20_REP_16 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur l'interpellation Marc Vuilleumier - Service des curatelles et tutelles professionnelles (SCTP) et travailleurs temporaires font bon ménage! (20_INT_500).
Séance du Grand Conseil du mardi 29 juin 2021, point 27 de l'ordre du jour
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourJe remercie le Conseil d’Etat pour sa réponse. Il y a plus de dix ans, ensemble, le Conseil d’Etat et ce qui était alors un office avaient établi un plan quinquennal démontrant l’augmentation du nombre de situations que le désormais Service des curatelles et tutelles professionnelles (SCTP) aurait à traiter au vu des grandes réformes prévues, notamment la réforme dite des cas lourds, la suppression d’imposer des curatelles et la révision de la Loi sur les curatelles. Le plan quinquennal en question avait prévu 5000 cas à traiter par le SCTP dans les dix années qui suivraient : il avait raison, car nous en sommes effectivement, aujourd’hui, à près de 5000 dossiers. Malheureusement, pendant ces dix années, le Conseil d’Etat n’a pas tenu compte de ce plan, mais a paré au plus pressé, en engageant dans l’urgence et par centaines des collaborateurs en contrats à durée déterminée (CDD).
En 2016, notre ancienne collègue députée Christiane Jaquet-Berger avait interpellé le Conseil d’Etat sur les mêmes questions que nous discutons aujourd’hui. Dans sa réponse, le Conseil d’Etat de l’époque évoquait de grandes difficultés pour justifier la problématique de l’engagement de personnel en CDD et notamment le fait que 28 % des collaborateurs du SCTP étaient engagés en CDD – le problème existait déjà à l’époque. Toujours dans sa réponse, le Conseil d’Etat de l’époque reconnaissait les difficultés que pose la politique de gestion du personnel par recrutement de personnes en CDD. Il promet alors des améliorations et optimisations, sans préciser quelles mesures seraient prises. Déjà en 2014, la Commission de gestion avait fait une observation sur les mêmes questions.
Aujourd’hui, qu’en est-il ? Le service en est toujours au même point, avec une part de CDD excessive, alors que les difficultés de gestion du personnel et du travail d’équipe sont persistantes, depuis tellement d’années. Certes, les réformes évoquées ont joué un rôle dans ces difficultés, mais quand même. En dix ans, ne pas avoir anticipé les propres prévisions de l’Etat, c’est beaucoup trop long, notamment en regard de la politique des ressources humaines de ce service. Cela d’autant plus que les prévisions pour 2022 et 2023 existent : l’Etat lui-même les a établies. On pronostique qu’en 2022, plus de 5200 situations devront être suivies par le service, et plus de 5600 en 2023.
Dans ce contexte, ériger en système l’engagement de CDD à la place de contrats à durée indéterminée (CDI) n’est pas acceptable. Rendez-vous compte – et je remercie le Conseil d’Etat pour sa franchise : entre le 1er janvier 2018 et la date de la réponse à cette interpellation, seuls deux engagements ont été effectués en CDI, contre des dizaines, pour ne pas dire beaucoup plus en CDD. Cette pratique – qui est d’ailleurs probablement illégale en regard de l’article 19 alinéa 2 de la Loi sur le personnel – n’est en tout cas pas digne d’un employeur qui se veut exemplaire. La pratique des CDD pose d’ailleurs passablement de problèmes institutionnels dans le fonctionnement des équipes. Par exemple, certains candidats ne postulent pas pour un CDD ou ne veulent pas quitter un CDI s’ils sont employés dans un autre service, alors que des collaborateurs quittent le SCTP pour un CDI proposé dans un autre service. Sur une période de CDD de deux ans, il est reconnu qu’une année environ est nécessaire pour connaître très bien le travail et toutes les lois qui l’entourent, mais aussi pour connaître les personnes suivies par le service. En plus, la première année, de formation, est jalonnée par des journées de formation obligatoire qui font reposer une bonne part du travail sur les épaules des autres collaborateurs. Enfin, l’obligation faite au titulaire d’un contrat CDD terminant son emploi de rechercher des offres d’emploi crée une certaine incertitude dans le service.
En fait, madame la conseillère d’Etat le sait certainement aussi : en tout cas dans deux régions, du fait de très nombreuses démissions liées à cette politique du personnel très instable, la situation de pré-crise est inconciliable avec un travail de qualité, malgré la bonne volonté des collaborateurs des services de ces deux régions. La situation chronique de crise et de pré-crise dans ces services doit cesser. Une petite lueur d’espoir apparaît dans la réponse à la cinquième question. On nous dit que la part des CDD ne va pas augmenter. Ce n’est pas beaucoup, mais c’est déjà ça. On nous dit ensuite que la tendance va s’inverser et que la part de CDD va diminuer. Comment cette part va-t-elle diminuer par rapport aux CDI ? Nous osons espérer qu’à l’avenir les engagements dans ces services se feront sous la forme de CDI et que ce sera la règle. Le Conseil d’Etat peut-il nous le confirmer ? Nous aimerions également disposer d’un planning de ce changement de tendance.
Par ailleurs, il y a une dizaine de jours, la presse nous a appris que 60 postes allaient être pérennisés d’ici 2023. Est-il possible de nous préciser si ce sont bien 60 CDD qui vont être transformés en CDI ? Et pourquoi donc cette nouvelle, qui est plutôt bonne, ne figure-t-elle pas dans la réponse à l’interpellation ?
La discussion est ouverte.
En préambule, le Conseil d’Etat tient à rappeler qu’en dépit d’un contexte compliqué de croissance et de réformes successives, les missions du SCTP ont continuellement pu être fournies. A ce sujet, il est important de relever que ce service ne maîtrise pas le volume de ses activités, puisque les mandats de curatelle sont attribués par les autorités de protection de l’adulte et de l’enfant du canton, à savoir les justices de Paix. Le service n’a donc pas d’influence sur la croissance du nombre de mandats de protection. Le gouvernement est conscient des enjeux auxquels le service doit faire face. C’est la raison pour laquelle, lors du dernier budget 2020, 13,4 nouveaux ETP lui ont été alloués. De plus, il est important de remarquer que les collaboratrices et collaborateurs engagés en CDD seront pérennisés, à terme. En 2020, avec les nouveaux postes alloués au budget et libérés pendant l’année, le SCTP a pérennisé l’équivalent de 22 ETP. Pour 2021, à ce jour nous sommes déjà à 22,3 ETP concernant 27 personnes dont la durée moyenne d’attente pour un passage en CDI aura été de 2,8 années. Le SCTP recourt à du personnel temporaire en raison du manque de visibilité sur le nombre de mandats qui lui seront confiés par les justices de paix. Enfin, les mécanismes de pérennisation des engagements mis en place par le SCTP respectent la volonté du législateur tendant à privilégier les engagements en CDI. Aussi, une attention particulière est portée à l’intégration et à la formation des nouveaux collaborateurs qui rejoignent le service. Sur le plan des perspectives professionnelles et sur celui des possibilités de formation, étant conscient de l’importance de devoir être un employeur attractif, le SCTP ne fait aucune distinction entre collaborateurs engagés en CDD ou en CDI.
J’en viens maintenant aux questions plus précises, s’agissant des dernières annonces faites par le Conseil d’Etat. En effet, ce dernier s’est engagé, à plusieurs reprises, à diminuer la part d’auxiliaires au SCTP et c’est donc ce que nous avons fait cette année. La raison pour laquelle la réponse n’intègre pas cet élément est que la décision du Conseil d’Etat est intervenue de manière subséquente. Nous avons d’ailleurs fait un communiqué de presse à ce sujet. Nous avons, il y a peu, validé le principe de réduire progressivement la part d’auxiliaires, comme nous l’avons d’ailleurs annoncé au Grand Conseil, avec un plan qui prévoit une pérennisation de 25 emplois à temps plein (ETP) au 1er septembre 2021, de 20 autres en 2022 et de 15 en 2023. Le basculement de 60 postes d’auxiliaires en postes à durée indéterminée s’inscrit donc dans la volonté du gouvernement de consolider les postes de travail existants et donc de garantir les meilleures conditions contractuelles à leurs titulaires. Nous allons ainsi diminuer très fortement la part d’auxiliaires ; c’était l’engagement que nous avions pris l’année dernière avec 60 ETP sur trois ans. En parallèle, les nouveaux ETP qui pourraient être attribués dans le cadre du prochain budget – je ne veux surtout prendre aucun engagement sur le nombre, puisque nous sommes en plein processus budgétaire – seront des contrats en CDI afin d’éviter de faire à nouveau augmenter la part des auxiliaires dans le service. Nous avons maintenant pris cette affaire en main. Encore une fois, les décisions prises étaient tout à fait légales, mais aujourd’hui, avec les 60 ETP et ce qui se fera dans les prochains budgets, nous voulons faire évoluer cette politique sur le long terme.
Je remercie Mme la conseillère d’Etat de confirmer ce tournant dans la politique de gestion du personnel de ce service. Je me réjouis, avec mon groupe, de constater cela dans le budget 2022 qui devrait effectivement compter beaucoup plus de postes en CDI qu’en CDD.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Ce point de l’ordre du jour est traité.