23_POS_70 - Postulat Marc Vuilleumier et consorts au nom Au nom du groupe EP - Pédiatrie sociale : pour un bon équipage dans l’avion.

Séance du Grand Conseil du mardi 8 octobre 2024, point 24 de l'ordre du jour

Texte déposé

Depuis une vingtaine d’années, les besoins et l’accompagnement médical des enfants et des adolescents ont beaucoup évolué. Entre autre, les effets des déterminants sociaux sur la santé et le développement des enfants ont été mieux décrits et compris dans les études scientifiques, même s’ils ne sont pas toujours pris en compte. Par contre, la formation des pédiatres est restée très bio-médicale et la part de l’enseignement post-gradué laisse encore une place restreinte à la pédiatre sociale. Cela a pour conséquence que peu de médecins pédiatres sont prêts à travailler dans le domaine de la santé scolaire par exemple. Par ailleurs, ils sont souvent démunis dans leur pratique en cabinet où la part psychosociale, de prévention et de promotion de la santé a pris le dessus sur le traitement des problèmes aigus alors qu’ils ne sont pas ou peu formés pour une telle approche. Les pédiatres qui s’installent doivent d’ailleurs faire preuve de flexibilité et de savoir-faire pour répondre aux besoins des enfants de manière optimale, ce qui, heureusement, est généralement le cas.

Souvent, dans les milieux scolaires, parascolaires ou préscolaires qui sont des lieux de vie importants pour les enfants, on « oublie » de contacter les pédiatres en cas de difficultés ou de questionnements en lien avec le développement de l’enfant (troubles du comportement par exemple). Pourtant, ces pédiatres ont noué des liens de confiance avec les enfants et les familles concernés. Ils pourraient contribuer, grâce à leurs connaissances ,à trouver des solutions.

Bien sûr, la pédiatrie sociale ne concerne pas uniquement la médecine scolaire, mais aussi, le pré scolaire et les populations pédiatriques en situation de vulnérabilité. Ces dernières représentent d’ailleurs une « bombe à retardement « et pose déjà de nombreux problèmes à beaucoup d’établissements scolaires. La pédiatrie sociale devrait être, en particulier, très vigilante à intégrer les droits des enfants en matière de santé, domaine encore mal connu des professionnels. L’exemple du travail fait par les équipes du Dr Gilles Julien depuis une vingtaine d’années au Québec est, à ce titre, assez exemplaire. Il propose une prise en charge intégrée et multidisciplinaires des enfants et de leur famille. Le respect des droits et la réponse aux besoins de base non comblés des enfants est au centre de leur approche.

Dans le canton de Vaud, il existe une dispersion des forces. Pourtant, il est largement reconnu que le travail en réseau est nécessaire. En effet, pour ne prendre que la médecine scolaire (qui n’a plus de responsable médical et infirmier cantonal attitré depuis quelques années) est formellement liée à l’AVASAD, alors que l’Unité de Promotion de la santé et de Prévention en milieu scolaire (PSPS) dépend du Département de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité (DJES) et donc sans lien direct avec le Département de la formation (DEF) pourtant directement concerné. On voit comme il est difficile d’avoir une cohérence dans les prises en charge et combien la tentation de travailler en silo est grande.

L’approche de la pédiatrie générale et sociale évolue lentement, mais sûrement, au sein du CHUV avec le développement de consultations spécialisées pour les familles en situation de vulnérabilité, d’une formation adaptée aux nouveaux besoins des enfants pour futurs médecins et d’une expertise dans le domaine de la pédiatrie sociale. Mais, ces améliorations sont rendues difficiles car il n’y a pas de  coordination réelle entre les milieux de la prévention, de la promotion de la santé et des professionnels travaillant sur le terrain de la petite enfance et de l’école.

Dans ce sens, il serait important de mieux définir les rôles de chacun et de créer, par un mandat du DSAS, en collaboration avec le CHUV, l’UNIL et le Groupement des pédiatres romands, un centre de pédiatrie sociale et communautaire. Ce dernier deviendrait un véritable pôle de compétence et de recherche permettant d’améliorer durablement la santé des enfants du canton en développant des mandats de prévention et de promotion de la santé pour les familles ainsi qu’un soutien pour les familles concernées.

Par ce postulat, nous demandons au Conseil d’Etat de présenter un rapport sur sa vision de la pédiatrie sociale, de la prise en compte des déterminants sociaux de la santé et d’une approche basée sur les droits de l’enfant. Le Conseil d’Etat pourrait développer comment il entend répondre au défi que posent les problèmes neuro-développementaux et psychosociaux de plus en plus nombreux chez les enfants. Ceux-ci, en effet, complexifient leur intégration scolaire, sociale puis professionnelle alors que l’on sait que plus ces problèmes sont reconnus et pris en charge tôt, plus le pronostic est bon et les résultats favorables. Au travers de ce rapport, le Conseil d’Etat  pourrait également évaluer la pertinence de la création d’un centre universitaire de pédiatrie sociale et communautaire.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Martine GerberVER
Céline MisiegoEP
Jean-Louis RadiceV'L
Cendrine CachemailleSOC
Elodie LopezEP
Eliane DesarzensSOC
Jessica JaccoudSOC
Felix StürnerVER
Hadrien BuclinEP
Muriel ThalmannSOC
Monique RyfSOC
Anna PerretVER
Vincent KellerEP
Didier LohriVER
Isabelle FreymondIND
Géraldine DubuisVER
Claude Nicole GrinVER
Joëlle MinacciEP
Valérie ZoncaVER
Nathalie JaccardVER
Sylvie PodioVER
Cédric RotenSOC
Yves PaccaudSOC
Oriane SarrasinSOC
Circé FuchsV'L

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Sylvie Podio (VER) — Rapporteur-trice

La commission s'est réunie le 22 mars 2024 pour examiner cet objet. Je tiens à exprimer ma gratitude à M. Ischy, secrétaire de la commission, pour la rédaction des notes de séance. Le postulat met en lumière que, depuis une vingtaine d'années, les besoins médicaux des enfants et leur accompagnement ont considérablement évolué, notamment grâce à une meilleure compréhension des déterminants sociaux de la santé, tant physique que mentale, chez les enfants, les adolescentes et les adolescents. Toutefois, la formation des pédiatres, y compris au niveau post-gradué, demeure très centrée sur l’approche biomédicale, négligeant la dimension de la pédiatrie sociale.

Dans ce contexte, bien que de nombreuses initiatives intéressantes existent en matière de pédiatrie sociale, ce domaine est caractérisé par une pluralité d'acteurs et de structures, ce qui entraîne une dispersion des responsabilités et un manque de coordination. Cette fragmentation nuit à l'efficacité, notamment en matière de détection précoce. Le postulat invite donc le Conseil d'Etat à élaborer un rapport présentant sa vision de la pédiatrie sociale et l'intégration des déterminants sociaux sur la santé des enfants, en mettant l'accent sur leur développement psychosocial et neurocomportemental. L'objectif est d'éviter des parcours de vie marqués, notamment, par la maladie mentale.

Le Groupement des pédiatres vaudois (GPV), affilié à la Société vaudoise de médecine (SVM), soutient pleinement ce postulat. Il s’est déclaré prêt à collaborer avec le Conseil d'Etat et son administration pour mieux définir les actions à mener en pédiatrie sociale et garantir une meilleure cohésion des efforts dans ce domaine. La citation de la cheffe du Département de la santé et de l’action sociale mentionnant les diverses instances œuvrant dans ce champ vient appuyer les observations du postulat, comme l'illustre la liste détaillée figurant dans le rapport.

Le département souligne que l’évolution des besoins des enfants et des jeunes est marquée par une augmentation des troubles neurodéveloppementaux, des troubles anxio-dépressifs depuis la pandémie, ainsi que des troubles du comportement, des addictions, des troubles psychosomatiques et des troubles alimentaires, particulièrement chez les jeunes filles. Sur le terrain, les consultations pédiatriques révèlent que la dimension psychosociale des troubles observés occupe une place de plus en plus importante, dépassant parfois les aspects cliniques et somatiques. Ces constats rejoignent les avancées scientifiques, notamment en neurosciences, qui soulignent l’influence des facteurs environnementaux sur le génome et le développement cérébral. Pour le département, la nécessité de renforcer la pédiatrie sociale est évidente, et des pistes de travail ont déjà été identifiées.

Lors de la discussion générale, l'importance croissante de la pédiatrie sociale et communautaire a été largement reconnue, de même que la multiplicité des programmes en la matière. Compte tenu des évolutions sociétales, il est essentiel de mettre davantage l'accent sur la pédiatrie communautaire. Le postulat arrive donc à point nommé. En conséquence, la commission recommande à l'unanimité des membres présents la prise en considération du postulat et son renvoi au Conseil d'Etat pour examen.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Marc Vuilleumier (EP) —

Comme indiqué dans le rapport, depuis une vingtaine d’années, de nombreuses enquêtes scientifiques menées à l’échelle mondiale ont démontré l'importance cruciale des déterminants sociaux sur la santé des enfants et des adolescents, et la nécessité de les intégrer dans leur prise en charge. Pourtant, la formation des pédiatres reste principalement axée sur les aspects biomédicaux, laissant peu de place à la pédiatrie sociale, ce qui constitue l’un des points centraux de ce postulat.

Par ailleurs, bien que de nombreuses initiatives soient déjà en place pour mieux prendre en compte cette dimension sociale, elles sont souvent menées de manière fragmentée, comme le souligne le rapport. Un exemple parmi d'autres : la médecine scolaire relève de l’Association vaudoise d’aide et de soins à domicile (AVASAD), l’Unité de promotion de la santé et de prévention en milieu scolaire (Unité PSPS) dépend du Département de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité, tandis que l’école elle-même dépend du Département de l’enseignement et de la formation professionnelle. Cette dispersion des responsabilités rend la collaboration complexe entre ces acteurs .

Ce postulat demande, d'une part, d'améliorer la formation des pédiatres en intégrant davantage la dimension sociale dans le cursus au sein de notre canton et, d'autre part, d'améliorer la coordination entre les divers partenaires concernés, tels que le CHUV, les médecins installés, l’école, l’AVASAD et les communes, pour mieux harmoniser leurs actions. Le GPV soutient pleinement ce postulat et souhaite même être intégré à la réflexion menée par le Conseil d’Etat. Je me réjouis de l’intérêt porté par le Conseil d’Etat à ce postulat et remercie également la commission pour son travail. Celle-ci vous recommande à l'unanimité de renvoyer ce postulat au Conseil d’Etat afin d’améliorer la situation.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération à l’unanimité.

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