21_RAP_16 - Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le Postulat Muriel Thalmann et consorts - Pour des protections hygiéniques en libre accès dans nos écoles et au sein de l'administration cantonale (20_POS_194).

Séance du Grand Conseil du mardi 5 novembre 2024, point 22 de l'ordre du jour

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Felix Stürner (VER) — Rapporteur-trice

D'emblée, la cheffe du Département de l'économie, de l'innovation, de l'emploi et du patrimoine annonce que le Conseil d'Etat a décidé que la mise à disposition de produits hygiéniques pour les personnes précarisées devait être garantie, en particulier dans les établissements du secondaire 2, gratuitement. En outre, il appartient à chaque service concerné de budgétiser les ressources nécessaires pour mettre en œuvre ces mesures, dans un délai de deux ans dès l'acceptation du présent rapport par le Grand Conseil. Il est par ailleurs précisé que certains services ainsi que certaines institutions, telles que l'établissement Vaudois d'accueil des migrants, par exemple, ont pu profiter des prix de gros dont bénéficie la Direction des achats et de la logistique (DAL). S'agissant des communes, la conseillère d'Etat remarque que du fait de leur autonomie, il est toujours délicat de les inciter à entreprendre des démarches. Elle espère que l'exemplarité de l'Etat permettra de démontrer que les coûts relatifs à la mise à disposition de produits hygiéniques sont finalement raisonnables. La cheffe du Bureau de l'égalité entre les femmes et les hommes (BEFH) ajoute que la Direction générale des ressources humaines est aussi très réceptive à la question du bien-être au travail. 

Quant à la postulante, elle remercie le Conseil d'Etat pour ce rapport et pour avoir mis en place des projets pilotes dans les établissements scolaires. Les résultats de ces projets montrent que la mise à disposition de protections hygiéniques répond à un besoin et qu'elle est plébiscitée par les jeunes femmes ainsi que par leurs parents. Grâce au rapport, des chiffres quant à la précarité menstruelle sont présentés, pour la première fois en Suisse. Cette précarité se monte à 3 % dans les gymnases et à 9 % dans les écoles professionnelles. Cette situation est préoccupante, surtout chez les apprenties. Le rapport montre aussi qu'il n'y a pas d'abus, ce qui répond à une crainte exprimée par certains députés et députées, dans le cadre des débats. Il montre enfin que la mise à disposition de produits hygiéniques dans les toilettes agit aussi psychologiquement puisqu'il permet de diminuer le tabou qui y est associé. 

Au niveau des coûts, le document montre qu'ils ne sont pas exorbitants puisqu'ils sont estimés à environ 1125 francs par année pour un établissement scolaire comptant 1000 élèves. La postulante salue donc la décision du Conseil d'Etat de mettre désormais des produits hygiéniques gratuitement à disposition des jeunes femmes dans les établissements du secondaire 2. En ce qui concerne les établissements du primaire et du secondaire 1, qui sont de compétence communale, elle ne peut que regretter que la décision finale de mettre à disposition ces produits dépende des communes. Il en résulte une inégalité de traitement. C'est pourquoi la postulante estime que le Conseil d'Etat devrait mettre en place des incitatifs invitant les communes à le faire. Elle souhaite dès lors savoir quelles sont les mesures ou les pistes qui pourraient être envisagées. S'agissant de l'offre de produits hygiéniques aux populations précarisées, la postulante se dit très satisfaite de la décision du Conseil d'Etat qui garantit la mise à disposition gratuite dans les divers lieux concernés. Enfin, concernant la mise à disposition des produits hygiéniques dans l'ensemble des sites du canton, elle comprend la réponse du Conseil d'Etat qui mise sur la mise à disposition de paniers solidaires. A cet effet, une information aux directrices et directeurs et aux responsables de sites, par le biais d'un petit guide pratique, par exemple, serait la bienvenue et faciliterait la mise en place d'une telle action. 

Lors de la discussion générale, il ressort qu'au niveau communal, l'information devrait être adressée aux associations scolaires plutôt qu'aux communes, celles-ci ne possédant souvent pas les bâtiments scolaires sur leur territoire. Quant aux coûts, certains intervenants pensent qu'ils devraient être assumés par le canton, même pour la scolarité obligatoire. Pour la mise à disposition de protections hygiéniques concernant l'ensemble de la population, il apparaît logique d'en doter la plupart des bâtiments administratifs. De la sorte, l'offre deviendrait systématique. En plus, il est souhaité que le Conseil d'Etat aille plus loin dans sa stratégie, en proposant par exemple des aides financières en vue d'encourager les établissements scolaires ainsi que les communes. À ce titre, la postulante souhaite préciser que sa demande ne vise pas à obliger les communes à installer des distributeurs de protections hygiéniques, mais bien les sensibiliser à cette démarche puisqu'il est question encore une fois de 1125 francs par année scolaire pour 1000 élèves, ce qui semble tout à fait envisageable dans un budget communal. Etant donné que nombre de communes mettent déjà à disposition de telles prestations, une éventuelle subvention pourrait constituer une piste à explorer pour celles qui n'ont pas encore fait le pas. 

Il est également souligné que sur les 93 établissements scolaires et 30 établissements de pédagogie spécialisée que compte le canton, 51 écoles ont participé au projet pilote, 31 établissements de la scolarité obligatoire et 20 du postobligatoire. Toutefois, il est souligné que les premières règles surviennent en moyenne vers l'âge de 11 ou 12 ans, tous les établissements n'ont pas nécessairement une population concernée par les menstruations et donc que certaines écoles ne seraient pas directement affectées par cette mesure. Par ailleurs, il est encore indiqué que le projet pilote s'est terminé à la fin de l'année 2023 et que la question du financement de ces équipements se poserait à partir de l'année en cours. Au vote, la commission recommande à l’unanimité des membres présents que le Grand Conseil accepte le rapport du Conseil d'Etat.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est ouverte. 

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

Je remercie le Conseil d'Etat d'avoir mis en place des projets pilotes dans les établissements scolaires, ce qui nous permet d'avoir des données pour la première fois. Les résultats de ces projets pilotes permettent ainsi de battre en brèche certaines certitudes, clichés, et affirmations que l'on a entendus dans le cadre des débats. La mise à disposition de protections hygiéniques répond à un besoin, et elle est plébiscitée par les jeunes femmes et leurs parents. Il n'y a pas eu d'abus et les coûts ne sont pas exorbitants, puisqu'on les estime à 1125 francs par an pour un établissement scolaire de 1000 élèves. 

Ce rapport nous livre pour la première fois en Suisse des chiffres quant à la précarité menstruelle qui avait également été remise en question. Or, la précarité menstruelle existe dans notre pays. Certaines jeunes filles n'ont pas les moyens d'acheter des protections hygiéniques en suffisance, ce qui mène à des problèmes de santé et induit un sentiment de honte. Les chiffres sont bel et bien là : 3 % chez les gymnasiennes et surtout 9 % dans les écoles professionnelles. Cette situation est préoccupante, surtout chez les apprenties, raison pour laquelle je déposerai un postulat en ce sens. Je salue donc la décision du Conseil d'Etat de mettre désormais gratuitement des produits hygiéniques à disposition des jeunes femmes dans les établissements du secondaire 2. 

En ce qui concerne les établissements du primaire et du secondaire 1, qui sont de compétence communale, je ne peux que regretter le fait que la décision finale de mettre à disposition ces produits dépend des communes. En effet, on l'a vu, certains conseils communaux ont refusé d’en installer, comme c'est le cas de Payerne. En revanche, de nombreuses communes l'ont mise en œuvre, soit à la suite d’une décision du Conseil communal, soit à l'initiative de la municipalité. Il y a donc ici une inégalité de traitement et il me semble que le Conseil d'Etat devrait mettre en place des incitatifs pour inviter les communes à le faire, surtout quand je vois dans quel détail le canton décrit les équipements obligatoires dans les établissements primaires et du secondaire 1. 

En ce qui concerne la mise à disposition des produits hygiéniques aux populations précarisées, je suis aussi très satisfaite, puisque le Conseil d'Etat garantit une mise à disposition gratuite dans les divers établissements concernés. Enfin, en ce qui concerne la mise à disposition de produits hygiéniques dans l'ensemble des sites cantonaux, le canton a choisi de compter sur la mise à disposition de paniers solidaires. A cet effet, il me semble qu'une information aux directrices et directeurs responsables des sites et un petit guide pratique seraient bienvenus et faciliteraient la mise en place de l’action. Le Conseil d'Etat pourrait être plus volontariste et suivre la voie empruntée par le canton de Genève, qui a mis en place, depuis 2021, un projet de distributeurs de serviettes dans les lieux accueillant du public sur le territoire municipal, avec un accent spécifique mis sur les jeunes et les publics les plus à risque. Je remercie le Conseil d'Etat pour son rapport et pour les mesures mises en place.

Mme Patricia Spack Isenrich (SOC) —

La précarité menstruelle est un enjeu social, mais aussi politique. Elle a pour conséquence des difficultés ou un manque d’accès des femmes aux protections hygiéniques. Elle trouve son fondement dans le manque d’information et le coût élevé de ces protections hygiéniques. Si ce coût est élevé, dans notre pays cela touche particulièrement les femmes sans-abri, les travailleuses gagnant peu, les personnes en situation de précarité et les étudiantes, en raison du budget nécessaire à l’achat de ces protections.

Il y a aussi, et encore, un gros tabou sur les règles et c’est un élément important. Etre privée de protections hygiéniques peut conduire à l’exclusion. La précarité menstruelle peut également conduire à l’absentéisme, voire au décrochage scolaire. Alors quand j’entends qu’un conseiller national s’est encore permis de ricaner sur le sujet, le 25 septembre dernier, en séance plénière du Conseil national et qu’il a comparé la précarité menstruelle à la précarité du rasage pour les hommes, je me dis tout de même que nous avons encore bien du chemin à faire sur le sujet, pour informer, pour sensibiliser et pour supprimer une inégalité qui ne se justifie en aucun cas. Dans son rapport, en page 4, le Conseil d’Etat renvoie à une enquête réalisée en France qui a montré que 10 % des femmes déclarent parfois renoncer, pour elles ou pour leurs filles, par manque d’argent, à changer de serviette ou de tampon aussi souvent que nécessaire et 6 % relèvent que leurs filles ont déjà manqué l’école ou les cours, car elles n’avaient pas de protections menstruelles.

Au nom du groupe socialiste, je salue ainsi la mise en route du projet pilote de 2021 dans les établissements scolaires, qui avait pour but de briser le tabou et apporter des solutions. Ce projet pilote a eu le grand mérite de mettre en avant le fait que cette précarité existe bel et bien dans notre canton. Au niveau de l’école obligatoire et d’un point de vue financier, il a été évalué par le Conseil d’Etat que le coût de la mise à disposition de produits menstruels par mois est modéré : il représente 1125 francs par année scolaire pour un établissement de 1000 élèves, dont 500 scolarisés entre la 7e et la 11Harmos. Un tel montant est donc, objectivement, tout à fait acceptable dans un budget communal. En vertu de la séparation des pouvoirs, le Conseil d’Etat a toutefois expliqué que la décision concernant la mise à disposition du matériel pour l’école obligatoire revenait aux communes, qui sont responsables de la mise à disposition des infrastructures nécessaires. Le groupe socialiste regrette que le Conseil d’Etat ne soit pas plus incisif sur ce point, afin de rendre l’installation du matériel obligatoire dans les établissements de la scolarité obligatoire. 

Je tiens à déclarer mes intérêts : je suis syndique de ma commune. Je souhaite souligner que le Département impose, dans nos écoles, un certain nombre de règles concernant les installations, telles que les affichages numériques frontaux, le nombre de patères et de bancs par élève dans les vestiaires, ainsi que les poubelles pour le tri des déchets, parmi d’autres équipements. Ces exigences sont précisées dans des fiches types. Il me semble donc que le Conseil d’Etat pourrait tout à fait choisir d'imposer ce type d'installation dans les écoles obligatoires.

Cela étant dit, il est nécessaire de sensibiliser les communes à cette problématique en leur faisant parvenir une information détaillée sur la précarité menstruelle, en leur remettant les statistiques effectuées à l’issue du projet pilote et en leur parlant des coûts modestes de la mise à disposition de produits menstruels dans les écoles. Le groupe socialiste salue la décision du Conseil d’Etat de mettre désormais gratuitement des produits hygiéniques à disposition des jeunes femmes dans les établissements du secondaire II, tout comme la mise à disposition de protections hygiéniques à disposition des personnes précarisées. Quant à l’Université de Lausanne (UNIL) et la Haute école de pédagogie (HEP), elles l’ont fait spontanément. Les démarches vont donc dans le bon sens et permettront ainsi de faire diminuer certaines inégalités hommes-femmes.

Quant à l’ensemble des sites de l’Etat de Vaud, nous comprenons la position du Conseil d’Etat, qui souhaite que la mise à disposition soit définie par les services eux-mêmes. Nous souhaiterions toutefois l’inviter à procéder également à des campagnes de sensibilisation à ce sujet auprès des services concernés. Les réponses ainsi données à cette problématique par le Conseil d’Etat satisfont le parti socialiste qui vous recommande à l’unanimité d’accepter son rapport.

Mme Laurence Bassin (PLR) —

Je n’ai rien à ajouter aux propos de mes préopinantes, qui étaient complets et pertinents. Le groupe PLR recommande à l'unanimité d'accepter le rapport du Conseil d'Etat, que nous remercions pour son étude détaillée et chiffrée en réponse à ce postulat.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est close. 

Le rapport du Conseil d’Etat est approuvé avec 1 abstention. 

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