21_INT_88 - Interpellation Florence Bettschart-Narbel et consorts au nom Groupe PLR - Orthographe rectifiée: une simplification démocratique? (Développement).

Séance du Grand Conseil du mardi 29 juin 2021, point 22 de l'ordre du jour

Texte déposé

La conférence intercantonale de l’instruction publique de Suisse romande et du Tessin (CIIP) a annoncé le 9 juin 2021 une « étape clef dans l’adaptation de l’orthographe à l’état actuel de la langue ». Elle entend ainsi que l’orthographe rectifiée devienne la référence pour l’enseignement du français dans les cantons romands. La volonté exprimée est celle d’une simplification, qui apparaîtra dans les manuels scolaires dès la rentrée 2023.

 

Les nouveaux manuels de français intégreront alors, en plus de l’orthographe rectifiée, une sensibilisation au langage épicène. Le corps enseignant sera invité à porter une attention particulière aux nouveaux éléments de langage visant à exprimer l’égalité entre les genres. Si l’égalité entre les genres constitue un objectif incontestable, l’intention exprimée par la CIIP ouvre une porte sur une infinité de « sensibilisations » parfaitement dépendantes de modes et de visées politiques.

 

Il n’appartient en effet pas à l’Etat de définir le savoir, mais de le transmettre, respectivement le promouvoir. Comme le dit la loi jurassienne relative à l’usage de la langue française, l’Etat "assure un enseignement qui permet la maîtrise et suscite l'amour de la langue française." Pas plus notre Constitution que celle des autres cantons romands ne confie à l’Etat la mission de définir le contenu d’une des langues nationales ou d’en modifier les règles.

 

La décision de la CIIP s’appuie sur la réforme de l’orthographe de 1990. Or, cette dernière, après avoir suscité nombre de débats et de prises de positions les plus diverses, a été tolérée par l’Académie française. C’est ainsi qu’un ensemble de rectifications orthographiques proposées par le Conseil supérieur de la langue française a été approuvé par l’Académie française et publié en décembre 1990 dans les « Documents administratifs » du Journal officiel. Ces rectifications avaient pour but de résoudre les problèmes graphiques importants, d’éliminer les incertitudes ou les incohérences et de permettre la formation correcte des mots nouveaux qu’appelle le développement des sciences et des techniques.

 

Va-t-on demain « simplifier » la musique et renoncer à Mozart, parce qu’il y aurait « trop de notes » dans ses œuvres ? Devra-t-on retirer Corneille des programmes scolaires pour cause de trop grande complexité, ou encore abréger Dostoïevski ou Shakespeare ?

 

Si on accepte aujourd’hui que l’Etat se donne comme mission d’accélérer et imposer un usage controversé, demain on devra tolérer qu’il fasse « évoluer » les sciences, voire l’histoire.

Sur un plan plus politique, ce projet s’inscrit dans l’air du temps, qui de la réécriture de l’histoire à la suppression des accents circonflexes, entend imposer des comportements et des attitudes qui ignorent le poids et la richesse de la vie, présente et passée, et font l’éloge de la simplicité, au détriment de la complexité et la nuance.  

 
Nous nous étonnons du rôle joué par la ClIP : n’est-elle pas tenue de discuter d’une telle imposition avec les parlements cantonaux ? Cette « simplification » de la langue française décidée unilatéralement est inacceptable tant sur le fond que sur la forme. Il n’est pas admissible de voir une entité échappant à tout contrôle démocratique définir les règles de la langue française. 

Si nous acceptons qu’aujourd’hui l’Etat se mêle de « rectifier » la langue française, demain nous devrons tolérer qu’il réécrive l’histoire ou qu’il définisse les règles de la physique. 

En vertu de ce qui précède, nous avons l’honneur de poser au Conseil d’Etat les questions suivantes :

 

  • Le Conseil d’Etat in extenso a-t-il été consulté par la CIIP avant l’annonce du 9 juin ?

 

  • Pourquoi les parlements cantonaux romands n’ont-ils pas été consultés par la CIIP ?

 

  • Est-ce que les enseignants devront être formés et comment ?

 

  • Est-ce que les coûts d’une telle réforme ont été chiffrés ?

Conclusion

Souhaite développer

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Gérard MojonPLR
Marc-Olivier BuffatPLR
Bernard NicodPLR
François CardinauxPLR
Aurélien ClercPLR
Florence GrossPLR
Olivier PetermannPLR
Sergei AschwandenPLR
Pierre-François MottierPLR
Philippe VuilleminPLR
Carole DuboisPLR
Anne-Lise RimePLR
Daniel MeienbergerPLR
Jean-François CachinPLR
Nicolas SuterPLR
Catherine LabouchèrePLR
Guy GaudardPLR
Chantal Weidmann YennyPLR
Christine ChevalleyPLR

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Florence Bettschart-Narbel (PLR) —

J’ai déposé, au nom du groupe PLR, une interpellation intitulée « Orthographe rectifiée : une simplification démocratique ? ». La Conférence intercantonale de l’instruction publique de Suisse romande et du Tessin (CIIP) a annoncé, le 9 juin 2021, une étape clé dans l’adaptation de l’orthographe à l’état actuel de la langue. On entend ainsi que l’orthographe rectifiée devienne la référence pour l’enseignement du français dans les cantons romands. La volonté exprimée est celle d’une simplification qui apparaîtra dans les manuels scolaires dès la rentrée 2023. Cette décision s’appuie sur la réforme de l’orthographe de 1990. Or, cette dernière, après avoir suscité nombre de débats et de prises de position les plus diverses, a été tolérée par l’Académie française. C’est ainsi qu’un ensemble de rectifications orthographiques proposées par le Conseil supérieur de la langue française a été approuvé par l’Académie française et publié en décembre 1990 dans les documents administratifs du Journal officiel. Ces rectifications avaient pour but de résoudre les problèmes graphiques importants, d’éliminer les incertitudes ou les incohérences et de permettre la formation correcte des mots nouveaux qu’appelle le développement des sciences et des techniques. Mais va-t-on demain simplifier la musique et renoncer à Mozart, parce qu’il y avait trop de notes dans ses œuvres ? Devra-t-on retirer Corneille des programmes scolaires pour cause de trop grande complexité ou encore abréger Dostoïevski ou Shakespeare ? Si l’on accepte aujourd’hui que l’Etat se donne comme mission d’accélérer à imposer un usage controversé, demain on devra tolérer qu’il fasse évoluer les sciences, voire l’histoire.

Sur un plan plus politique, ce projet s’inscrit dans l’air du temps qui, de la réécriture de l’histoire à la suppression des accents circonflexes, entend imposer des comportements et des attitudes qui ignorent le poids et la richesse de la vie présente et passée et font l’éloge de la simplicité au détriment de la complexité et de la nuance. Nous nous étonnons du rôle joué par la CIIP : n’est-elle pas tenue de discuter d’une telle imposition avec les Parlements cantonaux ? Cette simplification de la langue française, décidée unilatéralement, est inacceptable tant sur le fond que sur la forme. Il n’est pas admissible de voir une entité échappant à tout contrôle démocratique définir les règles de la langue française. Si nous acceptons qu’aujourd’hui l’Etat se mêle de rectifier la langue française, demain nous devrons tolérer qu’il réécrive l’histoire ou qu’il définisse les règles de la physique. En vertu de ce qui précède, nous avons l’honneur de poser au Conseil d’Etat les questions suivantes :

  1. Le Conseil d’Etat in extenso a-t-il été consulté par la CIIP avant l’annonce du 9 juin ?
  2. Pourquoi les Parlements cantonaux romands n’ont-ils pas été consultés par la CIIP ?
  3. Est-ce que les enseignants devront être formés et comment ?
  4. Est-ce que les coûts d’une telle réforme ont été chiffrés ?
Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

L’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.

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