22_MOT_28 - Motion Yannick Maury et consorts au nom des Vert-e-s - En finir avec les symboles nazis sur sol vaudois.

Séance du Grand Conseil du mardi 21 novembre 2023, point 25 de l'ordre du jour

Texte déposé

En avril dernier, la Commission fédérale contre le racisme (CFR) publiait son rapport sur la situation 2021. Il en ressortait, entre autres, que les signalements pour discrimination ou actes à caractère raciste avaient doublé entre 2019 et 2021, notamment sous l’effet du Coronavirus.

Corollaire de cette augmentation des cas, une nouvelle catégorie de victimes a malheureusement dû être introduites par la CFR, à savoir les personnes asiatiques, alors que, dans le même temps, les cas d’antisémitisme ont plus que triplé, étant constaté qu’il a été reproché tantôt aux personnes asiatiques, tantôt aux personnes de confession juive d’être responsables de la crise ou d’en tirer parti.

 

Si l’on pouvait, jusqu’à il y a peu, espérer que les symboles qui relèvent du nazisme et de son idéologie mortifère étaient moins visibles pour le grand public suisse, la crise sanitaire précitée a tristement prouvé le contraire.

Lors des différentes manifestations qui ont eu lieu ces 30 derniers mois, un certain nombre de manifestantes et de manifestants ont déployé tout un panel de symboles issus de l’idéologie nazie, souvent détournés et tournés en dérision, mais aussi parfois au premier degré, ce qui est bien plus grave.

 

À cet égard, la Coordination Intercommunautaire contre l’Antisémitisme et la Diffamation (CICAD) relevait dans son dernier rapport annuel la nécessité de punir l’utilisation et la diffusion publiques de symboles racistes, notamment nazis, en plus de renforcer la prévention et la sensibilisation[1]. Il est également à souligner la posture difficilement compréhensible du Conseil Fédéral, qui a jusque-là toujours refusé d’interdire de tels symboles, allant ainsi à contre-courant des demandes de parlementaires, des associations et de la société civile. Cette réticence fédérale, qui ralentit une réforme d’envergure nationale, justifie l’action cantonale, qui a souvent servi de laboratoire pour certaines avancées sociales.

 

Certains États comme la France prévoient déjà de telles disposition, à l’image de l’article R645-1 de son code pénal, qui stipule qu’il est interdit « de porter ou d'exhiber en public un uniforme, un insigne ou un emblème rappelant les uniformes, les insignes ou les emblèmes qui ont été portés ou exhibés soit par les membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 du statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945»[2]. La loi pénale vaudoise (LPén) pourrait, parmi d’autres et à titre d’exemple non exhaustif, servir de base pour une telle interdiction cantonale.

 

Tant le canton de Vaud que d’autres cantons, en tant qu’États à part entière dans notre système fédéraliste, ont démontré à maintes reprises qu’ils étaient maîtres de ce qui se passait sur leur territoire. Évoluer dans un environnement vierge de symboles relevant du nazisme et de l’idéologie qui en découle devrait être un droit. Les extrémistes qui exploitent actuellement les lacunes juridiques lors, par exemple, de manifestation font preuve d’une attitude blessante pour les minorités concernées, puisqu’il est aujourd’hui possible d’exhiber de tels emblèmes sans être inquiété.

Bien entendu, des exceptions doivent pouvoir exister, par exemple, pour des motifs historiques, pédagogiques, etc.

 

 

Aussi, au vu de ce qui précède, les signataires de la présente motion demandent au Conseil d’État d’interdire et de punir l’utilisation et l’exhibition des symboles relevant du nazisme sur le sol vaudois.


 

[1]http://cicad.ch/sites/default/files/basic_page/pdf/Rapport-2021_2021-FINAL.pdf

[2]https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000022375941/

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Nathalie VezVER
Valérie InduniSOC
Jean-Louis RadiceV'L
Kilian DugganVER
Cendrine CachemailleSOC
Hadrien BuclinEP
Carine CarvalhoSOC
Alberto MocchiVER
Anna PerretVER
Isabelle FreymondIND
Géraldine DubuisVER
Thanh-My Tran-NhuSOC
Alexandre DémétriadèsSOC
Yolanda Müller ChablozVER
Valérie ZoncaVER
Mathilde MarendazEP
Muriel ThalmannSOC
Cédric RotenSOC
Felix StürnerVER
Nathalie JaccardVER
Théophile SchenkerVER
Patricia Spack IsenrichSOC
Laurent BalsigerSOC
Martine GerberVER
Julien EggenbergerSOC
Joëlle MinacciEP
Sabine Glauser KrugVER
Alice GenoudVER
Jean TschoppSOC
Pierre WahlenVER
Rebecca JolyVER

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Florence Bettschart-Narbel (PLR) — Rapporteur-trice

En préambule, au sujet des travaux de la Commission thématique des affaires juridiques qui a traité la motion Yannick Maury, j’aimerais dire que ceux-ci se sont passés de manière extrêmement constructive, raisonnable et riche en débats qui ont permis de trouver la meilleure solution possible dans ce dossier sensible. Ainsi, aujourd’hui, il me semble important que nous calquions nos débats sur le travail en commission, que nous adoptions une vision très pragmatique à même de réconcilier tout le monde, surtout de renoncer à entrer dans des débats qui n’auraient pas lieu d’être dans notre Parlement.

La Commission thématique des affaires juridiques s’est penchée sur la motion de M. Maury, qui avait trait à l’utilisation abusive d’un certain nombre de symboles haineux de façon totalement décontextualisée, vecteurs d’appels à la haine. Par exemple, lors de la crise sanitaire, il est vrai que nous avons pu observer un certain nombre de croix gammées lors de manifestations publiques. Malgré l’existence de la norme pénale antiraciste fédérale, il est aisé de constater que les bases légales sont lacunaires à ce propos, en particulier au niveau cantonal. Ainsi, l’idée consistait à légiférer sur cette question au sein de la loi pénale. En effet, l’article 335 du Code pénal suisse laisse au canton le pouvoir de légiférer sur les contraventions de la police qui ne dépendent pas de la législation fédérale.

Le motionnaire nous a expliqué trois cas de figure concrets qui pourraient voir l’utilisation de symboles nazis. Le premier est relatif à l’utilisation de symboles nazis dans une manifestation néonazie. Pour ce cas de figure, le contexte est clair. Il est déjà punissable par l’article 261bis du Code pénal. Ce n’est donc pas l’objet de cette motion. Le deuxième concerne la présence d’un drapeau nazi au milieu d’une manifestation. Effectivement, à cet égard une lacune dans la loi empêche toute mesure. Ainsi, les extrémistes peuvent jouer de cette limite. Et, comme il s’agit du domaine public, les cantons pourraient infliger une amende, mais pas de peine de prison. Enfin, le troisième cas de figure concerne la présence d’un drapeau nazi dans le salon d’un particulier. S’agissant alors du domaine et de la sphère privés, l’article 261bis ne peut s’appliquer.

La position du Conseil d’Etat s’est avérée très nuancée. A l’évidence, lorsque l’extrémisme est constaté, il doit être sanctionné. Dans ce cadre, une série de délimitations de compétences et de nuances sont dues à la jurisprudence. Il n’en demeure pas moins qu’il n’y a pas actuellement de disposition pénale spécifique permettant de réprimer l’utilisation de symboles nazis sans l’intention d’une propagande publique, d’où un certain nombre de débats autour de l’application de l’article 261bis du Code pénal. A mentionner que les juges sont toujours réticents à aller trop loin par peur de brider la liberté d’expression, même s’ils veulent sanctionner les incitations à la haine raciale. La notion de public a été affinée par le Tribunal fédéral. On peut se baser sur cette dernière pour définir ce qu’est aujourd’hui le public.

En conclusion, pour le Conseil d’Etat, il faudra agir au sur le plan fédéral en affichant avec plus de clarté ce qui est punissable ou non, mais il existe une marge de manœuvre cantonale qui permettrait d’infliger une amende dans certains cas, comme les réunions d’adeptes sans un accès public.

Lors de la discussion générale, toute la commission a admis et adhéré au principe que personne n’apprécie de voir un drapeau nazi dans l’espace public. Pourtant, trois problèmes se posaient tant au niveau juridique qu’au niveau idéologique et politique. Le premier problème : il n’était orienté que sur les symboles relevant du nazisme. Or, on voit que certains autres symboles peuvent concerner des régimes totalitaires. Il était notamment question de l’exemple de l’URSS avec ses privations de liberté, ses déportations, ses morts. Ainsi, la motion ne devrait pas seulement faire expressément référence au nazisme, mais être étendue à tous les régimes totalitaires comme le stalinisme, par exemple.

Le deuxième problème était relatif aux symboles. Au fond, qu’est-ce qu’un symbole ? S’il est évident qu’un drapeau avec une croix gammée est facilement identifiable comme symbole du nazisme, en revanche, un drapeau avec un aigle de profil pourrait-il être assimilé à un symbole nazi ? La question du symbole pose un problème d’interprétation. Enfin, le troisième problème évoqué réside dans la discrépance entre le domaine public mentionné dans la présentation du motionnaire et le sol vaudois évoqué dans la conclusion. Ainsi, si l’on parle de sol vaudois, on peut aussi alors parler d’appartements privés ; un aspect problématique.

À la suite de cette discussion, un certain nombre d’amendements qui figurent dans le rapport de commission ont été proposés. A l’unanimité, la commission s’est mis d’accord sur une formulation qui semblait réunir tout le monde, c’est-à-dire qu’il fallait parler d’exhibition de symboles de haine, en disant notamment nazi, sur le domaine public ou lors de manifestations publiques. La motion prise en considération partielle nantie de cette modification a été acceptée à l’unanimité. Les différentes modifications amenées ont abouti à un amendement qui, finalement, réconciliait tout le monde. Je pense que la solution trouvée par la commission est la meilleure possible et devrait permettre à ce Grand Conseil – je l’espère – d’adhérer à la prise en considération partielle de cette motion.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Yannick Maury (VER) —

« La situation actuelle est peu satisfaisante. » Ce ne sont pas mes mots, mais ceux de Mme la présidente du Conseil d’Etat, qui figurent d’ailleurs dans le rapport de commission. Madame Luisier Brodard, j’aimerais du fond du cœur vous remercier pour l’ouverture dont vous avez témoigné par rapport à cette problématique. Vous avez parfaitement raison : la situation actuelle n’est pas satisfaisante. En effet, elle permet aux extrémistes de tous bords de jouer avec le flou législatif pour promouvoir de façon insidieuse la haine sous les latitudes fédérales et cantonales, en arborant sans être inquiétés des symboles qui sont, sans équivoque possible et, soyons clairs : haineux. Les discussions en commission l’ont confirmé : le canton dispose des compétences nécessaires pour légiférer sur la question de l’utilisation des symboles nazis et haineux de façon plus large sur le domaine public et lors de manifestations publiques. A l’heure actuelle, celui ou celle qui taguent, par exemple, une croix gammée, des symboles fascistes ou encore djihadistes sur des bâtiments ne peuvent être inquiétés que pour dégradation ou dommage à la propriété, mais pas pour incitation à la haine. Et, en août 2021, dans une affaire qui avait défrayé la chronique, M. Cottier lui-même avait déclaré n’avoir pas pu poursuivre certains auteurs de tags nazis faute d’un cadre légal suffisant. Pendant ce temps-là, la Commission fédérale contre le racisme a recensé 708 cas de discrimination en 2022, c’est-dire 78 de plus que l’année précédente. A titre d’exemple, les cas d’antisémitisme ont augmenté à eux seuls, par exemple, de 70 % en 2021 et sont en train de prendre l’ascenseur de façon exponentielle en lien avec le contexte géopolitique – contexte sur lequel j’aimerais éviter que nous débordions. Les crises s’enchaînent, les expressions de haine bondissent. En cette période troublée que nous étions loin d’imaginer il y a un an au moment du dépôt cette intervention parlementaire prend ainsi une signification toute particulière. Beaucoup d’Etats possèdent une législation suffisante pour poursuivre cette façon insidieuse de véhiculer la haine par l’exhibition de symboles violents aux relents nauséabonds. Ces derniers temps, en Suisse, des étoiles de David, des croix gammées sont taguées ostensiblement sur des habitations et des personnes. D’autres reçoivent des courriers menaçants en réaction à des propos tenus démocratiquement. Des citoyens et des citoyennes vivent actuellement dans la peur sans qu’il soit possible d’agir de façon efficace.

Les Etats qui possèdent une base légale lacunaire sont en train de corriger le tir pour les mêmes raisons que ce qui a occasionné le dépôt de cette motion. Une motion allant dans le même sens a d’ailleurs été déposée quelques mois après la nôtre, dans le canton de Genève, par le député d’alors et désormais conseiller national, M. Thomas Bläsi – un symbole fort et positif. Le pendant genevois de la motion que nous traitons maintenant a été déposé à l’autre bout du lac par l’UDC et a obtenu le soutien presque unanime – à une voix près. Cela montre que lorsqu’il s’agit de faire reculer la haine, une forme d’union sacrée nécessaire et salutaire est parfois possible.

Ainsi, si le plénum venait à confirmer la décision unanime de la Commission des affaires juridiques, le canton de Vaud serait pionnier en la matière, ouvrirait la voie de façon historique à l’interdiction des symboles de haine, bien que l’idée fasse aussi son chemin aux Chambres fédérales. Du côté de Genève, le peuple devra encore se prononcer sur la question. Ça n’est donc pas réglé. La prise en considération partielle de la motion vaudoise laissera davantage de manœuvre au Conseil d’Etat que la version genevoise, ce qui renforce sa pertinence.

Enfin, si je peux me permettre encore quelques mots, j’aimerais exprimer le plaisir sincère que j’ai eu à travailler et à échanger lors des travaux de commission qui se sont avérés éminemment constructifs. Malgré les quelques inévitables passes oratoires du début de séance, le travail a été également très franc. Il me semble n’avoir jamais participé à commission aussi intéressante et constructive. A cet égard, j’aimerais remercier M. Xavier de Haller, à la fois pour ses contre-propositions particulièrement pertinentes en commission que pour son sens très appréciable du compromis ; un travail au-delà des étiquettes politiques qui serait plus souvent souhaitable plutôt que d’assister à des votes blocs sans nuances, sans contre-propositions dans de nombreux cas.

Ainsi, cette discussion riche et saine a débouché sur la formulation de prise en considération partielle qui étend la demande initiale aux différents symboles de haine évoqués tout à l’heure. Madame la présidente du Conseil d’Etat, j’aimerais vraiment vous remercier. Vous n’ignorez pas que ce sujet a demandé un fort engagement de ma part, pour ne pas dire tripal. Je souhaite le souligner publiquement, puisque nous n’appartenons pas au même parti : vous avez tout mon respect. J’apprécie de travailler de cette façon-là.

En conclusion, vivre dans un environnement vierge de symboles haineux est un droit. Le temps où les extrémistes de tous bords exploitaient les flous législatifs pour propager leur idéologie nauséabonde en toute impunité est en passe d’être révolu dans notre canton. Ainsi, je ne peux que vous encourager à envoyer un signal fort et sans équivoque contre la propagation de la haine à l’aide d’un outil concret, en faisant front pour que notre rejet de l’extrémisme soit le plus fort possible.

M. Xavier de Haller (PLR) —

En effet, toutes les personnes qui ont participé à cette commission ont relevé et souligné la qualité des débats portant sur un sujet sensible, émotionnel, un sujet qui, à mon sens, doit être traité par un organe législatif. Il s’agit de problématiques complexes par les sensibilités soulevées, mais aussi par les difficultés liées aux définitions et à un enchevêtrement juridique, puisque les normes fédérales ne permettent pas de répondre à satisfaction à tous les cas de figure qui se présentent.

Ainsi, la proposition formulée par la commission constitue une solution judicieuse et législativement pertinente, un message fort adressé par ce Parlement au Conseil d’Etat – ainsi qu’à la population – celui d’une volonté de légiférer. Je ne souhaite pas m’étendre davantage puisque le rapport de commission très complet permet de retracer les différentes étapes du travail qui y fut accompli et qui a permis d’aboutir à cette conclusion, à savoir une prise en considération partielle. Toutes et tous nous accordons sur le principe que l’extrémisme et l’appel à la haine et à la violence doivent être sanctionnés. Ainsi, donner un signe clair allant dans ce sens passe par la prise en considération partielle de cette motion. Et le groupe PLR vous y invite.

M. Maurice Treboux (UDC) —

Le groupe UDC va soutenir les conclusions de la commission chargée d’étudier la motion de notre collègue Maury, tout en remarquant que la limite entre la liberté d’expression et d’action – une liberté si chère à une partie de cet hémicycle – et le fait d’aller trop loin, malgré un cadre légal adapté, sera de plus en plus difficile à déterminer.

Mme Patricia Spack Isenrich (SOC) —

Initialement, la raison du dépôt de cette motion était liée à l’utilisation abusive d’un certain nombre de symboles haineux de façon totalement décontextualisée, avec des appels à la haine lancés notamment durant la crise sanitaire. Rappelez-vous, durant le coronavirus, les personnes asiatiques en avaient été les nouvelles victimes. Il leur avait été reproché, ainsi qu’aux personnes de confession juive, d’être responsables de la crise ou d’en tirer parti. Le motionnaire constatait aussi qu’entre 2019 et 2021, les signalements pour discrimination à caractère raciste avaient doublé, que les extrémistes qui exploitent les lacunes juridiques – par exemple lors de manifestations – faisaient preuve d’une attitude blessante pour les minorités concernées, puisqu’il est encore aujourd’hui possible d’exhiber des symboles relevant du nazisme et de l’idéologie qui en découlent sans être inquiétés.

Aujourd’hui, à l’heure où une guerre violente secoue le Proche-Orient, la situation israélo-palestinienne est fortement amplifiée par les réseaux sociaux via une avalanche d’images fortes et très émotionnelles, et malheureusement par un déferlement de propos haineux. Depuis le 7 octobre, les actes violents et haineux se sont multipliés dans le monde. En France, depuis le 7 octobre, 1040 actes antisémites ont été recensés et 486 personnes ont été interpellées. En Suisse, on constate une nouvelle fois une hausse des actes antisémites, jusque dans les classes d’école. A Genève, 4 cas ont été signalés dans le milieu scolaire.

En conclusion, le groupe socialiste, qui condamne fermement ces actes, soutient la motion et sa modification partielle qui visent à élargir son champ d’application au-delà de la seule idéologie du nazisme, afin d’interdire et de punir l’utilisation et l’exhibition des symboles de haine sur le domaine public ou lors de manifestations publiques. Le parti socialiste vous encourage ainsi à prendre cette motion partiellement en considération et à la renvoyer au Conseil d’Etat.

M. Yvan Pahud (UDC) —

Comme évoqué par mon collègue Treboux, le groupe UDC soutiendra la prise en considération partielle de cette motion. Une fois n’est pas coutume, nous sommes d’accord avec la motion de notre collègue des Verts visant à prendre des mesures pour interdire les symboles haineux, nazis, marteau et faucille, et que les actes et les auteurs de croix gammées et autres « moustaches d’Adolphe » dessinées sur les affiches UDC soient enfin condamnés.

M. Sébastien Humbert (V'L) —

J’ai simplement une question de clarification : si des élèves viennent au gymnase avec des t-shirts affichant le marteau et la faucille, cela sera-t-il considéré comme interdit ?

M. Fabrice Moscheni (UDC) —

J’aimerais également poser une question de clarification. Comme vous le savez, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Traiter des personnes de « bâtards » constitue-t-il une formulation également visée ? Par exemple, typiquement, l’acronyme ACAB (All cops are bastards, n.d.l.r.) sera-t-il dorénavant aussi interdit par cette motion ?

M. Yannick Maury (VER) —

J’accorde ma pleine confiance au Conseil d’Etat. Je me permets de rappeler que l’injure est déjà punie par le Code pénal. Toutefois, l’article du Code pénal – je ne suis ni juriste ni avocat – ne liste pas de façon exhaustive les injures. Néanmoins, la jurisprudence fait progressivement état de ce qui est considéré comme injure de ce qui ne l’est pas. Si je prends l’exemple du swastika qui dans certains contextes, notamment en Asie et en Extrême-Orient, a une valeur religieuse, il est évident que dans un tel contexte, ce dernier fera foi, que ce symbole sera évidemment toléré. En revanche, dans des contextes sans équivoque, il sera puni. En outre, dans le cas où le doute existerait, dans un Etat de droit, une démocratie, il profite systématiquement à l’accusé ; et j’en suis très heureux.

Mme Mathilde Marendaz (EP) —

Pour m’inscrire dans la suite des questions de précision, je m’interroge sur les affiches électorales de l’UDC qui ont été, ce mois d’octobre 2023, dénoncées pour racisme et incitation à la haine. Seraient-elles aussi, par conséquent, incluses dans l’interdiction des symboles de haine dans l’espace public ?

Mme Elodie Lopez (EP) —

Le groupe Ensemble à Gauche et POP est entièrement favorable à l’interdiction de symboles d’extrême droite, d’incitation à la haine et remercie vivement le motionnaire d’avoir amené cette problématique dans un texte qui met bien en évidence les enjeux. En effet, il est l’heure de régler les flous juridiques existants qui permettent aujourd’hui à de tels symboles de s’exhiber de façon totalement décomplexée dans l’espace public. Ainsi, le groupe Ensemble à Gauche et POP soutiendra cette motion. Il n’empêche que la question relative aux symboles – notamment des milieux de la gauche radicale – posée tout à l’heure par notre collègue Humbert nous interpelle. Nous aimerions pouvoir nous assurer que la proposition de loi permettra de se cantonner à des exhibitions de symboles d’appel à la haine.

M. François Cardinaux (PLR) —

Jusqu’à maintenant, il n’y avait aucun problème, le texte paraissait tout à fait logique : les symboles de haine sur le domaine public ou lors de manifestations publiques. Or, si un groupe politique se sent accusé, peut-être que quelque chose sous-tend ce sentiment ; ce que, à l’évidence, je ne souhaite pas. En revanche, il faut être clair : il ne s’agit pas de symboles de droite ou de gauche, mais de symboles de haine. A cet égard, ils doivent être supprimés. Tout cela a été très bien établi par la commission et par ses recommandations. Prenons en considération la motion et n’allons pas plus loin !

Mme Florence Bettschart-Narbel (PLR) — Rapporteur-trice

J’aimerais répondre à un certain nombre de questions sur la précision et l’interprétation. D’abord, il s’agit du stade de la prise en considération d’une motion. A l’évidence, l’article de loi n’est pas encore rédigé. Dès lors, il apparaît assez difficile de dire exactement ce qui sera pris en compte. Une fois rédigé, l’article de loi se confrontera à un certain nombre d’interprétations juridiques. Nous pourrons expliciter ce qui rend un symbole haineux ou pas. Toutefois, il me semble que la motion était au départ suffisamment claire, qu’elle visait en particulier les symboles nazis. Je pense qu’on peut reconnaître qu’une croix gammée est un symbole de haine. Dans une certaine mesure, la faucille et le marteau, selon sur quel t-shirt elle est affichée, peut aussi représenter un symbole de haine. Des questions d’interprétation se poseront. Nous étudierons la manière qu’aura le Conseil d’Etat de rédiger la loi pénale, ensuite la marge d’interprétation et d’appréciation incombera aux autorités, en particulier aux autorités judiciaires. Il est encore un peu tôt pour dire exactement ce qui sera acceptable ou non.

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Président-e du Conseil d’Etat

Je vous remercie pour les discussions très constructives que nous avons pu mener et qui nous ont permis de dégager un texte qui a eu l’aval de la commission et qui a aussi reçu mon assentiment, comme cela a été répété tout à l’heure par M Maury. En effet, aujourd’hui, la situation n’est pas satisfaisante. Il convient en particulier de pouvoir agir sur le domaine public comme indiqué dans cette motion riche d’une nouvelle rédaction consentie dans un esprit constructif en commission.

En particulier avec ce que nous avons vécu ces dernières années ou ces dernières semaines, tout le monde aujourd’hui s’accorde sur le principe que l’utilisation de tels symboles haineux n’est pas admissible sur le domaine public, même si, bien entendu, la liberté d’expression demeure une donnée fondamentale dans notre pays et canton, mais pas jusqu’au point d’admettre des symboles haineux affichés impunément sur le domaine public.

Quant à la considération partielle, je me félicite que le texte retenu parle du domaine public. En effet, s’il s’agissait du domaine privé, d’autres questions se poseraient, notamment relativement au caractère intrusif, respectivement sur l’efficacité d’une telle modification légale, à la proportionnalité d’une telle disposition. J’ai milité en commission pour que l’on parle du domaine public ; ce fut retenu.

Quant aux précisions que vous évoquez, elles font écho aux mêmes discussions que celles tenues en commission ; comme relaté dans le rapport de commission. Quel est le bon critère ? Une possibilité aurait été de limiter la motion aux symboles nazis, car ils sont immédiatement identifiables ; une mesure efficace, mais pas très satisfaisante, puisqu’on ne peut pas nier l’existence d’autres symboles de haine qui peuvent être utilisés sur le domaine public. Ne pas en tenir compte revient à se demander quel objectif est visé. Ensuite, il fut question d’autres types de critères, par exemple le fait de punir l’utilisation de symboles liés à des régimes totalitaires. Bonne chance pour savoir de quoi l’on parle ! En effet, les acceptations de chacun et de chacune sont très différentes.

Ainsi, il nous a semblé que la terminologie retenue par la nouvelle rédaction portant sur les symboles de haine constituait une formule appropriée, ce sans vous entretenir de casuistique. Je ne suis nullement en mesure de vous fournir une liste qui identifierait les potentiels symboles de haine. Dans le cadre d’une révision légale, nous nous devons absolument d’en rester à quelque chose de général. Il apparaît clairement à quel point il est important de mettre l’accent sur la question de la haine plutôt que sur une question liée à une idéologie politique.

Ensuite, il incombera à la loi de préciser ces éléments ou d’en rester à une définition générale, et aux tribunaux de trancher sur la question : ne perdons pas de vue que tout ce qui est simple est faux, que tout ce qui est compliqué est inutilisable. Il s’agit de garder une bonne mesure. A cet égard, la notion de haine nous permet de dépasser les clivages partisans liés à des idéologies, un principe qui nous a permis de convaincre la majorité des commissaires. J’ose espérer que la majorité du plénum le sera aussi. En conclusion, je vous remercie de prendre partiellement en considération cette motion.

Mme Elodie Lopez (EP) —

Veuillez m’excuser de prendre la parole après Mme la conseillère d’Etat. Comme nous avions exprimé des inquiétudes et des questions auxquelles elle a répondu, je souhaitais la remercier pour ses éclaircissements. Nous vous remercions aussi d’avoir mis en évidence les dimensions sur lesquelles le Conseil d’Etat souhaite s’axer et s’arrêter dans le cadre de l’élaboration de ce projet de loi. Nous accueillerons ce projet de loi avec intérêt pour y observer si ces garanties y figurent.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend la motion en considération partiellement à l’unanimité.

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :