RAP_642603 - Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur les Postulats Gérard Mojon et consorts - Le CHUV, un malade chronique ou un patient en voie de guérison ? et Christelle Luisier Brodard et consorts - En savoir un peu plus sur les PIG (prestations d'intérêt général) (134).
Séance du Grand Conseil du mardi 8 juin 2021, point 23 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourEn préambule, je précise que j’ai repris la présidence de la commission le 9 septembre 2019, après la démission de mon estimé collègue Thierry Dubois. Le 8 juillet 2019, lors de sa première séance, la commission avait estimé ne pas disposer de suffisamment d’informations pertinentes pour se positionner sur le rapport du Conseil d’Etat. Plusieurs points devaient être éclaircis, dont la publication de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) sur le financement hospitalier, qui venait d’être publiée. Nous avons consulté deux experts lors d’auditions, ainsi que l’OFSP par écrit. Nous avons aussi posé des questions complémentaires au Conseil d’Etat. Les réponses à ces demandes constituent une volumineuse documentation annexée au présent rapport.
Les postulats de 2018 demandaient des précisions complémentaires sur le financement du CHUV, en particulier sur les prestations d'intérêt général (PIG), ainsi que sur la pérennité financière de l’établissement. Vous lisez les conclusions du rapport du Conseil d’Etat en page 2 du rapport de la commission. La discussion s’est cristallisée sur les PIG implicites et explicites, en particulier. Les coûts imputables à l’activité de santé doivent être clairement distingués de leur financement. La question que nous nous posions était de savoir si la manière dont les hôpitaux imputent les coûts donne la possibilité de fausser ou non la concurrence et de favoriser les uns ou les autres. Dans le rapport, vous trouverez les réponses du Conseil d’Etat sur ces points, ainsi que sur les coûts.
La postulante et le postulant ont posé d’autres questions et ont demandé des explications au Conseil d’Etat. La plupart de ces demandes ont reçu des réponses. Lors de la discussion générale, la commission a pris bonne note des réponses du Conseil d’Etat, des experts auditionnés et de l’OFSP. Une partie de la commission s’est abstenue lors du vote en pointant le flou quant à la définition légale précise des PIG, notamment au regard de savoir si elles peuvent couvrir les éléments couverts par les DRG. Ces commissaires ont expliqué ne pas pouvoir accepter le rapport du Conseil d’Etat en raison de la vision politique véhiculée dans les réponses du département, en mettant l’accent sur le plan financier à long terme et l’augmentation de la contribution financière de l’État par des PIG.
Néanmoins, la commission vous recommande d’accepter le rapport du Conseil d’Etat par 3 voix et 6 abstentions.
La discussion est ouverte.
Je commencerai par les PIG en posant le décor et expliquant de quoi et de combien nous parlons ici. Depuis la sortie de la Policlinique médicale universitaire (PMU) du périmètre du CHUV et qu’elle a ses propres PIG, le CHUV reçoit chaque année entre 260 et 270 millions de francs de PIG. Ce montant augmente annuellement de 3 à 5 millions de francs. S’ajoute à ce montant, la part Etat des coûts d’hospitalisation — plus de 300 millions par année. Comme expressément prévu par la LAMal, ce sont 55 % des coûts d’hospitalisation. Ainsi, dans l'ensemble, chaque année, la part Etat des coûts d’hospitalisation et des PIG payée par l’Etat de Vaud au CHUV dépasse les 600 millions de francs. Si vous voulez tirer un parallèle, la semaine dernière, nous avons parlé de 500 millions de francs pour les cas COVID de l’an dernier.
J’aimerais maintenant apporter quelques remarques :
1. Dans la réponse du Conseil d’Etat, on nous dit que les tarifs LAMal ne couvrent pas les coûts des hôpitaux universitaires. Pour cette raison, il faut des PIG. Je l’admets volontiers, il n’y a aucun problème, mais le CHUV a une particularité : il est à la fois hôpital de ville et hôpital universitaire. Les hospitalisations somatiques aigües au CHUV sont toutes rémunérées au tarif universitaire. J’en veux pour preuve que le point DRG est payé au CHUV sur un montant de 10’650 francs, alors que ce même point est payé aux hôpitaux de la Fédération des hôpitaux vaudois (FHV) à hauteur de 9'600 francs. Il y a donc déjà une différence sur ce plan.
2. Cela a été rappelé dans le plan concernant l’hospitalisation que nous avons reçu dernièrement, le CHUV n’a quasiment pas de clientèle privée et n’en veut pas.
3. A la page 5 de la réponse du Conseil d’Etat, un calcul indique que les chiffres bruts des PIG ne sont pas corrects. C’est possible et j’admets cette hypothèse. Toutefois, si l’on considère les PIG ajustées de 2016 et les montants qui nous sont fournis, on constate que le CHUV reçoit des PIG à hauteur de l’ordre de 285 millions de francs, alors que les hôpitaux universitaires alémaniques de renom touchent un maximum de 100 millions : 102 millions à l’hôpital de l’Île à Berne, qui n’est pas un hôpital de campagne ; quant aux hôpitaux de Bâle et de Zurich, ils reçoivent environ 90 millions chacun. Le niveau pour le CHUV reste donc, malgré les ajustements, extrêmement élevé. Je ne nie en aucun cas l’utilité des PIG. Il en a besoin. Je constate uniquement que le canton de Vaud profite de manière importante des imprécisions de la LAMal dans la définition et la délimitation des PIG. Dans tous les cas, la générosité des contribuables vaudois le permet.
Venons-en au volet financier. Aujourd’hui, nous disposons de données réelles. Les résultats 2019 ont été meilleurs qu’attendu sous l’effet de la progression de l’activité. C’est très bien. Le résultat 2020, qui figure dans la brochure des comptes 2020, est légèrement meilleur qu’attendu. En revanche, on constate que le résultat est meilleur qu’attendu grâce à des produits extraordinaires de 15 millions de francs. Ce n’est pas n’importe quoi. Si on n’avait pas eu ces produits, on repartait dans les pertes. Le budget 2021 est dans la ligne du plan qui nous a été donné. En conséquence, ce plan reste crédible à ce jour.
La dernière conclusion amenée par le Conseil d’Etat attire justement l’attention : les coûts des prestations du CHUV sont supérieurs à ceux des hôpitaux alémaniques, mais l’écart tend à diminuer. C’était vrai il y a quelques années. La dernière actualisation de cette analyse montre que le CHUV tend à diminuer le coût de son point DRG — une bonne nouvelle — mais que malheureusement, les hôpitaux universitaires alémaniques ne restent pas inactifs. Ils agissent aussi sur le coût de leur point et l’améliorent plus que le CHUV. Par conséquent, l’écart tend à se creuser.
Sur le plan financier, trois éléments m’inquiètent. D’abord, nous avons affaire à des hypothèses de revenus incertaines versus des hypothèses de charges malheureusement certaines. Le résultat d’exploitation du CHUV est annoncé en amélioration sur la durée essentiellement sous l’effet de l’augmentation de l’activité. De l’autre côté, le résultat d’investissement se détériore sous l’effet de la reprise des amortissements. Un risque provient du fait que l’hypothèse de la progression d’activité est incertaine, un élément étant absolument certain : la progression des amortissements. En effet, puisque les investissements ont eu lieu, les amortissements devront se faire. Donc, rentrées incertaines, mais charges certaines. Deuxièmement, on nous précise que le résultat global va s’améliorer jusqu’en 2023, mais qu’il aura tendance à se détériorer. J’espère que le point d’équilibre en 2023 sera maintenu. Malheureusement, rien ne permet à ce stade ni de l’infirmer ni de le confirmer. Une incertitude, donc un risque.
Dernier élément : si le résultat global a tendance à se stabiliser, voire à baisser, c’est grâce à une contribution de l’Etat, en constante augmentation. Je fais le lien entre le plan financier et les PIG. Si le résultat du CHUV pouvait tendre à se stabiliser ou à s’améliorer, ce serait essentiellement sous l’effet d’une contribution toujours plus importante de l’Etat, non seulement de la part LAMal aux coûts d’hospitalisation, mais également sous l’effet des PIG.
En conclusion, je m’abstiendrai au moment du vote. Pour reprendre le titre de mon postulat et sur la base des informations fournies, le CHUV reste un malade chronique qu’il faudra garder sous perfusion.
Le sujet des PIG a longtemps été une nébuleuse pour toute personne désirant comprendre ce qui se cache derrière ce terme. Je salue le rapport du Conseil d’Etat à la suite des deux postulats. Il apporte nombre d’éclaircissements sur les PIG, tout particulièrement l’annexe 2, avec la liste détaillée des PIG attribuées au CHUV. Cette liste concerne les PIG explicites. Toutefois, il existe également les PIG implicites, qui recouvrent des activités déficitaires du CHUV pour un montant de 156 millions en 2017. Peut-être serait-il utile à l’avenir d’élaborer également une liste détaillée des PIG implicites. Cela apporterait plus de transparence dans le domaine.
J’ai également apprécié, dans le rapport, les nuances apportées, qui permettent d’adapter les PIG dans les comparaisons intercantonales et d’éviter d’opposer les chiffres absolus du canton de Vaud avec ceux des autres hôpitaux universitaires alémaniques. Pour toutes ces raisons, je soutiendrai ce rapport et vous invite à faire de même.
En toute transparence, je déclare en préambule que j’étais présidente de la Fédération des hôpitaux vaudois jusqu’au 31 mars dernier. Il y a presque deux ans que la discussion a eu lieu en commission. Depuis, Mme Luisier est devenue conseillère d’Etat, et plusieurs membres de la commission ont changé de fonction et ne siègent plus au Grand Conseil. La question de PIG avait focalisé, au début de cette législature, l’attention de plusieurs députés à la suite des rapports du professeur Felder de l’Université de Bâle afin de comprendre pourquoi il était si critique envers les montants des PIG, nettement plus élevées que dans d’autres cantons universitaires. La définition des PIG figure à l’article 49, alinéa 3 de la LAMal. Elles sont destinées en particulier à couvrir les frais de maintien des capacités hospitalières liées à la politique régionale, de la formation et de la recherche universitaire. La rédaction « en particulier » ouvre la porte à d’autres possibilités. C’est pourquoi le canton classe les PIG en deux catégories : implicites, qui couvrent les activités déficitaires ; explicites, qui concernent les prestations définies dans la LAMal à l’article 49, alinéa 3. Les rapports Felder posent la question de savoir pourquoi, en comparaison intercantonale, Vaud et notamment le CHUV a des PIG bien plus élevées que celles des cantons alémaniques. Le professeur Felder, auditionné par la commission, pense que le système vaudois prête à confusion concernant les PIG, les DRG, les financements découlant d’autres lois. Le département a donné des explications. Le système de financement des PIG pour les hôpitaux, particulièrement celui du CHUV qui reçoit environ 90 % des PIG attribuées par an, a des périmètres de financement différents des autres cantons. Cela vient du fait qu’il prend en charge des mandats de médecine préventive et sociale, que les autres cantons financent d’une autre manière. Il y a peu d’hospitalisations privées au CHUV et par choix politique, il pratique un tarif plus bas que les autres hôpitaux universitaires. A ce titre, je répète ce qu’a dit notre collègue Mojon : le tarif hospitalier du CHUV est de 1000 francs plus élevé que les hôpitaux non universitaires, même si une partie de son activité est celle d’un hôpital de ville. Le système de financement par enveloppe pour le stationnaire signifie moins de revenus que le financement lié à la prestation. Le département reconnaît donc les surcoûts du CHUV qu’il vise à diminuer pour que son efficience puisse être comparée à terme à celle des autres hôpitaux universitaires. Même si le système comptable REKOLE permet de suivre les coûts, la base légale fédérale imprécise laisse la porte ouverte à une niche de financements possibles pour une série de prestations qui découlent de choix politiques. Cela rend le système très technique, complexe, difficilement compréhensible et non comparable avec celui des autres cantons. L’attribution des PIG comme couverture de déficits est de facto un problème lié à des choix politiques. C’est pourquoi le PLR s’abstiendra lors du vote, tout en espérant que la question soit traitée lors d’une modification afin de rendre le système compréhensible et plus transparent.
En toute transparence, je déclare en préambule que j’étais présidente de la Fédération des hôpitaux vaudois jusqu’au 31 mars dernier. Il y a presque deux ans que la discussion a eu lieu en commission. Depuis, Mme Luisier est devenue conseillère d’Etat, et plusieurs membres de la commission ont changé de fonction et ne siègent plus au Grand Conseil. La question de PIG avait focalisé, au début de cette législature, l’attention de plusieurs députés à la suite des rapports du professeur Felder de l’Université de Bâle afin de comprendre pourquoi il était si critique envers les montants des PIG, nettement plus élevées que dans d’autres cantons universitaires. La définition des PIG figure à l’article 49, alinéa 3 de la LAMal. Elles sont destinées en particulier à couvrir les frais de maintien des capacités hospitalières liées à la politique régionale, de la formation et de la recherche universitaire. La rédaction « en particulier » ouvre la porte à d’autres possibilités. C’est pourquoi le canton classe les PIG en deux catégories : implicites, qui couvrent les activités déficitaires ; explicites, qui concernent les prestations définies dans la LAMal à l’article 49, alinéa 3. Les rapports Felder posent la question de savoir pourquoi, en comparaison intercantonale, Vaud et notamment le CHUV a des PIG bien plus élevées que celles des cantons alémaniques. Le professeur Felder, auditionné par la commission, pense que le système vaudois prête à confusion concernant les PIG, les DRG, les financements découlant d’autres lois. Le département a donné des explications. Le système de financement des PIG pour les hôpitaux, particulièrement celui du CHUV qui reçoit environ 90 % des PIG attribuées par an, a des périmètres de financement différents des autres cantons. Cela vient du fait qu’il prend en charge des mandats de médecine préventive et sociale, que les autres cantons financent d’une autre manière. Il y a peu d’hospitalisations privées au CHUV et par choix politique, il pratique un tarif plus bas que les autres hôpitaux universitaires. A ce titre, je répète ce qu’a dit notre collègue Mojon : le tarif hospitalier du CHUV est de 1000 francs plus élevé que les hôpitaux non universitaires, même si une partie de son activité est celle d’un hôpital de ville. Le système de financement par enveloppe pour le stationnaire signifie moins de revenus que le financement lié à la prestation. Le département reconnaît donc les surcoûts du CHUV qu’il vise à diminuer pour que son efficience puisse être comparée à terme à celle des autres hôpitaux universitaires. Même si le système comptable REKOLE permet de suivre les coûts, la base légale fédérale imprécise laisse la porte ouverte à une niche de financements possibles pour une série de prestations qui découlent de choix politiques. Cela rend le système très technique, complexe, difficilement compréhensible et non comparable avec celui des autres cantons. L’attribution des PIG comme couverture de déficits est de facto un problème lié à des choix politiques. C’est pourquoi le PLR s’abstiendra lors du vote, tout en espérant que la question soit traitée lors d’une modification afin de rendre le système compréhensible et plus transparent.
Depuis que je m’occupe de médecine, par mes fonctions politiques, tout ce qui concerne le CHUV en général et les PIG en particulier ne cesse de faire polémique, avec des positions aussi tranchées d’un côté que de l’autre. J’essaie de porter un regard nuancé, puis chacun se fera sa religion au moment de voter.
D’abord, le CHUV est un hôpital universitaire. Ce n’est pas le seul, mais le salaire de ses cadres, qui sont professeurs, est à sa charge, alors que dans certains cantons, l’université le paie. Ensuite, le CHUV ne fait pas la chasse aux patients privés. M. Mojon a indiqué, fort opportunément, que le CHUV n’a presque pas de patientèle privée, car il n’en veut pas. Moi, j’en suis fier. En effet, si le CHUV chassait sur les terres des privés, que nous entendrions : « un hôpital public prend la patientèle privée! Cela ne se fait pas! » Il y a deux ou trois ans a été inaugurée une dizaine de chambres spéciales ultra-chères au 19e étage, avec des ventilations très sophistiquées à double flux, pour être aptes à recevoir des patients hyper contaminants de type malades d’Ebola. Cela aurait été plus facile de faire du privé et 10, 12 ou 15 millions de francs supplémentaires. Cela aurait au moins permis au comptable de finir ses fins de mois et année de manière plus sereine. Eh bien, non. C’est un choix politique et la responsabilité d’un hôpital cantonal. Par ailleurs, la discipline de facturation des cas privés au CHUV est conforme aux règles, la facturation aux assurances étant, en moyenne, de l’ordre de 45 % du DRG. Les cliniques privées facturent facilement 200 voire 300 % aux complémentaires. Elles n’assument quasiment pas la rémunération de leurs médecins, qui se paient par la facturation de complémentaires. Il faut le dire. Je dis quelque chose de factuel sans émettre de jugement. En revanche, l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) met de l’ordre dans ses facturations, ce qui rend les cliniques privées un peu nerveuses. On peut le comprendre.
L’argument de la distorsion de la concurrence est absurde. Croyez-vous que les patients choisissent leur hôpital en fonction de la part plus ou moins élevée de la subvention publique dans leur budget ? Par ailleurs, les salaires du CHUV sont plafonnés, ce qui n'est pas le cas dans les cliniques et la FHV. N’importe quel directeur présent ou passé du CHUV vous dira combien de fois cela lui a fait mal au cœur de voir de bons professeurs partir ailleurs dans le canton en emmenant une partie de leur patientèle, pas la « crève la dalle », mais celle qui peut payer. Le CHUV doit les assumer. Je vous informe de faits. Ce n’est pas une posture politique.
Finalement, les PIG permettent de protéger des activités hospitalières peu rémunérées par les tarifs LAMal, comme la pédiatrie, la psychiatrie ou la médecine de l’adolescent. Pensons-y, particulièrement en cette période de pandémie. Ces médecines déconsidérées financièrement que le CHUV assume grâce aux PIG ont été charnières cette année.
Je ne veux pas changer votre religion, vous voterez selon vos convictions. J’aimerais simplement rétablir certains faits. Si je me trompe, je l’admettrai pour autant que vous me le prouviez.
Le dépôt de ces postulats a constitué la première salve contre le CHUV ; s’en est suivie l’initiative demandant de le privatiser. Nous aurons l’occasion de discuter de ce dossier lors d’une prochaine séance, puisqu’un compromis semble avoir été trouvé autour du contre-projet du Conseil d’Etat.
J’aimerais d’abord remercier le PLR pour ces postulats. Cela a permis au CHUV de mener un important travail de transparence sur le plan des PIG. Je parle là en tant que membre du Comité directeur des Etablissements hospitaliers du Nord vaudois (eHnv) qui, comme d’autres établissements du canton et en Suisse, bénéficie des PIG. Celles que touchent les eHnv sont tout à fait comparables, proportionnellement, à celles que touche le CHUV. Les PIG permettent de financer des services à la population, des missions et prestations qui ne peuvent pas être financées par le système de santé traditionnel. Celles-ci sont indispensables. Je remercie encore le PLR d’avoir déposé ces postulats, car on comprend aussi, grâce à l’excellent rapport du Conseil d’Etat et les explications qu’il nous a données, que le rapport du professeur Felder, mandaté par les cliniques privées, est « à côté de la plaque ». Il compare des pommes et des poires, comme rappelé tout à l’heure. Les comparaisons entre les différents hôpitaux universitaires sont erronées. Ces rapports sont clairement orientés.
Les particularités du CHUV, comme rappelé tout à l’heure, sont qu’il est non seulement un hôpital régional de premier recours pour la population de la région lausannoise, mais également un établissement très important en matière de formation et de recherche. Encore une fois, les autres établissements reconnus d’intérêt public du canton en profitent, les eHnv, comme d’autres établissements sur le territoire cantonal. Il est extrêmement important que le canton appuie cette formation.
Finalement, on entend certains députés en appeler à l’abstention quant à ce rapport. J’ai de la peine à comprendre cela, car un important travail a été mené par le Conseil d’Etat pour donner des explications et faire preuve de transparence concernant les PIG. J’ai le sentiment, à entendre les personnes qui se sont exprimées, que les informations transmises donnent satisfaction. On reproche au Conseil d’Etat d’avoir une vision. Mais je me réjouis que le Conseil d’Etat ait une vision politique en matière de santé. Le contraire serait extrêmement inquiétant. Je souhaite que la politique de santé du canton bénéficie de la vision politique portée et pilotée par le Conseil d’Etat. On parle de distorsion de concurrence, mais dans le même temps, on reproche au CHUV de ne pas avoir assez de lits privés. Il y a là un paradoxe que je n’explique pas, une contradiction assez folle. C’est peut-être une question d’amour-propre, car les auteurs des postulats se rendent compte que les attaques dirigées contre le CHUV ne sont que des coups d’épée dans l’eau. Les postulats permettent de tordre le cou à une idée reçue : le CHUV n’est pas ce mastodonte mal géré qui bénéficierait indûment de la générosité de l’Etat. Non, le CHUV est un établissement public au service de la population, qui offre un accès inconditionnel à des soins de qualité. La crise sanitaire nous a rappelé combien il est essentiel d’avoir un service public de qualité. Encore une fois, je remercie le Conseil d’Etat pour la qualité des réponses apportées. Je vous invite évidemment à accepter le rapport du Conseil d’Etat.
Je reviens sur les propos de Mme Jaccoud, qui a rappelé fort opportunément que le CHUV figure parmi les dix meilleurs hôpitaux du monde. Pourquoi pas, après tout, si cela peut flatter notre orgueil ? Toutefois, à moins que j’aie mal lu ou que j’aie manqué un élément, j’ignore quels sont les critères exacts, probablement nombreux, qui permettent ce classement. Quand on classe quelque chose, la plus grande fortune du monde, le meilleur écolo ou que sais-je, il faut se baser sur des critères que l’on veut objectifs, mais qui ne le sont pas forcément. Ce n’est pas grave, car on ne peut pas être objectif sur tout. Celui qui vous parle et pratique le CHUV de façon bimensuelle remarque qu’il y a parfois d’excellents contacts qui participent de cette qualité, mais que quelques fois le CHUV n’est qu’un hôpital comme un autre, avec ses qualités et ses défauts – trop longue attente aux urgences, empathie moitié-moitié, par exemple. Tout cela est relayé par mes patients. Ils sont à la fois contents du CHUV et des traitements qu’ils reçoivent, et à la fois mécontents de la façon dont on les accueille et traite parfois. Cela ne me dérange pas, car c'est une activité humaine. On ne peut pas être bon tout le temps. Toutefois, je n’aime pas non plus que l’on se gargarise de titres. Alors, j’aimerais savoir en quoi le CHUV fait partie des dix meilleurs hôpitaux mondiaux. Pour sa recherche et son enseignement ou de manière générale ?
Il ne faut pas se plaindre que le CHUV soit constamment dans la zone de tir des partis tantôt à gauche, tantôt à droite, depuis qu’il a été construit. Cela permet aussi de constater que quand la Commission d’enquête parlementaire sur l’hôpital Riviera-Chablais sera passée, on en aura pour des années à être dans l’objectif de tir, comme tout hôpital. Cela lui permettra de faire une excellente médecine. Pour cette raison, je ne suis pas du tout inquiet pour l’hôpital Riviera-Chablais, si je peux me permettre cette incursion dans ce qui ne devrait pas être mon domaine, mais qui l’est quand même pour moi, citoyen du canton.
Le Conseil d’Etat a répondu en avril 2019 sur ces deux postulats, avec un accent particulier sur les PIG et la pérennité financière du CHUV. La crise COVID-19 nous a rappelé, si besoin était, que l’on doit beaucoup à nos hôpitaux. Sans le CHUV, nous n’aurions tout simplement pas pu faire face. Qu’aurions-nous fait sans les dizaines de lits supplémentaires de soins intensifs, sans l’achat de matériel de protection lors de la première vague ou sans l’appui de l’hôpital pour la campagne de vaccination ? Cela dit, il est normal et même indispensable que les hôpitaux soient bien gérés et viables financièrement. Sur ce point aussi, la pandémie nous a rappelé les limites du système de financement. Alors que les hôpitaux étaient au front, paradoxalement, les recettes ont baissé considérablement, notamment en raison de l’arrêt des opérations non urgentes décidé par le Conseil fédéral. Bien sûr, le canton a agi en débloquant 150 millions de francs en 2020 pour les hôpitaux. Espérons toutefois qu’une fois la crise passée, nous pourrons prendre un peu de recul et s'interroger sur le système de financement prévu par la LAMal entièrement basé sur la concurrence, alors que l’on ne parle pas d’un marché comme les autres, mais de notre santé.
Revenons maintenant au cœur du sujet, à savoir les PIG. Leur définition est sujette à débat, mais l’on peut en distinguer deux grandes catégories. Premièrement, les PIG dites implicites, des financements de l’Etat pour couvrir des activités déficitaires ; deuxièmement, les PIG dites explicites, qui financent des prestations de formation, en particulier des médecins, et de recherche, ainsi que des mandats de santé publique demandée par le canton pour répondre à des besoins de la population. Les quatre séances de commission ont permis d’approfondir les différentes thématiques abordées par les postulants, auxquelles le Conseil d’Etat a répondu. Qu’en conclut-on ? Tout d’abord, comparer les PIG entre hôpitaux et entre cantons est un exercice délicat, complexe, en particulier concernant les hôpitaux universitaires, car il faut tenir compte d’un grand nombre de paramètres pour obtenir une comparaison fiable.
Premièrement, s’agissant des comparaisons entre le CHUV et les autres hôpitaux universitaires, il existe de multiples différences avec les autres cantons. D’abord, le système de financement par exemple de la formation et de la recherche est inscrit au budget du CHUV, non dans celui de l’université. Cela a comme conséquence que dans l’étude du professeur Felder, ces chiffres sont comptabilisés comme PIG, alors que pour les autres hôpitaux, ce n’est pas le cas. Ensuite, le périmètre du CHUV englobe la pédiatrie et la psychiatrie, à la différence des autres hôpitaux universitaires suisses. Ce point est évidemment central. Ensuite, un autre élément capital relève des tâches d’intérêt public plus de 79 millions de francs, selon les chiffres de 2017 dans la réponse au postulat. Le CHUV effectue sur mandat de la Direction générale de la santé des mandats de santé publique. Ce sont autant de prestations qui sont utiles à toute la population du canton. Un exemple : l’unité qui prend en charge les victimes de violence, subventionnée par l’Etat via le CHUV. Ensuite, la part des patients privés pris en charge au CHUV est plus faible que dans les autres hôpitaux universitaires pour différentes raisons. Déjà, parce que le CHUV ne dispose pas d’une unité géographiquement séparée et organisée pour accueillir des patients privés, contrairement aux autres hôpitaux universitaires, comme ceux de Genève et de Bâle. Les patients privés sont hébergés dans les différentes unités d’hospitalisation en fonction de leur pathologie. Aussi, l’offre hôtelière au CHUV n’est pas du niveau de celle des cliniques privées ou des hôpitaux qui disposent d’une unité dédiée. On doit tenir compte de cet aspect : la région lausannoise dispose d’une offre bien étoffée de lits en cliniques privées qui permet de prendre en charge une grande partie de la population qui dispose d’une assurance complémentaire et qui souhaite bénéficier des prestations, en particulier hôtelières, qu’offre ce type d’institutions. D’autres facteurs entrent en ligne de compte, comme les attentes de placement en EMS ou le fait que certaines activités ne sont pas rentables, alors qu’elles sont indispensables.
Si on tient compte de tous les paramètres correctifs, le surcoût réel du CHUV est d’environ 28 millions. Ce chiffre est important, non celui des 400 millions environ cités dans l’étude de M. Felder. Cela a été largement étayé dans le rapport, les efforts sont engagés depuis plusieurs années maintenant.
Par ailleurs, la comparaison avec les autres hôpitaux universitaires n'est pas influencée par les PIG. En effet, la comparaison s’effectue sur la base d’un système de comptabilité uniforme et sur la base des coûts imputables à la LAMal. Les PIG ne sont donc pas prises en compte et ne faussent pas la concurrence. Troisièmement, le Conseil d’Etat est conscient de la nécessité pour le CHUV de se trouver dans une situation financière saine. C’est pourquoi un plan de financement figure en bonne place dans la réponse aux deux postulats. Et M. Mojon l’a rappelé : aux comptes 2015, le CHUV enregistrait un déficit de près de 30 millions de francs, qui a pu être ramené à 7 millions en 2018. Ces deux dernières années, le CHUV a pu terminer avec un résultat à l’équilibre. Pour les prochaines années, le plan financier prévu dans la réponse du Conseil d’Etat garde toute sa pertinence. L’objectif est toujours de poursuivre vers plus d’efficience clinique, de parfaire l’organisation là où c’est possible. Je ne pourrai jamais me priver de rappeler que tous les hôpitaux universitaires souffrent. D’ailleurs, il y a régulièrement des mobilisations de la part des hôpitaux universitaires en commun d’un tarif qui ne couvre pas leurs coûts. La situation est reconnue par la société suisse DRG qui gère les tarifs stationnaires. Finalement, bien sûr, il ne faut pas que les mesures d’efficience se fassent au détriment du personnel, de la qualité de travail, car cela peut avoir une influence sur la prise en charge des patients.
En conclusion, le Conseil d’Etat restera extrêmement attentif à la bonne santé financière du CHUV. Ces deux objets parlementaires ont permis d’approfondir les recherches sur les PIG, ainsi que sur la situation financière du CHUV. Les réponses nécessaires ont pu être apportées. On se devra toutefois d’être attentifs au fait qu’entre le moment où le rapport a été déposé et celui où je vous parle, une pandémie est survenue. Alors, des risques existent, en effet M. Mojon, pour le CHUV comme pour les autres hôpitaux. Pour le CHUV, une partie des mesures d’optimisation n’ont pas pu être mises en place pour des raisons évidentes. L’hôpital a dû être remodelé de fond en comble, à tous les niveaux et dans tous les secteurs pour pouvoir se réinventer et prendre en charge les patients qui en avaient besoin. On devra se donner le temps d’évaluer les impacts de la crise sanitaire sur le moyen et long terme pour l’hôpital. Dans tous les cas, on le fera en toute transparence, comme on l’a fait dans le cadre du rapport, auprès du Grand Conseil et de la Commission des finances, une fois que l’on y verra plus clair. Le Conseil d’Etat vous invite à accepter la réponse aux deux postulats.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Le rapport du Conseil d’Etat est approuvé à la majorité avec 1 opposition et de nombreuses abstentions.