24_INT_96 - Interpellation Hadrien Buclin et consorts - Pollution aux dioxines : le Canton doit reconnaître ses responsabilités et agir (Développement).

Séance du Grand Conseil du mardi 28 mai 2024, point 4 de l'ordre du jour

Texte déposé

Il y a trois ans, était révélée une pollution aux dioxines de grande ampleur, en particulier sur le territoire lausannois, impliquant des taux de contamination très élevés dans les sols en comparaison avec d’autres pollutions de ce type en Suisse et à l’étranger. Rappelons que l’ingestion de dioxines, même en très faibles quantités, peut entraîner des problèmes de santé : baisse de la fertilité, malformations congénitales, augmentation du risque de cancer, entre autres[1]. Le risque concerne en particulier les jeunes enfants en raison de l’ingestion de terre durant les jeux sur des terres polluées. Ainsi, Unisanté recommande de limiter pour les jeunes enfants la fréquentation des zones contaminées à trois fois par semaine, sur la base d’une estimation suivant laquelle les enfants en bas âge, jusqu’à 6 ans, ingèrent involontairement, chaque jour, 80 milligrammes de terre en moyenne, en portant leurs mains à la bouche[2]. Les risques pour la santé augmentent donc à partir de l’ingestion de très faibles quantités de terre et non de grandes poignées, comme l’ont parfois prétendu à tort les autorités…

Le 16 janvier 2024, le Canton et la Ville de Lausanne ont communiqué sur leur action depuis la découverte de cette pollution. On y apprend notamment que les autorités sont en attente d’une nouvelle étude d’Unisanté visant à évaluer le risque sanitaire, poursuivent des essais pilotes en matière de dépollution des terres et mettent en place des panneaux d’information aux abords des espaces fréquentés par les enfants. En revanche, les autorités n’ont guère informé de manière précise sur le bilan des assainissements réalisés à ce jour, ni sur un plan concret des futurs assainissements de zones très fréquentées par les enfants (places de jeux, pelouses ou jardins collectifs aux abords des immeubles ou des garderies, abords du lac de Sauvabelin, etc.) L’attitude des autorités dans ce dossier peut donc être qualifiée d’attentiste et de peu transparente. Celle-ci est incomprise par une partie des habitant·es vivant dans des zones très polluées, qui déplorent l’inaction des responsables politiques et l’absence de plan de dépollution concret[3]. La passivité du Conseil d’État est aussi à interroger eu égard à l’Ordonnance sur les atteintes portées au sol qui lui attribue de claires responsabilités dans ce dossier.

Sur le plan de l’information à la population également, la diffusion des messages de prévention (éviter de fréquenter les parcs les plus pollués plus de trois fois par semaine avec de jeunes enfants, leur laver les mains après les jeux, etc.) peut être qualifiée de faible : par exemple, un discret panneau d’information au parc Milan de Lausanne – dont les terres recèlent des taux de contamination pourtant élevés – n’a été posé que récemment, plus de trois ans après la découverte de la pollution… Le plantage de la Borde également à Lausanne n’a apparemment pas fait l’objet d’un assainissement, malgré des taux de pollution très élevés. De plus, il n’est pas certain que l’information ait bien passé auprès de public avec une faible maîtrise du français, pourtant bien présent dans les zones les plus polluées comme le quartier de la Borde ; un effort supplémentaire d’information à l’intention des publics allophones paraîtrait donc souhaitable.

Par cette interpellation, nous souhaitons appeler le Conseil d’État à accélérer l’effort d’assainissement des sols fréquentés par des enfants, en coordination avec la Municipalité de Lausanne et les autres autorités concernées, ainsi qu’à renforcer la communication publique dans une optique de prévention. De plus, il s’agit pour le Canton de reconnaître plus clairement sa responsabilité dans cette pollution. Le Canton ne saurait en effet se défausser sur la Ville de Lausanne, car il est responsable de la santé publique de la population et chargé de prendre des mesures en cas de pollution selon l’Ordonnance citée ci-dessus. De plus, la responsabilité du Canton est engagée eu égard au très lourd déficit de surveillance dont il a fait preuve jusqu’en 2005 face à la pollution générée par l’incinérateur du Vallon, ainsi que l’a récemment documenté une étude historique[4]. Eu égard à cette responsabilité historique, il nous paraît que l’État cantonal devrait également assumer une partie des coûts d’assainissement des parcelles publiques ou appartenant à des entités parapubliques comme les garderies. À ce sujet, on relèvera encore que l’ancienne conseillère d’État B. Métraux a promis au Grand Conseil une communication sur les responsabilités juridiques dans ce dossier pour le premier semestre 2023[5]. À notre connaissance, une telle communication n’a pas été publiée…

 

Dans cette optique, nous adressons les questions suivantes au Conseil d’État :

 

  1. Le Conseil d’État peut-il détailler l’ensemble des espaces publics qui ont été assainis suite à la découverte des dioxines il y a trois ans en précisant la nature des travaux qui ont été effectués ?
  2. En attendant l’assainissement des zones polluées non-encore assainies mais très fréquentées par les enfants, le Conseil d’État et les services cantonaux concernés s’assurent-ils que d’autres mesures sont prises (p. ex. recouvrement de la terre polluée par du sable ou des copeaux voire fermeture de certains espaces) ?
  3. Le Conseil d’État peut-il communiquer son plan concret d’assainissement des zones très fréquentées par les enfants (parcs publics, espaces collectifs extérieurs des immeubles et des garderies, abords du lac de Sauvabelin, plantages urbains, etc.) qui n’ont pas encore été assainies ?
  4. Comment le Conseil d’État s’assure-t-il que les propriétaires privés (espaces extérieurs communs des immeubles fréquentés par des enfants, etc.) informent les usager-e-s des mesures de prévention à respecter et incite/oblige les propriétaires à mettre en œuvre des aménagements pour limiter les risques ?
  5. Le Conseil d’État a-t-il procédé à une évaluation de la campagne d’information concernant les précautions à prendre pour limiter l’ingestion des dioxines afin de s’assurer que celle-ci ait atteint une partie substantielle de la population ?
  6. Pourquoi le Conseil d’État n’a-t-il pas communiqué, comme promis en 2022, quant à l’examen des responsabilités juridiques dans ce dossier ?
  7. Le Conseil d’État peut-il informer de la clé de répartition du financement des dépollutions (communes, canton, Confédération) s’agissant respectivement des parcelles publiques ou encore des espaces occupés par des entités parapubliques comme les garderies ?

 

[1] Voir par exemple les informations du Centre de lutte contre le cancer Léon Bérard de Lyon, disponible sur internet : https://www.cancer-environnement.fr/fiches/expositions-environnementales/dioxines/.

[2] Unisanté 2021, Raisons de santé 325, pp. 24-25 ; https://serval.unil.ch/resource/serval:BIB_AE432E795D26.P002/REF.

[3] RTS, L’absence de plan d’assainissement irrite dans les quartiers lausannois pollués aux dioxines, 29 mars 2024 ; https://www.rts.ch/info/regions/vaud/2024/article/l-absence-de-plan-d-assainissement-irrite-dans-les-quartiers-lausannois-pollues-aux-dioxines-28453035.html.

[4] Fabien Moll-François et al., « La plus vieille usine du monde ». Socio-histoire de l’incinérateur du Vallon (1958-2005), EPFL/UNIL/Unisanté, 2024, en ligne : https://infoscience.epfl.ch/record/309998?ln=fr&v=pdf.

[5] Séance du Grand Conseil du mardi 29 mars 2022, point 10 de l’ordre du jour ; https://www.vd.ch/gc/seances-du-grand-conseil/point-seance/id/51053c49-da6c-46f1-87ac-53f495daf8e5/meeting/1004433

Conclusion

Souhaite développer

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Céline MisiegoEP
Sylvie PodioVER
Martine GerberVER
Graziella SchallerV'L
Laure JatonSOC
Guy GaudardPLR
Vincent KellerEP
Joëlle MinacciEP
Claude Nicole GrinVER
Claire Attinger DoepperSOC
Jean-Louis RadiceV'L
Felix StürnerVER
Cédric EchenardSOC
Nathalie JaccardVER
Marc VuilleumierEP
Elodie LopezEP
Yves PaccaudSOC
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Vincent BonvinVER
Muriel ThalmannSOC
Sabine Glauser KrugVER
Alexandre RydloSOC
Valérie ZoncaVER

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Hadrien Buclin (EP) —

Il y a trois ans, une pollution aux dioxines de grande ampleur a été révélée, en particulier sur le territoire lausannois. Elle implique des taux de contamination très élevés, dans les sols, en comparaison avec d’autres pollutions de ce type en Suisse et à l’étranger. Rappelons que l’ingestion de dioxine, même en très faibles quantités, peut entraîner des problèmes de santé comme de fertilité ou une augmentation du risque de cancer. Le risque sanitaire concerne en particulier les jeunes enfants en raison de l’ingestion de terre dans des places de jeux installées sur des terres polluées. Ainsi, pour les jeunes enfants, Unisanté recommande de limiter la fréquentation des zones contaminées à trois fois par semaine, en effet les risques pour la santé augmentent à partir de l’ingestion de très faibles quantités de terre, et non de grandes poignées, comme les autorités l’ont parfois prétendu à tort.

Le 16 janvier dernier, le canton et la Ville de Lausanne ont communiqué sur leurs actions depuis la découverte de cette pollution. On y apprend notamment que les autorités poursuivent des essais pilotes en matière de dépollution des terres et mettent en place des panneaux d’information aux abords des espaces fréquentés par les enfants. En revanche, les autorités n’ont guère informé de façon précise sur le bilan des assainissements réalisés à ce jour ni sur un plan concret des futurs assainissements de zones très fréquentées par les enfants, telles que les places de jeux, les pelouses et jardins collectifs aux abords des immeubles ou des garderies, ou encore les abords du lac de Sauvabelin. L’attitude des autorités, dans ce dossier, peut donc être qualifiée d’attentiste et de peu transparente.

Cette attitude est incomprise par une partie des habitants vivants dans les zones très polluées – par exemple des quartiers du Vallon et de la Bord, à Lausanne – qui déplorent l’inaction et l’absence de plan de dépollution concret. Sur le plan de l’information également, la diffusion des messages de prévention peut être qualifiée de faible. Par exemple, au parc de Milan, à Lausanne, dont les terres recèlent des taux de contamination pourtant élevés, un discret panneau d’information n’a été posé que récemment, plus de trois ans après la découverte de la pollution !

Par cette interpellation cosignée par des membres des groupes socialiste, Vert, vert’libéral et PLR, nous souhaitons appeler le Conseil d’Etat à accélérer l’effort d’assainissement des sols fréquentés par les enfants, ainsi qu’à renforcer la communication publique dans une optique de prévention. De plus, il s’agit pour le canton de reconnaître plus clairement sa responsabilité dans cette pollution. En effet, le canton ne saurait se défausser sur la Ville de Lausanne, car il est responsable de la santé publique. En outre, jusqu’en 2005 – date de fin de fonctionnement de l’incinérateur du Vallon – il a fait preuve d’un déficit de surveillance qui a récemment été documenté par une étude historique.

En conclusion, compte tenu des nombreuses interrogations qui se posent à propos de cette pollution, j’espère que le Conseil d’Etat répondra dans le délai légal de trois mois à cette interpellation. J’insiste sur ce délai légal, car je constate malheureusement la tendance de plus en plus manifeste du Conseil d’Etat à ne pas respecter ces délais, ce qui pose un problème dans le fonctionnement démocratique de ce Parlement et des autorités, de manière plus générale.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

L’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :