21_REP_197 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Marc-Olivier Buffat et consorts - risque de pénuries hivernales d'électricité - quelles mesures de précautions? (21_INT_128).
Séance du Grand Conseil du mardi 24 mai 2022, point 29 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourJ’ai pris note de la réponse du Conseil d’Etat, que je remercie. Evidemment, il s’agit d’un thème évolutif et nous n’avons pas fini d’en parler. On voit aussi que le Conseil fédéral envisage de prendre des mesures urgentes, on parle même d’arrêté fédéral urgent (AFU), en particulier dans le domaine du gaz, avec soit la production d’électricité par l’énergie au gaz, soit en essayant de relancer les recherches en matière de gaz autochtone. Le Conseil d’Etat n’est évidemment pas seul à pouvoir répondre à notre préoccupation qui est multiple. Nous avons déjà parlé de l’accélération des voies de droit, des limitations des durées des délais de recours, mais les équilibres seront extrêmement délicats dans les années à venir.
J’en veux pour preuve la récente décision du Tribunal fédéral suisse qui a annulé un projet de barrage hydro-électrique en Valais – certes d’une importance relativement minime – au motif qu’on n’a pas suffisamment pris en compte la protection de la biodiversité et en particulier celle d’un lépidoptère appelé « mouche des rochers » qui est en voie de disparition. Donc voilà, ce sont quand même des années de perdues, même si je ne suis pas en train de dire… Loin de moi l’idée même de sous-entendre que la protection de la biodiversité et des paysages n’est pas importante, mais il faudra bien se décider, une fois ou l’autre, à fixer des priorités. Dans le cadre des mesures qui devront être prises, s’il y a des AFU ou d’autres dispositions cantonales, nous devrons peut-être prendre des dispositions légales qui permettront d’aller de l’avant, même au mépris ou en faisant passer au second plan d’autres exigences.
Je pense donc que nous devons rester extrêmement vigilants. L’automne s’annonce compliqué, pas seulement vis-à-vis du retour éventuel de la pandémie, mais surtout du fait du manque d’énergie, et d’énergies renouvelables. Je pense que, dans le cadre la prochaine législature, nous devrons œuvrer pour trouver tous les chemins possibles pour assurer l’approvisionnement électrique indigène. Je remercie encore une fois le Conseil d’Etat pour sa réponse et je prends acte du fait qu’il est conscient de la difficulté. Peut-être que, là encore, Berne aura le dernier mot par le biais de dispositions fédérales qui finiront bien par s’imposer à nous, logiquement.
La discussion est ouverte.
Je profite de cette discussion sur les pénuries d’électricité pour pointer une contradiction dans la position de M. Buffat et de son parti, le PLR. En effet, comme le rappelle la réponse du Conseil d’Etat, une mesure de bon sens peut être prise sans difficulté et dans de brefs délais pour réduire la consommation électrique hivernale : il s’agit du remplacement des chauffages électriques par des pompes à chaleur (PAC) ou par d’autres types de chauffages basés sur les énergies renouvelables qui permettent de diviser par trois, voire par quatre la consommation d’électricité. Le maintien, dans le canton de Vaud, d’un vaste parc de chauffages électriques est donc une aberration qui contribue à surcharger le réseau durant la période hivernale, précisément la période qui inquiète du point de vue des pénuries d’électricité. Il serait donc cohérent, monsieur Buffat, que vous ne vous contentiez pas de déposer des interpellations ou de faire de la communication sur les réseaux sociaux quant au risque de pénurie, mais que vous et votre groupe votiez, concrètement, lorsque ce dossier se présente, comme il s’est déjà présenté plusieurs fois devant le Grand Conseil, pour fixer des délais rapides obligeant les propriétaires à modifier leur système de chauffage, avec d’ailleurs d’autant plus de facilité que ces propriétaires se voient offrir de généreuses subventions pour cette modification.
J’estime que, jusqu’à présent, vous n’avez pas fait preuve de beaucoup de cohérence, dans ce dossier, puisque les appels à tourner la page des chauffages électriques, entre autres, sont bloqués par votre groupe depuis plus d’une dizaine d’années. Mais il n’est jamais trop tard et le projet de décret reviendra d’ici quelques semaines ou mois devant le Grand Conseil. J’attends avec beaucoup d’intérêt de voir comment vous allez vous positionner face à cette mesure qui permettrait, de manière assez simple avec les technologies à disposition, de réduire fortement la consommation d’électricité dans le canton.
Dans le prolongement de ce que vient de dire notre collègue Buclin, je crois aussi que c’est dans le domaine de l’efficacité énergétique que nous avons le plus grand potentiel. Des conventions d’objectifs ont déjà été partiellement passées avec des entreprises grandes consommatrices, et c’est heureux. Dans sa réponse à M. Buffat, le canton déclare mettre à disposition des soutiens pour les entreprises qui veulent effectuer des analyses du potentiel d’économie énergétique et je crois que c’est une bonne piste. Il faut aussi souligner que le canton s’efforce d’édifier de nouvelles centrales hydro-électriques ou de les moderniser, d’accompagner des projets de géothermie profonde, de développer le photovoltaïque que l’on sait déjà très en cours et qui mérite d’être utilisé dans tout son potentiel.
Les solutions de stockage d’énergie se développent aussi avec des techniques et des technologies de plus en plus performantes. Le Conseil d’Etat – et je m’en réjouis – cite aussi l’exemple d’une étude qui vise à rendre un quartier d’habitation de Nyon autonome en cas de panne d’électricité, et d’un projet pilote de microréseaux à Yverdon lié au déploiement des bornes de recharge de véhicules électriques. Tout cela est heureux et je salue les efforts du canton comme de la Confédération pour faire face à la situation en misant – je le souhaite – davantage sur l’efficacité énergétique, donc sur les économies d’électricité. Comme il est souvent dit, l’énergie que l’on ne consomme pas est non seulement la moins chère, mais elle nous rapproche surtout de la stratégie énergétique 2050.
Les propos de mes collègues Buclin et Zwahlen suscitent en moi certaines questions et réflexions. Tout d’abord, s’agissant du chauffage des maisons, on ne les chauffe plus à l’électricité, mais il s’agit d’un courant d’une production énergétique noble qui doit servir à autre chose qu’à chauffer des maisons. A ce propos, on pourrait se demander si l’aluminium, qui est un métal noble, pourrait peut-être servir à autre chose qu’à contenir des boissons, mais tel n’est pas notre propos.
Au prétexte de remplacer cette énergie affectable à d’autres sujets, on va poser des problèmes techniques à des propriétaires de maisons souvent âgés, qui devront refaire une hypothèque, voire augmenter celle qu’ils ont, casser des dalles pour passer des tuyaux, parce que quand bien même on va chercher l’énergie sous la terre, il faut quand même chauffer et la transporter dans les maisons. Mais pendant ce temps, on va affecter le même courant électrique que l’on veut diminuer ou même se passer, pour faire avancer des voitures, en déclarant péremptoirement que les moteurs thermiques sont totalement dépassés, quand bien même les rendements et les mesures de nocivité des gaz n’ont aucune comparaison avec ceux d’il y a une génération. Alors, je me pose la question : y a-t-il un courant sale qui ne doit plus être utilisé pour chauffer les maisons, et un courant noble pour faire déplacer des véhicules, en faisant l’impasse sur une réflexion sur l’origine des piles, sur les métaux qui les composent et sur le recyclage de ces piles en fin d’utilisation ? Cela me laisse perplexe.
Ensuite, on ne veut plus de courant d’origine nucléaire, évidemment. On ne veut plus de centrales à charbon ni de centrales à gaz. Et s’agissant de construire de nouveaux barrages, voire d’en rehausser, il ne le faut surtout pas, car il est absolument certain que si l’on rehausse un barrage, des grenouilles en phase de reproduction en souffriront. Alors je pose la question : entre les intérêts de l’humanité et ceux d’une certaine espèce de grenouille et autres, finalement c’est une question de choix. Personnellement, j’ai fait le mien, pour le moment. Nous devrons, un jour, faire face et avoir le courage de déterminer des priorités, de se dire sans caricaturer « c’est ou bien ou bien ». On ne peut pas remplacer les énergies fossiles, sans autres, par une énergie électrique et, dans le même temps, se priver d’une partie des possibilités de produire cette énergie électrique, au pays d’une manière totalement neutre pour l’environnement.
Je ne veux pas revenir sur la saga du barrage de Massongex ni sur les raisons qui ont poussé à devoir renoncer à Lavey Plus. Je suis dubitatif et me demande si nous ne faisons pas du verbiage et une politique d’enfants gâtés. Nous avions deux possibilités de produire un courant sans aucun élément nocif sur l’environnement et en même temps en donnant du travail à des entreprises, au pays, mais voilà que pour des considérations d’enfants gâtés, nous risquons effectivement – et pas seulement l’hiver prochain, mais également cet été, car je rappelle que la climatisation consomme autant de courant que le chauffage – de « la passer » – je n’ai pas le terme anglais. Voilà mes réflexions et quelques questions auxquelles j’aimerais beaucoup avoir ne serait-ce qu’un embryon de réponse.
Je remercie M. Buclin de nous faire la leçon. Je rappelle juste que quand je suis intervenu, tout d’abord dans la presse au mois de septembre, on a dit « le président du PLR fait de l’alarmisme » sous prétexte des élections futures. Deux mois plus tard, on a vu le Conseil fédéral débarquer avec une mine pire que lorsqu’il nous annonçait une deuxième ou troisième vague Covid, pour nous dire qu’il ne savait pas comment nous passerions l’hiver. Finalement, nous n’avions pas si tort !
Ensuite, vous invoquez des solutions toutes faites, « Y a qu’à ». Nous avons déjà connu cela à la sortie du nucléaire, quand il « n’y avait qu’à » faire de l’éolien. On sait où en est : au milieu de nulle part, avec le plus faible potentiel européen de production d’énergie éolienne ! J’aime à rappeler que l’Autriche compte environ 1500 éoliennes et qu’en Suisse – un record absolu en version négative – nous en sommes sauf erreur à 48. C’est dire que quand on nous dit qu’il n’y a qu’à… Et aujourd’hui, tout le monde a admis qu’entre la protection du paysage, les oppositions, etc., c’était une solution difficile à appliquer en Suisse.
Le deuxième élément que vous mentionniez était : il n’y a qu’à mettre des pompes à chaleur. Je vais donc vous informer de deux choses : premièrement, sur 50 % des bâtiments et constructions de ce canton, vous ne pouvez pas mettre des pompes à chaleur. Regardez devant vous, monsieur Buclin : vous avez des bâtiments au centre-ville qui constituent l’essentiel du patrimoine immobilier, ou sa grande majorité. Vous ne pouvez pas mettre des pompes à chaleur sur la place de la Riponne, pour donner un exemple. C’est dire que pour 50 % de votre « y a qu’à », c’est déjà perdu et oublié. Pour les 50 % restant de votre « y a qu’à » vous avez des voisins qui font opposition parce que la pompe à chaleur fait du bruit. C’est cela la réalité. On peut le nier, trouver que ce n’est pas grave et pas important, mais au bout du compte, on trouvera bien une solution et cela avancera.
Quant à la troisième objection « y a qu’à », il faudrait que vous étudiiez juste une fois – mais je sais bien que pour vous, l’argent des autres n’a aucune espèce d’importance – le coût d’une pompe à chaleur. Tous ceux qui en ont installé une admettent que, certes, c’est pérenne, mais qu’évidemment, cela coûte beaucoup plus cher qu’une autre installation.
Ensuite, « il n’y a qu’à ne plus avoir de chaudières à mazout. » On peut évidemment les changer, mais je vous repose la question : qui paie le changement du chauffage à mazout à un autre système, avec du photovoltaïque, par exemple ? Je sais que vous allez me répondre : « les riches », soit ceux qui paient déjà à peu près 90 % des impôts. Ensuite, nous aurons de longs débats pour savoir si, oui ou non, on reporte une partie de la charge sur les locataires.
On nous dit encore que c’est le retour de la société à 2000 watts. Mais il faut être réalistes ! Lorsque nous sortons de ce Grand Conseil, nous avons des ordinateurs, des smartphones, des trottinettes électriques, des vélos électriques, des voitures électriques, dont nous verrons l’impact d’ici 30, 40 ou 50 ans, ainsi que le moyen de les recycler. J’imagine qu’on nous dira alors « Ouh là là, mais dans les années 2020, l’équipe était complètement zinzin, maintenant nous avons des quantités de batteries qu’on ne sait comment recycler. » Enfin, chacun son problème et chaque chose en son temps. Toutes les études de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) démontrent que la consommation d’électricité va encore augmenter ces vingt prochaines années. Arrêtez de jouer les illusionnistes en faisant croire aux gens – mais je crois que plus personne n’y croit sérieusement – que l’on va consommer moins d’électricité !
Dans la réponse du Conseil d’Etat, on pointe du doigt l’isolation thermique des bâtiments. Oui, c’est juste, c’est évident, il faut le faire et il y a des sondes extérieures à améliorer. Mais là également, pour 50 % du parc immobilier :
- vous ne pouvez pas procéder à ces isolations thermiques parce que le bâtiment ne le supporterait pas ;
- dans d’autres, une économicité n’est même pas réalisée, faisant parfois dire à certains architectes : « Vous avez meilleur temps de raser le bâtiment et d’en construire un autre. »
C’est donc compliqué et pas juste « Y a qu’à », « avec deux coups de cuillère à pot, nous y arriverons d’ici l’hiver 2022/2023, on ne sait pas par quel miracle ». Et je vous pose à nouveau la question : « Qui paie ? » Alors oui, ce sera le propriétaire, mais l’essentiel des propriétaires est constitué des caisses de pensions, et je pense que lors de la prochaine législature, nous aurons aussi quelques sujets intéressants sur la Caisse de pensions de l’Etat de Vaud.
Ensuite, Bex-Massongex a été rappelé : nous sommes dans les limbes depuis 30 ou 40 ans. J’ai cité tout à l’heure l’arrêt au sujet de la mouche, mais un autre arrêt est tombé au mois de mars concernant le Grimsel et le triplement de la production d’électricité de son barrage. Le Tribunal fédéral a annulé la décision cantonale et nous sommes donc repartis pour un tour et pour une deuxième expertise sur l’impact écologique de la surélévation du barrage. A vue de nez, je pense que nous avons perdu entre 5 et 10 ans pour l’extension de ce barrage. Alors non, monsieur Buclin, il n’y a pas qu’à, qu’à faire de la gesticulation, brandir PAC, des éoliennes et la suppression des chauffages à mazout. Il faut mettre les mains dans le cambouis et trouver des solutions réalistes. Aujourd’hui, je le dis et le répète : nous sommes dans l’urgence, une urgence absolue. Je me réjouis que nous débattions dans ce Grand Conseil de la question des forages gaziers dans la région de Noville. Je rappelle que ce sont 70 ans d’exploitation de gaz indigène – et donc qui ne vient pas de Russie – évidemment, bloqués parce que certains milieux ont voulu interdire les forages en profondeur. Là aussi, nous devrions nous poser les bonnes questions.
Je décline mes intérêts : maître électricien titulaire d’une maîtrise fédérale, je suis donc particulièrement à l’aise pour discuter d’installations électriques. Je fais également partie de la commission qui traite de l’initiative Pidoux sur la suppression des chauffages électriques, mais je ne voudrais pas trop m’étendre sur nos travaux de la commission qui s’est réunie hier. Simplement, deux ou trois éléments me semblent importants à connaître. Il me semble en effet normal que chacun d’entre nous, ici s’inquiète de la production d’énergie et se demande s’il y en aura assez pour subvenir à nos besoins ; cela me semble tout à fait légitime. Chacun y va de sa propre initiative, avec sa propre idée, selon ce qu’il a entendu ailleurs.
La solution prioritaire est effectivement d’économiser l’énergie. Il faut arrêter de vouloir produire plus, alors que nous devons consommer moins. Cela commence par éteindre la lumière quand on sort d’une pièce, éteindre une plaque après avoir terminé la préparation du repas. De nombreux comportements doivent être retrouvés, que nous avions à l’époque où le coût de l’énergie était à 50 centimes le kilowattheure (kWh) ; c’était un peu différent. Une autre possibilité serait de délester certains appareils qui consomment passablement à certaines heures de la journée. Ainsi, si toutes les cuisinières, machines à laver, séchoirs et calandres dans les blanchisseries ne fonctionnaient pas en même temps, cela permettrait d’alléger la consommation d’énergie.
Ensuite, vous oubliez que les chauffages électriques chauffent en hiver, mais pendant l’été, les climatiseurs portables sur fiche achetés en grande surface sont des gouffres à énergie, surtout si vous n’en achetez pas qu’un seul, mais deux ou trois. Il y aurait aussi un effort à faire sur ce sujet, comme sur tout ce qui est appareil frigorifique, congélateurs et frigos, qui doublent pratiquement leur consommation électrique lorsqu’il fait doux dehors. Le sujet est donc vaste. On peut augmenter la surface des barrages, reconstruire des centrales nucléaires, augmenter le nombre d’éoliennes et tout ce que l’on veut, mais le sujet est compliqué. Il faut le prendre au sérieux, avec des mesures intelligentes et sans vouloir absolument consommer plus.
Je réponds brièvement à M. Buffat, qui a l’air de penser qu’assainir le parc de chauffages électriques est une montagne. J’aimerais vous rappeler que plusieurs cantons, notamment Neuchâtel et Berne, ont fixé des délais contraignants et assez proches dans le temps pour l’assainissement des chauffages électriques. Cela prouve bien que ce n’est pas impossible, comme vous avez l’air de le penser, mais qu’au contraire, c’est tout à fait réaliste. Quant aux bâtiments avec chauffage électrique, la majorité d’entre eux ne sont pas au centre de Lausanne, comme vous semblez, là aussi, le penser. Ils sont concentrés dans des zones villas, notamment sur la Côte, où il est parfaitement possible d’installer des pompes à chaleur qui permettent d’ailleurs aussi de rafraîchir les bâtiments l’été et pas seulement de les chauffer l’hiver, ou d’autres formes d’énergie renouvelable, car d’autres possibilités existent, comme la chaudière à pellets et j’en passe.
Quant à votre question « Qui paie ? », cela vous a peut-être échappé, monsieur Buffat, mais il y a non seulement le Programme bâtiments et ses subventions, mais également un nouveau train de subventions fédérales, prévu sauf erreur dans le cadre du contre-projet à l’initiative sur les glaciers. Peut-être là encore n’avez-vous pas bien suivi ce dossier ? Je suis heureux de pouvoir vous en informer.
Monsieur Gaudard, vous avez mis du baume sur mon cœur par rapport aux deux interventions de MM. Buffat et Chollet tout à l’heure. Effectivement, la solution n’est pas de consommer plus et de prendre tout électrique ; ce n’est pas la fuite en avant évoquée par ces messieurs. En effet, sous le thème de l’urgence, on veut continuer ou recommencer à faire les mêmes bêtises que l’on fait depuis des dizaines d’années et qui mènent à la destruction de la biodiversité et au changement climatique. Merci messieurs : vous n’avez apparemment rien retenu du passé. Je vous fais remarquer que pour le barrage de Massongex, comme pour le rehaussement du barrage du Grimsel, il est vrai que des procédures ont pris du temps, mais dans le but d’améliorer les projets, pour qu’ils soient plus compatibles avec la biodiversité et les paysages.
M. Chollet nous a dit « Mon choix est fait » entre la mouche et l’espèce humaine. Monsieur Chollet, figurez-vous que deux ou trois mois avant le début du Covid, qui a commencé à Wuhan en Chine – c’est de notoriété publique – une étude sérieuse était parue décrivant Wuhan comme le lieu présentant le plus grand risque qu’une pandémie s’y déclare parce que les conditions requises s’y trouvaient. Je vous cite ces conditions : la déforestation, l’effondrement de la biodiversité, une forte densité de population et l’élevage intensif. Par conséquent, à notre échelle suisse, même si nous ne faisons évidemment pas de déforestation comme à Wuhan, il s’agit de ne pas tuer la mouche, mais de la préserver. En effet, la Suisse est le pays – au niveau de l’OCDE – qui compte le plus d’espèces sur liste rouge et dont la biodiversité compte le plus de dégâts. Alors en disant que votre choix est fait, vous allez juste continuer droit dans le mur. Quant au terme d’« enfants gâtés », je vous laisse vos qualificatifs.
Ainsi, je reviens à vous, monsieur Gaudard : je suis entièrement d’accord avec vous. La fuite en avant ne sert à rien et la fuite technocratique non plus. Il faut absolument économiser l’énergie, c’est une des solutions.
J’aimerais répondre aux interrogations de notre collègue Chollet. En effet, il y a urgence. Je ne veux pas revenir sur les Accords de Paris, mais ils prévoient 50 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, donc dans sept ans et demi. Et oui, nous sommes des enfants gâtés parce que nous « mangeons » beaucoup d’énergie, à peu près n’importe comment. Il faut parler d’efficacité et d’efficience énergétique. Créer de la mobilité électrique ne revient pas à la prôner, car sans aucun doute, les transports en commun sont encore mieux. Mais entre une voiture électrique et une voiture à essence, en termes d’efficience énergétique, l’efficience de l’électricité produit près de 95 % de rendement alors qu’avec une voiture thermique, on est à 40 %. Cela veut dire, monsieur Chollet, que quand vous mettez un litre d’essence dans votre voiture, vous jetez six décilitres qui partent en chaleur et ne produisent aucune énergie de mouvement. Voilà la grande différence : l’efficience énergétique.
Quant au recyclage des batteries qui a été mentionné, on entend chaque fois des choses qui ne sont pas correctes. La batterie d’une voiture se recycle, aujourd’hui, à hauteur de 95 %. Oui, il reste effectivement 5 % que nous ne savons pas recycler. Mais lorsque vous recyclez la batterie d’une voiture électrique – dont vous savez tous qu’elle contient du cobalt – le cobalt qu’on en retire a les mêmes propriétés physico-chimiques que celui qui est entré ; on arrive donc dans une économie circulaire. Ainsi, certaines batteries de voitures électriques peuvent aller jusqu’à 1000 cycles, soit à peu près 200 ou 300'000 kilomètres. Une fois qu’elle est fichue, elle l’est effectivement pour la voiture à laquelle elle n’arrive plus à donner assez de puissance, mais elle n’est pas fichue intrinsèquement. Cette batterie-là a une deuxième durée de vie pour d’autres utilisations, notamment pour du stockage d’électricité à la maison. Ainsi, avant que les batteries arrivent dans les systèmes de recyclage, il va se passer encore bien des années. Je tenais à rétablir certains faits.
Enfin, bien entendu, il faut augmenter la production au moyen de tout ce qui a été évoqué. Une solution est assez simple : le solaire, et notamment le solaire en altitude. Des solutions existent déjà, d’autres solutions techniques et technologiques arrivent et nous ne sommes donc pas dans du « Y a qu’à ». Aujourd’hui, nous en connaissons déjà énormément, mais il manque sans doute un coup d’accélérateur, qui pourrait évidemment venir de la politique.
Je remercie M. Epars de son plaidoyer pour la mouche. En effet, ainsi que je le lui ai dit en son temps, la biodiversité passe par l’enterrement et non pas forcément par l’incinération. (Quelques rires.) Je répète que des générations d’insectes nécrophages s’occupent de nous – et ils ont bien le droit de vivre. Or, l’insecte essentiel qui commence le processus, c’est la mouche ! Finalement, je ne peux que me rallier à la protection – au moins verbale – de la mouche, pour assurer la biodiversité suffisante pour permettre notre décomposition lente et tellement salvatrice. Par-dessus le marché, se laisser décomposer ne nécessite aucun moyen électrique !
Brièvement, j’aimerais apporter quelques éléments d’information complémentaires. « Les limbes de Massongex », voilà au moins vingt fois que j’entends ces mots et vingt fois que je vous dis que le dossier Massongex avance, et qu’il avance bien. Il avance même tellement qu’une convention signée a mis fin à la procédure auprès du Tribunal administratif. Je l’ai confirmé aux ONG, par ma signature, au début du mois d’avril. La concession va donc pouvoir être délivrée et les travaux se faire dès 2023, selon la société. J’aimerais donc bien que le Grand Conseil cesse de parler des limbes de Bex-Massongex, car le projet a bel et bien démarré.
Concernant Lavey Plus, les discussions sont en cours avec le Valais. Vous savez toutes et tous que la concession est valable jusqu’en 2030 et donc que nous avons tout de même un peu de temps devant nous. La discussion en cours avec le Valais porte sur des procédures d’autorisation, et sans vouloir être trop technique, sur un droit de retour de la concession versus une indemnisation pour le droit de retour. Ainsi, le projet avance d’un point de vue uniquement procédural, parce que nous sommes dans le domaine hypertechnique et précis du droit des concessions. Là aussi, nous échangeons avec le Valais et Lausanne.
M. Buclin a mis le doigt sur l’élément très important qu’est le programme de remplacement des installations de chauffage. Ce programme extraordinaire a été proposé par la Commission de l’environnement du Conseil national, portant sur une dizaine d’années avec plusieurs milliards, pour remplacer tous les chauffages, y compris électriques. Et il va s’ajouter au programme Bâtiments. On voit donc bien que cela bouge, au niveau fédéral. Nous avons nous-mêmes notre programme Bâtiments, et avec le préfinancement, nous allons pouvoir accélérer les investissements dans les bâtiments et dans l’énergie qu’elle soit solaire, géothermie ou autres. Nous allons pouvoir accélérer tout cela avec les préfinancements que nous avons proposés et dont vous serez évidemment saisis. Nous mettons en oeuvre le programme de la Conception cantonale de l’énergie (CoCEn), soit des mesures que nous allons prendre pour l'énergie.
Ainsi, le débat que vous venez d’avoir est le chapitre 1 du débat sur les chauffages électriques que vous aurez lors de la prochaine législature, puisque comme vous l’ont confirmé l’un ou l’autre des députés, vous serez saisis du décret en réponse à l’initiative Jean-Yves Pidoux pour l’interdiction des chauffages électriques. Gardez donc un peu d’espoir ! Il faut de la sobriété, c’est évident, mais aussi des avancées techniques et surtout l'engagement et la volonté politiques de l’ensemble de la classe politique.
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