21_LEG_92 - Exposé des motifs CONSEIL DE LA MAGISTRATURE Exposé des motifs et projet de loi - modifiant la loi du 19 mai 2009 sur la médiation administrative (LMA ; BLV170.31) ; - modifiant la loi du 8 mai 2007 sur le Grand Conseil (LGC ; BLV 171.01) ; - modifiant la loi du 11 septembre 2007 sur la protection des données (LPrD ;BLV 172.65) ; - modifiant la loi du 12 décembre 1979 d’organisation judiciaire (LOJV ; BLV 173.01) ; - modifiant la loi du 19 mai 2009 sur le Ministère public (LMPu ; BLV 173.21) ; - modifiant la loi du 19 mai 2009 d'introduction du Code de procédure pénale suisse (LVCPP ; BLV 312.01) ; - modifiant la loi du 12 mars 2013 sur la Cour des comptes (LCComptes ; BLV 614.05) ; - modifiant la loi du 12 mars 2013 sur le Contrôle cantonal des finances (LCCF ; BLV 614.11) ; ET projets de décrets - abrogeant la loi du 8 mars 2011 sur la haute surveillance du Tribunal cantonal (LHSTC; BLV 173.35) ; - ordonnant la convocation des électeurs pour se prononcer sur la révision partielle de la constitution liée à la création d’un Conseil de la magistrature ; ET RAPPORTS DU CONSEIL D’ETAT AU GRAND CONSEIL : - sur le postulat Marc-Olivier Buffat et consorts en vue d'une modification de l'article 162 de la loi sur le Grand Conseil et pour une clarification de la procédure de réélection des Juges cantonaux, respectivement des Juges cantonaux suppléants et du Procureur général (12_POS_008) ; - sur le postulat Nicolas Mattenberger et consorts sur la nécessaire cohérence législative des autorités désignées par la loi pour statuer sur les sanctions disciplinaires infligées aux magistrats (13_POS_026) ; - sur le postulat de la Commission de haute surveillance du Tribunal cantonal (CHSTC) visant à confier à dite commission la haute surveillance sur le Ministère public (11_MOT_163 ; 13_POS_034) et - sur le postulat Raphaël Mahaim et consorts pour une autorité indépendante de (haute) surveillance de la justice et du ministère public (1_MOT_011 ; 13_POS_035) - sur le postulat Marc-Olivier Buffat et consorts - Modification de l’article 131, alinéa 3, de la Constitution vaudoise - Appartenance politique des Juges cantonaux en question (13_POS_37). (1er débat).
Séance du Grand Conseil du mardi 3 mai 2022, point 11 de l'ordre du jour
Documents
- Tableau miroir à l'issue des travaux en commission - Lois sur le Conseil de la magistrature - (21_LEG_92)
- EMPL-D magistrature - Texte adopté par CE
- RC - 21_LEG_92 (maj.)
- RC - 21_LEG_92 (min.)
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa discussion d’entrée en matière se fera sur l’entier des lois que nous allons passer en revue. En revanche, nous ferons un vote d’entrée en matière séparé pour chaque loi. Après le premier vote d’entrée en matière – en cas d’acceptation – nous voterons sur l'amendement transversal de la commission, soit l’adoption du langage inclusif pour l’entier de ce point de l’ordre du jour.
En préambule, il faut vous expliquer le long processus ayant abouti à cet exposé des motifs et projet de loi. En 2015 déjà, un renforcement des compétences de la Cour administrative avait été proposé devant notre plénum et n’avait pas passé. A la suite de cela, de multiples réflexions ont eu lieu sur l’instauration d’un Conseil de la magistrature. Des demandes d’expertise ont été faites à MM. Marty et Tanquerel. La Commission thématique des affaires juridiques a fait son travail de manière exhaustive. Lorsque je suis arrivée au Grand Conseil, en particulier dans cette commission, nous auditionnions justement différents acteurs du Tribunal cantonal, de l’Ordre des avocats vaudois (OAV), mais également le Procureur général, des experts et des membres d’autres conseils de la magistrature qui nous ont donné leur avis sur l’instauration d’un Conseil de la magistrature.
Après ces auditions, la Commission thématique des affaires juridiques a posé un cadre de manière consensuelle et unanime afin d’aller de l’avant et a demandé au Conseil d’Etat de nous proposer un projet de surveillance disciplinaire et administrative de l’Ordre judiciaire vaudois (OJV), ce qui a donné lieu à l’avant-projet mis en consultation par le Conseil d’Etat. Ce dernier a mené une large consultation et toutes les parties prenantes ont pu y répondre. Il s’agit donc d’un travail en profondeur. A la suite de la consultation, le Conseil d’Etat a pris en compte de nombreuses remarques, ce qui a donné lieu à l’exposé des motifs et projet de loi que nous traitons aujourd’hui. Le projet qui nous est soumis a fait l’objet de sept séances de commission. En tant que présidente de la Commission thématique des affaires juridiques, je peux témoigner que ces séances se sont passées dans une bonne ambiance et un esprit constructif. De plus, lorsque nous avons voté les amendements, des compromis ont émergé la plupart du temps dans une volonté de discussion et afin de trouver la meilleure solution pour l’instauration de ce Conseil de la magistrature.
Sur le fond et en introduction, le projet de loi sur le Conseil de la magistrature simplifie le système existant. En effet, pas moins de six instances ont actuellement des compétences en matière de surveillance administrative ou disciplinaire de l’OJV et du Ministère public. Le Bureau, la Commission de gestion, le Conseil d’Etat, la Commission de présentation, la Commission de haute surveillance du Tribunal cantonal et, enfin, la Commission des finances ont actuellement des compétences en la matière. La majorité de la commission a donc estimé qu’il fallait se diriger vers un système beaucoup plus simple avec un Conseil de la magistrature exerçant une surveillance administrative et judiciaire sur l’ensemble des magistrats de l’OJV et du Ministère public. Ces compétences sont réglées de manière exhaustive dans la loi et le Grand Conseil, par le biais de la Commission thématique des affaires juridiques, exerce toujours la haute surveillance sur le Conseil de la magistrature et, au travers de celui-ci, sur la gestion du Tribunal cantonal et du Ministère public.
S’agissant des amendements importants votés par notre commission, la composition du Conseil de la magistrature a été légèrement modifiée par la commission. Dans le premier projet, il était prévu que le bâtonnier de l’OAV soit le membre de droit du Conseil de la magistrature. Après audition de l’OAV, il s’est avéré que le bâtonnier était nommé pour deux ans et que, pendant cette durée, sa charge de travail est considérable. De plus, il n’a pas une fonction pérenne. Il nous a donc paru plus utile de nommer un ancien bâtonnier ou une ancienne bâtonnière au Conseil de la magistrature et que cette présence des avocats soit renforcée par la nomination d’un second avocat, lequel serait actif depuis au moins dix ans et inscrit au Registre vaudois des avocats. Etant donné que nous ne voulions pas modifier le nombre des membres de la commission, nous avons laissé ce nombre à neuf, ce qui implique la suppression d’un membre représentant la société civile, pour arriver à deux membres au lieu de trois. Cette modification de la composition a bénéficié d’un fort consensus au sein de la Commission des affaires juridiques.
Un autre point problématique est apparu dans le projet de loi. Il s’agit de la question du secrétariat du Conseil de la magistrature, ce secrétariat devant être rattaché, dans le projet initial, au Département des affaires institutionnelles. Or, toute la commission a considéré qu’il serait plus utile et juste, en vertu de la séparation des pouvoirs, de garantir un secrétariat indépendant et uniquement dédié à ce Conseil de la magistrature. Cet amendement a aussi été accepté par une large majorité de la commission. Il reste la question de l’élection des juges cantonaux par le Grand Conseil. Comme c’est le cas aujourd’hui, cette élection continuera d’être sous la responsabilité du Grand Conseil. La Commission de présentation subsiste et il n’y aura qu’une seule différence à l’avenir : l’expertise professionnelle et technique ne sera plus sous la responsabilité d’experts externes, mais bien du Conseil de la magistrature qui donnera un préavis à la Commission de présentation, laquelle pourra ensuite auditionner les candidats postulant au Tribunal cantonal.
Il faut enfin noter que le Procureur général et l’OAV ont été auditionnés par notre commission et ils soutiennent le projet de Conseil de la magistrature. Le Tribunal cantonal a émis certaines réserves, en particulier sur l’avant-projet. Toutefois, ces réserves ont surtout trait à la définition des compétences en matière de surveillance administrative. Le Tribunal cantonal admet qu’il faut une instance en matière de surveillance disciplinaire et soutient par conséquent la nomination d’un Conseil de la magistrature. Cette surveillance reprend une bonne partie des compétences contenues dans la loi sur la Commission de haute surveillance du Tribunal cantonal. Le système deviendra donc plus simple et transparent, car il y a actuellement trop d’autorités. Ainsi, la majorité de la commission estime que ce projet de lois sur le Conseil de magistrature renforcera les diverses institutions ainsi que la séparation des pouvoirs entre le Tribunal cantonal et notre Grand Conseil. Dans sa majorité, la Commission thématique des affaires juridiques vous demande d’entrer en matière sur ce projet.
La minorité de la commission s’oppose à la mise en place d’un Conseil de la magistrature pour les raisons évoquées par le Tribunal cantonal et figurant dans le rapport de la commission, sous le chapitre 3, ainsi que les positions évoquées par la présidente de la Commission de haute surveillance du Tribunal cantonal. Le système actuel fonctionne et, moyennant quelques adaptations, ne nécessite pas la mise en place d’un système lourd et coûteux tel que proposé. L’efficacité de la justice dans le Canton de Vaud est reconnue, tant par les professionnels du droit que par les justiciables, et ce, en termes de qualité et de célérité des décisions rendues ainsi que de gestion et de direction de l’OJV. Il n’y a donc pas lieu d’affaiblir cette efficacité.
Deux aspects seront fondamentalement modifiés par la création d’un Conseil de la magistrature, à savoir, d’une part, la surveillance des magistrats et la haute surveillance du Tribunal cantonal et le mode d’élection des magistrats, d’autre part. Concernant la surveillance et la haute surveillance, en substance, les critiques du système actuel font valoir à tort que la surveillance des magistrats n’est ni adéquate ni efficace. Or, les avantages du système actuel sont les suivants :
- le système actuel présente l’avantage de faire une distinction claire entre « haute surveillance » et « surveillance administrative » qui sont exercées par deux organes distincts. L’exposé des motifs et projets loi tel que proposé crée au contraire une confusion entre ces deux concepts, mettant ainsi clairement en péril la séparation des pouvoirs ;
- le système actuel de surveillance des magistrats est efficace : en cas de dysfonctionnement d’un magistrat cantonal, une enquête est ouverte par le Bureau du Grand Conseil. Dans les cas les plus graves, le Grand Conseil peut se prononcer sur une destitution d’un juge cantonal. Ce système a pour avantage de respecter le parallélisme des formes, à savoir que c’est le même organe, soit le Grand Conseil, qui à la fois élit et a la compétence de révoquer un magistrat cantonal.
- le système actuel de la haute surveillance est efficace : la commission n’a pas connaissance de cas pour lesquels le système de haute surveillance exercée par la Commission de haute surveillance du Tribunal cantonal ne donnerait pas satisfaction ;
- le système actuel de la surveillance administrative est efficace : la surveillance administrative de l’OJV, de la compétence de la Cour administrative du Tribunal cantonal, est particulièrement efficace, dès lors qu’elle est exercée par trois membres, soit trois juges cantonaux, qui sont rompus au fonctionnement de cet ordre.
L’exposé des motifs et projet de loi prévoit donc la création d’une institution non seulement peu efficace, mais aussi très lourde sur les plans administratif et financier, ce qui est hautement disproportionné au vu du nombre de magistrats concernés et de cas de dysfonctionnement à traiter.
Concernant le mode d’élection des magistrats, le projet de loi prévoit un important changement quant au mode d’élection des juges cantonaux. Tout en maintenant les attributions de la Commission de présentation, il ajoute une étape inutile et supplémentaire en prévoyant que le Conseil de la magistrature serait chargé d’émettre des préavis sur les candidatures aux postes de juges cantonaux. Cela pose divers problèmes tels qu’au niveau de la représentation politique, de l’influence de la composition du Conseil de la magistrature, etc. Mais, surtout, cela ôte la légitimité démocratique dont était pourvue la Commission de présentation, composée uniquement de députés. Actuellement, il n’est pas évident de voir concrètement en quoi le système actuel d’élection des juges cantonaux ne fonctionnerait pas, celui-ci ayant fait ses preuves. Au contraire de simplifier le système, le projet de loi l’alourdit et le complique de manière inutile. Une réélection périodique des juges cantonaux, soumise au préavis d’une autorité qui serait également l’autorité de surveillance administrative – traitant en particulier les dénonciations ou les plaintes concernant les juges du projet de loi sur le Conseil de la magistrature – et l’autorité disciplinaire de ces mêmes juges, ne sauraient respecter l’indépendance des juges. Je souhaite illustrer ces propos par le biais de la loi. Un député ne pourrait pas être membre tant de la commission du Grand Conseil sur la haute surveillance du Tribunal cantonal que de l’autre commission, pourquoi ? Car il n’est pas possible de se charger à la fois de la surveillance d’un magistrat et à la fois de son élection. Cette règle est donc imposée au Grand Conseil, tout en conférant des pouvoirs au Conseil de la magistrature. L’intervention du Conseil de la magistrature dans le processus d’élection et de réélection des juges cantonaux avec le maintien d’une partie des compétences de la Commission de présentation est donc aussi problématique, sans compter le fait que cela crée un doublon avec lesdites commissions et des possibilités de blocage entre les deux entités. En résumé, la Commission de présentation ne fera plus le travail de sélection des juges, qui incombera désormais au Conseil de la magistrature. La Commission de présentation devra donc uniquement valider le préavis fourni par le Conseil de la magistrature. Cette perte de contrôle du politique sur la représentation des juges en fonction des forces politiques est un changement radical.
Le Conseil de la magistrature prévu par le projet de loi pose donc des problèmes institutionnels. Pour rappel, le Grand Conseil est la chambre des représentants du peuple. Actuellement la Constitution attribue à ce dernier la tâche de contrôler le bon fonctionnement du système judiciaire vaudois. Par le biais du Grand Conseil, c’est donc un regard du peuple sur la justice vaudoise. Or, le Grand Conseil, et donc le peuple, est le grand perdant de la mise en place d’un Conseil de la magistrature, puisque celui-ci réduit drastiquement les prérogatives du Parlement. Ce dernier, et plus particulièrement les commissions, sont finalement réduites à de simples chambres d’enregistrement, avec comme option de se prononcer sur des préavis établis par le Conseil de la magistrature et de valider ses rapports émis annuellement. Comme évoqué, une telle concentration de pouvoirs présente un risque pour l’indépendance de la justice ainsi qu’un déficit démocratique. Il est sérieusement à craindre que, malgré une garantie formelle de l’indépendance de la justice, une telle concentration ne nuise en réalité à celle-ci.
J’aimerais rappeler l’importance de la Commission de haute surveillance ainsi que de ses prérogatives. Régulièrement, cette commission entend des citoyens vaudois interrogatifs, perplexes ou encore frustrés par le fonctionnement de la justice. Ces doléances sont donc examinées, discutées avec la commission et le Tribunal cantonal. Chaque requérant reçoit ainsi les explications nécessaires et si un dysfonctionnement est identifié, les adaptations essentielles sont rapidement mises en place par le Tribunal cantonal. Le cadre constitutionnel actuel garantit ainsi aux citoyens vaudois une écoute attentive et un accès au système judiciaire vaudois. En résumé, les pouvoirs de la Commission de haute surveillance du Tribunal cantonal étant transmis à la Commission des affaires juridiques, la première devient de facto une commission alibi, car vidée de ses compétences, puisque c’est le Conseil de la magistrature qui exercera la surveillance sur le système judiciaire vaudois. De plus, celle-ci n’aura même plus la possibilité d’effectuer des visites, pourtant très appréciées par les offices visités et permettant d’échanger dans un climat serein ainsi que de remonter des préoccupations. Seule la surveillance du Conseil de la magistrature, par le biais d’un rapport annuel, restera dans les attributions de cette commission.
Je souhaite maintenant vous donner l’avis du Tribunal cantonal, et ce, à l’aide d’une citation. De son avis, si un Conseil de la magistrature devait être instauré, il devrait uniquement être chargé des questions disciplinaires sur l’ensemble des magistrats. Concernant la modification constitutionnelle, en confiant au Conseil de la magistrature une compétence en matière de surveillance administrative du Tribunal cantonal, avec des pouvoirs d’investigation extrêmement étendus sur l’ensemble de l’OJV, l’avant-projet induirait une modification constitutionnelle fondamentale qui bouleverserait l’ordre judiciaire supérieur du canton.
Pour le Tribunal cantonal, l’accumulation de compétences prévue par l’avant-projet serait néfaste, étant de nature à porter atteinte à l’indépendance de la justice, qui est un pilier de notre Etat de droit. L’indépendance et l’objectivité de l’organe compétent en matière disciplinaire ne sont aucunement garanties si ce dernier a préalablement exercé la surveillance administrative. Pour les mêmes motifs, il n’est pas davantage souhaitable que l’organe chargé de cette double surveillance soit encore investi de compétences pour l’élection des juges cantonaux, compétences qui échapperaient partiellement au Grand Conseil. Le Tribunal cantonal rappelle enfin que l’efficacité de la justice dans le canton de Vaud est reconnue tant par les professionnels du droit que par les justiciables, en termes de qualité et de célérité des décisions rendues, ainsi que de gestion et de direction de l’OJV. Il n’y a pas lieu d’affaiblir cette efficacité.
En conclusion, ce projet de loi propose une autorité supplémentaire pour des tâches aujourd’hui exercées à satisfaction par d’autres institutions, lesquelles seront en outre maintenues avec des compétences plus limitées. Cet enchevêtrement des compétences et la complexité du système tel que proposé le rend peu efficace et source de potentiels conflits entre les institutions. Dans la mesure où le Conseil de la magistrature n’a pas d’attributions nouvelles et ne fait que s’approprier des tâches exercées actuellement par d’autres organismes qui seront de toute manière maintenus en place, il n’est pas vu l’utilité concrète que son institution pourrait apporter. Pour toutes les raisons invoquées ci-dessus, la minorité de la commission vous recommande ne pas entrer en matière et de refuser cet exposé des motifs et projet de loi.
La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.
Les discussions sur l’instauration d’un Conseil de la magistrature ne datent pas d’hier. Le sujet avait été largement débattu lors des séances de la Constituante, il y a 20 ans déjà. Il avait alors été décidé d’y revenir ultérieurement.
Le sujet est réapparu en 2015, constatant que plusieurs aspects de la surveillance et de la haute surveillance étaient très complexes et justifiaient une simplification. En effet, le nombre des autorités compétentes pour la surveillance administrative et disciplinaire de la justice vaudoise et des six commissions du Grand Conseil traitant de la surveillance et de la haute surveillance est à l’évidence, très élevé. En outre, plusieurs questions touchant à l’indépendance du Ministère public, à la dépolitisation des élections des magistrats et à l’absence de recours pour les décisions du Tribunal neutre ont été matérialisées ces dernières années par plusieurs dépôts parlementaires. Il était donc logique que le Conseil d’Etat vienne avec une proposition de Conseil de la magistrature, plus simple et plus cohérente pour l’indépendance de la justice.
Après des avis de droit, des auditions et une large consultation, le projet qui est arrivé pour être discuté en commission a largement intégré les différentes remarques et propositions des différentes parties consultées.
La commission a aussi procédé à de nouvelles auditions notamment du Tribunal cantonal, de l’OAV, du Ministère public, de plusieurs commissions du Grand Conseil, auditions qui ont fait ressortir encore quelques points de convergence et de divergence. Après les avoir entendues, et après un travail approfondi et de nombreuses précisions et améliorations, les commissaires ont été convaincus dans leur majorité que la réforme proposée par le Conseil d’Etat était une bonne voie apportant des réponses tant sur le fond que sur la forme, tout en préservant les compétences du Grand Conseil. Rappelons également que ce projet, s’il est accepté par le Grand Conseil, devra faire l’objet d’une modification constitutionnelle et d’une votation populaire subséquente. Le peuple aura donc le dernier mot.
Rester dans un statu quo comporte, outre sa complexité, des zones floues et disparates qui ne sont pas en faveur d’une saine séparation des pouvoirs, base de la cohérence de notre Etat. De plus, la Constitution impose des délais pour les réélections des juges cantonaux et subséquemment de l’OJV. Il est donc judicieux que le choix soit fait dans les délais impartis. Les débats ont été aussi nourris au sein du PLR, pesant l’opportunité d’entrer en matière ou non et relevant plusieurs points à discuter. Dans sa majorité, le PLR recommande d’entrer en matière, en se réservant le droit de revenir avec des amendements lors du traitement des articles.
Cela a été dit par la présidente de la commission et rapportrice de la majorité, plusieurs enjeux majeurs se rejoignent dans les préoccupations évoquées par le groupe socialiste depuis plusieurs années. C’est un élément important pour nous : ce Conseil de la magistrature permettra un renforcement de la séparation des pouvoirs qui existe entre l’entité judiciaire et qui se verra dotée du Ministère public, lequel est actuellement regroupé dans notre Constitution et administrativement en lien avec notre exécutif. Le Ministère public sera ainsi rattaché dans notre Constitution et sous l’angle de la surveillance afin d’avoir le même traitement que les magistrats du Tribunal cantonal. En cela, nous sommes persuadés que ce projet renforce la séparation des pouvoirs.
Ce projet simplifie également le système de surveillance et de haute surveillance en permettant de gagner en efficacité. Contrairement à ce que soutient le rapporteur de minorité, il ne s’agit pas bêtement et simplement de créer une autorité supplémentaire qui viendrait ajouter une couche additionnelle au millefeuille, puisque cette nouvelle autorité créée reprendrait à son compte de nombreuses compétences aujourd’hui distillées dans plusieurs institutions de notre Grand Conseil, dont certaines d’entre elles ne connaissent pas toujours quelle est l’étendue de leurs compétences en matière de surveillance, ni ne sont dotées des moyens suffisants afin de l’exercer pleinement. Je prends l’exemple que nous avons évoqué à de nombreuses reprises dans ce Parlement, soit le travail effectué actuellement par la Commission de gestion en délégation du Conseil d’Etat s’agissant de la surveillance effectuée sur le Ministère public. Nous savons que cette tâche est compliquée pour la Commission de gestion, cette dernière n’étant pas dotée des moyens humains et des ressources techniques pour effectuer cette surveillance à satisfaction. Le fait de créer un Conseil de la magistrature n’engendre donc pas une autorité supplémentaire, mais permet de gagner en efficacité. Il permet aussi à notre Grand Conseil, par délégation auprès de cette autorité, d’effectuer correctement et avec compétence cette surveillance sur les entités judiciaires.
Le rapporteur de minorité évoque également la problématique de la contestation du pouvoir ou du manque de légitimité. Il est important de revenir sur la composition du Conseil de la magistrature et sur la manière dont ses membres seront élus. Ces préoccupations feront l’objet de plusieurs articles de la première loi que nous serons amenés à traiter. Vous constaterez à cet égard que nous avons procédé, lors des séances de commission, à quelques amendements afin de peaufiner cette composition du Conseil de la magistrature, mais aussi la manière dont les membres seront élus afin de renforcer la légitimité de cette autorité qui sera véritablement élue par le Grand Conseil, lequel agira par délégation du pouvoir suprême de ce canton qu’est notre Parlement. Nous estimons par conséquent qu’il n’y a pas de manque de légitimité, ni de concentration de pouvoirs. Au contraire, nous sommes face à un moyen plus efficace.
Je profite d’être à ce point de mon exposé pour démentir un propos provenant du rapporteur de minorité. Dans son analyse qui tendait à démontrer que ce Conseil de la magistrature supprimait des compétences existant aujourd’hui au sein de la Commission de haute surveillance – il parlait notamment des visites annuelles auprès du Tribunal cantonal – je le renvoie à l’article 27, alinéa 1, lettre b, qui prévoit expressément que le Conseil de la magistrature exerce la surveillance par des visites annuelles du Tribunal cantonal, du Ministère public et des offices qui en dépendent. Ces compétences seront donc aux mains du Conseil de la magistrature. Il existe également la possibilité, pour ce dernier, de traiter des dénonciations concernant le fonctionnement des offices judiciaires, dénonciations qui pourraient venir de la part de n’importe quel justiciable, lequel peut actuellement s’adresser aussi à la Commission de haute surveillance. Il est donc faux de penser que l’instauration de ce Conseil de la magistrature crée une perte de légitimité par rapport à la surveillance exercée aujourd’hui.
Je l’ai évoqué tout à l’heure, la composition du Conseil de la magistrature a fait l’objet de nombreux débats en commission. Nous avons quelque peu modifié le projet émanant du Conseil d’Etat. Il nous semble cependant important, et c’est un élément sur lequel le parti socialiste sera attentif, de conserver au sein de ce Conseil de la magistrature une majorité de magistrats dans sa composition afin de respecter les garanties nécessaires citées par plusieurs avis de droit et experts. A la sortie de la commission, le Conseil de la magistrature est composé de cinq magistrats et de quatre autres personnes, ce qui parait être une garantie suffisante pour lui garantir l’indépendance nécessaire. (La présidente demande le silence, n.d.l.r) Le Conseil de la magistrature passionne les foules ; c’est connu… Un autre point évoqué en commission, et qui est aussi très important pour le groupe socialiste, est l’indépendance du Conseil de la magistrature par rapport à son secrétariat. La commission avait ainsi amendé le projet initial du Conseil d’Etat afin de s’assurer que le secrétariat soit indépendant par rapport au département. Nous serons attentifs à ce que cette version issue des débats en commission ne soit pas modifiée. Il y a encore un autre élément essentiel sur lequel nous serons attentifs lors des débats à venir, il s’agit des éléments relevant des dispositions transitoires. Comme vous le savez, si l’article constitutionnel et les lois modifiées entrent en vigueur au 1er janvier 2023, la nouvelle législature judiciaire débutera au 1er janvier 2025, de sorte qu’il conviendra, lors de l’adoption de ces dispositions légales, de déterminer ce qu’il adviendra du statut et de l’élection des différents magistrats et membres du nouveau collège de procureurs. Nous serons donc attentifs afin que le projet adopté par ce Grand Conseil soit cohérent et permette aussi de garantir le fonctionnement des institutions.
Ce projet est issu d’années de réflexion, de dizaines de séances, consultations et autres avis de droit. Il permet à notre canton de se doter enfin d’un organe indépendant avec des compétences tant humaines que matérielles afin d’assurer une surveillance sur nos autorités judiciaires en bonne intelligence et de garantir l’indépendance des jugements ainsi que l’accès à la justice par les justiciables. Dans cette dynamique, le groupe socialiste soutiendra l’entrée en matière sur chacun de ces projets de loi et sur la modification de la Constitution. Nous veillerons à ce que les amendements déposés lors des séances de commission et qui vous seront présentés soient conservés dans la version finale. Enfin, nous serons attentifs aux dispositions transitoires qui seront traitées par notre plénum, notamment celles qui concernent le Ministère public et le collège des procureurs. Au nom du groupe socialiste, je vous invite donc à soutenir les différentes entrées en matière sur ces projets de loi.
Le groupe UDC refusera l’entrée en matière concernant le projet de loi sur le Conseil de la magistrature. Le système actuel fonctionne et ne nécessite pas la mise en place d’un système aussi lourd et coûteux. L’accumulation de compétences prévue dans ce projet de loi est de nature à porter atteinte à l’indépendance de la justice, qui est un pilier de notre Etat de droit. Le Conseil de la magistrature reprendrait des fonctions actuellement exercées par de nombreuses commissions et organes parlementaires. Le modèle proposé n’apporte aucune simplification, puisque ces autorités parlementaires verraient leurs compétences réduites, mais ne disparaîtraient pas. Au contraire, en dotant des organes distincts de pouvoirs similaires, un important risque de conflit et de blocages est à prévoir. L’indépendance et l’objectivité du Conseil de la magistrature pourraient être discutées, puisqu’il pourrait être compétent en matière disciplinaire et également s’occuper de la surveillance administrative. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC refusera l’entrée en matière et vous encourage à en faire de même.
Ce n’est pas tous les jours que l’on évoque la création d’une nouvelle autorité dans notre canton, surtout lorsque cette dernière se rapporte au troisième pouvoir sur lequel les principes rattachés à Montesquieu nous limitent quant à nos propres pouvoirs de gestion et de surveillance. Ce dernier point démontre d’ailleurs, sur le principe, toute la pertinence et l’importance de ce projet, qui émane notamment de demandes et dépôts relevant des rangs des Verts et Vertes vaudois, aux côtés des autres partis de cet hémicycle. Cette importance tient également au fait que le système actuel, loin du carac vaudois, équivaut, comme cela est dit dans le rapport de majorité, à un réel millefeuille complexe dans lequel cinq autorités et six organes parlementaires se répartissent l’une ou l’autre des compétences de surveillance applicables.
C’est un système très peu lisible et beaucoup trop compliqué qui, dans les faits, n’atteint que partiellement et imparfaitement ses objectifs. De plus, cette importance réside aussi dans le fait que la surveillance d’un pouvoir législatif ou exécutif sur un autre – ici judiciaire – est une possibilité à prendre avec beaucoup de réserve et à poser d’une manière réfléchie et uniforme. A défaut, les conflits de compétences ainsi que le risque d’ingérence dans le pouvoir judiciaire sont réels. Il nous faut donc être particulièrement précautionneux et précautionneuses dans nos démarches.
Enfin, nonobstant les éléments qui précèdent, une certaine surveillance est impérative. Bien qu’heureusement relativement rares, les exemples sont réels quant à des abus ou des problèmes qui peuvent apparaître dans le cadre de l’exercice des activités judiciaires. Toute personne, même les juges, peut commettre des erreurs ou suivre une pratique que l’on ne pourrait pas cautionner. Le glaive de la justice est nécessaire pour trancher les nombreux litiges qui peuvent apparaitre. Il s’agit toutefois d’une arme dont il faut faire usage avec soin. L’usage de cette arme se doit d’être soumis à une surveillance effective et efficace, au risque que cette même arme tranche définitivement les fils de la balance qui doivent être tenus par la justice.
A la lumière de ces points, le groupe des Vertes et Verts vaudois salue le projet développé par le Conseil d’Etat et amélioré par la commission. Nous y reviendrons dans le cadre de nos débats sur les différents articles : les changements nécessaires pour parfaire ce projet ont eu lieu. Dans l’ensemble, il convient de rappeler que la surveillance par ses pairs et non par un autre pouvoir est centrale. Cette surveillance est aussi exigée par la Commission de Venise qui a recommandé, dans un rapport de 2010, qu’une partie importante, voire la majorité des membres de l’organe de surveillance des magistrats soit elle-même composée de juges et magistrats. Cette composition doit permettre d’assurer à la fois une bonne connaissance du système, une compréhension de ses rouages et assurer l’indépendance nécessaire à ses activités, ce qui permet d’éviter un croisement des pouvoirs et surtout l’abus d’un pouvoir sur l’autre.
Il ne s’agit pas ici de réduire les pouvoirs du peuple, comme cela a été mentionné dans le rapport de minorité, ni d’une concentration des pouvoirs, mais bien du renforcement de la séparation des pouvoirs et du développement d’une efficacité donnée par rapport à une situation aujourd’hui beaucoup trop compliquée, insatisfaisante et mauvaise. La recherche de la justice est la recherche du vrai. « Le vrai est trop simple, il faut y arriver toujours par le compliqué » disait Georges Sand. Assurons-nous par notre vote d’aujourd’hui que ce projet passe afin d’assurer que le vrai puisse être recherché dans un environnement simple et non dans une complexité d’organes se disputant des compétences. En conclusion, le groupe des Verts et Vertes vaudois vous invite à accepter le projet présenté dans le cadre du rapport de la majorité.
Comme nous tous, les Vert’libéraux vaudois sont attachés au principe de démocratie et de transparence de la justice. L’institution du Conseil de la magistrature répond à un certain nombre de nos attentes, comme:
- mieux garantir le respect de la séparation des pouvoirs, de l’indépendance juridictionnelle;
- simplifier le système de haute surveillance de la justice.
L’institution du Conseil de la magistrature signe la fin de la Commission de haute surveillance du Tribunal cantonal qui a été présidée durant de nombreuses années par un Vert’libéral. Nous nous sentons donc particulièrement interpellés. En tant que présidente vert’libérale de cette commission, j’ai pu exprimer ses réserves auprès de la Commission des affaires juridiques, en particulier en ce qui concerne les liens créés avec les différents organes de l’Ordre judiciaire lors des visites, auditions et autres relations de travail. Ces liens devraient perdurer au travers de la Commission des affaires juridiques.
Les travaux de la commission ont apporté de nombreux amendements qui modifient de façon substantielle le projet initial. Ainsi, les Vert’libéraux estiment essentiel d’intégrer plus de magistrats à la composition, comme cela avait été proposé dans le projet de loi. Nous relevons également avec satisfaction la modification proposée après les amendements. Les Vert’libéraux insistent sur la garantie de l’indépendance du secrétariat du Conseil de la magistrature, comme c’est le cas actuellement pour le secrétariat du Grand Conseil. Nous sommes satisfaits de la proposition du projet de loi amendé.
En conclusion, le groupe vert’libéral est favorable au principe de l’instauration d’un Conseil de la magistrature et il vous recommande l’entrée en matière. Nous suivrons toutefois les débats avec attention et nous nous positionnerons sur les amendements en fonction des propositions et des discussions.
L’exposé des motifs et projet de loi qui nous est proposé aujourd’hui tend à une modification majeure des institutions et nécessite d’ailleurs une révision partielle de la Constitution vaudoise ; ce n’est pas rien. Le Conseil de la magistrature serait chargé à la fois de la surveillance administrative de l’OJV, de l’exercice de l’autorité disciplinaire sur les magistrats et de la procédure d’élection et de réélection des juges cantonaux. Une pareille accumulation de compétences entre les mains de quelques personnes serait de nature à porter atteinte à l’indépendance de la justice et ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les magistrats eux-mêmes qui l’expriment, comme l’a d’ailleurs rappelé le rapporteur de minorité. C’est un entre-soi corporatiste qui nous paraît très dangereux et bien au-delà des éventuelles fractures partisanes. Il en résulterait un déficit démocratique. Actuellement, la haute surveillance exercée sur le Tribunal cantonal est de la compétence du Grand Conseil et elle se justifie du fait que ce dernier est le pouvoir suprême de ce canton et que ses membres sont élus par le peuple.
En suivant le projet de loi, le Grand Conseil abandonnerait non seulement ses compétences en matière de haute surveillance, mais aussi, pour la plus grande partie et dans les faits, tout ce qui a trait aux élections. Nous nous opposons frontalement à cette perte de surveillance démocratique du premier pouvoir et donc du peuple. Il s’agit bien d’une perte, contrairement à ce que certains de mes préopinants ont dit. On peut dire des choses fausses, mais mêmes enrobées dans la confiture verte d'une génie du XIXe, elles resteront fausses. Ce n’est pas une petite réforme qui est en jeu et l’entrée en matière mérite une réflexion approfondie. Pour un objet d’une telle importance, le fait que tous les groupes politiques ne soient pas représentés relève de l’aimable farce, ou de l’aimable mépris, d’autant plus si cet objet entraîne une modification de la Constitution. Même si nous sommes conscients que le système actuel de choix des juges cantonaux, avec une représentativité partisane, peut poser un problème et ne pas être compris par la population, la solution proposée annihilera toute transparence, contrairement à ce qu’a dit la présidente rapportrice de majorité.
Dans une très large majorité, le groupe Ensemble à Gauche et POP suivra donc le rapport de minorité, n’entrera pas en matière sur cet exposé des motifs et projet de loi et vous propose d’en faire de même. Toutefois, si l’entrée en matière est acceptée, nous nous réservons le droit – puisque nous n’étions pas dans la commission – de proposer des amendements visant à améliorer le projet de loi.
Nous aurions pu faire nôtre la belle démonstration de notre collègue d’Ensemble à Gauche et POP. La position des Libres est toujours la même que celle que nous avons exprimée lors de la consultation ; nous ne l’avons pas changée. Nous admettons qu’il manque un système de surveillance disciplinaire sur les magistrats de l’OJV et du Ministère public du canton de Vaud. Sur ce point, nous ne nous opposons donc pas au principe d’une réforme des institutions actuelles. De même, nous ne sommes pas opposés à une refonte des commissions parlementaires en lien avec le pouvoir judiciaire ni à une simplification des organes concernés. Nous sommes conscients que la relation actuelle entre pouvoir politique et pouvoir judiciaire n’est pas parfaite et ne garantit pas une indépendance totale des deux pouvoirs, mais nous ne sommes pas du tout certains que l’avant-projet résolve le problème ; nous estimons, au contraire, qu’il en crée d’autres.
L’impression laissée par l’avant-projet est que le problème est déplacé, en passant d’un risque de « copinage » politique à un potentiel « copinage » judiciaire. Le Conseil de la magistrature tel que proposé donne l’impression de vouloir priver le Grand Conseil de sa mission de haute surveillance du Tribunal cantonal ainsi que de son rôle lors de l’élection et de la réélection des juges cantonaux. En effet, ces organes ne conservent, selon l’avant-projet, qu’un rôle de façade superficiel, tandis que le Conseil de la magistrature deviendrait l’organe-clé de sélection, de surveillance et de recours. Il est important ici de rappeler que cette innovation représenterait l’un des plus grands changements de notre Constitution du 14 avril 2003, par la modification de ses articles 107 et 131. Cela bouleverserait très clairement le rapport entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire, puisque le Parlement n’aurait plus de contact aussi direct avec l’OJV, mais devrait se servir d’un intermédiaire intitulé « Conseil de la magistrature ».
Ainsi, nous considérons qu’il faut corriger trois gros défauts qui subsistent :
- La composition du Conseil de la magistrature et les modalités de sélection : il s’agit d’un cercle fermé composé de magistrats. Le projet de la commission aggrave même la situation avec un avocat en plus et un représentant du Parlement en moins.
- La présidence tenue par un magistrat élu pendant 10 ans, soit deux mandats ; son secrétariat tenu par du personnel du Service juridique de la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC) avec donc un flagrant problème d’indépendance, ce que reconnait d’ailleurs le rapport de majorité.
- Les compétences et champs d’action du Conseil de la magistrature : il lui est octroyé de hautes responsabilités, le rôle de la Commission de présentation serait très restreint. La Commission de haute surveillance n’exercerait des compétences que sur la base d’un rapport établi par le Conseil de la magistrature. Ainsi, ce dernier serait une forme de barrage entre le Grand Conseil et l’OJV.
Dans ce contexte, le groupe des Libres refusera l’entrée en matière en émettant le vœu que le Conseil d’Etat revienne avec un projet adapté. Nous n’avons pas été entendu la première fois, nous avons peut-être l’espoir qu’il y ait une prise de conscience pour éviter de faire fausse route.
Sur cet exposé des motifs et projet de loi, je ne suis pas du même avis que Mme la conseillère d’Etat. En effet, si j’ai bien compris, le but est de simplifier et de rationnaliser la surveillance de toutes les autorités judiciaires, y compris le Ministère public. Pourquoi changer une méthode de fonctionnement, certes perfectible, mais qui reste performante ? Pourquoi faut-il déléguer les pleins pouvoirs à une autre instance alors que ce Grand Conseil respecte la sensibilité du citoyen – électrices et électeurs – en élisant des juges aux sensibilités politiques diverses et variées, mais qui nous représentent tous ? Un premier exemple me vient à l’esprit : il s’agit de l’initiative sur la justice au plan fédéral qui avait pour objectifs de dépolitiser l’élection des juges au Tribunal fédéral – c’était le point d’orgue – ainsi que la nomination des juges fédéraux par une commission d’experts sur la base de leurs qualifications. L’ensemble des cantons et de la population a sèchement rejeté cette proposition. J’en déduis que la population est convaincue que les parlements ayant le même fonctionnement que le nôtre élisent des juges plus compétents et représentatifs suivant ce que nous sommes et qui nous représentons.
Nous ne serons pas à l’abri de ce qu’ont vécu les Neuchâtelois, soit de ne pas réélire une juge du tribunal. Le Conseil de la magistrature, qui n’avait d’ailleurs décidé d’aucune mesure disciplinaire à l’encontre de cette juge, avait émis un préavis négatif à son encontre. Cela a fait la une des journaux et cela pourrait également arriver à notre Conseil de la magistrature. Notre système est aussi reconnu par le Tribunal cantonal, cela a été dit. Ma perplexité s’accentue quant aux moyens financiers devant être mis à disposition de ce conseil qui devra être mis en place, et ce, avec toutes les personnes y gravitant. Que dire également de la composition du Conseil de la magistrature ? Deux membres de ce conseil proviendront du Ministère public, lequel est l’autorité de poursuite pénale devant les tribunaux et le représentant de l’Etat dans toutes les procédures. Il reste encore un point posant problème sur l’indépendance de la justice probablement mise à mal par le fait qu’un accès au dossier judiciaire en cours est garanti à certaines conditions. Lorsqu’on me parle d’une justice totalement libre et indépendante, j’émets déjà quelques doutes. En outre, selon ma compréhension, plusieurs commissions de notre Grand Conseil s’occupent de la justice ou, tout du moins, donnent des avis sur différents points. C’est dans l’optique de limiter le pouvoir d’une seule commission qu’on le dispatche en six. Le but est d’éviter que toutes les forces … (M. le député est interrompu par le brouhaha ambiant, n.d.l.r.) je vais donc m’arrêter là. En conclusion, je ne soutiendrai pas l’entrée en matière de cet exposé des motifs et projet de loi qui constitue, à mes yeux, une atteinte importante à la légitimité démocratique. En ce sens, je refuserai l’entrée en matière.
En préambule, je souhaite rappeler que votre serviteur a fonctionné comme membre de la Commission de haute surveillance du Tribunal cantonal au début de son existence. J’ai également fonctionné en qualité, d’une part, de membre de la Commission de présentation, lors de mon élection au Grand Conseil et, d’autre part, de juge cantonal suppléant au Tribunal cantonal, de 1996 à 2006, à une époque où l’on pouvait encore être à la fois avocat et juge cantonal suppléant, ce qui n’est plus possible aujourd’hui. Cette remarque s’inscrit dans cet objet, dans la mesure – à tort ou à raison – où les exigences de transparence, d’objectivité et de diminution des liens entre l’OJV et le politique tendent à s’accentuer – et ce n’est qu’un début.
Ce projet implique des modifications constitutionnelles, et c’est généralement assez lourd et compliqué, puisqu’il faut un vote populaire. Depuis la Constituante, nous disposons déjà de règles constitutionnelles. Toutefois, depuis lors, Codex est passé par là. Pour ceux qui y étaient déjà, notre Grand Conseil a modifié quelque 350 lois, au pas de charge. Nous sommes passés de 15 juges cantonaux et quelques suppléants – dans un monde de l’ordre judiciaire et de la magistrature où tout le monde se connaissait peu ou prou – à 47 juges. La question de la surveillance par les pairs n’est dès lors plus possible et n’est même plus de mise, l’OJV comptant désormais plus de 700 membres. De quelque bord politique qu’on soit, on se demande si nos structures de surveillance sont adaptées ou non à cette situation et à ces exigences nouvelles de transparence.
J’aimerais revenir sur certains arguments donnés tout à l’heure. Il a été indiqué que ce conseil serait trop lourd et trop coûteux. Le canton de Fribourg – 320’000 habitants – a un Conseil de la magistrature. Le canton de Neuchâtel – 177’000 habitants – dispose également d’un tel organe. Notre canton – dernières statistiques à jour – compte 823’000 habitants. L’argument de la disproportionnalité est dès lors irrecevable. Quant au deuxième argument, il s’agit du brave Dr Pangloss, hérité de Voltaire, qui trouve toujours que tout va bien dans le meilleur des mondes possibles. Lorsqu’il n’y a pas de problèmes, tout va bien et on se demande pourquoi changer de système. Toutefois, lors de périodes d’orages – et il y en a eu – et de mauvais temps, cela est vite devenu compliqué, pour ne pas dire catastrophique.
Deux aspects nous sont soumis, soit d’abord celui de l’élection. A l’époque où j’y siégeais, la Commission de présentation passait environ 15 minutes à étudier et entendre les juges cantonaux soumis à réélection. Je vous la fais courte : « Bonjour, comment ça va ? « Votre travail vous plaît-il toujours ? », etc. Ces entrevues étaient certes sympathiques et nous avions des curriculum vitae qui dataient de l’époque de l’élection du juge, mais qui ne correspondait plus à la réalité, vingt ans plus tard. Finalement, nous n’avions guère d’informations sur la vie du juge en question ou encore sur d’éventuelles problématiques pénales ou de poursuite, par exemple. Et cela n’a pas manqué, l’affaire d’un juge avec un b majuscule ayant défrayé la chronique. Ce dernier, non content d’être un juge cantonal attaché à la surveillance de l’Office des poursuites, faisait l’objet de saisie. Je souhaite rappeler à ce Grand Conseil que ce juge avait passé tout droit au travers des mailles du filet de la Commission de présentation. C’est dire à quel point le système était inadapté et inadéquat. On a quelque peu amélioré les choses, en mettant par exemple à jour les curriculum vitae et en requérant parfois des extraits des poursuites et faillites. Toutefois, cela reste peu sérieux et professionnel. Je ne crois d’ailleurs pas trahir des secrets en indiquant que tous les présidentes et présidents du Grand Conseil ont eu maille à partir à appliquer ces dispositions sur la surveillance des juges, n’étant clairement pas outillés pour.
Concernant la politisation de l’élection des juges, nous sommes en plein dedans. Vous permettrez à votre serviteur, ayant déposé un texte pour demander de couper tous les liens avec la politique afin d’élire des juges en fonction de leurs qualités et non pas de leur appartenance politique, de vous rappeler qu’il a obtenu le score le plus déplorable de sa très modeste carrière politique. En effet, personne n’en voulait. Ne venez dès lors pas dire aujourd’hui que le Conseil de la magistrature constitue une politisation à outrance car, selon moi, il s’agit de tout le contraire. J’ai en effet la conviction que le Conseil de la magistrature constituera un socle institutionnel de stabilité pour l’ensemble de nos institutions, en particulier l’OJV et surtout le Ministère public. Pour rappel, en pleine période électorale, soit il y a quelques semaines, nous avons constaté des dérapages politiques, avec des attaques en règle du procureur. J’ai la naïveté d’espérer qu’avec le Conseil de la magistrature ce type de dérapages ne se reproduiront plus. Il y a enfin l’aspect « charrette » avec 47 juges élus les uns après les autres. Pour ma part, j’avais proposé une individualisation du système en indiquant que chaque juge devait être réélu personnellement et en fonction de son année d’entrée au Tribunal cantonal, puis de 5 ans en 5 ans. Ce système n’a pas été retenu et je n’en fais pas une maladie. Actuellement, nous sommes de nouveau et encore dans l’urgence, car il faut rapidement réélire les juges pour la prochaine législature, étant donné le délai constitutionnel y afférent. Si nous avions eu des élections individualisées, nous aurions échappé à cette problématique.
Je terminerai par la surveillance. Comme je l’ai dit auparavant, j’ai fait partie de la Commission de haute surveillance du Tribunal cantonal dans le cadre de la célèbre affaire Claude D., ou l’affaire dite Marie. Attention aux dégâts pour ceux qui s’en souviennent ! Ce Grand Conseil est parti dans toutes sortes de considérations sur la justice, sur la juge d’application des peines qui n’avait pas fait ceci ou cela, etc. Si vous appelez cela de la séparation des pouvoirs, je peux clairement vous affirmer que nous en sommes à des années-lumière. Je peux toutefois comprendre les réticences et la prudence ; je peux aussi entendre les cautèles et les précisions sollicitées en particulier par le Tribunal cantonal, première autorité concernée par cette modification, tout en relevant que ce projet, monsieur le rapporteur de minorité, a connu une considérable évolution depuis les citations reprises dans votre rapport. Le travail a donc été fait. A l’interne du PLR, nous avons discuté de ces aspects et nous ne sommes pas opposés, dans la suite de ces débats, à encore apporter quelques précisions, ne serait-ce pour guider l’interprétation de la loi dans le cadre de nos discussions. Ces réticences sont normales, naturelles et c’est ce que j’appelle pour ma part le théorème d’Archimède de la politique. Vous prenez quelque chose de nouveau, vous le plongez dans une assemblée et il y a forcément de la résistance. Mais parce qu’il est plus sûr, stable, transparent et institutionnel, je voterai sans hésiter en faveur de l’entrée en matière sur le Conseil de la magistrature et je vous invite à en faire de même.
Je vous remercie pour ce débat d’entrée en matière sur une question institutionnelle fondamentale qui nous occupe déjà toutes et tous à différents niveaux depuis maintenant des années. Comme cela a été rappelé tout à l’heure, le système actuel institutionnel vaudois fonctionne ; chaque pouvoir a son rôle qu’il exerce dans le respect de celui des autres. Toutefois, d’après les quelques cas qui ont été rappelés ici même aujourd’hui, nous avons pu constater que notre système est surtout un système de beau temps, c’est-à-dire un système qui montre rapidement ses limites et qui comporte des risques d’ingérence problématique entre les pouvoirs lorsque les relations institutionnelles se tendent. Et ce n’est pas un risque théorique, cela a par exemple pu être constaté lors du drame dit de Payerne, avec des critiques du Grand Conseil envers le juge d’application des peines – avec des tensions à la clé – et des communiqués de presse. Finalement, la sortie de crise n’a été possible qu’avec le recours à un mandataire externe. C’est exactement ce type de situations que nous voulons éviter. Nous devons donc nous prémunir contre ce risque d’atteinte au bon fonctionnement des institutions.
En effet, rappelons-le, l’indépendance de la justice n’est pas un privilège que l’on accorde aux juges, mais une garantie de liberté, de respect des droits humains et d’accès à une justice impartiale. Voilà, autant d’éléments fondamentaux, Mesdames et Messieurs, pour notre démocratie et notre Etat de droit. Il est donc essentiel de préserver cette indépendance en instituant d’une part un système permettant aux autorités judiciaires de fonctionner librement à l’abri des pressions de quelque nature que ce soit, tout en veillant d’autre part à ce qu’il puisse fonctionner à sa satisfaction. C’est dans cet esprit que s’inscrit la proposition d’instaurer un Conseil de la magistrature. En vérité, nous n’inventons rien, car tous les cantons qui nous entourent connaissent déjà un tel organe. Bien au-delà, celui-ci est recommandé par des organismes internationaux tels que le Conseil de l'Europe ou la Commission européenne pour la démocratie par le droit, il est également recommandé par les experts qui avaient été mandatés à la fois par le Grand Conseil et le Conseil d’Etat, soit le professeur Thierry Tanquerel et M. Dick Marty.
Par ailleurs, j’aimerais vous rappeler que le Grand Conseil lui-même avait, en 2017 et par la voix de son Bureau, clairement souhaité l’institution d’un Conseil de la magistrature. Il y avait à l’époque d’autres projets sur la table, notamment un renforcement de la Cour administrative, système qui avait eu un succès d’estime. C’est la raison pour laquelle nous avons retravaillé sur cette idée d’un Conseil de la magistrature. D’ailleurs, les grandes options du projet ont été élaborées d’entente avec une délégation du Grand Conseil, et par la suite, une large consultation publique a été lancée en 2020 sur l’avant-projet. Au terme de cette consultation, les résultats étaient très clairs avec un fort soutien pour le principe même de l’instauration d’un Conseil de la magistrature, notamment par le Ministère public. L’accent est souvent mis sur la position du Tribunal cantonal, mais j’aimerais ici rappeler que le Ministère public est totalement favorable à ce projet. Dans le cadre des discussions et des nouvelles rédactions en vue du projet, nous avons complètement repris ce qui avait été discuté lors de la consultation, nous avons remodelé cet avant-projet pour présenter un projet sensiblement différent au Grand Conseil. Je ne veux pas revenir sur l’ensemble des points modifiés, mais il y a notamment deux éléments essentiels qui ont été repris au sein du Conseil d’Etat pour faire suite en particulier aux réactions du Tribunal cantonal :
D’une part, la question des compétences administratives. En ce qui concerne la surveillance et la haute surveillance, ce n’est pas la sémantique qui compte. Il y a beaucoup de problématique pour savoir en doctrine ce qu’est la surveillance et ce qu’est la haute surveillance. D’ailleurs, dans la Loi sur la haute surveillance du Tribunal cantonal (LHSTC), il existe déjà des problèmes aujourd’hui pour déterminer si l’on affaire à de la surveillance ou de la haute surveillance. Au lieu de nous attacher à ces définitions, nous avons repris exactement les compétences qui peuvent être celles du Conseil supérieur de la Magistrature, en les resserrant et en les précisant, ce qui permet d’évacuer certains doutes d’interprétation concernant l’étendue du pouvoir de ce Conseil. S’il y a encore des questions d’interprétation, nous pourrons bien volontiers y répondre, parce que c’est justement dans cet esprit que nous avons travaillé.
Il y avait d’autre part une autre critique très claire sur l’avant-projet : ce dernier ne réglait pas les questions relationnelles entre le Grand Conseil et le Conseil de la magistrature. Sur ce point, nous avons retravaillé cet avant-projet de manière à le rendre plus clair. En effet, le Tribunal cantonal craignait justement qu’il y ait différents niveaux de surveillance – une sorte de mille-feuille de surveillance et de haute surveillance sur le Tribunal cantonal. C’est la raison pour laquelle nous avons totalement éclairci ces paramètres.
Pour l’essentiel, ce Conseil sera composé de personnes issues du monde judiciaire ou qui en sont proches, des personnes à même de déceler les éventuels problèmes du fonctionnement de l’appareil judiciaire, de traiter des dénonciations disciplinaires à l’encontre des magistrats et de préaviser à l’intention du Grand Conseil pour l’élection des juges cantonaux et des membres du Collège des procureurs, ce qui permettra par ailleurs de garantir l’indépendance du Ministère public. Ces personnes pourront également répondre aux questionnements des autorités politiques et préserver l’appareil judiciaire d’interventions directes de ces dernières. Ce double rôle, qui est notamment important en cas de crise, ne peut être dévolu qu’à un Conseil de la magistrature. Cette réforme est également l’occasion de simplifier le lien entre le Grand Conseil et l’Ordre judiciaire, tout en maintenant les compétences du Grand Conseil, en particulier celles de haute surveillance. Pour rappel, cette haute surveillance du Grand Conseil s’exerce aujourd’hui uniquement sur le fonctionnement, du Tribunal cantonal, c’est une surveillance « minimale » qui est prévue. Dans ce cadre aussi, nous avons travaillé avec la commission pour que cette haute surveillance par le parlement puisse s’exercer de manière efficace.
Aujourd’hui, il n’y a pas moins de six organes du Grand Conseil qui s’occupent d’affaires en lien avec le troisième pouvoir – à quoi s’ajoute le Conseil d’Etat, s’agissant du Ministère public. Avec ce projet, seuls trois d’entre eux subsisteraient, à savoir la Commission des finances, la Commission de haute surveillance du Tribunal cantonal et la Commission de présentation. Il ne s’agit donc pas de complexifier le système en y ajoutant un échelon, mais au contraire de le simplifier et de le clarifier. Il y a donc nombreuses raisons d’instituer un tel Conseil. D’ailleurs, je tiens ici à souligner que ce projet ne vise pas à changer ce qui fonctionne. J’insiste particulièrement sur le fait que cette loi ne remettra nullement en cause les compétences actuelles du Tribunal cantonal et de sa Cour administrative, en particulier dans la gestion courante de l’Ordre judiciaire. Il s’agissait d’un des principaux doutes émis par le Tribunal cantonal et c’est l’un des principaux éléments sur lequel nous avons retravaillé le texte entre la consultation et le projet final qui vous est soumis. Comme je l’ai indiqué, le projet tel qu’il ressort des travaux de la commission est équilibré et c’est pour moi l’occasion de remercier la commission pour son travail de grande qualité.
Sous réserve des questions de droit transitoire – que nous nous devons de régler, parce qu’il y a aujourd’hui une lacune dans le cadre des dispositions transitoires – le Conseil d’Etat ne s’opposera pas aux amendements proposés par la commission et qui ont fait de l’objet des débats constructifs au sein de cette dernière.
S’agissant des deux points clés, à savoir la composition et les compétences du Conseil, je crois pouvoir dire que nous partageons la même vision que la commission : une composition de neuf membres issus pour sept d’entre eux soit de l’instance surveillée soit du Barreau. Quant aux compétences, la commission s’est ralliée dans les grandes lignes au projet du Conseil d’Etat s’agissant de la surveillance administrative, de la surveillance disciplinaire ainsi que des auditions et des préavis à l’intention du Grand Conseil en matière de nomination des magistrats. Cela étant dit, soulignons encore une fois que les compétences du Parlement sont préservées.
Enfin, un dernier mot s’agissant du calendrier du projet ; si vous entrez en matière sur ce projet, un vote populaire sera encore nécessaire pour adopter les modifications constitutionnelles. Si vous allez de l’avant avec ce projet, un scrutin devra avoir lieu au mois de septembre pour que le paquet puisse entrer en vigueur le 1er janvier prochain. Il est essentiel que cette échéance puisse être tenue, car le projet prévoit la prolongation de la législature judiciaire. Si celle-ci devait tout de même prendre fin au 31 décembre de cette année, cela contraindrait le Grand Conseil à procéder, avec une certaine urgence, à la réélection de l’ensemble des juges cantonaux. Il importe donc que ce projet puisse avancer sous peine de devoir envisager d’autres mesures transitoires dans l’urgence, ce qui pourrait potentiellement nuire à la stabilité des institutions. Je vous remercie de votre attention et vous invite chaleureusement à soutenir l’entrée en matière sur ce projet.
Tout d’abord, il est de mon devoir de préciser que j’ai été membre de l’Assemblée constituante, comme Mme la conseillère d’Etat, au début des années 2000. J’exerçais alors la fonction de préfet et, mois après mois, j’étais amenée à juger des contraventions. J’ai également été membre de la Commission de haute surveillance dès 2013, puis je l’ai présidée pendant deux ans entre 2020 et 2021. Lors des travaux de l’Assemblée constituante, c’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai suivi la conception des articles 107 et 135 de la Constitution vaudoise, articles qui ont donné lieu, en 2011, à la Loi sur la haute surveillance du Tribunal cantonal (LHSTC).
Aujourd’hui, le Conseil de la magistrature veut supprimer le contrôle de la justice par la chambre du peuple. Manifestement, le Conseil de la magistrature est un effet de mode qui ressort d’un complexe vaudois : en effet, notre canton est le seul canton latin à ne pas avoir un tel conseil, alors que les 21 autres cantons de notre pays peuvent vivre sans un tel conseil. En clair, tout ce projet n’aspire qu’à un principe : enlever le contrôle du fonctionnement de la justice aux représentants du peuple. Je rappelle que toutes les observations que la Commission de haute surveillance du Tribunal cantonal a présentées au Tribunal cantonal ont été suivies de corrections au cours des années durant lesquelles je faisais partie de cette commission. Ces corrections ont bien sûr été bénéfiques à l’ensemble des justiciables de ce canton.
Ce Grand Conseil devrait donc décider de laisser les magistrats et les avocats décider entre eux de l’organisation de la justice. En clair, c’est une corporation qui entend travailler entre elle, ce qui ne correspond pas au fonctionnement de notre système démocratique. C’est la raison pour laquelle, je n’entrerai pas en matière sur cet objet.
La discussion est close.
Projet de loi sur le Conseil de la magistrature du 26 mai 2021
Premier débat
L’entrée en matière est admise par 79 voix contre 43 et 5 abstentions.
Comme annoncé précédemment, je vais donner la parole à la présidente de la commission pour qu’elle puisse nous faire part de l’amendement transversal de la commission pour l’utilisation d’un langage inclusif pour toute la loi.
Au début de ses travaux, la commission a discuté avec le département afin que la loi soit rédigée forte du langage inclusif. Cela implique, par exemple, que pour « magistrats judiciaires » on parle plutôt de « membres des autorités judiciaires », pour « juges cantonaux » on parle de « membres du Tribunal cantonal », pour « magistrats de première instance » on parle de « membres professionnels de la magistrature de première instance ». Un amendement a été voté à ce sujet et il a été soutenu en commission par 12 voix contre 3. Cet amendement vise donc à introduire le langage inclusif dans la loi, qui a ensuite été préparée par le département.
« Amendement transversal : — Introduction du langage inclusif dans toute la loi. »
L’amendement transversal de la commission est accepté avec plusieurs avis contraires et quelques abstentions.
Art. 1.—
Un amendement est proposé au titre de l’article 1, sous forme d’un ajout de « champ d’application ». En effet, dans l’avant-projet, deux articles figuraient, soit un article pour l’objet et un article pour le champ d’application. Dans le projet finalement transmis au Grand Conseil, ces deux articles avaient été réunis. Il apparaissait donc utile d’ajouter la notion de « champ d’application » dans le titre. En commission, cet amendement a été adopté à l’unanimité des membres présents.
« Art. 1. — (titre) : Objet et champ d’application »
L’amendement de la commission est accepté avec 1 avis contraire.
L’article 1, amendé, est accepté avec 1 avis contraire.
Art. 2. –
S’agissant de l’article 2 traitant du principe d’indépendance lors des travaux de la commission, savoir si le Conseil de la magistrature était indépendant – et s’il exerçait son travail de manière indépendante ou non –a été longuement discuté. Nous sommes arrivés à la conclusion que le Conseil de la magistrature est une autorité indépendante ; il aura sa propre vie et pourra exercer sa mission de surveillance de manière autonome. L’article 2, alinéa 1, a donc été amendé de la façon suivante :
« Art. 2. — Al. 1 : Le Conseil de la magistrature est une autorité indépendante et exerce sa mission de surveillance de façon autonome. »
En commission, cet amendement a été adopté à l’unanimité des membres présents.
De la manière dont cela est tourné, on pourrait imaginer que le Conseil de la magistrature jouit d’une certaine autonomie… mais il serait faux de le considérer comme un quatrième pouvoir. Je trouve que la rédaction porte à confusion et laisse entendre qu’il pourrait être un pouvoir indépendant, un quatrième pouvoir. Je ne suis pas à l’aise avec cette formulation.
L’amendement de la commission est accepté avec plusieurs avis contraires et abstentions.
L’article 2, amendé, est accepté avec plusieurs avis contraires et abstentions.
La manière dont on vote ne va pas, madame la présidente ! Ce n’est pas votre faute. Si on a tous des problèmes de périarthrite scapulohumérale de l’épaule droite, il faut lever la séance et demander un stand de Rheumalix forte spray pour qu’on soigne tout le monde. Soit les députés lèvent la main, soit ils ne lèvent pas la main… car j’ai un peu de peine à savoir quel est le résultat du vote. Si on pouvait matérialiser clairement le vote, pour qu’il puisse se voir. Sinon, il faudra recourir à un vote nominal à chaque fois.
Je vous remercie de lever vos mains bien haut, afin que toute la salle puisse voir vos votes. Sinon, nous effectuerons systématiquement un vote à l’électronique.
Je suis en effet très étonné de la manière dont on vote. Vu de ma place, j’ai seulement vu 12 ou 14 mains se lever. Si vous considérez que cela vous a permis de vous forger une opinion, j’en suis très aise, mais je ne trouve pas que ce soit très démocratique, surtout lorsque nous sommes en train de parler d’un autre pouvoir que le nôtre. Il serait bon, dans ce cas, de revenir à la proposition de M. Vuillemin et de faire voter cet élément de manière électronique.
J’y reviendrai aux articles suivants, mais l’article 2 a été annoncé comme accepté. Dès lors, nous reprenons à l’article 3.
Art. 3. —
Nous nous sommes interrogés sur la suppression de cet article, dans la mesure où nous avions accepté un amendement demandant à ce que la loi soit modifiée dans le sens d’une neutralité sur le plan du genre. Mais il apparaît que des terminologies ne le permettent parfois pas. En commission, nous avons donc décidé de garder cet article, par 12 voix contre 3.
L’article 3 est accepté avec plusieurs avis contraires et abstentions.
Art. 4. —
A l’article 4, il était prévu que le Conseil de la magistrature soit autorisé à traiter les données personnelles, dans le respect du principe de proportionnalité. Ce respect du principe de la proportionnalité est l’un des principes phares de la Loi sur la protection des données. Toutefois, ce n’est pas le seul principe qui existe dans la Loi sur la protection des données. Il a donc été proposé l’amendement suivant, qui engloberait les différents principes inclus dans cette loi :
« Art. 4. — Al. 1 : Le Conseil de la magistrature est autorisé à traiter les données personnelles nécessaires à l'accomplissement de ses tâches, y compris les données sensibles, dans le respect des principes de la loi
cantonalevaudoise sur la protection des données personnelles. »En commission, cet amendement a été adopté par 12 voix et 3 abstentions.
L’amendement de la commission est accepté avec plusieurs avis contraires et abstentions.
L’article 4, amendé, est accepté avec plusieurs avis contraires et abstentions.
Art. 5. —
Cet article est l’un de ceux que la commission a discutés le plus longuement, essayant de trouver une solution qui convienne aux différentes parties. Lors de l’audition de l’Ordre des avocats, le Bâtonnier, auditionné par la commission, a précisé deux problèmes relatifs au fait que celui-ci soit membre de droit du Conseil de la magistrature. D’une part, il est nommé pour deux ans ; cela signifie donc que tous les deux ans, cette personne change au sein du Conseil de la magistrature et qu’il n’y a donc pas de suivi des dossiers, ce qui peut être problématique. D’autre part, les deux années de bâtonnat sont souvent des années relativement chargées qui donnent une charge supplémentaire difficile à supporter pour le Bâtonnier. Il a donc été proposé que ce soit plutôt un ancien ou une ancienne Bâtonnière qui soit membre du Conseil de la magistrature – qui serait à proposer par l’Ordre des avocats.
Il a aussi été proposé par l’Ordre des avocats que les répondants principaux de la justice soient les avocats ; ce sont eux qui, chaque jour, collaborent avec la justice, travaillent avec l’Ordre judiciaire. Ce sont donc eux qui sont une sorte de contre-pouvoir à l’Ordre judiciaire et au Ministère public. Il apparaît que, dans les normes internationales qui régissent ce genre de conseil, il est d’usage d’avoir une majorité de magistrats, ce qui est prévu par la Loi sur le conseil de la magistrature. En revanche, il est vrai que la représentation par deux avocats au sein du Conseil de la magistrature paraissait plus équitable. Pour pouvoir garder une composition à neuf membres, la commission a donc choisi d’avoir un ancien Bâtonnier, un avocat inscrit au Registre cantonal vaudois des avocats depuis au moins 10 ans – qui serait proposé par la Commission de présentation – et que les trois personnes proposées par la Commission de présentation disposant de compétences particulières soient ramenées à deux. Cet amendement, proposé lors d’une discussion très constructive et agréable, a été soutenu à une très large majorité. Plusieurs amendements ont été proposés, mais celui modifiant la lettre d) a été accepté par 13 voix pour et 2 abstentions.
« Art. 5. — Al. 1 :
(...)
lettre d) : un ancien Bâtonnier de l’Ordre des avocats vaudois ainsi qu’un avocat inscrit au registre cantonal Vaudois des avocats depuis au moins 10 ans, proposés par la Commission de présentation du Grand Conseil ;
lettre e) : deux autres personnes proposées par la Commission de présentation du Grand Conseil, disposant de compétences particulières, utiles au fonctionnement du Conseil de la magistrature, par exemple en ressources humaines ou en médiation.
Al. 2 :
Les personnes proposées par la Commission de présentation qui ne sont pas avocats disposent de compétences particulières, utiles au fonctionnement du Conseil de la magistrature, par exemple en ressources humaines ou en médiation. »
Ma remarque rejoint l’article 2 sur l’indépendance, mais touche à la composition. Je vous rappelle l’article 58a de la Loi sur le Grand Conseil qui traite des compétences de la Commission de haute surveillance, à son alinéa 5 : « Un député ne peut siéger à la fois dans la Commission de présentation et dans la Commission de haute surveillance. » Comme je l’ai dit en débat préliminaire, on ne peut pas à la fois contrôler le travail de quelqu’un et l’élire. On arrive ici exactement dans le même cas de figure, puisque dans la composition, les deux membres du Tribunal cantonal vont contrôler le travail de leurs pairs, puis ils vont également préaviser à l’élection de leurs collègues, et à leur propre élection. Les deux membres du Ministère public vont contrôler leur propre travail. C’est là qu’on arrive à l’indépendance. Aujourd’hui, le Grand Conseil a la haute surveillance sur ces organes. Or, là, on va les déléguer à des personnes qui pourront contrôler leur propre travail. C’est pour cela que cette composition ne me convient pas du tout. Je vous invite donc à refuser ces amendements, en lien avec l’indépendance de la justice.
Comme l’a expliqué notre président de groupe lors du débat d’entrée en matière, la création de ce Conseil de la magistrature nous inquiète, car il affaiblit la surveillance démocratique des tribunaux. Celle-ci deviendrait la chasse gardée de la corporation judiciaire elle-même. Nous craignons un affaiblissement de la surveillance. Nous aurions donc préféré que le Grand Conseil refuse l’entrée en matière. Comme il n’en a pas été ainsi, nous ne renonçons pas à améliorer le projet, en renforçant le poids du Grand Conseil dans la composition du futur Conseil de la magistrature et en réduisant la dimension corporatiste de ce conseil. Nous voudrions donc proposer un amendement à cet article 5, qui vise à rendre majoritaires les membres du conseil proposés par la Commission de présentation du Grand Conseil. Le nombre de membres proposés par la commission, qui est fixé à la lettre e, passerait donc de trois à sept, ce qui rendrait les membres soumis par le Grand Conseil majoritaires ; cela éviterait l’impression de chasse gardée du Conseil de magistrature et de la corporation judiciaire.
Par souci d’un regard extérieur au seul monde judiciaire, il ne nous semble pas très adéquat de trop préciser les compétences attendues des personnes proposées par la Commission de présentation. Nous souhaitons donc privilégier, pour la lettre e, la version proposée initialement par le Conseil d’Etat, sans spécifier les compétences attendues. Les lettres a à d telles que retouchées par la commission nous conviennent, mais nous proposons sept personnes à la lettre e, soit de passer à 13 membres dans le Conseil de la magistrature.
« Art. 5. — Al. 1, lettre e) : retour au texte du Conseil d’Etat. »
L’article 5, tel qu’il a été posé, représente un article fondamental, dans la mesure où il compose la commission et dont les différentes compétences ont été mûrement réfléchies afin, d’une part, de s’assurer de cette surveillance par les pairs et par les personnes aux compétences nécessaires et, d’autre part, de limiter les ingérences d’autres pouvoirs dans cette surveillance qui, pour rappel, est administrative et disciplinaire. Ce sont des éléments importants et cela explique pourquoi il faut que cette surveillance s’opère par les pairs.
Deux éléments sont à ajouter à ce qui a été dit jusqu’à présent. Premièrement, relativement aux propos de M. Pahud et de son rapport de minorité, il faut se rappeler que la surveillance actuelle du Ministère public n’est pas en mains du Grand Conseil mais du Conseil d’Etat. C’est un aspect auquel il faut faire très attention, car il y a une sorte de méli-mélo de compétences, selon les pouvoirs, car tribunal ou Ministère public n’impliquent pas les mêmes personnes. Vous imaginez les risques, en réalité, d’un pouvoir de surveillance accordé au Conseil d’Etat sur le Ministère public, et en particulier sur le premier procureur. Nous pouvons toutes et tous être conscients que le procureur, potentiellement le procureur général, ne fait pas toujours ce qu’on apprécie le plus, selon les situations, mais il accomplit un travail qui se doit d’être totalement indépendant et qui ne doit pas être soumis au pouvoir du Conseil d’Etat. On peut imaginer les risques dans ce contexte. Il est absolument central d’écarter l’article 21 de la loi actuelle sur le Ministère public vaudois et de donner ces compétences au Conseil de la magistrature.
Deuxièmement, par rapport à l’amendement déposé, la question d’accroissement du nombre d’intervenantes et d’intervenants dans le Conseil de la magistrature peut se poser. Toutefois, il faut faire particulièrement attention avec de telles augmentations, dans la mesure où plus le nombre de personnes dans cet organe sera élevé, plus le risque de potentiel conflit d’intérêts se pose, plus il y aura de risques à ce que cela devienne une énorme machine qui n’arriverait pas à exercer son travail de surveillance qui doit être effectif et concret.
L’autre élément important consiste à rappeler que la Convention de Venise – l’organe qui s’est prononcé sur la surveillance des magistrats et qui a rendu un rapport sur l’indépendance judiciaire – précise que la majorité des membres d’un organe de surveillance doit être composée de magistrates et de magistrats. Dès lors, l’augmentation à sept du nombre de personnes tierces nommées par le Grand Conseil ne va pas dans le sens de ce qu’a défendu la Convention de Venise, alors que cette dernière vise à assurer l’indépendance des magistrates et magistrats. En conséquence, je vous invite à accepter l’article tel qu’amendé par la majorité de la commission.
A l’instar de M. Raedler, je vous encourage à soutenir la version sortie des travaux de la commission, résultat d’un savant équilibre et d’âpres négociations entre les différents membres de la commission qui, je vous le rappelle, représentent le Grand Conseil.
S’agissant de l’amendement déposé par M. Buclin, j’y vois deux problèmes majeurs : le premier est d’augmenter la composition de ce Conseil de la magistrature à 13 membres ; il n’est d’ailleurs en rien justifié par le dépositaire de l’amendement. En effet, en quoi l’augmentation de ce conseil à 13 membres le rendrait-il plus indépendant, plus efficace, plus pertinent, plus collégial, et lui permettrait de fonctionner correctement ? Je peine à imaginer un collège aussi grand qui doit fonctionner sur un système collégial – un collège à 7 ou à 9 membres n’est déjà pas simple, alors je vous laisse imaginer la gabegie à 13. Je m’opposerai donc à cet amendement. Un Conseil de la magistrature à plus de 9 membres ne me paraît pas opportun. L’autre problème de l’amendement Buclin réside dans le renversement de majorité au sein du Conseil de la magistrature, qui sortirait les magistrats majoritaires de ce conseil. De plus, selon l’amendement de M. Buclin, les membres qui seraient proposés par la Commission de présentation du Grand Conseil ne devraient pas, contrairement à ce que la commission propose, disposer de compétences particulières utiles au fonctionnement du Conseil de la magistrature, par exemple en ressources humaines ou en médiation. Dès lors, je ne vois pas quel est l’apport supplémentaire de membres sans compétences particulières mais augmentant à 13 le nombre de personnes qui siègeraient dans ce Conseil de la magistrature. Pour ces raisons, je vous encourage à refuser l’amendement de M. Buclin.
Je ne peux que soutenir l’amendement proposé par M. Buclin, puisqu’il vise à contrebalancer le pouvoir enlevé à notre Grand Conseil et à défendre le droit démocratique.
Je souhaite répondre à un élément abordé par le rapporteur de minorité sur le fait que des magistrats d’une même instance se contrôleraient eux-mêmes. Or, à l’article 22 de la Loi sur le Conseil de la magistrature, une délégation des tâches est prévue, que les visites prévues par la loi soient menées au minimum par deux membres provenant de deux institutions différentes. Cet article 22, alinéa 2, prévient justement le fait que des magistrats du Tribunal cantonal puissent aller visiter les membres du Tribunal cantonal. Le but de cet article est de bien faire en sorte que, s’il y a deux membres du Conseil de la magistrature qui vont faire des visites, ils ne répondent pas de la même institution que celle qu’ils vont visiter. Ce risque a été prévu dans la loi, et on peut partir du principe qu’il n’y aura pas de souci à ce niveau. Le fait qu’il y ait une majorité de magistrats au Conseil de la magistrature constitue une demande assez claire du Tribunal cantonal, au cas où il serait entré en matière à ce sujet, que ce Conseil de la magistrature était accepté par notre Grand Conseil. Dès lors, si on acceptait l’amendement de M. Buclin, il y aurait une fronde du Tribunal cantonal et de l’Ordre judiciaire par rapport au projet qui nous est soumis.
Je vous invite à suivre la majorité de la commission. Je ne peux que corroborer le fait qu’il s’agisse de « dentelle » par rapport à l’équilibre qui doit être trouvé au sein de ce Conseil de la magistrature, dans une composition mixte de magistrats, de membres du Ministère public, d’avocats et d’autres personnes, qui sont d’ailleurs toutes élues par le Grand Conseil.
Concernant la majorité de magistrats, j’aimerais mettre en exergue le fait que la surveillance par les pairs est un système qui fonctionne, qui donne par ailleurs souvent des résultats plus sévères qu’avec un autre type de surveillance. On le connaît par exemple avec la Chambre des avocats ou la Chambre des notaires, à satisfaction. Nous avons ici affaire à des personnes riches de compétences professionnelles, notamment en termes d’instruction et de procédure. Ces personnes jouissent de la reconnaissance de leurs pairs, et je ne peux que souligner les propos de Mme Bettschart-Narbel, à savoir que si nous revenions sur la question de la majorité des magistrats – et je crois avoir entendu dans ce plénum, au moment de l’entrée de matière, le fait qu’il était important pour les députés que le système institué ne soit pas en opposition avec le Tribunal cantonal – et que nous allions vers un système instituant une majorité de personnes non issues du monde judiciaire, nous aurions effectivement un gros différend avec le Tribunal cantonal.
Quant à l’augmentation du nombre de membres, cela a été indiqué par plusieurs d’entre vous, cela me pose un problème en termes d’efficacité et par rapport à la composition, au vu de la proposition qui est faite d’une majorité de personnes qui seraient non issues du Tribunal cantonal, du Ministère public ou de magistrats. Je vous invite donc à refuser cet amendement et à en rester à la version de la commission. Je souligne le fait que le Conseil d’Etat admet le fait qu’on ne travaille pas avec le Bâtonnier, mais avec un ancien Bâtonnier comme premier représentant des avocats.
Madame la conseillère d’Etat, j’ajoute un petit bémol sur le jugement par les pairs. Je rappelle que ce Grand Conseil a dû s’occuper d’un Juge cantonal qui a mis bien longtemps à être enfin débusqué par la présidente du tribunal. C’est la seule fois que votre serviteur – il n’était pas tout seul – a dû, dans un silence de mort, entendre le mot de « parjure ». On espère que les pairs seront particulièrement rapides et efficaces s’il se passait vraiment quelque chose d’inacceptable.
L’amendement de la commission, opposé à l’amendement Hadrien Buclin, est choisi par 71 voix contre 36 et 3 abstentions.
L’amendement de la commission (alinéa 1) est accepté par 76 voix contre 35 et 1 abstention.
Concernant l’alinéa 2, dans la mesure où il a été en réalité introduit à la lettre e), il a été décidé de le supprimer pour éviter une redondance. Cet amendement a été accepté en commission par 14 voix et 1 abstention.
L’amendement de la commission (alinéa 2) est accepté avec plusieurs avis contraires et abstentions.
L’article 5, amendé, est accepté par 78 voix contre 31 et 3 abstentions.
Art. 6. —
A l’alinéa 1, il est fait mention d’un « membre de droit ». Il s’agissait du Bâtonnier qui faisait partie du Conseil de la magistrature. Dans la mesure où ce membre de droit a été supprimé à l’article 5, ce début de phrase ne se justifiait plus. Nous proposons donc l’amendement suivant :
« Art. 6. – Al. 1 :
A l’exception du membre de droit,Le Grand Conseil élit les membres du Conseil de la magistrature parmi les candidats proposés par les autorités ou institutions indiquées à l’article précédent. »
L’amendement de la commission est accepté avec plusieurs avis contraires et abstentions.
Le sujet du mode de la désignation des membres a passablement occupé notre commission. Quelques propositions ont été amenées par le département, parce que le projet proposé – avec deux tours de scrutin – posait un certain nombre de problèmes. Finalement, la commission a préféré une procédure dite de « système fermé », c’est-à-dire qu’un seul candidat serait proposé par siège vacant au sein du Conseil de la magistrature. L’avantage réside dans la simplicité du système ; ainsi, le Grand Conseil peut refuser une candidature, contrairement à une solution avec plusieurs tours de scrutin. Ce système paraît beaucoup plus simple pour le vote et la désignation des personnes au Conseil de la magistrature.
« Art. 6. – Al. 2 : Chaque autorité ou institution propose un candidat par siège disponible. »
J’ai été assez étonné par les débats de la commission à ce sujet. La proposition amenée par le Conseil d’Etat – et que vous trouvez dans la colonne de gauche du tableau miroir – paraît à cet égard bien plus intéressante. La commission joue plutôt la carte d’une élection bloquée dans laquelle chaque corps ou institution s’entend sur une ou deux candidatures. Il est beaucoup plus intéressant, comme le fait le gouvernement, d’ouvrir le jeu et d’avoir la possibilité de prévoir plusieurs candidatures par corps et instance. Je vous recommande donc de ne pas suivre l’amendement de la commission et de vous en tenir à la proposition du Conseil d’Etat.
L’amendement de la commission est refusé par 47 voix contre 38 et 17 abstentions.
Il me semble qu’une certaine confusion règne au sujet de ce vote. Je demande donc un vote nominal, en vous demandant de bien préciser la façon de voter, madame la présidente.
Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui acceptent l’amendement de la commission votent oui ; celles et ceux qui le refusent votent non. Les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, l’amendement de la commission est accepté par 59 voix contre 44 et 10 abstentions.
* Introduire vote nominal
Il a été ajouté à l’alinéa 3 un scrutin de liste « par catégorie », c’est-à-dire qu’il sera voté pour les membres du Tribunal cantonal, pour les magistrats de première instance, pour les membres du Ministère public et pour les avocats par liste et non en bloc dans une seule liste, ce qui serait un peu compliqué.
« Art. 6. – Al. 3 : L’élection des personnes proposées par la Commission de présentation a lieu au scrutin de liste par catégorie, celle des autres membres au scrutin individuel. »
L’amendement de la commission est accepté avec plusieurs avis contraires et abstentions.
Dans la mesure où, comme à l’alinéa 2, nous avons fait le choix d’avoir un candidat par siège disponible, dans un système fermé, on ne peut plus qu’avoir un tour de scrutin à la majorité absolue. La commission vous propose d’accepter cet amendement à l’unanimité des membres présents.
« Art. 6. – Al. 4 : L’élection a lieu en un tour
sde scrutin, à la majorité absolue.Au premier, sont élus le ou les candidats qui obtiennent la majorité absolue des voix des députés présents. Au second, sont élus le ou les candidats qui ont obtenu le plus de voix.»
L’amendement de la commission est accepté avec plusieurs avis contraires et abstentions.
A l’alinéa 7, une discussion a eu lieu pour savoir si les personnes présentées à la Commission de présentation avaient encore la possibilité d’auditionner. Il nous a paru évident – et c’est une critique qui a été émise, mais qui ne me semble pas valable – que la Commission de présentation pourra entendre les candidats et rendre un préavis à l’intention du Grand Conseil. C’est le complément qui est proposé unanimement à cet alinéa 7 :
« Art. 6. – Al. 7 : Les dispositions de la loi sur le Grand Conseil relatives à la publicité de l’élection et à l’inscription sont applicables par analogie à l’élection des personnes proposées par la Commission de présentation. Celle-ci entend les candidats et rend un préavis à l’intention du Grand Conseil. »
Je n’ai pas eu le temps de demander la parole pour l’alinéa 6 qui stipule : « Le Grand Conseil veille à assurer au mieux la parité hommes-femmes au sein du Conseil de la magistrature. » J’avais compris que l’on choisissait des personnes pour leurs compétences au sein du Conseil de la magistrature et non pas pour leur genre. Je trouve rédhibitoire, pour les femmes, d’être nommées par parité et non pas pour leurs compétences.
Monsieur le député, je considère qu’il s’agit simplement d’une remarque de votre part.
L’amendement de la commission est accepté avec plusieurs avis contraires et abstentions.
Je ne suis pas intervenue lors du choix – fermé ou ouvert – pour le scrutin, parce que le Conseil d’Etat peut vivre avec les deux systèmes. Vous avez opté pour un système fermé. En commission, l’argument qui a emporté l’adhésion réside dans le fait que ce système entraîne moins de choix proposés aux députés, puisqu’il n’y a qu’une personne par catégorie. En revanche – un gros avantage à souligner – le Grand Conseil a la possibilité de refuser des personnes, alors que le système ouvert implique une majorité absolue au premier tour, relative au second. Finalement, une personne ayant obtenu très peu de voix au deuxième tour aurait tout de même pu être élue. Avec le système fermé, le Grand Conseil peut refuser une personne de manière claire, ce qui n’était pas possible avec le système ouvert qui avait été présenté. Un choix entre ces deux variantes a été opéré, mais il donne in fine – comme dirait M. Jobin – un pouvoir plus important au Parlement. Je peux aussi vous dire que la manière de procéder, à l’alinéa 7, avec l’audition des candidats et le préavis à l’intention du Grand Conseil, est un élément avec lequel nous pouvons très bien vivre. Je pense que c’est aussi une bonne amélioration du système par rapport aux compétences du Grand Conseil.
L’article 6, amendé, est accepté par 71 voix contre 33 et 5 abstentions.
Art. 7. –
A l’alinéa 1, il a été jugé utile de préciser quelque peu la nature du suppléant. C’est-à-dire que chaque membre du Conseil de la magistrature bénéficiera d’une personne suppléante, mais qui devra avoir les mêmes qualifications que le membre qu’elle remplace. Cela signifie que le magistrat qui vient du Tribunal cantonal ne pourra être remplacé que par un autre magistrat provenant du Tribunal cantonal. Cette précision a été acceptée à l’unanimité par les commissaires présents.
« Art. 7. – Al. 1 : Chaque membre dispose d’une personne suppléante qui dispose des mêmes qualifications que le membre qu’elle remplace. »
L’amendement de la commission est accepté avec plusieurs avis contraires et quelques abstentions.
Je dépose un amendement de pure forme afin de supprimer l’alinéa 4 de cet article. Puisque nous avons supprimé à l’article 5 le siège de droit appartenant au Bâtonnier, il n’y a plus aucune raison que le suppléant de ce dernier soit le Vice-bâtonnier. On peut cependant se référer à l’alinéa 1 de cette disposition qui indique, comme nous l’a rappelé la présidente de la commission, que chaque membre dispose d’un suppléant qui dispose des mêmes qualifications que le membre qu’il remplace pour pouvoir se référer à la question de la suppléance pour le « futur ancien » Bâtonnier qui sera membre du Conseil de la magistrature.
« Art. 7. – Al. 4 :
Le suppléant du Bâtonnier est le Vice-bâtonnier.»
J’allais faire la même remarque quant à la notion récurrente de Bâtonnier.
Je pense qu’il s’agit d’un oubli de la commission. Il me semble que nous avons supprimé, à un autre article, le fait que la suppléance soit assurée par le Vice-bâtonnier. Nous pouvons donc nous rallier à cette proposition d’amendement.
L’amendement Jessica Jaccoud est accepté avec plusieurs avis contraires et abstentions.
L’article 7, amendé, est accepté avec avec plusieurs avis contraires et abstentions.
L’article 8 est accepté avec plusieurs avis contraires et abstentions.
Art. 9. –
Un amendement a été déposé à l’alinéa 2 de cet article 9. Ce dernier stipulait : « La procédure de désignation prévue par la loi est applicable. » Nous avons estimé que chaque autorité doit proposer un de ses membres pour les membres du Tribunal cantonal, pour le magistrat de première instance et pour les membres du Ministère public. Pour les avocats et les personnes de la société civile, il s’agira d’une procédure d’appel pour la désignation des membres par le Grand Conseil.
« Art. 9. – Al. 2 : La désignation se fait sur proposition de l’autorité concernée pour les membres indiqués à l’art. 5 al. 1 let. a à c et par procédure d’appel pour les membres indiqués à l’art. 5 al. 1 let. d et e. »
L’amendement de la commission est accepté avec plusieurs avis contraires et abstentions.
L’article 9, amendé, est accepté avec plusieurs avis contraires et abstentions.
Art. 10. –
L’alinéa 2 d’origine stipulait : « Les personnes proposées par la Commission de présentation ne peuvent exercer ou avoir exercé comme magistrats ou avocats dans le canton de Vaud. » Cela concernait les deux personnes de la société civile. La commission a jugé que restreindre à ce point les personnes de la société civile qui pourraient être proposées serait un peu trop « absolu ». En effet, il peut arriver que des personnes possédant leur brevet d’avocat consacrent leur vie professionnelle aux ressources humaines. Or, ces personnes auraient pu être intéressantes pour le Conseil de la magistrature. Nous avons donc limité cette exclusion aux personnes actuellement membres des autorités judiciaires ou du Ministère public ou qui sont inscrites au registre cantonal des avocats, puisque ceux-ci sont déjà représentés par d’autres désignations. Il existe par conséquent d’autres cas de désignation. Je vous invite à accepter cet amendement, comme l’ont fait les 15 membres de la commission.
« Art. 10. – Al. 2 : Les personnes visées par l’art. 5, al. 1, lettre e), ne peuvent ni exercer comme membres des autorités judiciaires ou du Ministère public ni être inscrites à un registre cantonal des avocats. »
L’amendement de la commission est accepté avec plusieurs avis contraires et abstentions.
A l’alinéa 3, les incompatibilités furent discutées. Par exemple, si un juge cantonal est marié avec une procureure, pourrait-il devenir membre du Conseil de la magistrature ? Nous avons jugé utile de suivre les règles de la Loi sur l’organisation judiciaire et de prévoir aussi ces incompatibilités pour qu’il n’y ait pas de lien particulier entre les membres du Conseil de la magistrature et un membre des autorités judiciaires ou du Ministère public.
« Art. 10. – Al. 3 : Les incompatibilités prévues par la loi d’organisation judiciaire sont applicables par analogie au Conseil de la magistrature. En particulier, aucun membre du Conseil de la magistrature ne doit avoir les liens indiqués à l’art. 18, al. 1 LOJV avec un membre des autorités judiciaires ou du Ministère public. »
L’amendement de la commission est accepté avec plusieurs avis contraires et abstentions.
Nous n’avions pas oublié de supprimer l’alinéa du Bâtonnier s’il y avait une condition d’inégibilité par le Vice-bâtonnier, mais dans la mesure où le Bâtonnier ne fait plus partie du Conseil de la magistrature, il est évident que cet alinéa doit être supprimé. Je vous invite à suivre l’amendement de la commission à cet effet.
« Art. 10. – Al. 4 :
Si le Bâtonnier remplit une condition d’inégibilité, il est remplacé d’office par le Vice-bâtonnier. Dans ce cas, les membres de l’Ordre des avocats vaudois désignent un suppléant au Vice-bâtonnier.»
Retour à l'ordre du jourL’amendement de la commission est accepté avec plusieurs avis contraires et abstentions.
L’article 10, amendé, est accepté avec plusieurs avis contraires et abstentions.
Les articles 11 et 12 sont acceptés avec plusieurs avis contraires et abstentions.
Le débat est interrompu.