23_POS_35 - Postulat Marc Vuilleumier et consorts au nom Au nom du groupe EAG-POP - Familles Roms dans notre canton: et si on essayait quelque chose ? (Développement et demande de renvoi à commission avec au moins 20 signatures).

Séance du Grand Conseil du mardi 9 mai 2023, point 10 de l'ordre du jour

Texte déposé

Des membres du peuple Rom sont arrivés, notamment dans le canton de Vaud, au début des années 2000. Ils font l’objet d’un large débat mêlant un soupçon de solidarité mais, surtout, beaucoup de rejets.

Ce peuple est parti de l’Inde il y a quelque mille ans pour rejoindre l’Empire byzantin. Il y a 500 ans, il a gagné l’ Europe et s’est reparti en 3 branches: les Sintis et les Manouches vivant au nord de l’Europe (Allemagne, Suisse et France), les Gitans vivant en Espagne, les Roms séjournant en Europe de l’Est. Ils forment une minorité d’environ 12 millions de personnes répartis dans plusieurs pays européens 

L’histoire européenne de ces populations a été marquée par 2 grandes tragédies. Tout d’abord 500 ans de quasi esclavage dans les régions que sont aujourd’hui la Roumanie et les pays alentours. Ensuite, un terrible génocide pendant la 2ème guerre mondiale où ils ont été stigmatisés pour ce qu’ils étaient. Selon des recherches, 90% des Sintis allemands ont été exterminés ainsi qu’un demi million de Roms. Ce génocide n’a été reconnu que bien plus tard.

Selon le prof. Thomas Huonker, historien, la Suisse s’est montrée zélée dans la discrimination de ces populations, à la fin du 19ème et au 20ème siècle. Par exemple, on leur interdisait l’usage des transports publics, on les fichait quasiment systématiquement, on développait des théories eugénistes induisant de nombreuses stérilisations. Nous noterons encore la tragédie des « ENFANTS de la GRANDE ROUTE » organisée par Pro Juventute, au cours de laquelle 600 enfants yeniches ( population semi-nomade vivant en Suisse)ont été arrachés à leur famille.

Au début des années 2000, suite à la chute du communisme et aux accords de Schengen, de nombreux Roms sont venus en Suisse provenant notamment de Roumanie, Bulgarie et Slovaquie.

Cette population est discriminée dans ces pays mais aussi rejetée chez nous. De nombreux préjugés leur collent à la peau, par exemple la traite des êtres humains, une organisation mafieuse, une criminalité exacerbée, la prostitution forcée. Nous ajouterons, anecdotiquement, la célèbre grosse berline allemande qui amène les Roms au centre ville pour mendier, grosse berline dont beaucoup parlent et que personne n’a vu de ses propres yeux!

Dans nos villes, les Roms s’adonnent à la mendicité, ont parfois de petits boulots, certains un vrai travail (maraichage et construction par exemple). Mais leur situation reste très précaire et leur accès au logement, aux soins, au travail fixe, à l’école très aléatoire,voire impossible. Et ce, malgré les actions d’associations telles Opre Roms, Armée du Salut, Sant’Egidio, Église évangélique réformée, Églises catholique.

Le monde politique s’est emparé de la présence des Roms dans nos rues surtout avec une vision répressive: interdiction ou limitation de la mendicité, démantèlement de regroupement, stigmatisation ne reposant souvent sur aucun fait réel. Certains milieux politiques sont de l’avis que ces mesures vont inciter cette population à quitter notre canton ou notre pays. Selon des spécialistes, il n’en est rien. Comme elle est en France, en Italie, en Allemagne ou ailleurs, elle est aujourd’hui en Suisse durablement. L’arrivée de nombreux réfugiés Roms provenant d’Ukraine ces derniers mois en est une preuve supplémentaire.Dans ce cadre, il serait préférable de développer une politique d’inclusion plutôt que de discrimination et de répression. C’est d’ailleurs ce que prône le Conseil de l’Europe avec son plan 2020-2025 pour l’insertion  de cette population via l’accès au logement, à l’emploi, à l’école, aux soins.

Dans ce sens, plusieurs expériences sont en cours notamment en France, tout spécialement à Montpellier. La Municipalité et la Région ont, ainsi, rasé un bidonville habité par des Roms et l’ont remplacé par un petit village de transition avec du logement spartiate mais salubre et la présence d’une équipe sociale et de soutien à l’insertion. Cette expérience limitée dans le temps a pour but, comme mentionné plus haut, de favoriser l’employabilité, l’accès au logement, aux soins et à la scolarisation des enfants. Des équipes socio-éducatives accompagnent les habitants pour diverses démarches devant aboutir à leur indépendance. Un accent tout particulier est mis sur les familles avec enfants afin que ces derniers suivent une scolarité dans les meilleures conditions possibles.

Aujourd’hui des familles roms avec enfants vivent dans notre canton sans logement fixe créant de grandes difficultés pour suivre une scolarisation normale. Certaines de ces familles sont soit dans la rue, soit dans des structures d’urgence pour un temps limité.

Par cette motion, nous demandons que le canton de Vaud, comme le souhaite le Conseil de l’Europe, initie une expérience pilote d’insertion de la population rom, notamment des familles avec enfants. Cette expérience devrait se réaliser en collaboration avec les communes concernées, les services de l’Etat pouvant apporter leur soutien et les associations d’entraide. Elle devrait pouvoir compter, à l’instar de l’expérience de Montpellier, sur une équipe sociale professionnelle et de médiateurs roms. Cette expérience pourrait être limitée dans le temps et faire l’objet d’une évaluation. Nous sommes convaincus que seul un engagement fort des pouvoirs publics permettra de mettre sur pied une vraie politique d’insertion des Roms.

 

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Vincent BonvinVER
Sylvie PodioVER
Nathalie JaccardVER
Romain PilloudSOC
Vincent KellerEP
Elodie LopezEP
Yves PaccaudSOC
Laurent BalsigerSOC
Mathilde MarendazEP
Alberto CherubiniSOC
Muriel ThalmannSOC
Martine GerberVER
Céline MisiegoEP
Rebecca JolyVER
Joëlle MinacciEP
Carine CarvalhoSOC
Cendrine CachemailleSOC
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Hadrien BuclinEP
Jean-Louis RadiceV'L
Yannick MauryVER
Julien EggenbergerSOC
Théophile SchenkerVER
Sandra PasquierSOC
Sébastien CalaSOC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Marc Vuilleumier (EP) —

Des membres du peuple rom sont arrivés dans le canton de Vaud, au début des années 2000 ; ils suscitent un large débat et surtout beaucoup de rejet. Ce peuple est parti de l’Inde, il y a 1000 ans, pour rejoindre l’Empire byzantin. Il a rejoint l’Europe il y a 500 ans, où il s’est réparti en trois branches : les Sinti et les Manouches habitant aujourd’hui au nord de l’Europe, les Gitans en Espagne, les Roms dans l’Europe de l’Est. Ils forment une minorité d’environ 12 millions de personnes. L’histoire européenne de cette population a été marquée par deux grandes tragédies. Tout d’abord, pendant 500 ans : un quasi-esclavage dans les régions qui forment aujourd’hui la Roumanie et les pays alentour ; ensuite et surtout : un terrible génocide lors de la Deuxième Guerre mondiale où ces gens ont été stigmatisés pour ce qu’ils étaient ; 90 % des Sintis allemands et 500’000 Roms ont été exterminés pendant la Deuxième Guerre mondiale, mais ce génocide n’a été reconnu que bien plus tard.

Selon le professeur Huonker, la Suisse s’est montrée particulièrement zélée dans la discrimination de ces populations à la fin du XIXe et au début du XXe siècles : interdiction d’utiliser les transports publics, fichage quasi systématique et développement de théories eugénistes induisant de nombreuses stérilisations. Chacun se rappelle aussi, bien sûr, la tragédie des « Enfants de la grand-route » organisée par Pro Juventute où 600 enfants Yéniches ont été arrachés à leur famille. Ensuite, à la suite du communisme et des accords de Schengen, de nombreux Roms sont venus en Suisse, provenant notamment de Roumanie, de Slovaquie et de Bulgarie. Ces populations sont discriminées dans ces pays et sont également rejetées ici, chez nous. De nombreux préjugés leur collent à la peau, comme la traite des êtres humains, la prostitution forcée, l’organisation mafieuse, une criminalité exacerbée, sans oublier bien sûr la fameuse et luxueuse berline blanche de marque allemande qui ramène des gens au centre-ville, dont tout le monde parle, mais que personne n’a vue de ses propres yeux.

Dans nos villes, les Roms s’adonnent à la mendicité, mais aussi parfois à de petits boulots et à des boulots fixes, notamment dans le maraîchage et la construction. Toutefois, leur situation reste excessivement précaire dans le cadre de l’accès au logement, aux soins, au travail et à l’école, malgré de très importants efforts d’associations telles que Opre Roms, Sant’Egidio, l’Armée du Salut et les Eglises réformée et catholique. Le monde politique s’est emparé de la présence des Roms dans notre canton avec une vision très répressive : interdiction totale ou partielle de la mendicité, démantèlement des rassemblements et stigmatisation. Aujourd’hui, les Roms sont en France, en Allemagne, en Italie, et ailleurs, de manière durable. Ils sont également en Suisse et aussi de manière durable, ainsi que de nombreux spécialistes le disent ; l’arrivée de nombreux Roms en provenance d’Ukraine en est d’ailleurs un signe supplémentaire. Dans ce contexte, plutôt que développer des politiques répressives, il serait certainement plus opportun de développer une politique d’insertion, comme le demande d’ailleurs le Conseil de l’Europe dans le programme 2020-2025.

Diverses expériences ont lieu en Europe, notamment en France. A Montpellier, un bidonville a été rasé et remplacé par du logement spartiate, mais salubre, où des Roms et notamment des familles vivent dans des conditions acceptables, avec le soutien d’équipes socio-éducatives pour favoriser leur employabilité, l’accès au logement, aux soins et à l’école. Cette action vise simplement l’indépendance des familles roms. Aujourd’hui, des familles roms avec enfants habitent également dans notre canton, dans des situations très précaires, dormant soit dans la rue, soit dans des abris d’urgence pour un temps limité, rendant la scolarisation des enfants très compliquée.

Par ce postulat, nous demandons que l’Etat initie une expérience pilote visant l’insertion des Roms, notamment ceux ayant une famille, par l’accès au logement, au travail, aux soins et à l’école. Cette expérience pourrait se réaliser en collaboration étroite avec les communes concernées et avec les services de l’Etat ayant des compétences en ce domaine, mais également avec les associations d’entraide qui devraient pouvoir compter sur une équipe socio-éducative, avec l’appui de médiateurs roms. L’expérience pourrait être limitée dans le temps et faire l’objet d’une évaluation. Nous avons la conviction que seule une volonté politique forte permettra de résoudre quelque peu ce problème en veillant à une politique d’insertion des Roms plutôt que d’exclusion.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

Le postulat, cosigné par au moins 20 membres, est renvoyé à l’examen d’une commission.

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