21_LEG_240 - EMPD sur la création d’un fonds permettant l’exercice du droit de préemption de l’Etat au sens de la loi du 10 mai 2016 sur la préservation et la promotion du parc locatif (LPPPL) (1er débat).

Séance du Grand Conseil du mardi 21 mai 2024, point 8 de l'ordre du jour

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M. Pierre Zwahlen (VER) — Rapporteur-trice de majorité

La manière dont l'Etat acquiert en priorité un terrain ou un immeuble au bénéfice de logements d'utilité publique est un sujet sensible. Le peuple vaudois a approuvé le droit de préemption, il y a 7 ans, et les dispositions correspondantes de la Loi sur le parc locatif sont entrées en vigueur en janvier 2020 déjà. Je déclare mes intérêts de rapporteur à trois titres : je suis propriétaire d'une parcelle de dimension préemptable ; j'appartiens au conseil d'une coopérative d'habitation de 1500 appartements environ et je suis l'un des responsables de l'Association vaudoise des locataires. Tant le conseiller fédéral Guy Parmelin, ministre en charge du logement, que la présidente du Conseil d'Etat ici présente, sont inquiets – et à raison. La pénurie d'habitation s'accentue dangereusement, en Suisse comme dans le canton. Le nombre de nouveaux appartements mis à disposition est bien inférieur aux années précédentes, alors même que Vaud connaît une progression élevée de ses habitantes et habitants. Beaucoup de loyers augmentent sous le coup de deux hausses du taux hypothécaire de référence et des prix de l'énergie, en particulier. 

La préemption en faveur de logements abordables figure parmi les instruments que la Loi sur la préservation et la promotion du parc locatif (LPPPL) et la conseillère d'Etat mentionnent afin d'agir contre la pénurie. L'exercice du droit de préemption cantonal est subsidiaire, selon l'article 14 de la LPPPL ; il faut qu'une commune le cède explicitement à l'Etat et celui-ci ne dispose que de 20 jours pour préempter. Prévu par le décret que nous examinons, une commission d'évaluation qui réunit quatre, voire cinq directions internes à l'administration pourra renoncer à préempter, si la construction de logements d’utilité publique (LUP) exige un changement d'affectation, quand le nombre de logements possibles serait faible ou lorsque la viabilité du projet est insuffisante. Dans les autres cas, notamment quand la commission d'évaluation n'est pas unanime, une proposition sera adressée au Conseil d'Etat qui se prononcera. 

Concernant les principaux aspects du décret débattu en commission, la majorité de la commission n'a pas retenu la proposition d'une stratégie cantonale de développement des LUP en collaboration avec les communes concernées. L'élaboration compliquée d'une telle stratégie retarderait encore la capacité de l'Etat à délivrer des habitations à loyer modéré pour étudiantes ou étudiants, adaptées pour seniors ou encore à loyer abordable. De plus, nous proposons de porter le fonds à 40 millions de francs, afin de pouvoir acquérir des biens fonciers ou immobiliers au prix de vente convenu par les parties, ce que demande la loi, bien qu'on puisse le regretter. Ce prix se chiffre toujours en millions et a même dépassé 60 millions de francs pour un terrain non bâti qui a fait l'actualité récente. Il paraît peu réaliste de réunir la commission d'évaluation, de soumettre une proposition au gouvernement, puis, dans les 20 jours encore, de saisir la Commission des finances pour qu'elle se prononce sur l'acquisition. 

La majorité de la Commission s'est accordée sur un bien-fonds préempté de 8 LUP au minimum quand le Conseil d'Etat fixait ce même seuil à 4 LUP. La minorité de la commission voudrait, quant à elle, 15 LUP au moins. La majorité de la commission suit la volonté du gouvernement de céder le bien-fonds par voie d'adjudication publique. Quand il n'est pas prévu de revendre le bien acquis ou qu'un droit de superficie est envisagé, le Grand Conseil se prononcera sur un décret spécifique. Suggérés par la minorité de la commission, des appels d'offres publics à disposition ou à l'attention d'investisseurs privés nuiraient à la classe moyenne et aux faibles revenus qui cherchent à se loger décemment. L'exercice de la préemption cantonale et subsidiaire est cadré par la loi ; le décret le soumet à d’étroites cautèles. Ajouter d'autres conditions rendrait improbable l'exercice de ce droit que les Vaudoises et Vaudois ont voulu et approuvé. La commission vous invite à entrer en matière sur le projet de décret par 5 voix et 8 abstentions.

M. Philippe Miauton (PLR) — Rapporteur-trice de minorité

Le rapporteur de majorité a d'ores et déjà énoncé de manière assez exhaustive les intentions de la majorité et de la minorité de la commission ; néanmoins, il y a des points sur lesquels je le rejoins. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'accouchement s'est fait dans la douleur au sein de cette commission, la faute à un thème sensible : la LPPPL. C’est un sujet clivant dans la mesure où cette politique ne montre pas – pour l’instant – une efficacité satisfaisante ; c'est même un euphémisme, vu le nombre de dossiers qui ont d'ores et déjà eu cours. La loi laisse place à beaucoup d'interprétations dont certaines communes jouent allègrement ; les tribunaux doivent trop souvent avoir le dernier mot. 

L'exercice de la LPPPL demeure, selon la minorité, une atteinte profonde à la garantie de propriété. A ce titre, le droit de préemption doit rester un acte exceptionnel et proportionné. Ce projet de décret vise avant tout à combler le vide juridique autour du droit de préemption de l'Etat et à répondre à la loi du mois de mai 2016, à son article 34. Il est important de rappeler que l'exercice du droit de préemption par l'Etat n'est que subsidiaire. La commune doit le céder explicitement et le canton n'a pas pour vocation de faire ce que les communes ne sont pas en mesure de réaliser à petite échelle. Cette subsidiarité doit donc s'appliquer lorsque les dossiers sont intéressants et concrets en matière de création consistante de LUP. L'application ne deviendrait pas improbable, comme l’a dit le rapporteur de majorité, mais rendrait cette loi nettement plus claire dans le cadre de son application par l'Etat – l’application d'un ordre subsidiaire. 

La minorité de la commission vous propose donc d'entrer en matière, puisque ce projet de décret vise à combler ce vide juridique. En revanche, la minorité vous proposera une série d'amendements pour que cette loi soit efficace, raisonnable et ciblée, tout en respectant les procédures usuelles par rapport aux échelons législatifs et exécutifs. 

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.

M. Nicolas Suter (PLR) —

Je retiens trois mots qui ont été dits – l'un par le rapporteur de majorité et deux par le rapporteur de minorité : subsidiaire, exceptionnel et proportionné. C'est dans ce cadre que le groupe PLR va voter l'entrée en matière de ce projet de décret, qui a été voulu par la LPPPL. Les amendements proposés par la minorité de la commission sont importants, car il faut cadrer ce projet de décret. Le groupe PLR n'est pas unanime sur tous les amendements ; la stratégie cantonale de LUP est notamment un point très partagé au sein de nos membres. En revanche, nous voterons l'entrée en matière et la plupart des amendements proposés par le rapport de la minorité. 

M. Julien Eggenberger (SOC) —

Assurer à chaque Vaudoise et Vaudois un logement à prix raisonnable, promouvoir les LUP pour les étudiantes et étudiants, les seniors ou les personnes en situation de handicap : la LPPPL donne quelques outils aux autorités publiques, dont le droit de préemption, un droit contraint par de nombreuses cautèles. Les communes ont la possibilité de déléguer au canton leur droit de préemption. C'est en particulier utile pour une commune de petite taille qui ne bénéficie probablement pas des fonds nécessaires pour exercer cette mission seule. Les villes fonctionneront très probablement avec leurs propres dispositifs. De fait, elles ne sont que très marginalement concernées par nos débats du jour. Les communes plus petites ont besoin de ce fonds cantonal pour réaliser des LUP. Le projet du Conseil d'Etat est très limité quant à son ambition. Les membres socialistes de la commission ont exprimé d'importantes réserves sur l'efficacité du dispositif proposé. Toutefois, notre groupe entrera en matière et défendra un dispositif souple, qui soit efficace et avec une ambition revue à la hausse avec une enveloppe de 40 millions. Il s'opposera donc à la plupart des amendements des rapports de la majorité et de la minorité. 

Mme Yolanda Müller Chabloz (VER) —

Le logement abordable est un enjeu majeur pour la population vaudoise, avec une situation qui devient de plus en plus difficile pour la plupart des gens dans ce canton. Le groupe des Vertes et des Verts est en faveur de toutes mesures qui favorisent la construction de logements adaptés aux besoins de la population et il est évident que ces besoins sont importants. La majorité du peuple avait donc approuvé la LPPPL. Cette loi prévoyait qu'une commune puisse céder son droit à l'Etat et requiert la constitution d’un fonds cantonal. En commission – et peut-être aussi en plénum – nous avons reçu une multitude d'amendements qui visent à rendre l'application de la loi impossible. Or, on peut ne pas être d'accord avec une loi, mais il faut tout de même faire en sorte de pouvoir la mettre en œuvre ; on ne peut pas simplement rajouter des complications pour que son application soit impossible. En multipliant les entraves à l'application de cette loi, on perd clairement de vue l'intérêt général et la volonté populaire.

J’ai de la peine à comprendre l'argument disant que, puisqu’il n’y a pas assez de LUP réalisés à ce jour, il faut rendre leur réalisation encore plus difficile. Au contraire, il faudrait plutôt analyser pourquoi on n'a pas suffisamment de logements abordables, pourquoi il est compliqué de mettre en œuvre cette disposition et quelles solutions peuvent être proposées ; il ne faut pas faire l'inverse. Les milieux immobiliers souhaitent s’opposer au droit de préemption ; dès lors, il faudrait qu’ils proposent une motion visant à amender la loi plutôt que de vider la substance du présent décret. Contrairement à l'impression donnée souvent en plénum, la droite n'est pas unanime sur ce point. 

Il y a également des communes qui n'ont pas les moyens de développer une politique foncière et qui souhaitent pouvoir développer des projets, par exemple de logements seniors. Elles essayent donc également d'exercer le droit de préemption. C'est notamment le cas dans la commune du Mont-sur-Lausanne, qui est clairement à majorité de droite. En ce qui concerne plus généralement la position du groupe des Verts, nous allons globalement soutenir le rapport de majorité. Nous sommes favorables aux amendements qui visent à modifier le montant prévu et nous nous opposerons aux multiples amendements proposés par le rapport de minorité. 

M. Stéphane Jordan (UDC) —

En commission, les commissaires UDC se sont clairement positionnés contre ce décret et soutiennent donc la minorité. Le droit de préemption cantonal devrait s'exercer dans des cas exceptionnels et stratégiques. L'allocation d'un tel fonds ne paraît donc pas pertinente. On peut également douter que des communes ayant renoncé à leur droit de préemption le cèdent spontanément au canton. Suite à l'exercice de ce droit, le nombre de LUP minimal à réaliser dans ce projet de décret est beaucoup trop faible. On peut aussi relever que la quantité de LUP réalisés au travers de cette loi est extrêmement faible, voire nulle. Peu convaincu par les effets ou les bienfaits de cette loi et par l'allocation d'un fonds, le groupe UDC refusera l'entrée en matière ou s’abstiendra. Toutefois, si l’entrée en matière est acceptée, notre groupe soutiendra le rapport de minorité afin de ne pas doubler le montant alloué prévu et soutiendra également les autres amendements de cette minorité. 

M. Hadrien Buclin (EP) —

Plus de 6 ans après l’acceptation de la LPPPL en votation, le Conseil d'Etat propose enfin quelques moyens financiers pour la mise en application d'un des dispositifs importants de cette loi, à savoir le droit de préemption. Entre-temps, la situation des locataires a continué à se dégrader dans le canton ; la pénurie de logements continue à sévir et les loyers poursuivent leur progression à la hausse. La promotion active de LUP par les communes et par le canton est donc, selon le groupe Ensemble à Gauche et POP, indispensable pour contrer cette spirale délétère pour les locataires. En effet, les LUP, comme les coopératives, permettent des loyers au moins 25 % moins chers que le marché libre et parfois jusqu'à 40 % moins chers. Le développement de coopératives ou d'autres formes de LUP est donc essentiel comme contrepoids à la voracité des entrepreneurs privés dont la quête insatiable de rendement pénalise aujourd'hui une grande majorité de la population qui n’a pas les moyens financiers suffisants pour devenir propriétaire. 

Les fonds d'investissement, les assurances ou les banques dégagent aujourd'hui des rendements clairement abusifs sur le dos des locataires ; c’est une manière de placer du capital sans aucun risque et avec des rendements confortables garantis. Le droit de préemption permet donc, quoique de manière timide et limitée, de faire contrepoids par rapport à la logique du marché libre et c'est bien parce que les LUP sont moins chers pour les locataires que ce droit de préemption fait l'objet d'un feu nourri de la droite libérale et de l'UDC. Le droit de préemption est aussi indispensable pour obtenir des locaux essentiels au développement des services à la population, notamment dans le domaine de l'accueil de jour des enfants. De nombreux municipales et municipaux peuvent en témoigner : il est difficile d'obtenir des locaux pour développer les crèches et les garderies. Il est donc grand temps que le Conseil d'Etat se dote d'un fonds pour activer le droit de préemption et nous regrettons qu'un tel projet arrive si tardivement. 

Nous déplorons également que le Conseil d'Etat propose un montant si faible, qui a heureusement pu être doublé en commission grâce à un amendement que j'ai déposé. Mais même avec 40 millions de francs, de nombreux biens fonciers resteraient complètement inatteignables. Pour rappel, la commune de Prilly a récemment activé le droit de préemption pour un bien d'une valeur de 62 millions. Avec 40 millions, le canton n'aurait pas pu réaliser une telle opération. Je rappelle aussi que la ville de Lausanne, dont le budget est pourtant 5 fois inférieur à celui du canton, a prévu un fonds de 130 millions pour exercer son droit de préemption. Nous proposerons donc un amendement visant à augmenter la dotation du fonds. De plus, nous combattrons les amendements visant à compliquer inutilement et artificiellement le recours au droit de préemption qui ont été déposés en commission, certainement sur commande de grands intérêts immobiliers. 

Se doter d'un tel fonds pour activer le droit de préemption est une chose, mais que le Conseil d'Etat ait une réelle volonté politique de l'utiliser et de développer concrètement des LUP en est une autre. En matière de logement, le bilan du Conseil d'Etat – et en particulier de Mme la conseillère d'Etat Luisier Brodard qui est responsable de ce dossier au niveau cantonal – peut clairement être qualifié de mauvais, voire de très mauvais pour la grande majorité de la population qui est composée de locataires et qui voit sa situation se dégrader jour après jour avec des logements de plus en plus chers. J'espère donc que le Conseil d'Etat finira par prendre conscience qu'une action résolue en faveur du développement de LUP est aujourd'hui nécessaire. 

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Je déclare mes intérêts : je suis président d'une fondation d'utilité publique dédiée à la construction de LUP, où nous pratiquons, comme l'a dit notre collègue Buclin, des loyers environ inférieurs de 20 % au marché. Je suis par ailleurs membre du conseil d'administration d'autres sociétés immobilières et j'ai été président de la commission LPPPL avant son approbation par le peuple. Malgré mes liens avec les milieux de l'immobilier, j'avais soutenu l'approbation de cette loi. Il n'en demeure pas moins que les débats sur le droit de préemption cantonal étaient déjà très disputés, en commission et en plénum, car beaucoup estimaient qu'un droit de préemption communal suffisait. La garantie de la propriété, c'est-à-dire l'intervention de l'Etat par un droit de préemption, est une intervention grave et importante à ce droit ; il est donc parfaitement légitime de l'appliquer de façon mesurée. Mais il y a un autre principe constitutionnel fondamental : le principe de proportionnalité. Un objet politique doit être apte à atteindre le but souhaité. Or, après avoir soutenu la LPPPL devant ce plénum, après avoir soutenu la LPPPL devant le peuple, j'ai de très sérieux doutes quant à l'utilisation du droit de préemption comme outil de politique immobilière. J'en veux pour preuve les différents objets qui ont pu péniblement être proposés au canton durant ces dernières années. Très franchement, cela ne fait pas envie. Même si l’on décide d’allouer des montants beaucoup plus élevés que ceux qui figurent dans le rapport de majorité, on n'arrivera certainement pas à résoudre la crise qui sévit actuellement. 

On a clôturé l'année 2023 avec un déficit de 1000 logements. Alors que nous devions en construire 4500, on en a construit à peu près 3500. Quant aux logements à loyer abordable qui ont pu être créés par le droit de préemption, ils se comptent sur les doigts d'une main. Le bilan est particulièrement maigre et décevant. Les fondations d'utilité publique et les coopératives cherchent des terrains pour construire des LUP. Est-ce que le droit de préemption est l'outil adéquat ? J'ai de sérieux doutes. C'est aussi l'occasion de rendre Mme la conseillère d'Etat attentive aux autres moyens que peut avoir le Conseil d'Etat pour améliorer la situation. La situation est extrêmement problématique. Il faut notamment faire preuve de plus de souplesse dans le dézonage, dans les plans d'affectation communaux. Il y a également la problématique du transfert de zones à bâtir d'une commune vers une autre ainsi que la transformation d'usages d'immeubles existants. Bref, il faudrait toute une série de mesures pour apporter plus de souplesse aux outils actuels, pour permettre la construction de logements et notamment la construction de LUP. 

J'aimerais citer l'exemple de Montreux : il y avait un projet piloté par les Retraites Populaires qui prévoyait la création d'une centaine de LUP. Finalement, ces 100 LUP n’ont pas été créés, parce qu'il y a eu une initiative populaire pour déclasser ce terrain. Le problème réside davantage dans l'affectation des terrains que dans le droit de préemption ; c’est là qu’il faut agir, si vous voulez vraiment résoudre la crise du logement et créer des logements à loyer abordables. Dans la commune du Mont-sur-Lausanne – qui est empêtrée dans des procédures juridiques – une cinquantaine de LUP étaient prévus, mais le projet est toujours bloqué. A Prilly, je crois qu'il y a maintenant un recours au Tribunal fédéral ; il y aura encore de nombreuses procédures, alors que la commune aurait très bien pu adopter un plan de quartier avec un quota de LUP construits par des privés, par des fondations ou par des coopératives. Dans un tel cas, on n'aurait pas eu besoin de recourir au droit de préemption communal ou cantonal. 

Lorsque nous avons évoqué le droit de préemption cantonal au Grand Conseil, qu'a dit le Conseil d'Etat ? Le Conseil d'Etat a insisté sur le fait que le droit de préemption cantonal ne devait s'exercer que pour des surfaces extrêmement importantes – on parlait de 5000 m2 de terrain. Selon le Conseil d'Etat, il faudra d'abord définir les objectifs de politique cantonale pour déterminer comment le droit de préemption cantonal devra être exercé. Une série d'exemples étaient annexés au rapport. Or, aujourd'hui, je me demande comment le Conseil d'Etat va coordonner le droit de préemption cantonal avec le droit de préemption communal. Comment va-t-il le coordonner avec la Loi sur le logement ? En effet, j'observe qu'il n'y a aucune référence à la Loi sur le logement. Alors, comment le Conseil d'Etat entend-il mettre en place la stratégie qu'il évoquait en 2018 quant à la création de LUP ? Dans ce droit de préemption dont l'utilité paraît minime et qui est extrêmement complexe, n’a-t-on n'a pas mis la charrue avant les bœufs, voire la charrue sans les bœufs, comme disait un regretté conseiller d'Etat ? Je vous invite évidemment à entrer en matière sur ce projet et à suivre les amendements de la minorité de la commission. 

M. Sébastien Cala (SOC) —

Le logement est une politique publique au cœur des préoccupations des Vaudoises et des Vaudois. Au vu de la crise du logement qui frappe l'essentiel de notre canton, les attentes sont logiquement hautes et elles ne datent pas d'hier. Pour rappel, la LPPPL est issue d'une initiative « Stop à la pénurie de logements » de l'ASLOCA qui date de 2011, initiative qui prévoyait un droit d'expropriation communal et cantonal ainsi qu'un investissement massif en faveur de logements abordables. Dans la première mouture du contre-projet, il était prévu un droit d'option. In fine, la population s'est prononcée sur la LPPPL comprenant un droit de préemption ; elle l’a largement soutenu, malgré une importante opposition des milieux de l'immobilier. 

Monsieur Buffat, si je vous rejoins sur le fait que le fonds de préemption cantonal ne réglera pas tout, je ne peux pas entendre qu'il représente une atteinte majeure à la propriété individuelle, comme vous le mentionnez. C’est un des outils à disposition des pouvoirs publics et il doit être renforcé. Il est temps de mettre pleinement en œuvre cette LPPPL. La proposition qui nous est faite par la minorité PLR-UDC, notamment un plan cantonal LUP à l'article 1, n'a d'autre objectif que de repousser aux calendes grecques l'entrée en vigueur du fonds de préemption cantonal. En effet, si cet amendement est accepté, l'entrée en vigueur du projet de décret sera repoussée de plusieurs années. La minorité de la commission propose également d'autres amendements, ou d'autres cautèles, à ce fonds de préemption afin que l'Etat, in fine, n'en fasse jamais usage. Rendre inutile ce fonds de préemption, c'est aller à l'encontre de la volonté populaire et faire fi des problématiques de logement de notre canton. La population attend une action forte dans ce domaine. La proposition du Conseil d'Etat est déjà peu ambitieuse ; il n'est pas concevable d'en réduire encore le champ d'action. A ce titre et en respect de la volonté populaire, je vous encourage à rejeter les propositions d'amendement de la minorité. 

M. Philippe Jobin (UDC) —

Le droit de préemption doit servir à la création de LUP, et non à des fins financières, mais je reste convaincu que c'est une atteinte grave à la propriété privée. Ce droit doit rester exceptionnel et proportionné. Or, le projet de décret actuel donne trop de latitude au Conseil d’Etat.

Il a été prévu un fonds de 20 millions, qui a été porté à 40 millions pour des achats immobiliers, et ce, sans contrôle adéquat du Grand Conseil ; cela me gêne énormément. Il y a aussi des critères de renonciation au droit de préemption qui doivent être précisés et modifiés, afin de garantir que les biens acquis servent bien à créer des LUP et pas autre chose. In fine, il est nécessaire d'éliminer la possibilité pour l'Etat de réaliser des opérations qui ne sont que purement financières en utilisant ce droit de préemption. Je vous encourage à soutenir les amendements de la minorité de la commission.

M. Romain Pilloud (SOC) —

M. Buffat relevait, à juste titre, l'échec en votation populaire de construction de logements – avec une proportion très élevée de LUP – à Montreux. Toutefois, je rappelle le contexte : la commune a octroyé un droit de superficie, avec un engagement fort des pouvoirs publics ; de plus, il n’y avait pas que les Retraites Populaires, mais également des coopératives, dans ce dossier. Malgré l'implication des pouvoirs publics, l'initiative qui prévoyait de ne pas construire a été acceptée. Il faut en prendre acte ; cela nous rappelle les difficultés procédurales ou démocratiques rencontrées pour construire des LUP. C'est une réalité : il y a une perte de confiance de la population envers les pouvoirs publics par rapport à la question du logement, et il faudra du temps pour restaurer cette confiance. 

Les communes peuvent prévoir, notamment dans les plans d'affectation, des taux de LUP minimums. Or, la plupart du temps, c'est la droite qui ne veut pas un minimum de LUP, malgré des engagements forts dans certaines communes. On constate que le nombre d'outils efficaces à notre disposition est globalement assez limité. C'est ce qui donne une raison d’être à ce droit de préemption. Nous en avons besoin, et ce, même s’il est mis systématique en danger par les partis de droite. Je le regrette, car il s'agit d'un des seuls outils nous permettant d'avancer plus rapidement sur la question et de retrouver des taux de LUP suffisants sur le territoire cantonal – ce qui n’est largement pas le cas aujourd'hui.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Monsieur Buffat, vous entretenez sciemment une confusion entre droit de préemption et droit d'expropriation, lorsque vous dites que le droit de préemption porte atteinte au droit de propriété. On ne peut que s'inscrire en faux devant une telle affirmation. En effet, le droit de préemption est activé lorsqu'un propriétaire décide de vendre. Or, il n'a aucune obligation de vendre. Par conséquent, il n'y a pas d'atteinte au droit de propriété. Je pense que vous semez volontairement une confusion avec le droit d'expropriation. Mais je vous rappelle que cette question n’est pas à l’ordre du jour, puisqu’une motion en ce sens que j'avais déposée a été classée par le Grand Conseil. 

De plus, vous pointez l’affectation des terrains comme l’une des causes de difficultés. Selon vous, ils n’ont pas la bonne affection, mais vous oubliez de dire qu'il y a en Suisse environ 15 % des terrains constructibles – soit en zone à bâtir – qui ne sont pas construits. Il y a donc aussi un problème de thésaurisation des terrains constructibles ; il s’agit souvent d’une thésaurisation à des fins spéculatives. Nous avions proposé, par le passé, des dispositions légales pour sanctionner les propriétaires qui thésaurisent des terrains constructibles, mais là encore, votre bord politique avait refusé des mesures permettant de lutter contre ce phénomène. 

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Monsieur Buclin, nous ne sommes pas là pour faire des cours de droit, mais un droit de préemption annoté au registre foncier – qu'il soit de gré à gré dans le cadre d'une PPE ou de droit public – est une atteinte au régime de la propriété. C’est indiscutable ! D'ailleurs, cela diminue la valeur du bien. 

Deuxièmement, je ne peux pas vous laisser parler de spéculation. Vous êtes complètement hors sol ! La réalité est que les fondations d'utilité publique, les coopératives ou les propriétaires n'ont qu'une envie : construire et utiliser les droits à bâtir qui leur sont concédés ; ils n’ont pas envie de faire de la thésaurisation. La problématique que vous évoquez date d'un autre siècle ! Il y a eu des problèmes de thésaurisation dans les années 80 ; dès les années 90, avec le krach immobilier, c'était évidemment beaucoup moins le cas ; avec l'entrée en vigueur de la Loi sur l’aménagement du territoire (LAT), ce n’était même quasiment plus du tout le cas. Aujourd'hui, les constructeurs et les propriétaires souhaitent construire. En tant que président d'une fondation d'utilité publique – et j'en appelle à témoin le membre du rapport de majorité qui est aussi à la tête de ce type d'organisation – nous ne trouvons pas de terrains constructibles disponibles. Nous sommes empêtrés dans des procédures de zonage, de dézonage ou faisons face à des oppositions ou à des recours, car il ne faut jamais construire ici et comme cela. C’est là que réside la vraie problématique. Il est inutile de pointer du doigt l’un ou l’autre des partis politiques ; certes, la droite est peut-être réticente à avoir trop de LUP, mais du côté des Verts, il faut limiter la densification, ce qui a pour effet d’augmenter le coût de la construction.

Concentrons-nous aujourd'hui sur le droit de préemption, tout en étant conscients que cela ne résoudra que de façon homéopathique le problème des LUP. Pour faire des LUP, il faut accélérer la mise à disposition de terrains. En ce sens, je suis convaincu que le canton a un rôle beaucoup plus important à jouer que par l'exercice d'un droit subsidiaire de préemption cantonal. 

M. Julien Eggenberger (SOC) —

J’ai oublié de déclarer mes intérêts lors de mon intervention précédente : je suis président d'une société coopérative qui gère notamment du logement, mais qui n'est pas soumise aux LUP. Je suis également membre désigné du conseil d'administration de la société immobilière lausannoise, qui intervient également dans ce processus, mais pas dans le fonds cantonal. 

Nous devons trouver un équilibre entre deux principes constitutionnels : le droit à la propriété et le droit au logement. Mes collègues parlent sans arrêt du droit à la propriété, mais il est important de rappeler que le droit au logement figure à l'article 67 de la Constitution vaudoise, qui enjoint les communes et l'Etat à développer une politique qui permette la mise à disposition de logements à loyer modéré ; or, c'est ce que nous faisons aujourd'hui. 

Monsieur Buffat, vous pouvez répéter de nombreuses fois que très peu de LUP ont été créés, cela reste faux ; il y a des jugements qui ont tranché cette question : le fait de préserver des logements naturellement bon marché dans le cadre du droit de préemption et leur attribuer le label LUP est une forme de création de LUP essentielle pour garder un parc locatif avec des loyers modérés. Il est évident que très peu de LUP ont été créés grâce au fonds cantonal, puisque ce fonds cantonal va peut-être être créé aujourd'hui. Nous espérons que ce fonds, revu avec quelques ambitions à la hausse, sera adopté aujourd'hui, et que nous pourrons vous prouver, monsieur Buffat, que nous sommes en mesure de développer des logements à loyer abordables grâce à une politique volontariste des pouvoirs publics. 

M. Philippe Miauton (PLR) — Rapporteur-trice de minorité

On vient de parler de politique volontariste du canton, mais c'est précisément ce que l'on souhaite éviter avec le mot « subsidiaire ». La création de LUP n'est pas remise en question, mais il convient quand même de réaliser que, malgré un certain nombre de millions mis sur la table – et nous sommes aujourd’hui dans une commune qui en emploie énormément – rien n’a été fait. On a entendu énormément de choses sur le manque de place pour les crèches et garderies, mais s'il manque des crèches et des garderies aujourd'hui, c'est parce que les lois sont beaucoup trop compliquées pour en créer, parce que la politique cantonale fait trop peu appel au partenariat public et privé… Mais je m’éloigne du débat du jour. 

Il y a eu 130 millions pour la commune de Lausanne et, pour l'heure, rien n'a été fait. On a abordé la question des terrains, parce que l’objectif de cette LPPPL était de construire des bâtiments sur les terrains à disposition, afin de pourvoir le canton et les communes de LUP. Et qu’a-t-on constaté à Lausanne ? Une sorte de grand Monopoly municipal qui se détourne de l'achat de terrains, mais qui se tourne vers des bâtiments d'ores et déjà construits. Or, c’est là où se dissimule le problème : on attend que des personnes soient prêtes à acheter ces bâtiments, et puis la commune arrive en appliquant exactement les mêmes prix. Or, la gauche considère que tout cela est fait pour rendre cette loi inapplicable, alors que nous pensons au contraire que le canton n'est pas là pour se substituer aux politiques communales. Le canton ne va pas pouvoir appliquer une politique que l’ensemble des communes ne sont pas en mesure de mettre en œuvre. 

J’ai oublié de déclarer mes intérêts : je suis directeur de la Chambre du commerce et de l’industrie (CVCI) et je ne m'occupe pas du tout d'habitation. Si vous pensez que nous sommes téléguidés par je ne sais qui, c'est peut-être que vous avez vous-mêmes l'habitude de l'être. De plus, nous ne pouvons pas parler de motion alors que la loi n’a pas encore été votée ; il s’agit plutôt d’amendements.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Je suis en désaccord avec M. Miauton lorsqu'il affirme que l'achat de bâtiments ne permet pas d'enrayer les augmentations de loyer. Au contraire, acheter un bâtiment et le confier à une coopérative ou à un autre acteur d'utilité publique permet justement de contrôler les loyers, puisque les acteurs d'utilité publique n'ont pas la même quête de rendement. On le constate d’ailleurs aujourd'hui : tous les acteurs privés augmentent les loyers en cumulant diverses raisons – l'inflation, la hausse des coûts, la hausse du taux hypothécaire, etc. Dès lors, confier un bâtiment à des acteurs d'utilité publique permet d'éviter la dérive à laquelle on assiste aujourd'hui. Les commissions de conciliation des préfectures et l'ASLOCA sont submergées par des demandes d'aide liées à des augmentations de loyer souvent abusives. 

De plus, Monsieur Buffat, je persiste à dire qu'il y a en Suisse, et y compris dans le canton de Vaud, environ 15 % des terrains constructibles qui ne sont pas construits. Il y a donc bel et bien un problème de thésaurisation qui persiste et sur lequel il faudra revenir prochainement. 

Mme Yolanda Müller Chabloz (VER) —

Monsieur Miauton, apparemment je me suis mal fait comprendre. Je suggérais que vous vous attaquiez à la LPPPL – qui a été votée – par une motion, et non d’amender le fonds cantonal qui nous concerne aujourd’hui. Si vous êtes contre le droit de préemption, proposez une motion pour supprimer ce droit de préemption, mais ne videz pas le décret actuel de sa substance.

M. Pierre Zwahlen (VER) — Rapporteur-trice de majorité

Je rappelle au rapporteur de minorité que la ville de Lausanne se préoccupe de soustraire des appartements à des prix qui sont toujours plus élevés sur le marché. Notre collègue Marc-Olivier Buffat se plaint de voir qu'il n'y a que quelques LUP aujourd'hui instaurées et reconnues comme telles, mais il fait preuve de beaucoup d'impatience. Les procédures sont longues et n'ont pas été facilitées par un certain nombre de garanties ou de cautèles qui ont été instaurées par la loi ; il y a également des adjudications qui sont organisées. Parfois, il existe des blocages, ainsi que de nombreux recours.

Pour faire face à la pénurie, nous avons besoin de solutions plutôt que de controverses. Nous avons besoin de dialogue, de convictions, pour pouvoir construire, pour pouvoir faire reconnaître des LUP. Il en va de la qualité du toit auquel ont droit chaque famille, chaque ménage dans le canton. Ne démontons pas ce décret pour le rendre inopérant ; nous devons en préserver la substance. Je vous invite encore une fois à entrer en matière. 

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Président-e du Conseil d’Etat

Je vous invite bien sûr à entrer en matière sur ce projet de décret qui est lié à l'exercice du droit de préemption par l'Etat. C’est un sujet extrêmement spécifique. A l'aune de ce débat d'entrée en matière, et il fallait s’en douter, nous avons eu ici, en plénum, une discussion sur la politique du logement dans le canton. Et je constate la difficulté qu'il y a à faire dialoguer les différents bords politiques, ou les différents milieux, au sujet du logement, que ce soit le milieu des locataires ou celui des propriétaires. Or, nous sommes tous embarqués sur le même bateau vaudois et les solutions à la pénurie de logements ne viendront pas d'un seul acteur politique, privé ou public, mais bel et bien de l'ensemble des personnes et organismes concernés. La pénurie de logements s’étend de notre canton à l’ensemble du pays.

Sur le plan vaudois, il est important de rappeler que le Conseil d'Etat est extrêmement préoccupé par la situation du logement, à la fois sur le plan quantitatif et sur le plan qualitatif, soit en termes de construction de logements, mais aussi en termes d'accessibilité des logements pour l'ensemble de la population vaudoise. A ce titre, nous avons participé à une table ronde fédérale, ainsi qu’à une table ronde vaudoise. Il s’agit d’un premier pas qui impliquera plutôt des groupes de travail et des actions à mener en commun avec l'ensemble des milieux concernés. Nous ne pourrons y arriver que si tout le monde unit ses forces.

Sur les aspects quantitatifs, il nous manque la construction d’environ 1000 logements par année pour faire face à la progression démographique. Si l'on interroge tous les acteurs du logement du canton, ce ne sont pas forcément les questions financières qui sont prédominantes aujourd’hui, mais bel et bien la question de la disponibilité des terrains, de la main-d'œuvre, des matériaux, ainsi que la question des procédures et de l'adhésion de la population. Nous avons pu le voir avec les différents projets qui ont été rejetés par la population ces derniers mois : il est de plus en plus difficile de faire passer des projets de construction de logements dans le canton. Nous aurons besoin de tout le monde pour réviser le plan directeur cantonal, pour assouplir les procédures dans la LATC et pour trouver des solutions dans le cadre de la table ronde entre le Conseil d'Etat et l'ensemble des acteurs concernés. D’ailleurs, je me réjouis, monsieur Buclin, que vous soyez aussi positif pour amener des solutions avec l'ensemble des milieux concernés, notamment sur l'assouplissement des procédures. 

Sur les aspects qualitatifs, l'accession aux logements pour tous est une question très importante ; et la question des LUP en fait partie. Je rappelle d’ailleurs que, peu importe les acteurs qui construisent des LUP – des coopératives ou d'autres acteurs privés – ce qui est important, c'est bel et bien la nature même des logements concernés, avec une accessibilité financière pour la population. Dès lors, tous les acteurs peuvent créer des LUP, et pas uniquement des coopératives, et ce, pour autant que les critères de LUP soient respectés. Dans ce cadre, il y a plusieurs outils qui sont possibles pour la création de LUP : le droit de préemption en est un, même s’il ne va pas tout régler. Un autre moyen est privilégié par les communes, qu'elles soient de gauche ou de droite : les quotas. Nous devons encore sensibiliser les communes par rapport à cela, parce qu'il est beaucoup plus facile de trouver des accords pour avoir des quotas de LUP, dans le cadre de plans de quartier, directement avec les acteurs privés ou publics qui construisent. C’est un moyen qui permet rapidement de pouvoir construire un certain nombre de logements. 

Dans la LPPPL, des articles permettent de lutter contre la thésaurisation ; ce sont des articles qui ont été largement discutés dans le cadre des débats. Pour lutter contre la thésaurisation, il faut aussi que les projets puissent être menés à chef. Aujourd'hui, beaucoup de projets de plans d'affectation sont contestés et ne passent plus la rampe, qu'il s'agisse de dossiers devant des conseils communaux ou devant la population. Il faut donc une mobilisation de l'ensemble des milieux concernés pour réexpliquer la nécessité de construire des logements dans ce canton. 

Evidemment, je vous invite à entrer en matière sur ce décret ; il permet de modéliser un droit de l'Etat qui est inscrit dans la loi et qui nécessite des dispositions de mise en application pour clarifier le processus, le financement et le contexte dans lequel il peut être utilisé. Vous aviez refusé une première version qui avait été proposée dans le cadre d'un précédent budget en utilisant le Fonds pour l’encouragement de l’économie régionale (FER) ; vous nous aviez dit que ce n'était pas le bon moyen. Dès lors, nous proposons maintenant un autre moyen et il est important que l'on puisse modéliser ce droit. Le Conseil d'Etat doit trouver des équilibres afin que l'Etat soit en mesure, d'une part, de prendre des décisions positives s'il y a intérêt à construire des LUP et, d'autre part, de manier ce droit de préemption avec délicatesse au vu des appréhensions qu'il peut susciter. 

Nous allons discuter des aspects financiers, avec un fonds spécial de 20 millions de francs, avec une commission d'évaluation des biens qui a une composition éclectique, avec une renonciation au nom de l'Etat à l'exercice du droit de préemption dans des cas spécifiques qui sont prévus par le décret, respectivement avec des décisions qui remontent jusqu'au Conseil d'Etat si cette commission n'est pas unanime. La gestion administrative des biens-fonds serait assurée par le département en charge des opérations foncières, avec des revenus et charges enregistrés dans le budget de fonctionnement de ce département. Par ailleurs – et c'est là le but de la LPPPL – les biens-fonds préemptés seraient cédés par voie d'adjudication publique et, exceptionnellement, l'Etat pourrait les garder ou les grever d'un droit distinct permanent (DDP), mais le décret serait dès lors soumis au Grand Conseil. 

Nous traitons ici un objet spécifique qui est connexe, mais qui est distinct de la question de la pénurie de logements. C’est une question que l'on prend extrêmement au sérieux au sein du Conseil d'Etat et qui nécessite l'engagement de tous les acteurs de ce canton pour trouver des solutions. De plus, ce décret se distingue aussi des éclaircissements que nous avons donnés dans le cadre du règlement de la LPPPL visant à l'exercice du droit de préemption par les communes et qui a nécessité certains ajustements en termes d'interprétation pour clarifier les questions d'acquisition par les communes et d'adjudication publique, de manière à éviter des recours subséquents et permettre aux communes d'utiliser ce droit de manière claire et efficace. En conclusion, je vous remercie d'entrer en matière sur ce projet de décret.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

L’entrée en matière est admise avec plusieurs avis contraires et abstentions.

Il est passé à la discussion du projet de décret, article après article, en premier débat.

Art. 1.–

M. Philippe Miauton (PLR) — Rapporteur-trice de minorité

La minorité de la commission propose un nouvel alinéa à l’article 1, dont les motivations sont simples. En effet, notre minorité considère que les travaux préparatoires de la LPPPL – et donc la volonté du législateur – démontrent qu'il est nécessaire que le Conseil d'Etat établisse une politique en amont et qu'il convient de préciser ses objectifs, ses critères et les moyens à mettre en œuvre pour développer sa politique de LUP qui reste subsidiaire à celle des communes. Cette politique doit en particulier se concentrer sur des sites stratégiques importants comme les villes ou centres urbains, par exemple. Il convient d'éviter que le canton intervienne sur une multiplicité de cas et de sites pas forcément pertinents et sans coordination avec les lignes directrices. 

La liste des objets proposée – qui figure en annexe au rapport de majorité – est explicite à cet égard et établit le lien avec le débat d’entrée en matière. En effet, la politique cantonale n’est pas censée se substituer aux politiques communales et, dans la mesure où le fonds n'est pas infini, il convient que le Conseil d'Etat et le canton adoptent une vision claire pour que les objets choisis soient vraiment pertinents et répondent aux besoins de LUP dans le canton. 

« Art. 1.– Al. 2 (nouveau) : Le Conseil d’Etat définit une stratégie cantonale de développement des LUP en collaboration avec les communes concernées par la pénurie de logements telle que définie dans la LPPPL. Cette stratégie mentionne les sites prioritaires, les critères et les objectifs de la politique cantonale en la matière ».

M. Pierre Zwahlen (VER) — Rapporteur-trice de majorité

Après débat, la commission a refusé cet amendement par 7 voix contre 4 et 2 abstentions. Il existe déjà un filtre : celui de la commune qui décide ou non de céder à l'Etat son droit de préemption. L'article 31 de la LPPPL prévoit en particulier que le droit de préemption ne peut s'exercer que si le district concerné se trouve en situation de pénurie de logements et si la surface de la parcelle visée est d'au moins 1'500 m2. Par conséquent, la proposition d'amendement n'est pas conforme à l'esprit de la LPPPL. Le travail d'élaboration d'une stratégie cantonale de développement des LUP paraît excessif et inutile. De plus, une telle planification risquerait d'attirer l'attention des promoteurs sur les zones où l'Etat entend préempter et d’amener ainsi les prix à augmenter dans ces zones. Ainsi, l'amendement est peu compatible avec le principe souvent invoqué de l'autonomie communale. Enfin, si l’on soutient la proposition d'amendement, le présent décret ne pourrait pas entrer en vigueur avant une révision du Plan directeur cantonal qui intègre une stratégie cantonale de développement des LUP. Ainsi, cet amendement aurait pour conséquence d’être une usine à gaz. Je vous remercie de refuser l'amendement proposé. 

M. Hadrien Buclin (EP) —

Il y a quelques années, le PLR avait lancé une initiative dite « contre la bureaucratie ». Or, il s’agit plutôt ici d’une démarche contraire, à savoir d'obliger l'Etat à produire rapports, contre-rapports, études et autres planifications plutôt que de pouvoir agir simplement et efficacement en faveur du logement à loyer abordable. Et, pour cette raison, en reprenant l'idée de l'usine à gaz évoquée par M. Zwahlen, nous vous recommandons de rejeter cet amendement. 

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Sur les questions de thésaurisation, je me permets de renvoyer M. Buclin à l'article 15, lettre d, de la LAT qui stipule que, si quelqu'un n'a pas la volonté de construire, sa parcelle doit normalement être dézonée et la loi s'appliquer. Je vous épargne tous ceux qui voudraient construire et qui voient leurs terrains dézonés, et ce, sans indemnités. Madame la conseillère d'Etat, il serait peut-être intéressant que vous nous donniez une statistique à ce sujet, un jour. 

Quant au champ d'application du droit de préemption cantonal et à l'amendement qui serait contraire à l'esprit de la LPPPL, cela s’avère assez surprenant. En effet, la relecture des propos du Conseil d'Etat de l’époque, dont ni la majorité ni la conseillère d'Etat n’étaient de droite, est intéressante. En effet, pour faire passer la pilule du droit de préemption, le Conseil d'Etat d’alors stipulait ce que je me permets de vous relire : « Avant de procéder à l'acquisition de terrain par voie de droit de préemption, le Conseil d'Etat devra d'abord établir une politique en précisant les objectifs, les critères, les endroits dans lesquels il entend développer des LUP. » Il suffit par conséquent de respecter la teneur des propos du Conseil d'Etat. Cela me paraît d'ailleurs parfaitement en relation avec la Loi sur le logement. Laissez-moi vous faire observer que, à ce stade, personne n'a établi de lien entre la Loi sur le logement et ce droit de préemption cantonale. Or, il pourrait s’avérer intéressant, en relation avec les articles 8 et suivants de la Loi sur le logement, de savoir comment cela s'articule. 

En outre, je me permets de vous renvoyer à la page 1 du site de la Société vaudoise pour le logement (SVL), censée être la bénéficiaire du droit de préemption cantonal. Voici ce qu’on y lit : « Conseil et appui aux communes ; acquisition et portage de terrain ; accompagnement ; terrain de l'Etat ; aides financières », soit exactement l'amendement qui vous est proposé. Puisque cela figure sur le site de la SVL, j'imagine que, d'une manière ou d'une autre, cela se fera. Nous souhaitions savoir comment cela s'organiserait et, le cas échéant, quels sont les objectifs de ce droit de préemption ? Tout à l'heure, j’indiquais qu’il me semblait que nous avions mis la charrue avant les bœufs, c’est-à-dire que manquent quelques objectifs pour savoir comment cela va se passer. A ce stade, on observe que des terrains sont proposés à des communes qui n’en veulent pas. A l’époque, si le droit de préemption communal était déjà très disputé, son équivalent cantonal l’était encore plus. Sauf erreur, nous avions dû suspendre la séance tant les divergences étaient nombreuses. On nous avait alors dit de ne pas nous inquiéter, car il y aurait une stratégie. 

Enfin, pour ma part, cet amendement qui tend à rappeler ce qui devrait se faire ne mange pas de pain, puisque cela figure sur le site de la SVL et dans la Loi sur le logement. On peut aussi imaginer qu’il nous soit expliqué comment cela va se passer, ou alors que soit simplement placée une référence à la Loi sur le logement ou aux statuts de la SVL. Ainsi, il me semble qu’il manque à cet article 1 une sorte de coordination avec ce qu'entend entreprendre le Conseil d'Etat.  

M. Julien Eggenberger (SOC) —

Ce débat est vraiment original ! Quand j'entends M. Buffat, je perds mes repères et je peine à savoir qui représente l'opposition et qui soutient la proposition du Conseil d'Etat ! La proposition de la minorité, portée par M. Miauton, contient une contradiction assez flagrante avec sa propre entrée en matière qui mettait en avant l'idée de subsidiarité de cette politique cantonale. Le Conseil d'Etat, lui, parle d'opportunités avec des projets et l'idée de développer une politique cantonale qui, de fait, reviendrait à ôter aux communes une partie de leur marge de manœuvre, puisque l’application de la LPPPL et du droit de préemption appartient d'abord aux communes. Il s’agit uniquement de situations où une commune aurait décidé, de son plein droit, de céder ce droit de préemption au canton. De fait, l'effet de cet amendement n’équivaudrait qu’à reporter – encore – l'entrée en vigueur de ce fonds. Comme le Conseil d'Etat, le groupe socialiste souhaite que nous avancions et nous vous invitons à refuser cet amendement. 

M. Pierre-André Romanens (PLR) —

Si nous corrélons l’amendement proposé à un article, alors il s’agit de l’article 2 puisqu’il s’agit des moyens à donner à l'Etat sur des perspectives d'engagement relativement à des demandes émanant des communes. Sur le fond, la recherche de LUP concerne plutôt la ville, voire la périphérie, le côté périurbain, mais un peu moins les parties plus rurales. En effet, les moyens de communication et les transports publics y sont beaucoup plus performants. Ensuite, d'où viennent les demandes ? Principalement des communes dites rurales par rapport à des possibilités d'acquisition foncières. Ce ne sont pas les villes qui vont adresser ces demandes, mais les petites communes. Ainsi, cela exige une politique claire qui doit être, à mon avis, organisée par l'Etat. Ainsi, en relation à l'article 2, cet amendement est parfaitement pertinent. 

M. Xavier de Haller (PLR) —

Je me joins aux propos de mes préopinants MM. Buffat et Romanens. Je souligne mon étonnement quant à la critique formulée sous l'angle de la « création de bureaucratie » qu'engendrerait cet amendement. En effet, il me semble que notre Parlement est rarement avare lorsqu'il s'agit de demander au Conseil d'Etat de développer des stratégies, de mettre sur pied des plans, de réfléchir à comment telle ou telle mesure sera mise en œuvre. Il s’agit d'un fonds relativement conséquent lié à un problème majeur pour la population, qui implique les différents acteurs de l'immobilier, les locataires ou propriétaires. En cela, je rejoins les propos de Mme la présidente du Conseil d'Etat : nous ne trouverons une solution qu'ensemble. Enfin, j'ai de la peine à comprendre que demander au Conseil d'Etat d'établir une stratégie et d’adopter une vision de la manière dont il va mettre en œuvre cette politique constitue un excès de bureaucratie. Je clôturerai mon intervention en déclarant mes intérêts : je ne suis pas propriétaire, mais locataire. 

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Monsieur Eggenberger, nous nous trouvons dans une situation paradoxale, parce que vous allez à l'encontre de la conseillère d'Etat qui représentait votre majorité à l'époque. Puis, j’aimerais dire aux députés de cet hémicycle la chose suivante : la prochaine fois qu'un conseiller d'Etat, de quelque bord qu'il soit, annoncera la mise en place d’une stratégie, il faudra produire un amendement pour que cela figure tout de suite dans la loi ; si on l’avait mis tout de suite dans la LPPPL, ce serait réglé ! 

A priori, sur le fond, il faut soutenir cet amendement. Concernant la sémantique, le Conseil d'Etat devra d'une manière ou d'une autre – puisqu’à la lecture des statuts de la SVL, il le fait déjà – adopter une stratégie. Enfin, en prévision du deuxième débat, j'aimerais entendre de la part de Mme la conseillère d'Etat comment tout cela sera coordonné, en l’absence de renvoi à la Loi sur le logement. En outre, on ignore comment le Conseil d'Etat mettra en place ce qui figure dans les buts et la volonté de collaboration avec les communes et la SVL. Ainsi, peut-être y a-t-il un chemin à trouver par le biais d’une rédaction différente. En attendant, que le Conseil d'Etat ait une vague idée de la façon dont il va potentiellement utiliser 40 millions me paraît être la moindre des choses. 

M. Nicolas Suter (PLR) —

Vous m’en voyez désolé, mais je vais encore ajouter un peu de confusion à M. Eggenberger... Je répète les propos tenus lors de la discussion d’entrée en matière : ce fonds est subsidiaire, exceptionnel et proportionné. Pour cette raison, une partie du groupe PLR ne voit pas forcément d'un bon œil l’amendement visant à créer une stratégie cantonale immobilière. Cela nous semble vraiment contraire à ce principe de subsidiarité, d'exceptionnalité et de proportionnalité. Quant à fixer un certain nombre de critères, j'attends pour ma part la réponse de la présidente du Conseil d'Etat pour voir comment ce dernier l’envisage. Enfin, une stratégie cantonale immobilière ne me paraît pas forcément intéressante.

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Conseiller-ère d’Etat

Je vous invite à rejeter cet amendement. Effectivement, si vous en reprenez le libellé, il indique que le Conseil d'Etat définit une stratégie cantonale de développement des LUP en collaboration avec les communes concernées. Cette stratégie mentionne les sites prioritaires, les critères et les objectifs de la politique cantonale en la matière. Or, cet amendement, au détour d'un décret sur le droit de préemption de l'Etat, consiste à transférer des compétences communales en matière de stratégie de logement au canton. Aujourd’hui, la stratégie de logement appartient à chaque commune, c’est-à-dire aussi pour la création de LUP, dans la mesure de ce qui est prévu par le droit cantonal pour les LUP, pour la LPPPL, la Loi sur le logement, etc. Chaque commune définit sa stratégie en matière de logement. Or, vous nous demandez de non seulement nous occuper des LUP en matière de droit de préemption de l'Etat, mais aussi de définir une politique cantonale – certes en collaboration avec les communes – avec une décision du Conseil d'Etat pour savoir où placer les LUP sur le territoire cantonal et les critères qui y sont liés. Finalement, cela équivaut à consulter les communes, mais il incomberait au canton de décider où devraient se situer les LUP, et ce, indépendamment de la question du droit de préemption, puisque l'amendement est libellé de manière telle qu’il est fondamentalement question d'une stratégie cantonale complète en matière de LUP. 

Par conséquent, je vous invite à rejeter cet amendement, car il s’agirait d’un changement complet de paradigme par rapport aux compétences communales et à la manière dont elles organisent leur territoire. En outre, les contraintes en matière de logement et d'aménagement du territoire sont déjà très grandes. Par conséquent, s’il faut, en plus, que le canton définisse où placer les LUP sur les territoires communaux, cela équivaut à enlever une compétence supplémentaire aux communes, alors même que les communes se plaignent plutôt d'un manque d'autonomie. Ainsi, le lieu ne me paraît pas idéal pour un amendement de ce type-là qui est d'ailleurs beaucoup plus large que simplement lié au droit de préemption. 

Quant à la stratégie cantonale en matière de LUP, je vous répète que nous sommes en train de revoir complètement la politique du logement, et surtout de remettre à plat les outils. La table ronde sur le logement s’est tenue. Et, dans ce cadre, une évaluation de la LPPPL aura évidemment aussi lieu. Il ne s’agit donc pas uniquement d’une stratégie portant sur le droit de préemption de l'Etat mais d’une stratégie complète pour le logement, puisque nous faisons face à une pénurie de logements sur un plan tant quantitatif que qualitatif. L’étude qui est en train d'être menée devrait nous amener jusqu'à la fin de cette année avec l'ensemble des acteurs concernés. 

Quant à la question du droit de préemption étatique, je rappelle que ce dernier ne pourrait être exercé que si la commune concernée décide de le céder à l'Etat. Par ailleurs, la LPPPL prévoit d'autres filtres, en particulier que le droit de préemption ne peut s'exercer que si le district concerné se trouve en situation de pénurie de logements et si la surface d'une parcelle visée est d'au moins 1’500 m2

Par ailleurs, toute une série de critères a été inscrite dans le décret ; ils sont ceux de la commission d'évaluation et servent à identifier à quel moment cela peut être intéressant – ou non – pour l’Etat d’exercer un droit de préemption. Laissez-moi vous rappeler les les critères d'abandon formulés à l’article 4, alinéa 2 : la réglementation communale en vigueur ou l’affectation du sol doit être modifiée pour permettre la création des LUP ; le bien-fonds ne permet pas un minimum de 4 LUP – à vous de décider si ce nombre est adéquat – et les conditions d’acquisition du bien-fonds ne permettent pas la viabilité suffisante d’un projet de LUP capable d’intéresser un maître d’ouvrage. Pour l'exercice du droit de préemption, les critères sont par conséquent définis dans ce décret. C'est bien à l'aune de ce décret que vous êtes aujourd'hui amenés à élargir, à restreindre ou à conserver la solution préconisée par le Conseil d'Etat, mais non à l'aune d'une politique du logement générale qui, par ailleurs, fait aujourd'hui l'objet d'une étude approfondie et qui ne se limite pas au droit de préemption de l'Etat, mais bel et bien à toute la question de la pénurie de logements sur le plan quantitatif et sur le plan qualitatif. 

Je comprends la volonté du député Marc-Olivier Buffat ; toutefois, cet amendement changerait la répartition des compétences canton-communes en matière de politique du logement sur un territoire donné. Pour cette raison, je vous invite à ne pas le suivre. 

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

L’amendement de la minorité de la commission est refusé par 102 voix contre 15 et 20 abstentions.

L’article 1 est accepté avec quelques avis contraires et abstentions.

Art. 2.–

M. Pierre Zwahlen (VER) — Rapporteur-trice de majorité

Sur ce point, la commission a souhaité doubler le montant maximum du fonds dévolu à l'Etat pour l'exercice de son droit de préemption en portant la somme à 40 millions de francs. L'amendement rectifié a la teneur suivante : 

« Art. 2.– Al. 1 : Le Conseil d'Etat est autorisé à ouvrir, dans la comptabilité de l'Etat, un compte spécial destiné à l'exercice du droit de préemption de l'Etat fondé sur les articles 35 et suivants LPPPL, exploité sous la forme d'un fonds dont le solde débiteur n'excède pas 2040 millions de francs. »

En effet, la reconstitution du fonds par la revente des biens-fonds n'est pas remise en cause, mais avec une limite à 20 millions, l'Etat se prive d'acquérir des objets qui excèdent ce montant. La mise d'entrée de l'Etat dans le jeu est ainsi trop basse. Les opérations foncières pour lesquelles le canton a déjà été consulté concernent des montants assez élevés. Nous en voulons pour preuve que la capitale du canton a présenté 3 lots pour un montant de 23 millions et demi et que la ville de Renens, pour sa part, visait à un moment donné 2 lots pour un montant total de 36,5 millions de francs. 

Il faut noter que l'exercice du droit de préemption n'autorise pas, pour une acquisition, une participation à plusieurs, c’est-à-dire que l'Etat doit être le seul acquéreur d'un bien-fonds. Cet amendement a été accepté en commission par 7 voix contre 6.

M. Philippe Miauton (PLR) — Rapporteur-trice de minorité

Pour être bref, la minorité considère que la somme initialement prévue par le Conseil d'Etat est suffisante – son rôle n'étant que subsidiaire – et qu'il n'a pas lieu de se substituer aux communes. Par conséquent, la minorité de la commission propose de revenir à la somme de 20 millions de francs. 

M. Hadrien Buclin (EP) —

Un progrès est à saluer dans la version émanant de la commission avec une augmentation du fonds de 20 à 40 millions. Il n'est pas rare que des opérations foncières dépassent largement ce montant. J'ai cité, dans le débat d'entrée en matière, l'exemple de la commune de Prilly, qui a récemment fait valoir son droit sur un terrain d'une valeur de 62 millions afin de le céder ensuite à la Société coopérative d'habitation de Lausanne pour y construire environ 200 logements à loyers abordables – une démarche que je salue au passage. N’en déplaise à certains adversaires du droit de préemption, rappelons que la commune de Prilly a récemment gagné devant le Tribunal cantonal et a donc été confortée dans sa décision. Toujours est-il qu'avec 40 millions, il n'aurait pas été possible au canton de réaliser une telle opération, c'est pourquoi je propose un nouvel amendement visant à augmenter la dotation du fonds à 65 millions. Cela reste, à mon avis, un montant modeste, deux fois plus faible que celui de 130 millions dont s'est dotée la commune de Lausanne. Pour nous conformer à l'effort consenti par la commune de Lausanne en respectant les proportions budgétaires, nous devrions avoir un fonds cantonal de 650 millions. Je suis néanmoins conscient des rapports de force dans ce Grand Conseil ; dès lors, je propose un montant plus modeste, mais qui permettrait finalement de ne pas passer à côté d'opérations qui pourraient être utiles aux locataires de ce canton dans le cas où une commune n'a pas la capacité financière, la surface ou la volonté d'actionner son droit de préemption. Conscient de la difficulté de la situation pour les locataires, qui a été largement reconnue dans le débat d'entrée en matière par beaucoup d'intervenants, j'espère que vous soutiendrez cette version un peu plus ambitieuse. 

« Art. 2.– Al. 1 : Le Conseil d'Etat est autorisé à ouvrir, dans la comptabilité de l'Etat, un compte spécial destiné à l'exercice du droit de préemption de l'Etat fondé sur les articles 35 et suivants LPPPL, exploité sous la forme d'un fonds dont le solde débiteur n'excède pas 2065 millions de francs. »

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Monsieur Buclin, je vous ai connu plus bravache, je m'attendais à un montant de l'ordre de 100 millions ! Vous parliez du budget de la commune de Lausanne…je me disais, on va crever le plafond ! Non. Soyons sérieux. J'ai de la peine à comprendre votre raisonnement sur le recours de la commune de Prilly, car la commune a certes gagné sur le principe, mais analyser cet arrêt prendrait des heures. Or, à deux égards il contredit ce que voulait faire la commune de Prilly en empruntant de l'argent à quelqu'un auquel elle voulait promettre le droit de préemption, mais qui a finalement rétropédalé. En outre, citons encore la problématique des conditions auxquelles on adjugeait le bien ainsi que le moment pour recourir ; en d’autres termes, c'est beaucoup plus complexe que ce que vous voulez bien nous dire. 

Mme la conseillère d'Etat m’a dit tout à l’heure : « Enfin, monsieur Buffat, vous ne voulez quand même pas donner des compétences exorbitantes au canton pour faire une politique de LUP qui entrave les communes ? » La gauche a suivi la position de Mme la conseillère d'Etat ; tant mieux ! Pourquoi avons-nous besoin de 40 millions pour faire, finalement, si peu de choses ? En rejetant l'amendement de la minorité, nous venons de voter un droit de préemption réduit. Par conséquent, réduisons aussi le montant, ou, en tous les cas, ne l'augmentons pas, car il y a une incohérence manifeste dans la proposition ; nous ne pouvons pas l’augmenter alors qu’on ne sait pas ce qu'on va en faire et que le paramètre d'intervention du canton est réduit. Ainsi, si vous voulez assurer une cohérence avec le vote de tout à l'heure, je vous invite à revenir à la version du Conseil d'Etat. 

Mme Graziella Schaller (V'L) —

Je vous invite également à soutenir la proposition de la commission pour un montant de 40 millions. Ce montant avait été le fruit d'un consensus en commission. Il est aisé de comprendre qu’il va s’agir de trouver des compromis et je pense que cela ne doit pas être remis en cause. Il s’agit vraiment d’un premier pas dans la direction d’une solution qui pourrait convenir à tous.

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

Je ne considère pas qu’un rapport de minorité et un rapport de majorité nous permettent de parler d’un consensus sur un montant de l'ordre de 20 millions de francs. C'est quand même beaucoup d'argent ! A titre personnel, je considère que ce droit de préemption doit en premier lieu être utilisé par les communes qui doivent maîtriser leur politique de logement. Ce rôle n’incombe pas à l'Etat. Je ne comprends pas la position de Mme Schaller et de son groupe par rapport à cela. Aujourd'hui, mettre à disposition un fonds de l'ordre de 20 millions de francs pour ensuite évaluer son utilisation, savoir s’il s’agit de l'augmenter ou de le diminuer, est pertinent. J’en profite pour rappeler qu’un autre fonds existe : le Fonds des acquisitions (FAIR) qui permet au Conseil d'Etat d'acheter très rapidement des objets stratégiques. Celui-ci, sauf erreur, porte sur un montant de l'ordre de 100 millions de francs. A mon sens, le gouvernement a suffisamment d’outils à disposition avec ces 20 millions, en sus du FAIR, pour travailler. 

M. Julien Eggenberger (SOC) —

J’aimerais simplement vous dire que le groupe socialiste soutiendra la proposition de la commission à 40 millions. 

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Président-e du Conseil d’Etat

La proposition de 20 millions est consensuelle, car proposée par l'ensemble du Conseil d'Etat. Je vous invite à suivre le Conseil d'Etat et à en demeurer à 20 millions au vu de la subsidiarité du droit par rapport aux communes.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

L’amendement de la majorité de la commission, opposé à l’amendement Hadrien Buclin, est préféré par 96 voix contre 30 et 3 abstentions. 

Lors du vote, 68 membres se prononcent en faveur de l'amendement de la majorité de la commission, 68 s'y opposent et 1 s'abstient.

L'amendement de la majorité de la commission est accepté, le président ayant tranché en sa faveur.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Je demande un vote nominal.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres. 

Celles et ceux qui soutiennent l’amendement de la majorité de la commission votent oui ; celles et ceux qui s'y opposent votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, l’amendement de la majorité de la commission est refusé par 69 voix contre 68 et 1 abstention. 

*Insérer vote nominal 

Le débat est interrompu.

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