24_MOT_8 - Motion Claire Attinger Doepper et consorts - inscrire les stratégies de détection et intervention précoce en santé mentale dans la loi, partout dans le canton.

Séance du Grand Conseil du mardi 26 novembre 2024, point 15 de l'ordre du jour

Texte déposé

La santé mentale des jeunes est une vraie préoccupation ces dernières années. Pas un jour sans que cette question ne fasse l’objet d’une information qui relaie les préoccupations des familles, des professionnel.le.s de la santé, des enseignant.e.s et des politiques.

Souvent lié à l’après COVID -une crise qui a bouleversé l’ensemble de la population mais plus particulièrement les jeunes-, le mal-être qui s’est fortement accentué n’est pas nouveau. Il a touché surtout les jeunes et il est devenu plus visible au travers de la presse, des médias et des réseaux sociaux.

A Lausanne, les institutions de psychiatrie publiques rattachées au CHUV sont reconnues comme centre de référence pour les soins et les mesures développées en faveur des jeunes. Implanté à Lausanne il y a vingt ans, le programme TIPP (Traitement et intervention précoce dans les troubles psychotiques) est intervenu auprès d’un millier de jeunes entre 18 et 35 ans, afin d’apporter le plus rapidement possible un diagnostic et des soins qui reposent le plus souvent sur un suivi ambulatoire mais également sur un programme spécialisé d’hospitalisation quand cela s’avère nécessaire. Portée par des case-managers infirmiers et assistants sociaux, l’offre de suivi s’étale sur trois ans. L’objectif du programme est d’atteindre les jeunes patients le plus précocement possible, car la durée entre les premiers symptômes et la première consultation a une importance capitale pour l’évolution. Un autre enjeu est de maintenir ces patients dans les soins, plus de 50% d’entre eux refusant rapidement les soins dans les systèmes standards ; le modèle du case- management permet de créer un lien durable entre un patient, un soignant -le case manager- et une équipe pluridisciplinaire, ce qui limite les ruptures dans le parcours de soins  (dont le taux est tombé à 6% à Lausanne) et les risques de rechutes.

L’apparition de troubles psychotiques chez un jeune peut se manifester de différentes manières. Repli sur soi, désintérêt pour les relations amicales, abus de substances, préoccupations sur l’image de soi, sentiments dépressifs, idées perçues comme bizarres par l’entourage, … Le risque de la banalisation de ces changements dans le fonctionnement de la personne est qu’elle induit une prolongation de cette période, parfois de plusieurs années, avec les impacts qui pourront devenir majeurs sur le cursus estudiantin ou professionnel, des ruptures avec l’entourage et un isolement qui deviendra de plus en plus difficile à rompre. L’importance d’informer le corps enseignant et les professionnels de la santé sur l’intervention précoce est donc majeure. On sait que la grande majorité des jeunes au bénéfice d’une mesure de l’assurance invalidité le sont en raison d’un trouble psychique, ce qui montre à quel point ces troubles peuvent avoir un caractère invalidant s’ils ne sont pas ou sont mal pris en charge.

Le programme lausannois a fait ses preuves. Il a montré qu’avec relativement peu de moyens, tant la détection que le traitement et le suivi permettent d’éviter pour la majorité des personnes prises en charge les mauvaises évolutions qui peuvent conduire vers des troubles qui se chronifient, avec leur impact sur la vie des personnes, de leur entourage et sur les coûts sociaux qui les accompagnent.

L’extension de l’offre, qui est maintenant bien implantée à Lausanne, à l’ensemble du Canton devrait être un objectif prioritaire. Il n’y a pas de justification pour que les jeunes et les familles des autres régions de Canton (bassin de population d’env. 500000 habitants) soient privés d’accéder à des soins qui ont fait leurs preuves. Les bénéfices sur le bien-être des personnes, de leur famille et de leur entourage sont indéniables. Et l’impact économique positif, en maintenant ces jeunes dans une perspective de développement personnel et professionnel positive sont évidents pour la personne elle-même, ses proches et l’ensemble de la société.

 A la lumière de ce qui précède, j’ai l’honneur de demander au CE de présenter un projet de loi prévoyant le droit à l’accès au programme TIPP dans l’ensemble du canton, et l’encouragement à la détection précoce. Cette base légale doit prévoir le développement d’une offre de soins pour les jeunes – détection et prise en charge- accessible sur l’ensemble du canton.

 

 

Janvier 2024                                                                         

 

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Céline MisiegoEP
Laure JatonSOC
Muriel ThalmannSOC
Vincent JaquesSOC
Yves PaccaudSOC
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Arnaud BouveratSOC
Géraldine DubuisVER
Julien EggenbergerSOC
Valérie ZoncaVER
Alexandre DémétriadèsSOC
Nathalie JaccardVER
Pierre ZwahlenVER
Sandra PasquierSOC
Sébastien KesslerSOC
Isabelle FreymondIND
Laurent BalsigerSOC
Olivier GfellerSOC
Felix StürnerVER
Nathalie VezVER
Hadrien BuclinEP
Cédric EchenardSOC
Cédric RotenSOC
Eliane DesarzensSOC
Claude Nicole GrinVER
Sébastien CalaSOC
Oriane SarrasinSOC
Joëlle MinacciEP
Marc VuilleumierEP
Patricia Spack IsenrichSOC
Pierre DessemontetSOC
Monique RyfSOC
Yannick MauryVER
Cendrine CachemailleSOC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Gérard Mojon (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

La majorité de la commission de santé publique recommande au Grand Conseil de ne pas prendre en considération la motion Attinger Doepper. La motionnaire constate que la santé mentale de la population se péjore, particulièrement chez les jeunes, et que la détection précoce constitue l'un des éléments essentiels dans le processus de traitement de guérison des maladies psychotiques. Dans son texte, elle demande au Conseil d'Etat de présenter un projet de loi prévoyant le droit à l'accès au programme de traitement et intervention précoces dans les troubles psychotiques, communément appelé programme TIPP, dans l'ensemble du canton, et l'encouragement à la détection précoce. 

La cheffe du Département de la santé et de l’action sociale (DSAS) a d'emblée précisé à la commission que, contrairement à ce que semble croire la motionnaire, le programme TIPP est déployé depuis de nombreuses années dans l'ensemble du canton, essentiellement sous l'égide du CHUV et de la fondation Nant, pour ce qui est de la région Est de notre canton. Ce programme vise à créer les conditions d'un rétablissement, ainsi que de favoriser l'insertion, voire la réinsertion sociale et scolaire, pour les plus jeunes, ou professionnelles, pour les jeunes adultes. Il vise à construire un partenariat avec le patient, qui doit être volontaire et partie prenante dans la démarche thérapeutique. La conseillère d'Etat a clairement rappelé que les articles 28 et 29 de la Loi sur la santé publique (LSP) précisent le champ d'intervention de l'Etat, et que la santé mentale y figure de manière explicite et permettent le subventionnement des programmes de prévention au sens large. C'est sur la base de ces dispositions que sont déployés, par exemple, les programmes de dépistage des cancers du sein et du côlon, ainsi que celui du programme TIPP. 

Détailler plus encore un type d'intervention de l'Etat dans un domaine bien spécifique interroge sur le sort réservé aux autres interventions, qui pourraient ainsi être potentiellement exclus. En ce sens, il apparaît préférable, toujours selon la conseillère d'Etat, d'en rester à une approche plus globale. La détection précoce concerne aussi le diabète, l'hypertension, les maladies cardiovasculaires, l'asthme et j'en passe, toute une série de pathologies qui ne sont pas ancrées dans la loi et qui méritent tout autant l'action de l'Etat.

Pour les commissaires favorables à la motion, dont les arguments seront développés par la rapporteuse de minorité, un ancrage légal est nécessaire pour mettre en place les structures adéquates et garantir les financements y relatifs. Bien que l'importance de l'intervention précoce en santé mentale soit unanimement reconnue par les commissaires constituant la majorité de la commission, ceux-ci ont pris acte du fait que le programme TIPP, dont l'excellence est d'ailleurs saluée, est actuellement déjà déployé sur l'ensemble du territoire cantonal. Ainsi, inscrire un programme spécifique dans la loi n'atteindrait pas le but visé et serait même susceptible de poser problème en cas d'évolution du programme, voire risquerait de prétériter d'autres programmes. 

En l'occurrence, le caractère général des dispositions légales actuelles s'avère un atout. Comme l'a également confirmé le médecin cantonal, les dispositions légales actuelles n'en ont rien freiné la détection précoce et le traitement des troubles psychotiques chez les jeunes. Elles ont suffi, entre autres, au développement du programme TIPP. Interrogée sur une potentielle transformation en postulat, la motionnaire a maintenu la motion dans sa forme. En conclusion, considérant que les outils législatifs actuels ont démontré leur efficacité et sont assez généraux pour ne pas être limitatifs, la majorité de la commission, par 8 voix contre 6 et 0 abstention, recommande au Grand Conseil de ne pas prendre en considération cette motion. 

Mme Sylvie Podio (VER) — Rapporteur-trice de minorité

La minorité estime que, face à l'évolution inquiétante des troubles de santé mentale chez les jeunes, il est essentiel de renforcer la détection précoce et la prévention en santé mentale sur l'ensemble du territoire. Pour rappel, les chiffres de l'Office fédéral de la statistique (OFS) montrent que les troubles mentaux constituent en Suisse la première cause d'hospitalisation des personnes âgées de 10 à 24 ans, ce devant les blessures. Dans le domaine ambulatoire comme stationnaire, parmi la population en général, ce sont les jeunes femmes de 15 à 19 ans qui ont le plus sollicité de soins en psychiatrie en 2021. Cette situation pour le moins alarmante implique la nécessité d'élargir le programme de détection et d'intervention précoce afin de s'approcher davantage des potentielles personnes bénéficiaires. Il s'avère en effet plus difficile pour les personnes aux périphéries de se rendre au centre, d'où le risque d'une prise en charge retardée. 

Le programme mis en place au CHUV a fait ses preuves en permettant aux jeunes concernés de rester insérés dans la société. Il s'avère donc essentiel d'assurer un élargissement de l'accès aux prestations proposées. La minorité estime que les craintes de perte de compétences acquises à la suite d'un élargissement du programme type sont infondées, les compétences accumulées devant servir à former du personnel supplémentaire. La minorité constate que personne ne conteste l'importance de la détection précoce et de la prévention en santé mentale comme outils pour éviter des parcours de vie détériorés. Par conséquent, ces dispositifs existants ou à venir doivent se déployer au-delà des centres urbains afin d'être accessibles au plus grand nombre. Elle estime donc qu'un ancrage légal est indispensable pour mettre en place des structures adéquates et garantir les financements nécessaires à leur fonctionnement. 

Consciente de l'importance de pouvoir adapter les dispositifs en fonction des connaissances et des évolutions en matière de santé mentale, de prévention et de besoins de la société, la minorité considère que le droit à l'accès à un programme de détection et d'intervention précoce en santé mentale peut être inscrit dans la loi, sans pour autant mentionner la référence spécifique au programme type. Par conséquent, la minorité recommande au Grand Conseil de prendre en considération cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est ouverte. 

M. Blaise Vionnet (V'L) —

Je tiens à saluer le souhait de la motionnaire de vouloir œuvrer pour la santé psychique de notre jeunesse, particulièrement touchée par la crise du Covid et les situations complexes auxquels nous faisons face aujourd’hui, qu’ils soient climatiques ou géopolitiques. Toutefois, le titre de cette motion peut prêter à confusion, car, bien qu’il évoque une stratégie de détection et d’intervention précoce en santé mentale de manière générale, l’ensemble du développement de la motion porte essentiellement sur le programme TIPP, qui s'adresse spécifiquement aux troubles psychotiques. La qualité et l'efficacité du programme TIPP n’étant plus à démontrer, nous ne pouvons que nous féliciter de bénéficier d'une telle structure dans le canton. 

Toutefois, vouloir déployer ce programme TIPP dans l’ensemble du canton entraînerait des conséquences financières assez lourdes. En reprenant les chiffres avancés par la motionnaire, avec 1000 jeunes inclus sur 20 ans, cela représente environ 50 jeunes par an, dont la moitié est prise en charge dans la région Centre. Cela impliquerait la mise en place d’un programme avec des équipes composées de médecins, d’infirmières et d’assistantes sociales, soit entre 5 et 6 personnes par région, ce qui semble lourd d’un point de vue économique, d’autant plus que certains jeunes abandonnent ces programmes en cours de route. Il me paraît donc plus pertinent de mettre l'accent sur la prévention, en développant la détection précoce auprès des médecins de premier recours et des infirmières scolaires, tout en maintenant une centralisation du programme TIPP qui, comme il a été souligné, couvre déjà l’ensemble du territoire. Ainsi, je vous encourage à suivre le rapport de majorité et à ne pas prendre en considération cette motion.

Mme Claire Attinger Doepper (SOC) —

Cette motion demande que le droit d'accès à un programme de détection précoce en santé mentale soit inscrit dans la loi, ce qui est parfaitement légitime. L'objectif est qu'une offre de soins pour les jeunes, incluant la détection et la prise en charge, devienne une réalité sur l'ensemble du canton. Nous le savons, l'augmentation significative des troubles de santé mentale chez les jeunes est devenue une préoccupation centrale ; tout le monde s'accorde là-dessus. Il y a une véritable prise de conscience de l'urgence de mettre en place des stratégies de détection et d'intervention précoces, comme en témoignent les nombreux acteurs et professionnels de santé qui l'expriment haut et fort. Je citerai à ce sujet la nouvelle étude de l'UNICEF qui présente des résultats alarmants : un tiers des jeunes de 14 à 19 ans en Suisse et au Liechtenstein souffrent de troubles psychiques, et un jeune sur 11 a tenté de se suicider. Pour renforcer durablement la santé mentale des jeunes, il est d'abord nécessaire d'investir dans la sensibilisation et la prévention. C'est également la position de l'Office fédéral de santé publique (OFSP), qui reconnaît que la santé psychique et physique des enfants et des adolescents joue un rôle déterminant tout au long de leur vie.

Récemment, l'enquête de l'initiative des villes, publiée dans 24heures, le 11 novembre, révèle qu'un groupe croissant d'individus, depuis cinq ans, devient de plus en plus dépendant de la société et souffre de troubles psychiques. On y apprend que la moitié des bénéficiaires d'aide sociale en Suisse sont concernés. Cela souligne l'ampleur de ce phénomène, qui ne peut être ignoré. Si nous ne nous y attaquons pas, en mettant en place des dispositifs de détection précoce et des soins adaptés, nous risquons à terme de mettre en péril l’intégration socio-professionnelle de ces jeunes. Notre canton s'engage également sur cette voie. Pour l'édition 2024 de la santé mentale, le département a choisi de mettre en lumière la question du stress. Ainsi, il est désormais bien établi que les problèmes de santé mentale ont des conséquences profondes dans tous les aspects du quotidien : ils affectent le parcours scolaire, les relations familiales, les contacts avec les pairs et la recherche de son propre chemin de vie. Parallèlement, l'enfance et l'adolescence constituent des périodes privilégiées pour la mise en place de mesures de prévention et de promotion de la santé, car les habitudes et comportements développés à ces stades de vie ont souvent des effets durables. Cependant, aujourd'hui, alors que le programme de psychiatrie du secteur Centre continue de bien fonctionner et présente des résultats positifs, les secteurs Ouest et Nord ont décidé d'abandonner l'intervention précoce, leurs ressources étant insuffisantes pour faire face à la demande croissante et à leurs autres tâches.

Par ailleurs, j'aimerais ajouter quelques éléments complémentaires à ce qui a été évoqué en commission. Selon les professionnels concernés, il n'est pas nécessaire de déployer une machinerie lourde pour mettre en place ces programmes. Les contours de ces derniers, ainsi que leur composition et les formations spécifiques requises, sont bien connus et accessibles. Il ne s'agit pas non plus de multiplier les antennes sur tout le territoire. Quatre centres pour un canton de 800’000 habitants ne paraissent ni disproportionnés ni excessivement coûteux. Au contraire, ils permettraient d'assurer une égalité d'accès aux soins pour l'ensemble des jeunes de notre canton et offriraient des économies à long terme pour ceux qui risquent de ne pas réussir à reprendre leur vie en main et à devenir financièrement autonomes. Une politique solidaire et ambitieuse, qui se rapproche des besoins réels de la population, voilà les raisons qui nous motivent à nous engager en politique.

Dans le domaine de la santé, pouvoir consulter lorsqu’on traverse des difficultés, pouvoir exprimer ses angoisses et ses traumatismes, et compter sur des services et des professionnels compétents et disponibles, reste primordial. Les manques dans ce domaine entraînent des inégalités inacceptables, des retards de diagnostic, et une détresse prolongée pour les malades et leurs proches. En fin de compte, cela génère des coûts sociaux bien plus élevés que ceux liés à la santé, voire qui se cumulent avec eux. Inscrire dans la loi les programmes de détection précoce, c'est s'appuyer sur les recherches actuelles et les résultats qui en prouvent l'efficacité. Plutôt que de recourir à des méthodes dépassées, en laissant ces jeunes souffrir dans l'isolement sans soins adaptés, pour attendre qu'un jour leurs comportements violents les conduisent à l'hôpital sous escorte policière, c'est comme continuer à implanter des prothèses de hanches vieilles de 10 ans, alors que nous avons aujourd'hui de nouvelles solutions beaucoup plus efficaces. La détection et la prise en charge précoce sont des enjeux majeurs et reconnus.

Ce texte demande d'offrir un accès à des soins adaptés, notamment pour les jeunes, l'avenir de notre société. Sur le plan émotionnel, car on ne peut pas prendre de bonnes décisions sans consulter ses émotions, comme dirait Descartes, j'aurais tendance à dire : « Ne laissons pas certains parents démunis et seuls observer la santé de leurs jeunes se détériorer à domicile ». Sur le plan politique, au XXIe siècle, avec les connaissances scientifiques et les résultats tous favorables au développement de programmes de détection précoce, c'est montrer notre compréhension des enjeux actuels, une réelle ambition envers les besoins de nos jeunes et les moyens adaptés pour les soutenir. On ne peut pas, d'un côté, admettre et dire « Oui, l'augmentation de la souffrance des jeunes est en constante évolution, oui, ils doivent pouvoir compter sur une aide et un soutien adapté », tout en ne soutenant pas ce texte.

J'espère vous avoir convaincus, et je vous encourage à prendre partiellement cette motion en considération. Je rappelle qu'elle demande simplement que soit inscrit dans la loi le droit à l'accès à un programme de détection et d'intervention précoce en santé mentale, sans faire référence à un programme spécifique. Sur ce point, je rejoins la majorité des commissaires.

Mme Josephine Byrne Garelli (PLR) —

Lors de la séance de la commission, la cheffe du département a rappelé que le département de psychiatrie du CHUV déploie le programme TIPP sur tout le territoire couvert par son action, soit l'ensemble du canton, à l'exception de la région Est, où la fondation Nant est chargée du déploiement du programme. En commission, la conseillère d'Etat a également rappelé que les articles 28 et 29 de la LSP précisent le champ d'intervention de l'Etat en matière de prévention. La santé mentale y figure de manière explicite et l'article 29 LSP détaille le rôle de l'Etat et spécifie notamment que l'Etat peut subventionner des programmes de prévention au sens large. Détailler plus encore un type d'intervention de l'Etat dans un domaine bien spécifique interroge sur le sort réservé aux autres interventions qui pourraient ainsi être potentiellement exclues. 

En ce sens, il apparaît préférable de privilégier une approche plus globale, car la détection précoce concerne aussi le diabète, l'hypertension, les maladies cardiovasculaires, l'asthme, etc., toute une série de pathologies qui ne sont pas ancrées dans la loi et qui méritent tout autant une action de l'Etat. Les membres de la commission qui s'opposent à la motion avancent les arguments suivants. Le programme TIPP, dont l'excellence est saluée, n'est pas réservé à la seule région lausannoise. En outre, les bases légales existantes assurent un accès ouvert à tous les programmes de détection et d'intervention en place. Inscrire un programme spécifique dans la loi n'atteindrait pas forcément le but visé et serait même susceptible de poser problème en cas d'évolution du programme, voire risquerait de prétériter d'autres programmes. Enfin, développer davantage le programme TIPP dans les autres régions impliquerait la mise en place d'une machinerie lourde et risquerait de conduire à une dilution des compétences pour ne détecter et traiter finalement que peu de nouveaux cas, estimés à 140 à 200 an. La majorité de la commission vous recommande de ne pas prendre en considération cette motion et le groupe PLR vous invite à faire de même.

M. Oscar Cherbuin (V'L) —

Je n'avais pas prévu de prendre la parole aujourd'hui sur ce sujet, mais je souhaite finalement apporter un élément supplémentaire à la discussion. Tout d'abord, je tiens à préciser mes intérêts : je travaille à Saint-Loup dans le cadre d'un programme orienté vers la santé mentale intégrative. Je voudrais souligner que l'assurance invalidité (AI) prend en charge 50 % de cas liés à des maladies relevant de la santé mentale intégrative. Cela reflète l'importance de cette problématique, qui réduit la capacité des travailleurs et travailleuses de notre canton à exercer leurs activités, avec des répercussions importantes sur l'économie et sur la société. C'est aussi une question qui touche les familles. Il s'agit de personnes en souffrance, confrontées à des situations particulières, ce qui fait de ce sujet une problématique de la plus haute importance. Je pense que cela doit nous interpeller, en particulier concernant ces 50 % de cas traités par l'AI pour des questions de santé mentale. Je l'ai encore vérifié la semaine dernière en traitant un tel dossier. Il est essentiel de trouver des solutions, et je vous invite donc à soutenir cette motion.

Mme Claire Attinger Doepper (SOC) —

Je voulais simplement répondre à Mme Byrne Garelli. Encore une fois, le programme qui figurait dans ma motion initiale, à savoir le programme TIPP, ne fait plus partie de la conclusion aujourd'hui soumise au plénum. Ce que je demande, c'est uniquement que soit inscrit dans la loi le droit d'accès à un programme de détection et d'intervention précoce en santé mentale. Peu importe le programme en question ou la manière dont il sera développé, l'essentiel est que la notion de détection et d'intervention précoce en santé mentale soit précisée dans la loi. L'objectif est, bien sûr, d'améliorer la qualité de vie et la santé de la population, en particulier celle des jeunes et, si nécessaire, de permettre le déploiement de moyens supplémentaires pour que des mesures adaptées, profitant à cette population fragilisée, soient accessibles partout dans tout le canton. Je vous remercie de soutenir cette motion partiellement, telle qu'elle vous est présentée aujourd'hui.

Mme Géraldine Dubuis (VER) —

Comme cela a été souligné, et je me permets de le répéter en m'appuyant sur quelques statistiques, la santé mentale des jeunes dans notre pays est en grande détresse. En 2021, l’OFS a révélé que 17 % des 10-24 ans, soit une augmentation de 17 %, ont été hospitalisés en raison de problèmes psychologiques. Le suicide est désormais la deuxième cause de décès chez les jeunes de 15 à 24 ans, après les décès accidentels. Les filles et les jeunes femmes sont particulièrement touchées : en 2021, on a constaté une hausse sans précédent de 26 % des hospitalisations pour troubles psychiques par rapport à 2020, une hausse sans précédent. Les services d'aide et de soutien, pédopsychiatres, psychiatres, psychologues sont déjà surchargés dans notre canton. Il est donc nécessaire de soutenir et d'encourager toute démarche politique visant une détection précoce des troubles pour permettre à ces jeunes de traverser leurs difficultés de manière moins pénible. C’est pourquoi les Verts vous appellent à soutenir cette motion ainsi que toute initiative politique en faveur de l'amélioration des conditions de vie de ces personnes vulnérables dans leur santé mentale.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est close. 

Le Grand Conseil refuse la prise en considération de la motion par 66 voix contre 55 et 2 abstentions. 

M. Alberto Mocchi (VER) —

Je demande un vote nominal.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui soutiennent la majorité de la commission, soit le classement de la motion, votent oui ; celles et qui ceux qui s’y opposent votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, le Grand Conseil refuse la prise en considération de la motion par 78 voix contre 64. 

* insérer vote nominal

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