23_LEG_41 - EMPD approuvant la convention intercantonale en matière de santé numérique (1er débat).
Séance du Grand Conseil du mardi 31 octobre 2023, point 14 de l'ordre du jour
Documents
- Texte adopté par CE - EMPD autorisant le CE à adhérer à la Convention intercantonale en matière de santé numérique - publié
- Rapport de Commission_RC-23_LEG_41_Y. Glayre
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa commission a traité ce projet de décret en juillet 2023, après que la Commission interparlementaire formée des cinq cantons partenaires, Vaud, Fribourg, Valais, Genève et Jura, a été consultée en octobre 2022. Rappelons que ces délégations ont été nommées selon la procédure prévue par la Convention sur la participation des parlements (CoParl). Le but principal de CARA consiste à encourager la mise en œuvre et le développement de la cybersanté dans les cinq cantons membres. CARA vise, par la suite, l’implémentation d’autres services complémentaires pour favoriser la continuité et la coordination des soins, par exemple le plan de médication partagé (PMP) ou le plan de soins partagés, le PSP. Le projet final élaboré par CARA, à savoir la convention proposée aujourd’hui, prend en compte la totalité des amendements proposés par la Commission interparlementaire dont le principal portait sur la gratuité des services de santé numérique pour les patients. Les cinq cantons sont maintenant invités à adhérer à cette convention intercantonale. Dans cette phase finale, les parlements peuvent ou non approuver la convention, mais ne peuvent plus l’amender.
Le département nous a informés des éléments suivants. Le dossier est hautement sécurisé, c’est-à-dire qu’un moyen d’identification certifié est mis en place selon les dispositions de la Loi fédérale sur le dossier électronique du patient (LDEP). Le dossier électronique du patient (DEP) appartient à la patiente ou au patient qui décide à qui il veut donner accès à ses documents ; elle ou il peut aussi refuser que les documents soient déposés dans son dossier. Le DEP ne remplace pas le dossier papier ou informatisé. En revanche, il permet de transférer et d’accéder facilement aux documents. Ni l’administration ni les assurances ne peuvent accéder aux données médicales, qui demeurent l’unique propriété de la patiente ou du patient et ne peuvent être consultées que par les prestataires de santé de son choix. La volonté fédérale tend à ce que tous les DEP suisses puissent être interopérables, indépendamment des communautés auxquelles les professionnels et les patients se sont affiliés. A ce jour, six à sept communautés sont à même de communiquer entre elles sur les huit qui existent en Suisse. En matière de sécurité des données, celles-ci seront hébergées exclusivement en Suisse, et CARA aura la responsabilité de la gestion de ces données. Les cantons auront la possibilité de conduire des audits pour s’assurer de la sécurité des systèmes. De nombreux autres aspects intéressants ont été discutés, notamment concernant les pharmacies, l’utilisation des données à des fins statistiques et de recherche, le moyen d’identification électronique (MIE), l’absence du canton de Neuchâtel, l’amendement concernant la gratuité de l’accès ou encore l’ajout d’une disposition concernant la langue et les cantons bilingues. Si ceci vous intéresse, je vous invite à consulter le rapport de commission. C’est à l’unanimité que la Commission thématique des affaires extérieures vous recommande d’accepter l’article 1, l’article 2 et l’entrée en matière.
La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.
Le DEP présente un grand potentiel pour la transparence des soins et des traitements vers des plans de soins, des plans de médication partagés. Les Vertes et les Verts y voient un outil favorable à l’efficience et surtout à la sobriété des soins. Avec 2800 dossiers ouverts dans le canton à la fin de l’année dernière, le département est encore à la peine mais devrait monter en puissance. Le Conseil d’Etat a eu le souci de la souveraineté numérique en délivrant une VaudID-santé. L’Etat soutient fortement la démarche aujourd’hui à raison de près de 2400 francs par dossier, si j’en crois mes petits calculs effectués à partir des montants annuels donnés dans la réponse à l’interpellation Bettschart-Narbel que nous traiterons plus tard.
La Commission interparlementaire d’examen a soutenu et a amélioré le texte de la convention intercantonale sur plusieurs points. Ces modifications ont toutes été acceptées – et c’est heureux – par les ministres en charge des cantons contractants. Permettez-moi de revenir sur six points concernant le contenu de cette convention. Le premier est relatif au fait que chaque patiente et patient décide quelles données médicales sont divulguées dans son dossier électronique ; un aspect primordial. Il s’agit aussi de laisser la convention ouverte à l’adhésion d’autres cantons, à l’exemple de Neuchâtel qui suit actuellement sa propre voie, tout en espérant qu’il rejoigne les autres cantons de Suisse occidentale bientôt.
Les langues officielles des cantons contractants doivent trouver place dans le dossier électronique. Le français bien sûr, mais aussi l’allemand pour les cantons du Valais et de Fribourg. Les informations et services proposés doivent être garantis dans les langues officielles, et la communauté CARA envisage d’adapter le DEP à des langues de patientes et patients issus de la migration. J’aimerais souligner un troisième point : aucune participation financière ne sera demandée aux patientes et patients pour accéder aux services de santé numérique, un aspect que la Commission interparlementaire a décidé à une large majorité sur la base d’une proposition valaisanne. La délégation vaudoise y était acquise, mais la convention en ressort clarifiée.
La patiente, le patient pourra désigner un représentant thérapeutique pour faciliter l’accès et l’usage du dossier électronique. Enfin, quant à la commission consultative en matière de santé numérique, les cantons contractants désignent chacun trois membres et se coordonneront pour que des spécialistes des domaines de la santé, du droit, des technologies de l’information, des sciences sociales, de l’éthique puissent être représentés chacun, chacune dans la commission. En vue de soins transparents et plus sobres, le groupe vert vous recommande d’entrer en matière et d’adopter le décret en approuvant la convention intercantonale en matière de santé numérique.
Nous lisons dans ce projet de convention qu’il existe huit communautés de référence qui donnent accès au DEP, CARA en étant une. Les cantons latins, à l’exception de Neuchâtel, ont porté leur choix sur CARA, tout en soulignant l’interopérabilité avec les autres communautés de référence. Nous avons appris dans un communiqué de la Conférence des directeurs de santé (CDS) datant du 11 septembre que l’approche décentralisée c’est-à-dire l’accès à plusieurs communautés de référence ne s’avère plus judicieuse et que la CDS prône une fusion de ces huit fournisseurs du DEP en une seule institution d’exploitation. Compte tenu de cette nouvelle information, je pose la question suivante : est-il possible d’approuver ce projet de convention intercantonale qui choisit la communauté de référence CARA, ou ne serait-il pas plus judicieux d’attendre le développement de ce fournisseur unique d’accès au DEP ? Enfin, j’aurais souhaité que la conseillère d’Etat nous éclaire sur cette question, puisqu’elle participe à ces rencontres de la CDS.
Je m’exprime ici au nom du groupe PLR. Le DEP est un dossier de santé en ligne disponible par Internet qui appartient aux patients et qui contient des documents de santé utiles en cas de traitement. Depuis 2020, le DEP a été introduit progressivement en Suisse par le législateur. La LDEP prévoit que les professionnels et professionnelles de santé doivent se regrouper en communautés qui ne peuvent être constituées que de professionnels et professionnelles de la santé et d’institutions. La nature de ces regroupements est organisationnelle, technique et financière. Les échanges entre les communautés sont garantis par la législation fédérale, ce qui permet aux professionnels ou professionnelles de santé de communautés différentes de rechercher et de fournir de l’information dans un même DEP. En outre, les communautés doivent être certifiées afin de garantir qu’elles respectent la LDEP ainsi que la sécurité et la protection des données. Dans ce contexte, les cantons de Suisse occidentale, dont Vaud, ont rapidement fait part de leur intérêt à être actifs dans la promotion du DEP en décidant de créer l’association CARA dans l’optique de créer des possibilités de développement de stratégies communes et de mutualisation des ressources. Le présent projet de décret demande au Grand Conseil d’approuver la Convention intercantonale en matière de santé numérique qui a pour objectif la mise en œuvre de la législation fédérale en matière de dossier électronique du patient. La mise en réseau des professionnels de la santé leur garantit ainsi un accès aux données du patient pertinentes pour le traitement de ces derniers. Je ne reviendrai pas sur les détails de cette convention compte tenu de la lecture du rapport de commission effectué par son président, mais vous informe que les membres PLR de la commission ont voté à l’unanimité en faveur de l’entrée en matière sur ce projet de décret, et le groupe PLR fera de même dans sa grande majorité.
La Convention intercantonale qui vous est soumise aujourd’hui est le fruit d’un long travail de consultation et de compromis auquel vous avez participé par le biais des travaux de la Commission interparlementaire, ainsi que cela a été dit. Elle est portée par l’association intercantonale CARA, qui regroupe les cantons de Vaud, de Fribourg, de Genève, du Jura et du Valais, cantons qui vont aussi, dans leur Grand Conseil respectif se prononcer prochainement. Le Valais s’y est déjà employé, d’autres le feront dans les semaines qui suivent. CARA est une association qui a été créée en 2018, avec pour objectif et fondement de créer une communauté de référence romande au sens de la LDEP autour du DEP.
La convention que nous vous proposons de ratifier aujourd’hui constitue un nouveau pas en direction de la santé numérique, notamment en ce qui concerne le développement et la mise en place d’un DEP commun à tous les cantons mentionnés tout à l’heure. Dans ce contexte, le DEP-CARA est d’ores et déjà mis en place. Or, la convention qu’il s’agit de ratifier donne un élan supplémentaire en permettant de pérenniser ce dossier qui, jusque-là, n’avait pas d’ancrage légal – d’autant moins intercantonal – un dossier ô combien important et stratégique pour les politiques de santé publique des cantons romands. La convention porte aussi sur la nature de la collaboration entre nos différents cantons contractants, en fixant le cadre à l’échelle de la Suisse romande et en détaillant les outils communs en matière de gestion de santé numérique. Très concrètement, elle pose les bases permettant à chaque individu de gérer les données relatives à sa santé, notamment en saisissant et en traitant ses informations personnelles, en s’impliquant dans sa propre prise en charge. Précisons aussi qu’il importe que ce débat ait évidemment lieu dans chacun des cantons concernés, car l’ère du numérique va nécessiter des changements de mentalité, bouleversera certaines pratiques, d’autant plus lorsqu’on parle de nos données personnelles sanitaires en matière de santé.
La plupart des structures consultées sur ce projet ont beaucoup mis l’accent sur le fait qu’il fallait faciliter l’accès, la lecture, la compréhension des outils et des données, des aspects portés par ce projet, ce pour augmenter à terme et essayer – à l’évidence – de posséder un outil qui soit aussi partagé que possible par la population, afin que ce projet soit cohérent. Ainsi, il en résulte des choix ambitieux. Par exemple, vous, Vaudois, vous êtes battus au sein de la commission interparlementaire pour garantir la gratuité de l’outil, car d’autres cantons nourrissaient des vues différentes par rapport à cette gratuité.
Pour les patientes et les patients qui décident de l’utiliser, désormais, cette gratuité est inscrite dans la convention intercantonale. Lorsqu’on parle d’un DEP, la question de la qualité de la sécurité s’avère aussi éminemment importante : cela est d’ores et déjà garanti avec le DEP vaudois, mais qui se voit ancrée dans la Convention des procédures d’identification certifiées. Dans le canton de Vaud, comme rappelé par M. le député Zwahlen, cela passe par une solution souveraine : la VaudID-santé.
En outre, lorsqu’il est question de gestion des données médicales et de santé, d’autres aspects surviennent immanquablement, en particulier celui de la protection des données. Raison pour laquelle, cette convention a fait l’objet de beaucoup de consultations et de compromis. La conviction partagée entre les cantons de pouvoir soumettre cette proposition à l’expertise des préposés cantonaux à la protection des données des différents cantons contractants nous a aussi permis d’améliorer au maximum, de garantir cette protection des données.
Finalement, la convention propose des bases pour que CARA puisse aussi fournir d’autres services de santé numérique en plus du DEP. Cet aspect touche au suivi de patients chroniques, en tous les cas de personnes qui sollicitent régulièrement le système de santé ; ce dans des secteurs pour lesquels la plus-value peut se manifester non seulement sur le plan de la coordination de la prise en charge que de sa qualité, mais aussi sur le plan de l’efficience des différentes prestations assurées auprès des patients, par le biais du plan de soins partagés (PSP) ou du plan de médication partagé, qui permettront un maillage, un suivi plus fin des thérapies, des traitements qui sont donnés afin de les rendre plus accessibles à d’autres acteurs de la santé qui entourent un patient à un moment donné, ce encore nanti d’importantes conditions de sécurité et de protection.
Vous l’aurez compris, cette convention nous permet d’ancrer les innovations technologiques et médicales développées ces dernières années dans un dispositif intercantonal ainsi que de poser les bases des futurs développements qui feront du dossier électronique du patient – on l’espère très fort – un véritable outil de santé publique, ce pour éviter au maximum de doublons, faciliter la transmission des données, des informations entre les différents acteurs de la santé et, in fine, accroître la prise en charge des patientes et des patients, en d’autres termes, un projet qui ne devrait faire que des gagnants : les structures de santé publique, les institutions qui les gouvernent et les financent et, surtout, finalement, vous et moi, c’est-à-dire les patients, les usagers ou les futurs usagers qui l’utiliseront ou qui l’utilisent déjà.
Les différents exécutifs cantonaux ont évidemment donné leur feu vert. En septembre dernier, vos collègues valaisans ont adopté massivement cette convention. Elle va maintenant passer devant les différents législatifs cantonaux au cours de l’automne. Avant de terminer mon intervention, j’aimerais encore rapidement répondre au député Vionnet qui réfère à la prise de position de la CDS. Il s’agit d’une prise de position récente qui accompagnait la réponse à la consultation de la CDS en lien avec les projets de modification de la loi sur le dossier électronique du patient prévus par le Conseil fédéral. Sans revenir sur l’historique, soulignons que la majorité des DEP ouverts en Suisse le sont dans des cantons CARA, non dans des cantons alémaniques où les autres communautés de référence rencontrent depuis un certain nombre d’années beaucoup de complications, peu de succès. Il ne s’agit pas non plus de la même approche. En effet, dans les cantons romands, nous avons vraiment voulu faire de ce DEP un outil de santé publique ; la philosophie ancrée dans certaines des autres communautés de référence s’avère différente. Ces différents éléments ont amené un certain nombre d’interventions parlementaires, en particulier de prises de conscience, de la part de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), notamment. M. Berset indiquait d’ailleurs récemment, au moment du bilan avant son départ, que le DEP ne s’était pas finalement développé comme souhaité ou attendu au moment où le législateur avait adopté la LDEP.
Un projet de révision est en cours, mis en consultation par le Département fédéral de l’intérieur. La CDS, à l’évidence, a pris position. Dans ce cadre, cette dernière a mis en évidence, non pas forcément l’unique solution que vous évoquez – même si cela a été ainsi traduit dans les médias. Or, je puis vous assurer que cela ne s’est pas passé de cette manière au sein de la CDS, lorsque nous avons débattu de ce point, parce que nous, cantons romands, n’adoptons pas la même position que certains collègues alémaniques ; tous d’ailleurs ne partagent pas non plus cette position. Cependant, lorsqu’on parle de fusion des huit communautés de référence, l’idée ne consiste pas à renoncer à l’une ou l’autre, en tout cas pas celles qui sont le plus développées. L’OFSP est tout à fait conscient des avancées, des développements accomplis du côté du DEP-CARA. L’esprit de la CDS résidait plutôt en une prise de position – peut-être un peu provocante – qui demandait à la Confédération non seulement de piloter mais de davantage financer. En effet, jusqu’alors, ce sont essentiellement les cantons qui financent ce type d’outils. Il s’agissait plutôt d’un fournisseur unique qui permettrait de nous réunir.
En effet, s’agissant de la plateforme technique de CARA – sans entrer dans des détails techniques, n’étant guère une spécialiste – le backup technique de CARA est assuré par La Poste et nanti de conditions et de contraintes de certification extrêmement élevées. Cela permet d’atteindre de très hauts niveaux de sécurité, mais qui sont très difficiles et très lourds à gérer pour chacune des communautés de référence qui, chacune, a des contacts et des échanges permanents avec La Poste. Ces échanges ne sont pas toujours très fructueux ; en tout cas du côté de CARA, ils nécessitent très régulièrement des rencontres de la part des responsables cantonaux de la santé, avec les responsables et la direction de La Poste pour essayer de nous accorder, mais aussi au niveau technique. Cela implique des échanges très réguliers pour se mettre à jour, pour essayer de se comprendre. Par conséquent, la CDS s’est positionnée davantage sur des aspects techniques pour tenter d’adopter une approche peut-être un peu plus efficiente, moins décentralisée qu’elle ne l’est actuellement, et aussi, sans doute, in fine pour faciliter la tâche de La Poste pour qui, ce mandat est intéressant, sans doute à de multiples égards – elle ne s’investirait sinon pas – mais s’avère aussi, évidemment, très chronophage, en tout cas très mobilisateur.
Ainsi, cette prise de position était plutôt axée sur cet aspect. Outre les questions de financement, si la révision de la LDEP devait aboutir et entrer en vigueur, selon les informations de la Confédération, cela se situerait autour de 2026-2027. Nous avons par conséquent encore largement le temps de voir venir. Ainsi, pour les cantons CARA qui développent et progressent, notamment sur le plan de la médication partagé, il n’est évidemment aucunement question d’interrompre l’élan en attendant une future révision. Je peux vous l’assurer, les cantons CARA défendront et feront valoir leurs arguments et leurs intérêts auprès de la Confédération et du du DFI. Ce dernier sait d’ores et déjà aujourd’hui à quel point nous sommes en avance par rapport à d’autres cantons. Ainsi, il ne balaiera pas d’un revers de main tous les efforts et les investissements financiers très importants consentis jusqu’à maintenant par les cantons romands.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
L’entrée en matière est admise à l’unanimité.
Le projet de décret est adopté en premier débat à l'unanimité.
Le deuxième débat aura lieu ultérieurement.