 %.
*Insérer graphique
S’il devait y avoir une participation égalitaire entre le canton et les communes pour la facture sociale, ils payeraient les deux 22,6 % de leurs recettes fiscales, ce qui représenterait déjà un gain de 246 millions pour les communes. La facture sociale diminuerait d’autant.
*Insérer graphique
L’initiant parle, dans son argumentaire, de charges reprises par le canton entre 2010 et 2011. Il est vrai que cette reprise de charges a représenté, dans un premier temps – en tout cas les deux premières années – une baisse des charges de l’ensemble des communes, mais les charges ont rapidement repris l’ascenseur et ont finalement effacé tout le gain qui avait été obtenu en 2010.
*Insérer graphique
Le dernier graphique provient également du rapport n° 56 de la Cour des Comptes. En 2020, la valeur du point d’impôt par communes est de 48. On peut donc dire qu’entre 2006 et 2020, la valeur du point d’impôt par habitant a augmenté de presque 10 points. Mais sur le graphique du bas, vous voyez la valeur du point d’impôt des communes une fois que l’on a déduit la facture sociale. On voit finalement que les recettes des communes ont stagné.
Tout cela pour dire que le taux unique était une mauvaise idée il y a 20 ans et que c’est toujours une mauvaise idée. Si on veut régler les problèmes financiers des communes, ce n’est pas par la voie d’un taux unique qu’on pourra le faire. Evitons d’enlever toute autonomie aux communes vaudoises, et des droits politiques fondamentaux à nos concitoyens qui n’auront plus leur mot à dire sur le taux d’imposition de leur commune. Je vous invite à refuser la proposition de notre collègue Vincent Keller.
On peut avoir des débats sans fin sur nos idées ou nos institutions et discuter des heures de mécanismes financiers, mais il est aussi possible de changer de point de vue : si nous nous mettons à la place d’une habitante ou d’un habitant de n’importe quelle commune, quelles sont ses attentes ? Des routes et des solutions de mobilité, des écoles, des espaces verts, des structures d’accueil de l’enfance, un service de secours incendie, des activités culturelles, des équipements sportifs, une bibliothèque, etc. Aucun de ces éléments ne dépend du point d’impôt ou des ressources propres de la commune. En réalité, il faut noter que, dans de nombreux endroits de notre canton, les prestations attendues par la population ne sont pas toujours offertes, pas forcément par manque de volonté politique, mais par manque de moyens. En réalité, dans beaucoup de communes de ce canton et dans les régions moins urbanisées en particulier, les impôts sont hauts et les prestations faiblement développées.
Adopter le taux unique, c’est garantir l’égalité devant l’impôt de toutes et tous les Vaudois. C’est garantir aussi un socle minimal de prestations, soit une logique des besoins et non des moyens. Aujourd’hui, l’autonomie communale revient souvent à ne pas avoir assez de ressources et à gérer la pénurie. Cette autonomie est donc un leurre. C’est en assurant à toutes les communes les ressources adéquates que cette autonomie pourra être effective. Dès lors, je vous invite à soutenir cette initiative.
Tout d’abord, je déclare mes intérêts : je copréside l’association « SOS Communes » avec ma collègue qui a pris la parole tout à l’heure et a donné des chiffres. Mon message sera plutôt politique : je peux comprendre la position du rapporteur de la minorité, d’autant plus que M. Dessemontet préside l’exécutif de la deuxième ville du canton, avec son lot de problèmes liés à la péréquation. En revanche, il m’est difficile d’écouter les propos de l’initiant qui cherche à appauvrir notre canton, à supprimer l’échelon communal, à centraliser les recettes de l’impôt communal et à diviser les citoyennes et citoyens de notre canton. Pour la ixième fois, il n’y a pas de communes riches et de communes pauvres ; il y a des contribuables que vous pouvez gratifier, mesdames et messieurs de l’extrême gauche, de l’adjectif « riches » ou « pauvres », mais sachez qu’aujourd’hui les contribuables vaudois ont encore le droit de choisir leur lieu de résidence. Les contribuables à faibles revenus choisissent plutôt des villes-centres offrant beaucoup de services à la population. Les plus aisés optent plutôt pour des communes, voire des cantons, avec moins d’offres à la population, mais un taux d’impôt plus bas. Cette liberté garantit notre équilibre financier et garantit surtout la cohésion sociale. La conséquence de cette saine politique nous demande de mettre en place une péréquation redistributrice des richesses et, pour notre canton, de garder les contribuables hautement contributeurs dans nos communes.
Mesdames et messieurs, ne suivons pas cette proposition qui cherche à nous diviser. Nous devons avoir autant de respect pour les habitants de Château-d’Oex, de Molondin, de Payerne et d’Yverdon que pour ceux d’Echandens, de Mies ou de Pully. En résumé, les communes et le canton doivent rapidement mettre en œuvre une juste répartition des richesses entre nos communes et surtout ne pas pousser les contribuables aisés à fuir nos communes, avec comme corollaire l’appauvrissement des finances cantonales.
Nous savons qu’il n’y aura pas de paix entre les communes et le canton sans une révision complète de la péréquation et une solution juste concernant la facture qui, aujourd’hui, pèse beaucoup trop sur une partie de nos communes. Pour rappel, en 2018, le Conseil d’Etat écrivait vouloir une révision rapide et complète du système, avec une séparation péréquation-facture sociale. Nous sommes toutes et tous conscients que ce chantier est complexe et très sensible. Je tiens à souligner le courage et le travail effectué par notre conseillère d’Etat Mme Luisier Brodard depuis son entrée en fonction en 2020, même si un certain nombre d’entre nous sont persuadés que l’accord Canton-UCV ne peut exister que pour une très courte durée.
Si la recette prodiguée par M. Keller – déjà testée en d’autres lieux et dans d’autres temps – fonctionnait, nous le saurions. Pensez-vous sérieusement qu’en démolissant l’esprit vaudois, qu’en mettant les communes vaudoises sous tutelle de l’Etat, qu’en démotivant toutes les personnes impliquées politiquement au niveau communal, qu’en centralisant toutes les décisions, qu’en enlevant le rôle de proximité des élus communaux et en les transférant à des fonctionnaires, vous parviendrez à résoudre nos différends ? Pour ma part, la réponse est limpide. Nous devons refuser cette initiative fossoyeuse de l’autonomie communale, destructrice de notre système politique qui est basé sur la responsabilité de chacune et de chacun, basé aussi sur la liberté, la solidarité et l’envie d’entreprendre.
Une partie d’entre vous pense certainement que l’initiative « SOS Communes » est de la même veine que celle proposée par l’extrême gauche. Avant d’entendre ce genre de propos, je tiens à rappeler que l’initiative « SOS Communes » a pour objectif de défendre l’autonomie communale, de répartir équitablement entre les communes la richesse issue de la fiscalité, tout en maintenant l’attractivité pour le bien de toutes et de tous. En résumé, « SOS Communes » c’est l’antithèse de la proposition de cette initiative extrémiste.
Pour promouvoir le magnifique slogan « Un canton fort, des communes fortes » nous devons soutenir massivement le rapport de majorité. Soyons novateurs, proposons de vraies solutions porteuses du goût d’oser, du goût d’entreprendre, du goût d’innover et ne détruisons pas l’extraordinaire héritage institutionnel qu’est la commune. Nous savons toutes et tous que nous avons d’autres outils pour nous adapter à notre époque. Motivons notre jeunesse à s’engager en politique, en commençant par le premier échelon : la commune.
J’ai l’impression que, dans ce débat, nous sommes en train de tout mélanger. On parle de péréquation, de taux d’imposition, de participation à la cohésion sociale, on parle de l’initiative « SOS Communes », des disparités entre les communes ou de disparités entre les contribuables… On mélange tout, alors que cette initiative est simplement une attaque contre l’autonomie communale. L’argument qui vise à faire croire que cela va simplifier la péréquation actuelle n’est qu’un nuage de fumée. Le système actuel de péréquation permet déjà de supprimer la disparité entre les communes, puisque – cela a été dit par Mme la conseillère d’Etat à plusieurs reprises – la disparité entre les communes a été gommée à plus de 90 % avec la péréquation actuelle. Faire mieux relève presque du miracle ! Le but est donc déjà atteint avec la péréquation actuelle en termes de disparité entre les communes.
Avec le taux unique, il faudrait dans tous les cas refaire une péréquation derrière les encaissements, parce qu’il faut bien redistribuer l’argent qui sera encaissé par le canton par le biais du taux unique. Ce n’est donc pas avec une initiative comme celle qui est déposée que nous pourrons supprimer une péréquation intercommunale. Cette dernière existera toujours.
Par ailleurs, la disparité des taux actuels entre les communes est aussi due en partie au patrimoine financier que possèdent – ou pas – certaines communes. Dès lors, si vous voulez une totale égalité dans les recettes des communes, il ne faut pas considérer seulement les recettes fiscales, mais l’ensemble des recettes des communes. Aujourd’hui, il faut bien le dire, avec un taux d’impôt à 0, à 5 ou à 10, les communes arriveraient à vivre grâce aux autres recettes qu’elles ont. Il faudrait que ces recettes soient prélevées et redistribuées à l’ensemble des communes. Mais, si on procède ainsi, cela veut dire que le patrimoine financier des communes ne devrait plus exister. Ce serait un système totalement communiste, comme cela a déjà été dit. Cela ne m’étonne pas que cette initiative vienne du POP, mais je m’étonne que les membres socialistes des exécutifs soutiennent cette initiative communiste.
Je viens d’une commune qui a un taux supérieur au taux unique proposé et au taux moyen, mais je préfère largement avoir ce taux supérieur, parce que cela offre la possibilité à chaque habitant de ma commune de décider du taux d’imposition et de décider des dépenses et des prestations qu’il souhaite pour sa commune, par exemple dans le sport, la culture ou la garde d’enfants. Avec un taux unique et une redistribution par le canton, cela ne serait plus possible ; il n’y aurait plus d’autonomie communale.
Enfin, je trouve très bénéfique que nous ayons des contribuables très aisés dans le canton de Vaud et je suis satisfait d’en avoir. Même s’ils payent des impôts à un taux inférieur, certains contribuables payent à eux seuls plus que l’ensemble des contribuables de la commune dans laquelle je suis syndic. Nous avons besoin de ces contribuables pour notre économie, tout comme notre canton a besoin de communes fortes et autonomes pour exister. Notre canton aussi besoin d’entreprises et d’entrepreneurs. Il a besoin de personnes aisées qui payent des impôts parfois élevés afin de financer des prestations, notamment les prestations de cohésion sociale. Le taux unique aurait pour conséquence la perte d’autonomie des communes, un Etat centralisateur et une fuite des contribuables aisés. Je vous enjoins à ne pas prendre en compte cette initiative qui serait destructrice pour nos institutions.
J’aimerais revenir sur quelques éléments énoncés par le rapporteur de la minorité, également syndic de la commune d’Yverdon, et par son collègue de parti, M. Balet sauf erreur conseiller communal. Si on prend le cas précis d’Yverdon, je ne suis pas statisticien, mais le point d’impôt est aujourd’hui à 75 et le taux unique à 68, soit 7 points de différence. A 800 000 francs le point – c’est ce qui est prévu dans le cadre des comptes d’Yverdon – on a, selon moi, 5,6 millions de pertes pour la commune d’Yverdon, en sachant que cette commune est plafonnée à la péréquation. M. le rapporteur de minorité donne aujourd’hui un chèque en blanc sur la manière dont sera réalisée la péréquation, sachant que le dernier accord qui a été signé avec l’UCV ne présente pas de péréquation verticale. Je réserve mon avis par rapport à cela, mais je pense qu’il sera important à l’avenir de travailler sur une péréquation verticale.
J’ai aussi eu le plaisir d’entendre mon collègue Eggenberger et je peux comprendre ses propos : c’est un collègue centralisateur qui souhaite que l’ensemble des éléments mis dans les politiques communales vienne du centre, donc du gouvernement. Cette initiative va exactement dans ce sens. Il ne trompe donc personne. Aujourd’hui, pour lui, on met ces points d’impôts communaux dans un pot commun qui est traité directement par le gouvernement et réparti sur la base des politiques publiques qui seront proposées et décidées par notre gouvernement dans la prochaine législature et les suivantes. C’est une manière de faire, mais ce n’est évidemment pas la mienne. Je ne partage pas du tout son avis : pour moi, les communes doivent être autonomes. Nous avons un canton diversifié – du Jura, de la plaine, des Alpes – avec des besoins différents pour l’ensemble des couches de la population. Selon moi, il faut absolument laisser de l’autonomie aux communes, les petites, les moyennes et les grandes.
Je voudrais poser une question à M. Keller : j’aimerais qu’il nous explique ce qu’il fera, dans le cadre de cette initiative, des associations intercommunales ? Cela concerne évidemment un petit peu moins les communes-centres, mais davantage les communes de la campagne et les communes de plus petite taille. Que fera-t-on avec ces associations intercommunales qui regroupent notamment tout ce qui concerne les collèges, les constructions de collèges, les amenées d’eau, etc. ? Aujourd’hui, M. Keller a une idée. C’est formidable, mais il faut aller un peu plus dans les détails, parce que le diable se cache dans les détails.
Voilà plus de 20 ans que le peuple vaudois a refusé l’initiative populaire pour un taux unique, après qu’on lui ait a fait la solennelle promesse qu’avec le système péréquatif de solidarité intercommunale (ETACOM), on allait résoudre le problème des iniquités fiscales. On connaît le résultat : plus de 20 ans de promesses non tenues. Nous sommes toujours au rendez-vous, mais on nous pose un lapin à chaque fois. Pouvons-nous attendre que Mme la conseillère d’Etat Luisier, telle une magicienne, fasse sortir un miracle du chapeau ?
Chaque fois que l’on parle de taux unique – et c’est encore le cas aujourd’hui – on nous oppose l’autonomie communale. Mais de quelle véritable autonomie fiscale une commune dispose-t-elle vraiment ? Baisser le taux d’imposition ? Pourquoi pas, mais quelle commune, dans le contexte actuel qui n’est pas près de changer, peut se permettre de baisser son taux d’imposition ? Quasiment aucune ! Quelle commune peut se permettre aujourd’hui d’augmenter son taux d’imposition ? Quasiment aucune, sauf concours de circonstances exceptionnelles. Cette autonomie communale sur la variation du taux n’est-elle donc pas un leurre ? Venir nous dire aujourd’hui que le taux unique, c’est la mort des communes, ce n’est franchement pas crédible. Les communes ont déjà aujourd’hui une marge de manœuvre quasiment insignifiante sur leur taux d’imposition.
A droite, au sujet de ce taux unique, on nous a souvent parlé de prime à la mauvaise gestion, d’oreiller de paresse. Mais si vous donnez les mêmes ressources à Pierre, Paul, Jacques ou Jean, n’est-ce pas justement dans ce cas que l’on reconnaît les meilleurs gestionnaires ? Qui peut prétendre que les communes à taux bas sont les mieux gérées ? Elles vivent simplement mieux, parce qu’elles ont des revenus fiscaux élevés. Certes, ils sont atténués par les effets de la péréquation, du moins dans certaines communes, car toutes n’arrivent pas à passer entre les mailles du filet et se voient donc aussi assommées par la péréquation. C’est ainsi que certaines communes deviennent pauvres d’être riches et que le remède devient alors pire que le mal. C’est ce que nous vivons actuellement. Finalement, le système ne profite à personne.
Le système que nous avons mis en place ne satisfait pas la majorité des communes, qu’elles soient pauvres ou riches, voilà pourquoi nous avons aujourd’hui, d’un côté « SOS Communes » et de l’autre, l’initiative pour un taux unique. Entre un système où l’on doit lutter à armes égales ou le système actuel où des situations aléatoires profitent aux uns ou aux autres, qu’y a-t-il de mieux ? Qu’est-ce qui justifie aujourd’hui le fait qu’un citoyen A, qui gagne la même chose qu’un citoyen B, paye plus d’impôts ? Des contribuables qui ont le même revenu et la même fortune ne devraient-ils pas payer le même impôt ? Est-il normal que la majorité des Vaudois paye trop d’impôts parce que certaines communes sont devenues des paradis fiscaux ? Les communes de taille identique ne devraient-elles pas disposer des mêmes moyens financiers ? Cela fait 20 ans que l’on nous promet que les disparités fiscales entre communes vont s’atténuer grâce à ETACOM, 20 ans de miroir aux alouettes.
Les députés Libres, même s’ils ne sont pas tous convaincus aujourd’hui sur le fond, accepteront cette initiative, comme ils ont soutenu « SOS Communes », aux antipodes, pour pousser le Conseil d’Etat dans ses derniers retranchements afin de nous proposer une alternative avec un vrai contre-projet. Nous pourrons ainsi faire un vrai choix, plutôt que continuer à nous enferrer dans une impasse.
Tout d’abord, je déclare mes intérêts : je suis membre du comité d’initiative de « SOS Communes ». Comment résoudre le casse-tête de la péréquation intercommunale ? Pour les Vert’libéraux, la solution consiste à commencer par admettre qu’il est possible et nécessaire de dissocier les réflexions concernant la répartition de la facture sociale de celles du projet de refonte de la péréquation intercommunale, et cela non par l’introduction du taux unique. Il ne s’agit pas de remettre en cause le bien-fondé des régimes sociaux qui bénéficient à l’ensemble de la population vaudoise ni la nécessité d’une péréquation intercommunale garantissant la solidarité entre les communes. Il s’agit simplement d’accepter le principe que les réflexions sur ces deux axes devraient se faire indépendamment. Comme l’a précisé le Conseil d’Etat dans son document de 2018 fixant les principes techniques à prendre en considération lors de la conception de la nouvelle péréquation intercommunale, il s’agit notamment de: « éviter de mêler péréquation des ressources et répartitions des factures sociales ». La Cour des Comptes souligne également, dans son audit publié en 2019, que le nouveau projet de péréquation intercommunale ne comprendra vraisemblablement plus de facture sociale. Malgré cela, en 2022, l’adage « qui commande paie » soit le principe constitutionnel d’équivalence fiscale ne s’applique toujours pas au financement des prestations de la politique sociale cantonale. On aurait au moins pu imaginer qu’en 2022, le financement de la facture sociale, en mains des communes, se fasse en francs par habitant, afin de ne pas superposer les couches de solidarité entre les communes et d’éviter les effets pervers du système actuel. Mais tel n’est pas non plus de cas !
En conclusion, la reprise par le canton de la facture sociale faciliterait grandement la conception de la nouvelle péréquation intercommunale et constituerait, à mon sens, une meilleure solution à ce casse-tête que l’introduction d’un taux unique. Je vous invite donc, ainsi que l’ensemble du groupe vert’libéral, à refuser cette initiative et à suivre le rapport de majorité.
Je déclare mes intérêts, j’ai été pendant plusieurs années membre du groupe de négociation canton-communes ; je suis municipal responsable des finances de ma commune depuis 11ans et membre de la Commission des finances du Grand Conseil. Et donc, monsieur Genton, j’espère que vous ne penserez pas que je suis incapable d’imaginer comment redistribuer les impôts de la commune ! Et je ne suis pas communiste ; il faudrait peut-être revoir vos notions d’histoire pour savoir exactement ce que c’est !
Outre les propos pertinents de nos collègues Lohri, Balet et Christen, je voudrais encore donner quelques arguments. Le taux unique n’est pas la mort de la péréquation, messieurs Chevalley et Romanens ! Le système de péréquation intercommunale actuel est mourant, monsieur Cuerel, cela sans avoir besoin d’un taux unique et il faudrait de toute urgence le réformer de fond en comble. Cette réforme piétine, car nous sommes proches des élections et je peux comprendre que Mme la conseillère d’Etat ne veuille pas se lancer dans un processus qui sera forcément douloureux, puisqu’il faudra faire des concessions de part et d’autre !
Je vous rappelle que le but est d’avoir un système simple, vérifiable et équitable. Eh bien, mesdames et messieurs, le taux unique contribuera sensiblement à la simplification du processus, car pour le moment, c’est bien compliqué et nous sommes obligés de mettre des tonnes de soupapes de sécurité pour équilibrer le modèle. Ces noms se nomment plafond de l’effort, plafond de l’aide ou écrêtages. De plus, les couches thématiques permettent à certaines communes de se comporter comme des voyous avec la complicité passive du canton qui ne met pas les moyens de procéder à des contrôles efficaces. Certaines communes doivent augmenter leur taux d’imposition, car sinon elles ont une peine folle à tourner, ne serait-ce que pour faire tourner le ménage commun, alors qu’elles devraient investir massivement, notamment pour la transition énergétique. Pourtant, certains citoyens, ou certains élus en mal de reconnaissance, se comportent comme des enfants gâtés voulant à la fois des impôts bas et des prestations importantes des pouvoirs publics, et déposent des référendums, comme à Prangins, Bassins Morges, Coppet, Nyon ou Pully, et j’en oublie certainement !
Madame Byrne Garelli, je vous rejoins sur certains points, notamment l’équilibre fiscal entre le canton et les communes, mais vos arguments n’ont rien à voir, selon moi, avec la problématique qui nous intéresse ! Par contre, vous avez peur que les contribuables riches quittent le canton, mais ces contribuables ont plus besoin d’une stabilité fiscale que de savoir s’ils payent un ou deux points d’impôt en plus ou en moins. Lors de la prochaine révision de la péréquation, des outils pour augmenter le taux d’imposition lorsque cela est nécessaire viendront de toute façon en discussion, comme l’augmentation automatique du taux lorsque l’autofinancement est négatif sur une trop longue période. Ce mécanisme existe dans plusieurs cantons et nous n’y couperons probablement pas, même si c’est un emplâtre sur une jambe de bois !
Dans notre canton, la bascule de l’AVASAD a été pour moi un exemple assez parlant : lors des négociations canton-communes, il a été décidé de basculer 1,5 point d’impôt pour que le canton paye cette facture. Un grand nombre de communes ont décidé de ne pas reporter ce 1,5 point. Notre grand argentier a vu cela comme un manque de fair-play des communes. Personnellement, j’en fais une autre analyse : c’était simplement une bouffée d’oxygène nécessaire – hélas pas suffisante pour un grand nombre d’entre-elles – pour pouvoir faire leur travail d’autorités responsables !
En résumé, le taux unique ne sera pas la panacée, mais – je le répète – ce n’est pas du communisme ! Cela simplifiera grandement tous les paramètres déjà existants pour pouvoir créer une vraie péréquation tenant compte de tous les autres paramètres qui sont déjà forts nombreux. Donc, si vous êtes rationnels, vous ne pouvez qu’accepter cette proposition qui, comme je l’ai déjà dit, facilitera grandement la situation qui est actuellement un brouillard inextricable !
Beaucoup d’arguments, de chiffres, d’allusions à la péréquation actuelle ou future, beaucoup de déclarations… Je déclare mes intérêts : je suis syndique d’une petite commune – Veytaux – et présidente du groupe « Bourgs et villages » au sein de l’UCV. Pour ma part, je serai brève et factuelle : le taux unique anéantirait la créativité et les possibilités actuellement données aux communes d’avoir des idées, avec le peu qui leur reste, pour la gestion purement communale – idées à mettre au service de leur population. En résumé, la mort de l’identité et la mort de la différenciation. Cette situation serait-elle encore incitative pour que les citoyens s’engagent pour leur commune ? J’en doute très sérieusement. L’intérêt de s’investir dans la gestion d’une petite commune, c’est aussi la créativité que chaque municipalité peut y apporter. Sans cela, aucun intérêt ! Je refuserai donc cette initiative.
Dans le film « L’impasse » de Brian de Palma, on voit Al Pacino, un malfrat repenti, qui après cinq années en prison, souhaite échapper à son destin, et les difficultés auxquelles il fait face. C’est d’une autre impasse dont nous parlons ici, mais une impasse tout de même : l’impossibilité pour toutes les communes de relever leur taux d’imposition. La seule possibilité existante est de le revoir à la baisse. Quand notre collègue Cuérel se félicite d’un taux relativement élevé dans sa commune, en réalité c’est uniquement le fruit d’une décision prise il y a plusieurs dizaines d’années et qui serait impossible à prendre aujourd’hui. C’est la réalité à laquelle nous faisons face. La seule possibilité actuelle, la seule marge de manœuvre des communes, c’est de revoir leur taux à la baisse, avec les risques que l’on connaît pour des communes qui souhaitent assumer leurs priorités et font face à des charges importantes. Il y a un dogme à nous servir, du côté droit de l’hémicycle : la mort des communes agitée comme un mantra. Nous souhaitons renforcer les mécanismes péréquatifs. La réalité, c’est d’abord l’empêchement des communes de définir leur taux d’imposition. Et cela, vous devez l’intégrer dans votre analyse de la situation.
Le taux unique, qui serait prétendument la mort des communes, qu’en est-il ? Les disparités vont d’un taux de 46 à 84. Si ce canton existe bel et bien et signifie quelque chose, si on intègre le fait que ses habitants s’y déplacent, pendulent, ont des loisirs, comment justifier un taux d’impôt communal passant pratiquement du simple au double ? Un relèvement du taux minimal à 60 permettrait de résoudre la plupart des problèmes. Vincent Keller propose d’aller jusqu’au bout de la démarche, en fixant le même taux pour l’ensemble des communes à 68. Deux tiers des Vaudoises et des Vaudois en bénéficieraient.
Pas un mot pour les femmes, les hommes, les familles qui habitent ce canton. Pas un mot non plus pour le fonds de péréquation intégré dans l’initiative qui nous est proposée et qui prévoit des critères objectifs pour la redistribution de l’argent, en fonction des charges des différentes communes : le nombre d’habitants, le nombre de places de travail, les tâches régionales financées par les communes. Tous ces éléments doivent figurer dans une répartition juste et équitable, qui tire aussi les enseignements de l’initiative Jean-Paul Dudt d’il y a une vingtaine d’années, qui ne prévoyait pas les mesures d’accompagnement nécessaires. Alors, souffrez que nous nous préoccupions des femmes et des hommes, des employés et des retraités qui habitent ce canton et le font vivre. Au nom du groupe socialiste, je vous invite à accepter cette initiative.
Lors du débat de la semaine dernière, Mme Chantal Weidmann, intervenant explicitement en tant que présidente de l’UCV, s’en est prise à moi en ma qualité de syndic d’Yverdon-les-Bains. C’est donc en cette qualité que je réponds comme suit : en préambule, je tiens à manifester ma surprise quant au fait que la présidente d’une association – dont ma ville est membre – au titre de la défense de ses intérêts, notamment dans le cadre des relations canton-communes, se permette de l’attaquer publiquement plutôt que la défendre – une tâche dont l’UCV s’est par ailleurs acquittée de manière très imparfaite ces deux dernières années. Au-delà de cette petite passe d’armes, il y avait dans les propos de ma collègue quelque chose de beaucoup plus profond et, pour cette raison, beaucoup plus problématique. Elle sous-entendait que les inégalités entre les communes, qu’elle reconnaissait pourtant être au moins en partie dues à des rentes de situation ou à des rentes structurelles, ne posaient pas de problème et étaient finalement normales, et ainsi que ma commune pouvait s’estimer heureuse de toucher déjà autant par le biais du mécanisme actuel. En gros si je caricature un peu : « on vous fait l’aumône, vous pourriez vous en contenter, remercier et vous retirer en silence ».
Eh bien non ! Je voudrais m’élever contre ce sentiment : je ne pense pas que l’on nous fasse l’aumône. Et ce, pour plusieurs raisons.
- En termes d’efforts tels que mesurés en points d’impôt, nous participons autant que les autres communes de ce canton au système. Nous versons, comme tout le monde, 19 points d’impôt dans la péréquation directe. Et comme tout le monde, nous versons 14 points d’impôt - presque 15 - à la participation à la cohésion sociale. Comme tout le monde encore, nous versons 30 % de l’impôt frontalier – 1700 personnes à Yverdon – et la moitié de nos impôts conjoncturels. Néanmoins, il est vrai que nous ne sommes pas écrêtés, puisque la valeur du point d’impôt par habitant dans ma commune est inférieure à la moyenne cantonale – nous sommes en bonne compagnie, puisque 208 autres communes sont dans le même cas. Donc, nous participons au financement du système péréquatif actuel. Nous n’en sommes ni des profiteurs ni des passagers clandestins.
- Nous en faisons souvent plus que les autres, parce que c’est le rôle que nous devons jouer à l’échelle régionale. Par exemple, dans le domaine de la sécurité publique, là où les communes délégataires consacrent environ 3,5 points d’impôt au financement de leur sécurité publique, ma ville, par le biais du financement à la police Nord vaudois, consacre plus de 14 points d’impôt à cette tâche. Nous fournissons évidemment cette prestation à notre population, mais nous la fournissons aussi à toutes celles et à tous ceux qui nous visitent – 10’000 pendulaires par jour – au-delà du fait que nous subventionnons l’existence d’une police régionale. Deuxième exemple, la culture : nous mettons à disposition de notre population, mais aussi de celle de la région, deux théâtres, des musées, une bibliothèque publique, un centre d’art, une salle polyvalente, et tout cela est offert au même titre aux habitants de notre région qu’à ceux de notre ville. Cela représente environ 11 points d’impôt de charge pour la commune.
- Du fait de notre rôle de ville-centre, nous accueillons nombre d’institutions d’intérêt régional : un hôpital, une école d’ingénieurs, un centre professionnel, un parc scientifique et un gymnase juste à l’extérieur de nos limites communales, mais que nous desservons. Nous avons structuré tout un réseau de transport public depuis la gare d’Yverdon autour de la desserte de ces différents pôles de trafic extrêmement importants. Cela représente 10,5 points d’impôt que nous mettons à disposition de notre population, mais également à disposition de la population de notre région et de toutes celles et ceux qui visitent ou viennent travailler à Yverdon. Trois exemples auxquels nous consacrons 35 points d’impôt.
- La raison la plus importante est que nous avons une structure fiscale plus faible que la moyenne cantonale. En 2018, le revenu net par habitant à Yverdon-les-Bains était de 31 100 francs, ce qui représente 74 % de la moyenne cantonale de 42 200 francs par habitant selon l’administration fédérale des contributions. Je ne reviens pas sur les raisons dont nous avons déjà largement discuté. Est-ce à cause de la position géographique, de l’histoire industrielle, de l’impact de la désindustrialisation ? Le fait est que cette disparité existe à l’échelon régional. Sur les 70 communes du district, seules trois ont un point d’impôt supérieur à la moyenne cantonale. Toutes les municipalités que j’ai connues à Yverdon, de gauche comme de droite, ont eu à cœur d’essayer de faire monter le revenu moyen par habitant, parce que nous nous rendons tous compte que c’est ainsi que nous pourrions sortir la tête de l’eau en termes de ressources fiscales. Néanmoins, l’impôt étant progressif, la différence de revenus entre différentes communes est exacerbée au niveau du revenu de l’impôt. A Yverdon, le revenu moyen équivalent à 73 % de la moyenne cantonale se traduit par un point d’impôt par habitant qui descend à 57 % de la moyenne cantonale ! C’est complètement objectif ; c’est structurel, on n’y peut rien ; c’est construit dans le système d’imposition progressive qui démultiplie les inégalités entre les différentes collectivités au moment de la perception de l’impôt.
En résumé, on pourrait dire qu’Yverdon participe au système au même taux d’effort que les autres, qu’elle fait plus que pas mal d’autres et qu’elle doit le faire avec beaucoup moins d’argent que les autres. D’une certaine manière, c’est la raison pour laquelle nous avons mis en place, dans le canton, un système de redistribution entre les communes qui est absolument nécessaire et indispensable. S’il n’existait pas, à prestations strictement égales, si on faisait exactement la même chose par habitant dans toutes les communes, les communes à forte capacité fiscale pourraient faire face avec des taux d’impôt nettement plus bas que les communes à faible capacité fiscale, ce qui exacerberait la concurrence fiscale entre les communes et inciterait notamment les hauts revenus à optimiser leur facture fiscale en déménageant. Cela renforcerait les disparités dont nous parlons, qui sont les figées dans le temps. On ne peut pas échapper à la pérennisation de ces différences et de ces disparités si on ne met pas en place un système qui permette de corriger ces effets et qui permette ainsi aux collectivités de lutter à armes plus ou moins égales les unes avec les autres. C’est ce que fait la péréquation : peut-être imparfaitement et incomplètement, mais c’est à cela qu’elle sert et c’est pour cela qu’elle a été mise en place : pour permettre à toutes les collectivités de lutter à armes égales. A mon sens – et j’aimerais vraiment que cette perception soit corrigée – nous sommes très loin d’un système d’aumône.
Le sort est étrange, puisque je passe juste après mon collègue de la même municipalité. Cela dit, je ne suis pas du même avis pour les raisons suivantes : on ne va pas résoudre le problème des citoyennes, des citoyens et des communes avec cette initiative. En effet, on parle beaucoup d’autonomie communale et il est vrai que, dans ce cas, on perdrait beaucoup au niveau de l’autonomie des communes. On nous a demandé si nous avions encore une autonomie au niveau des communes. Oui, mais ce n’est pas une raison pour aller dans l’autre sens et retirer encore des possibilités aux communes. Si nous allions vers un taux unique, certaines communes perdraient plusieurs millions, surtout accessoirement lorsqu’on est plafonné dans la péréquation actuelle. Bien sûr, il faudrait aller vers une nouvelle péréquation et j’aurai l’occasion d’y revenir.
Il faut aussi faire attention aux besoins dans une commune ou entre les communes, qui peuvent être extrêmement différents. Il a aussi été dit que les citoyens payent plus ou moins en fonction d’où ils habitent. C’est vrai, mais les prestations ne sont pas forcément les mêmes. D’ailleurs, cela permet aux citoyens de choisir leur commune. Dans ce pays et dans ce canton, les gens ont la possibilité de choisir leur résidence. A ce titre, je trouve l’affirmation de mon collègue Pierre-André Romanens tout à fait pertinente.
Les arguments prononcés par M. Tschopp m’amènent les remarques suivantes : pour une commune, les recettes ne reposent pas uniquement sur le point d’impôt. Normalement, l’impôt est quelque chose que l’on devrait toucher seulement en dernier ressort. Il y a d’autres éléments avant de faire monter ou descendre le point d’impôt pour une commune. Il y a déjà une gestion fine et il peut aussi y avoir des partenariats publics-privés. On peut créer quelque chose au niveau d’une commune : si on n’a pas les moyens, on peut trouver des partenaires qui peuvent aussi s’y retrouver dans ce partenariat d’importance. On peut aussi vendre des objets non prioritaires pour pouvoir investir dans des objets prioritaires. On entend souvent qu’il ne faut pas vendre les bijoux de famille, mais au niveau des communes, il y a des éléments qui ne sont pas stratégiques et les communes peuvent s’en dessaisir pour réinvestir dans des éléments prioritaires.
Je crois que nous faisons un focus sur le point d’impôt. Certaines communes seraient en réelles difficultés si on devait baisser les revenus des communes. Quelle serait donc la clé ? Dans le fond, la clé c’est de garder cette autonomie des communes et de passer par une péréquation. On sait que la péréquation actuelle est imparfaite. Lorsque j’étais membre du comité de l’UCV et syndic, nous avons essayé de trouver une solution, mais nous n’en avons pas trouvé. Je crois que si nous devons mettre de l’énergie, il faut la mettre au niveau de la nouvelle péréquation. Il ne suffit pas de le dire, encore faut-il le faire. C’est certainement la clé qui nous permettra peut-être de répondre aux attentes des citoyens. Cette initiative qui propose un taux unique est un leurre qui va se payer très cher au niveau des communes. Je vous invite évidemment à rejeter cette proposition.
Je dois déclarer mes intérêts : je suis habitant – ni syndic ni municipal – d’une commune de l’Ouest lausannois avec un taux d’impôt de 77 ; une commune extrêmement bien gérée, depuis des années, par des municipalités diversifiées.
Nous avons là un débat intéressant. Mme Labouchère nous dit que cette initiative est un copier-coller d’il y a 20 ans. M. Genton et quasiment tous les intervenants de droite qui ont suivi nous disent que c’est de la centralisation étatique. M. Jaquier va plus loin : c’est une attaque contre la démocratie ! Rien que ça. M. Pahud nous parle ensuite de Moscou. Quelque part, je suis presque triste de ne pas avoir entendu parler de l’Union soviétique, de Lénine, de Staline, du marteau et de la faucille, et tout ça. Fin de l’Autonomie fiscale afin d’attirer les plus riches, mort des communes, mort de l’identité, pensée unique, communisme ! Le vilain mot est lâché – bon, de la bouche de MM. Genton, Pahud et des autres, pour moi c’est plutôt un compliment. « Toute décision est prise depuis Lausanne-sur-la-Moskva. » « Cette initiative est une grave attaque contre la démocratie. » Comme dirait ma voisine, Mme la députée Monique Ryf : « Mais, mais, mais, mais, mais ». (Rires.)
Intéressant de voir que le PLR et ses arguments n’ont pas évolué depuis 20 ans… Tout comme ceux de l’UDC après avoir entendu M. Pahud. Mais bon, avec l’UDC, personne n’est surpris : 20 ans de retard, c’est plutôt une estimation favorable. Et j’enjoins le chef de groupe à ouvrir un livre d’histoire et jeter un œil sur les quelques petits changements mineurs qui ont eu lieu depuis, en Russie. Il serait surpris ! Pourtant, il y a 20 ans, le PLR était plus visionnaire qu’aujourd’hui : M. Olivier Feller, alors député, avait prédit qu’en 2010, le taux unique serait naturellement implémenté dans les communes vaudoises. M. Olivier Feller est-il un dictateur communiste qui veut la mort des communes ? « Mais, mais, mais, mais, mais » comme dirait mon excellente voisine Monique Ryf. En 2010, un taux unique ? La vision de M. Olivier Feller ne s’est pas réalisée. Comme la main invisible du marché qui devait réduire les inégalités sociales. Pire encore, la droite profite d’un débat sur une initiative visant à réduire les inégalités entre les Vaudoises et les Vaudois face à l’impôt et à renforcer la cohésion sociale, pour faire la promotion d’une initiative – la fameuse initiative « SOS Communes riches » – qui vise à augmenter encore plus les inégalités et à détruire l’autonomie communale.
M. le député Berthoud me demande ce qu’il adviendra des associations intercommunales – prétextant d’ailleurs que celles-ci ne concernent pas les communes-centres. Je ne sais pas d’où il tire sa conclusion : Renens – la plus belle ville du monde, comme vous le savez – est membre de PolOuest, de l’association intercommunale Mebre-Sorge, de la STEP, du SDIS de Malley, et j’en oublie. Ces associations intercommunales ne sont qu’un emplâtre sur une jambe de bois et comme le parti de M. Berthoud a 20 ans de retard, je l’invite à lire les interventions que j’ai faites il y a 20 ans, lorsque je militais presque aux côtés du Conseil d’Etat de droite d’alors : pour les fusions, les fusions et encore des fusions. Je soutiens encore aujourd’hui ce point de vue.
M. Lohri l’a montré : la péréquation actuelle n’existe que dans la tête des députées et députés qui regardent toujours dans le passé, une vieille position du monde d’avant. On ne parle pas d’autonomie communale, puisqu’elle n’existe plus. Et il termine, mon excellent collègue Lohri, par « Le doute gagne tout le monde ». Je dirais même plus « Le Jean-Paul Dudt gagne toujours. »
Mesdames et Messieurs les députées et députés de droite, soyez dignes pour une fois de vos prédécesseurs d’il y a 150 ans, regardez vers l’avenir et votez avec les progressistes, votez avec les Verts, avec les socialistes et avec les Libres ! Votez cette initiative et acceptez l’excellent rapport de M. Dessemontet qui ne vise qu’une seule chose : rassembler les Vaudoises et les Vaudois et renforcer la cohésion sociale dans ce canton.
Je suis presque gêné de prendre la parole dans cet aréopage qui me parle des communes souffrantes et souffreteuses, de l’Etat qui ne les entend pas – ce qui est d’ailleurs vrai. M. Tschopp s’est exprimé, comme Gérard Depardieu dans « Le Comte de Monte-Cristo », avec ce fameux mot « Souffrez ». Monsieur Tschopp, chers collègues, souffrez que je ne vote pas cette initiative aussi longtemps que l’on ne remettra pas en cause l’entier de l’impôt comme il est perçu dans ce canton. J’ai toujours pensé qu’il fallait donner un grand coup de balai, pas seulement avec un taux unique, mais en se demandant quand est-ce que tout citoyen payera un impôt, ne serait-ce que symboliquement, comme le souhaitait la Révolution française en 1789, parce qu’elle disait que cela faisait la grandeur des citoyens.
Je suis d’accord avec M. Tschopp, il y a un côté minant à ne jamais pouvoir proposer une augmentation d’impôts pour réaliser un certain nombre de choses. Mais je ne peux pas accepter une augmentation d’impôt lorsque je vois qu’il y a de plus en plus de gens qui ne payent pas d’impôts. La cohésion sociale ne doit pas toujours se faire dans le même sens… A droite comme à gauche, on n’a jamais voulu remettre en cause la façon de percevoir l’impôt dans le canton de Vaud. Au XIXe siècle, on avait même lancé un concours d’idées. Lorsque j’en ai parlé au grand argentier de notre canton, il a trouvé cela intéressant historiquement, mais que l’histoire ne repassait pas forcément les plats. Je suis d’accord avec lui… Monsieur Keller, vous n’avez pas complètement tort, mais je ne peux pas vous soutenir, puisque votre parti et tous les autres ne veulent pas remettre en cause la façon dont on perçoit l’impôt dans ce canton.
Je me suis exprimé d’une façon assez théâtrale pour montrer mon agacement par rapport à la problématique de la péréquation et du taux unique. Il me semble, en tant que Vert, que lorsqu’on parle d’économie d’énergie et d’efficience, nous avons atteint la limite de ce qui est supportable par rapport à ces discussions sur le taux unique. La faute à qui ? Au Conseil d’Etat qui n’a pas voulu empoigner le problème et au Grand Conseil qui s’entre-déchire sur cette initiative qui, de toute façon, n’est pas totalement aboutie, comme vous le savez tous. Néanmoins, en la refusant, vous allez laisser la porte grande ouverte à une collecte de signatures en cette période, pour débattre d’une chose qui va encore complexifier la future Nouvelle péréquation intercommunale vaudoise (NPIV).
Je pense sincèrement que les débats que nous avons tenus sur tous les détails de la péréquation sont bien la démonstration que nous ne pouvons pas laisser ce débat s’installer dans la population sans que le Conseil d’Etat ait analysé toutes les pistes et le bon sens par rapport à des mesures de taux unique léger, de péréquation diminuée et de reprise totale de la facture sociale par le canton. En effet, il y a une vraie péréquation sur le contribuable vaudois lorsqu’on parle de facture sociale, de gendarmerie et de cohésion sociale. Il est donc judicieux, tels les gens dans les communes, plutôt que d’éviter des référendums, d’ouvrir des palabres dans la population. Il faut renvoyer cette motion et que le Conseil d’Etat travaille sur cette problématique en ayant devant lui la vérité et l’exactitude des chiffres, et ce dans l’intérêt de tous les contribuables vaudois. Vous savez très bien que l’autonomie communale, c’est des peanuts à 10 ou 15 points d’impôt pour chaque commune. Merci de renvoyer cette initiative au Conseil d’Etat pour éviter de longues discussions pendant cette période électorale.
Si l’on veut achever les communes vaudoises en difficulté, il faut soutenir cette fausse bonne idée. Je déclare mes intérêts : je suis syndic de la commune de Blonay-St-Légier qui a un taux d’impôt dans la cible moyenne du canton. Faire croire que le taux unique va régler les problèmes des communes vaudoises, c’est le miroir aux alouettes ! Alors que c’est l’obsolescence de la péréquation qui plombe la large majorité d’entre elles. Si le taux épaule le prélèvement fiscal pour l’alimenter, le problème de la redistribution demeurera. Fixons plutôt des priorités réalistes pour un fonctionnement harmonieux des communes vaudoises. Réformons plutôt la péréquation et le modèle comptable harmonisé (MCH2). Le canton n’a pas à s’immiscer dans les prérogatives communales quant à leurs choix politiques, avec une participation locale des conseillers communaux qui sont les plus à même de valider les ambitions de leur exécutif. Quel pied de nez, monsieur Keller, vous faites aux instances démocratiques locales en favorisant une centralisation qui va à l’encontre des engagements participatifs locaux qui fixent le taux d’impôt en toute démocratie.
Comme l’a bien dit mon collègue Pahud, l’Etat centralisateur ne tiendra pas compte des particularités locales. Je vous cite une situation vécue – et certainement partagée par bon nombre de communes vaudoises : pour réaliser un collège de 21 millions, nous avons ajusté notre taux d’impôts de deux points pour financer notre projet. Le conseil communal a donc soutenu ce projet en toute connaissance de cause et, sans cette liberté locale, nous n’aurions pas pu réaliser ce collège. La gauche connaît les rapports de force entre les communes vaudoises et le canton, comme la droite d’ailleurs. Plus à droite, les communes font pression pour une péréquation réformée. Avec le taux unique, la gauche a la volonté de réduire encore l’autonomie communale pour asseoir la vision d’une société au pouvoir centraliste.
Mon collègue Jérôme Christen parle de problèmes entre les communes pauvres et riches. Monsieur Christen, nous ne connaissons pas la richesse des communes vaudoises. C’est là où le bât blesse. Par votre affirmation, vous enfumez la réalité : la richesse d’une commune se résume à évaluer le point fiscal de ses habitants. Le patrimoine financier des communes de notre canton n’est pas pris en compte. N’est-ce pas plus de 100 millions de rendements financiers, à Lausanne, qui échappent à la péréquation ? Les riches communes et les pauvres ne sont pas celles auxquelles on pense. De son côté, le député Mischler estime que si de nombreuses communes ont de la peine à faire tourner leur ménage communal, c’est justement en raison des prélèvements péréquatifs et de la cohésion sociale. C’est un faux procès fait aux communes. Enfin, monsieur Tschopp, vous désignez le taux d’impôt qui étouffe certaines communes. En fait, vous voulez éradiquer les parties saines d’une commune, alors qu’elle suffoque à cause des reports de la facture sociale de la péréquation. Je rejoins ainsi les propos de mon collègue Vuillemin qui remet en cause la façon de percevoir le prélèvement des impôts dans ce canton. Il faudrait faire une analyse complète. Dans l’immédiat, je vous invite à classer cette initiative.
Ouf, on est bien le 8 février 2022, j’ai vérifié dans l’agenda, mais j’ai cru qu’on était déjà le 17 décembre, en écoutant tout à l’heure notre collègue Keller nous faire une avant-première de la Revue. Ceux qui quitteront ce Grand Conseil au mois de juin auront déjà pu avoir une idée de ce qu’il nous présentera en cette fin d’année, avec la verve qu’il faut lui reconnaître.
Voici ma déclaration d’intérêts : je suis citoyen, contribuable, député lausannois, qui plus est marié. Si l’initiative devait être acceptée, j’aurais une baisse sensible d’impôt. Youpi ! Mais sans surprise, je vous invite à rejeter ce texte.
On nous a dit qu’il y avait, à l’époque, des gens qui avaient des visions ; j’ai l’habitude de dire que les gens qui ont des visions ont toujours mal fini, que ce soit Jeanne d’Arc, le Major Davel ou d’autres… Les visions ne m’ont jamais impressionné et elles ont plutôt tendance à m’inquiéter. Que s’est-il passé il y a 20 ans ? Ceux qui sont intervenus auparavant ont oublié de le dire, mais il y a eu une Constituante puis l’adoption par la population de ce canton d’une nouvelle Constitution. Dans le cadre de cette Constituante, nous avons évidemment beaucoup discuté des communes. Une ancienne conseillère d’Etat avait proposé à la Constituante de limiter le nombre de communes à 50, par exemple. On avait aussi abondamment parlé de l’autonomie communale, et le syndic Daniel Brélaz présidait la commission. Finalement, nous n’avons pas changé grand-chose, comme vous avez pu le constater.
Comme le dit M. Tschopp, tout cela est bien embêtant, parce que lorsque l’on veut augmenter les impôts, on ne le peut pas, parce que le méchant peuple refuse. La seule chose que l’on peut faire, c’est baisser les impôts. Alors, il faut trouver un truc, nous dit la gauche, pour casser ce système démocratique et permettre d’encaisser plus d’argent – parce que c’est le but, sinon il n’y aurait pas d’intérêt – en empêchant la population des communes concernées d’avoir leur mot à dire. Ce sont deux visions des communes et de la Constitution, respectivement de la vie dans ce canton, qui s’affrontent aujourd’hui : la gauche et la droite. Je crois qu’il faut prendre acte que la gauche de ce Parlement est contre les droits populaires au niveau communal, et contre le fait que le contribuable puisse s’exprimer sur le taux d’impôt communal. C’est une réalité ! Au-delà des grandes déclarations sur la péréquation, l’écrêtage, la facture sociale, croyez-vous véritablement que la population vaudoise s’en soucie ? Au contraire, elle constate que les communes sont incapables de se mettre d’accord et que les institutions sont en bisbille. Encore une fois, c’est la réalité. Il faut donc trouver une solution, un truc et l’on nous propose le taux unique. Je prends note du fait que la proposition qui nous est présentée porte une atteinte grave et importante aux droits élémentaires du citoyen contribuable de choisir le taux d’impôt communal. Pour cette unique raison, déjà largement suffisante, il convient de rejeter la proposition du taux unique – que j’ai déjà qualifié de taux inique.
Dans son intervention, notre collègue Lohri a parlé de renvoyer cette « motion » au Conseil d’Etat, mais il s’agit d’une initiative parlementaire. Je pense qu’il s’agit d’une erreur de sa part, mais il est important de préciser que nous sommes en présence d’une initiative parlementaire constitutionnelle liée à des enjeux beaucoup plus importants. Je tenais à le souligner.
J’aimerais revenir sur certaines choses entendues ce matin. Oui, pour toutes les décisions que nous sommes amenés à prendre – qu’il s’agisse du Conseil d’Etat ou du Grand Conseil – nous devons favoriser l’intérêt général. Oui, nous devons prendre des décisions pour l’ensemble de la population. Oui, nous devons trouver des équilibres entre les communes, grandes et petites, à forte et faible capacité contributive. Oui, nous devons trouver des solutions apaisées et sereines entre le canton et les communes. Oui, nous devons revoir complètement la péréquation intercommunale qui est à bout de souffle.
Je ne vais pas revenir sur le détail, mais on voit que personne n’est content : les villes-centres ne sont pas contentes, les villes à faible capacité contributive ne sont pas contentes et les communes à forte capacité ne sont pas non plus satisfaites du système actuel. J’aimerais néanmoins vous dire qu’en 2020, le système actuel compensait 86,6 % des disparités de capacité financière entre les communes. Pour certains, ce n’est pas assez, pour d’autres, c’est trop et pour d’autres encore, ce n’est pas fait de la bonne manière ! Un arrêt du Tribunal cantonal, du mois de décembre dernier, nous dit que la péréquation telle qu’elle est aujourd’hui modélisée empiète sur l’autonomie communale et qu’elle est disproportionnée en termes de réallocation des moyens. Cela veut dire que, dans tous les cas, cette péréquation a atteint l’objectif de rééquilibrer les relations entre les communes, mais que nous arrivons aujourd’hui à un système qui est disproportionné, tout en sachant que les villes-centres et d’autres communes ne sont tout de même pas satisfaites. Il faut réformer ce système et le Conseil d’Etat ne nie pas que cette réforme est aujourd’hui essentielle.
Effectivement, nous devons prendre nos responsabilités, mais cela ne concerne pas simplement la conseillère d’Etat Luisier – qui n’a pas de baguette magique ou de lapin dans son chapeau. C’est une responsabilité qui incombe aussi au Conseil d’Etat, au Grand Conseil, aux communes et aux faîtières des communes, en particulier pour les discussions et négociations qui se tiendront ces prochains mois ; nous les aurons parce que nous voulons réformer le système. Nous allons donc prendre nos responsabilités. Mais si nous sommes attachés aux communes, il convient de dire non au taux unique. Pourquoi ? Parce qu’avec ce système, les communes n’auraient plus aucune autonomie fiscale et donc les citoyens ne pourraient plus accepter ou refuser un taux d’impôt communal. Pour la petite histoire, en tant que syndique – et ce n’était pas il y a 20 ans – avec la municipalité et le conseil communal, j’ai réussi à augmenter le taux d’impôt. C’est donc possible !
Un deuxième aspect, à mon sens, est vraiment important : il n’y aurait plus aucune autonomie décisionnelle. On remettrait en cause l’existence même des communes. Pourquoi ? Parce qu’au fond, la totalité des montants perçus alimenterait un fonds cantonal. Est-ce vraiment ce que vous voulez ? En instituant un système de redistribution verticale, fondé sur le droit cantonal, l’initiative prive les communes de toute leur autonomie dans la définition de leurs politiques publiques. Pour les développer, elles dépendront totalement des ressources du fonds de péréquation – c’est le terme utilisé dans l’initiative, dont le gérant – le canton – décidera de la répartition. Même si on institue des critères objectifs pour cette répartition, les communes ne disposeront plus que d’une enveloppe prédéfinie sur laquelle elles n’auront aucune prise et qui ne dépendra pas des politiques qu’elles entendent mettre en place. Elles ne pourront plus proposer à leurs citoyens de nouveaux services, avec comme contrepartie des impôts supérieurs à la moyenne. Pour déterminer le taux unique et l’allocation juste des recettes fiscales, l’Etat devra s’appuyer sur la définition d’une offre de services unique pour toutes les communes. Un taux unique ne limiterait donc pas seulement l’autonomie fiscale des communes, mais aussi leur autonomie décisionnelle. Sans cette autonomie, la fonction de la commune serait réduite à celle d’exécutrice de l’offre de services unique décidée par le canton. Avec la fixation du taux unique et la redistribution du fonds de péréquation, on peut même s’interroger sur le sens de maintenir des communes, puisqu’elles ne feraient finalement qu’exécuter les tâches définies par l’Etat, avec une enveloppe prédéfinie.
Un dernier point : l’initiative affirme que le taux unique est l’alternative à l’usine à gaz que constitue la péréquation. En réalité, l’initiative propose une redistribution verticale des impôts communaux selon des critères encore à définir. Le mécanisme de redistribution proposé est donc une forme de péréquation qui ne serait en tout cas pas plus simple à élaborer que la nouvelle péréquation intercommunale. Cela signifie que l’introduction du taux unique ne permettra en aucun cas de s’épargner tous les débats autour de la péréquation. Au contraire, en voulant redistribuer les impôts communaux selon des clés de répartition, l’initiative ferait dépendre la plupart des recettes des communes de mécanismes péréquatifs, mais décidés complètement par l’Etat. Je vous laisse juges de savoir si c’est réellement la solution à apporter à un vrai problème, que nous devons empoigner tous ensemble.
La discussion est close.
Le Grand Conseil refuse la prise en considération de l’initiative par 79 voix contre 62 et 1 abstention.
Je demande un vote nominal.
Retour à l'ordre du jourCette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui refusent l’initiative votent oui ; celles et ceux qui l’acceptent votent non. Les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, le Grand Conseil refuse la prise en considération de l’initiative par 79 voix contre 62 et 1 abstention.
* Insérer vote nominal.