24_REP_159 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Sylvie Podio et consorts - Alternatives à la contrainte dans le domaine de la santé mentale, quelles alternatives dans le canton ? (24_INT_93).
Séance du Grand Conseil du mardi 8 octobre 2024, point 17 de l'ordre du jour
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourJe remercie le Conseil d'Etat pour sa réponse rapide et honnête à cette question essentielle, qui touche à la dignité et au respect des personnes vivant avec un trouble psychique. En préambule, il me semble important de clarifier ce qu'est une mesure de contrainte, à la lumière de la réponse du Conseil d'Etat. En effet, au point 2, page 3, il est fait mention de « mesures de contrainte non souhaitées », ce qui suggère qu'il pourrait exister des mesures de contrainte souhaitées. Par essence, une mesure de contrainte n'est jamais désirée par la personne concernée. Lorsqu'une mesure limitative de liberté ou de contention est envisagée avec le consentement de l'usager, par exemple dans le cadre d'un plan de crise conjoint, il ne s'agit plus de contrainte, car la volonté de l'usager ou de l'usagère de la psychiatrie est respectée.
Cela dit, je reconnais que le canton de Vaud a mis en place davantage d'initiatives pour encadrer les mesures de contrainte que d'autres cantons, ce qui est réjouissant. Néanmoins, cette approche reste centrée sur une perspective médico-juridique, peu propice au développement d'alternatives à la psychiatrie. En effet, sans remise en question des conditions historiques, sociales et économiques qui interviennent dans la Constitution, la définition et la prise en charge des troubles psychiatriques et/ou de la crise, c’est-à-dire des individus en déficit de raison et de discernement et donc de citoyenneté, il paraît difficile de mettre en œuvre des modalités d’intervention conformes à la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) et respectant le droit à l'autodétermination.
Il est par ailleurs regrettable de constater que les efforts entrepris n'ont pas permis de réduire significativement et durablement le nombre de Placements à des fins d’assistance (PLAFA) dans le canton. De plus, la réponse du Conseil d'Etat se concentre sur les placements à des fins d'assistance, alors que mon intervention abordait les mesures de contrainte de manière plus large, comme le fait la loi, en incluant également la contention et les traitements forcés. La contrainte ne se limite pas à la loi ni au respect des droits ; elle peut aussi prendre des formes plus informelles, telles que le chantage, les humiliations ou les pressions, notamment lors des hospitalisations. Les témoignages de personnes concernées révèlent qu'elles acceptent souvent une hospitalisation sous la menace d'un PLAFA, ce qui relativise d'autant plus la stabilisation des PLAFA.
Le Conseil d'Etat mentionne dans sa réponse le renforcement du processus de décision médicale partagée comme moyen de réduire le recours à la contrainte. Or, la CDPH demande de passer d'une décision substituée à une décision assistée, ce qui nécessiterait d'assurer à chaque personne en PLAFA l'accès à une personne de confiance. Cependant, au point 2 de sa réponse, le Conseil d'Etat n'aborde pas le droit à une personne de confiance qui participe à l'élaboration du plan de traitement et assiste la personne placée tout au long de la durée du PLAFA. Je m'interroge donc sur la volonté du Conseil d'Etat de concrétiser l'article 28 de la loi d'application du droit fédéral de la protection de l'adulte et de l'enfant, ou d'envisager d'autres modalités pour garantir la présence de personnes de confiance pendant un PLAFA, conformément à l'article 432 du Code civil.
Le Conseil d'Etat évoque également l'intégration des pairs praticiens et praticiennes en santé mentale et la formation du personnel comme mesure efficace de réduire le recours à la contrainte, mais ne précise pas quel type de formation serait le plus utile à cet objectif. Par exemple, prévoit-il de former le personnel aux techniques de désescalade ? De plus, faire reposer une grande partie de la stratégie pour abaisser le recours à la contrainte en psychiatrie sur la formation du personnel soignant et l'intégration des pairs praticiens en santé mentale n'est pas suffisant. En effet, les professionnels et professionnelles et de manière encore plus marquée les pairs praticiens en santé mentale, sont placés dans une situation de double contrainte entre les attentes des patients et les exigences institutionnelles, entre l’injonction de ne pas recourir à la contrainte et les règles institutionnelles et les conditions de travail qui rendent parfois la contrainte inévitable.
Autrement dit, il est nécessaire que le Conseil d'Etat mette en place et finance des mesures un tant soit plus ambitieuses pour garantir l'accès effectif aux droits prévus par la loi, tels que le respect des directives anticipées, le recours à une personne de confiance, et l'établissement d'un plan de traitement avec information sur les effets secondaires des médicaments. Il ne suffit pas de « soutenir toujours, et dans les limites des moyens financiers et humains à disposition, toutes les mesures qui permettent de respecter les droits humains fondamentaux. » Les mesures de contrainte et leurs conséquences délétères ont aussi un coût qui s’avère non seulement humain, pour les personnes concernées et leurs proches, mais aussi financier, car elles ne favorisent pas un rétablissement durable.
Retour à l'ordre du jourLa discussion n’est pas utilisée.
Ce point de l’ordre du jour est traité.