23_INT_38 - Interpellation Mathilde Marendaz et consorts - Lutte contre les féminicides après les meurtres d'Yverdon : quel bilan tirer des dispositions de la LOVD et comment la renforcer ? (Développement).

Séance du Grand Conseil du mardi 21 mars 2023, point 4 de l'ordre du jour

Texte déposé

Jeudi, la presse relatait un accident mortel, l’incendie d’une maison à Yverdon-les-Bains, plongeant dans la détresse familles, habitant-e-s d’Yverdon et les voisin-e-s proches des lieux, dont je fais partie. Quelques jours plus tard, la Police cantonale vaudoise faisait état d’un «drame familial» présumé, informant que des impacts de balles ont été retrouvés sur le corps des enfants et des adultes et une arme proche du père. Un meurtre commis par un homme contre une femme, cela s’appelle un féminicide. Il est problématique que la Police cantonale n'utilise pas cette expression claire, mais privilégie un terme vague et confondant.

 

En Suisse, l’OFS à propos des statistiques en matières de violences domestiques, recense que sur 329 homicides commis entre 2009 et 2018, 74.8% des victimes sont des femmes et des filles et 25.2% des hommes et garçons.

 

En 2021, à travers le monde, plus de cinq femmes étaient tuées chaque heure par un membre de sa propre famille, plus de 120 par jour, selon les conclusions d’un rapport de l’ONU sur les féminicides (1). Selon ce rapport, la violence contre les femmes et les filles est l’une des violations des droits de l’homme les plus répandues dans le monde. En 2021, sur l’ensemble des femmes et filles tuées intentionnellement, 56% des meurtres ont été commis par un partenaire intime ou un membre de la famille. En comparaison à ce chiffre, sur l’ensemble des homicides contre des hommes, 11% sont perpétrés dans la sphère privée.

 

Depuis plusieurs années, les combats féministes en Suisse et ailleurs ont amené une prise de conscience collective de la nécessité de nommer les violences faites aux femmes, et de nommer ce que sont les féminicides, ainsi que les infanticides. Pour combattre un phénomène de violence inégal et historique, on doit pouvoir le nommer correctement, et de cette manière, comprendre d’où il vient (2). En 2022, la Belgique se dotait par exemple d'une loi qui définissait les catégories de féminicides existants (féminicide intime, féminicide non intime, féminicide indirect ou homicide fondé sur le genre (3). Le Canton de Vaud adoptait en 2017 la loi d’organisation de la lutte contre la violence domestique (LOVD). Après les féminicides et infanticides d'Yverdon, il est grand temps de demander un bilan de l'application de cette loi.

 

1. Le Conseil d'État entend-il mettre à jour les bases légales et/ou les pratiques afin que le vocabulaire utilisé par les services pour nommer les meurtres commis à l’encontre d’une femme, soit "féminicides" et les meurtres commis sur des enfants "infanticides" ?

 

2. Quatre ans après le dépôt de revendications au Conseil d'État par la Grève féministe, quelles suites le Conseil d'État a-t-il donné aux revendications à propos des violences sexistes, notamment la création d’un Observatoire cantonal des violences sexistes et sexuelles, la mise sur pied d'une ligne téléphonique joignable toute l’année 24h/24h, la formation des professionnels, etc. ?

 

3. Le Conseil d’État prévoit-il de mener une enquête pour déterminer les failles qui ont conduit à une absence de prise en charge de la situation du féminicide et des infanticides d'Yverdon avant qu’il ne soit trop tard, avec les services en charge des situations de violences domestiques selon la loi d’organisation de la prévention et de la lutte contre la violence domestique (LOVD), à savoir le Service de protection de la jeunesse art. 6 LOVD, la prise en charge coordonnée des situations à haut risque art. 10 LOVD, la commission cantonale de lutte contre la violence domestique art.9 LOVD ?

 

4. Le Conseil d’État prévoit-il une révision de la LOVD avec une disposition de contrôle plus élevé des individus en possession d’armes, en vue de prévenir et éviter d'autres drames ?

 

5. Quels sont les chiffres que le Conseil d'État détient à propos des statistiques des infanticides ainsi que des enfants témoins de féminicides, et quel suivi prévoit le Conseil d'État à ce sujet ?

Sources :

1. https://unric.org/fr/feminicides-femmes-filles-risquent-davantage/

2. https://www.liberation.fr/debats/2020/06/10/le-feminicide-est-un-crime-de-propriete_1790871/

3. https://sarahschlitz.be/adoption-de-la-loi-stopfeminicide-la-belgique-premier-pays-europeen-a-se-doter-dune-loi-globale-contre-les-feminicides/

Conclusion

Souhaite développer

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Théophile SchenkerVER
Elodie LopezEP
Nathalie JaccardVER
Laurent BalsigerSOC
Oriane SarrasinSOC
Hadrien BuclinEP
Pierre FonjallazVER
Sylvie PodioVER
Sandra PasquierSOC
Claude Nicole GrinVER
Patricia Spack IsenrichSOC
Cédric RotenSOC
Céline MisiegoEP
Nathalie VezVER
Alexandre RydloSOC
Cendrine CachemailleSOC
Joëlle MinacciEP
Claire Attinger DoepperSOC
Alexandre DémétriadèsSOC
Valérie ZoncaVER

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Mathilde Marendaz (EP) —

Après le drame survenu à Yverdon-les-Bains d’un meurtrier présumé coupable d’un féminicide et de trois infanticides, nous, Yverdonnoises et Yverdonnois, ainsi que davantage de personnes avons été profondément marqués. Plusieurs questions en suspens doivent obtenir des réponses politiques de notre Conseil d’Etat. Dans l’interpellation que j’ai déposée, je demande un bilan de la Loi d’organisation de la lutte contre la violence domestique (LOVD) en posant plusieurs questions.

J’aimerais d’abord savoir si le Conseil d’Etat a prévu d’adapter la communication institutionnelle à propos des féminicides et infanticides en vue de renoncer aux termes légers et euphémisants de « drame familial » encore utilisé par la Police cantonale vaudoise à cette occasion. En matière de violence domestique en Suisse, de 2009 à 2018, 74,8 % des 329 homicides ont été commis contre des femmes et des filles, et 25,2 % contre des hommes et des garçons. Il s’agit bien d’identifier ces phénomènes en les qualifiant de façon appropriée.

Je demande également un retour au sujet des revendications déposées il y a quatre ans par la Grève féministe vaudoise auprès du Conseil d’Etat autour de la création d’un observatoire cantonal des violences sexistes et sexuelles et de la mise sur pied d’une ligne téléphonique joignable toute l’année 24 heures sur 24, ou encore de la formation des responsables institutionnels. Je demande également si le Conseil d’Etat prévoit une révision de la LOVD, avec une disposition plus exigeante de contrôle des individus possédant des armes. J’aimerais savoir si le Conseil d’Etat prévoit de mener une enquête en vue de déterminer les potentielles failles institutionnelles qui auraient conduit à l’absence de prise en charge de la situation dramatique à Yverdon-les-Bains, avec les services responsables mentionnés dans la LOVD. Il s’agit du Service de la protection de la jeunesse et de la Commission cantonale de lutte contre la violence domestique. Finalement, je demande au Conseil d’Etat s’il possède des statistiques à propos des enfants dans la lutte contre les violences domestiques. En effet, ils sont les grands oubliés dans les statistiques en matière de violence domestique, qu’il s’agisse d’infanticides ou d’enfants témoins de féminicides.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

L’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.

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