23_POS_13 - Postulat Aude Billard et consorts au nom PS - Développer les méthodes de stockage d’énergie électrique dans notre canton.

Séance du Grand Conseil du mardi 19 septembre 2023, point 17 de l'ordre du jour

Texte déposé

Notre Canton œuvre à atteindre une nette augmentation des sources renouvelables d’énergie électrique de notre Canton, par le déploiement de panneaux solaires et de parc d’éoliennes et la création de nouvelles centrales hydrauliques.

Ces sources d’énergie, en particulier solaires et éoliennes, dépendent des conditions extérieures et climatiques, et ne peuvent fournir une quantité d’énergie électrique constante en continu. Ainsi, la production peut varier parfois du tout au rien, entre le jour et la nuit, ou de plus de moitié entre l’été et l’hivers. Pour se prémunir de ces changements, une solution est de stocker l’énergie fournie, en période d’abondance.

Il est important de relever, que le stockage d’énergie électrique peut aussi être intéressant pour se prémunir des variations de tarifs électriques. Avec la modification attendue des tarifs, et l’introduction d’une base tarifaire plus volatile, en lieu de tarifs annuels fixes, le stockage d’énergie électrique de sources non-indigène peut aussi paraitre intéressant pour lisser ces variations de prix. 

 

Il est usuel de penser aux stockages par le biais de batteries. Les batteries sont bien adaptées pour du stockage de petite dimension, tels que pour augmenter l’autoconsommation d’un immeuble couvert de panneaux solaires. Pour de plus grandes infrastructures, quelques solutions existent ou sont en cours de développement (Megapacks, Voltpacks, etc).

En sus des batteries, il existe, cependant, nombre d’autres sources de stockage notamment :

  1. Stockage gravitationnel ; une turbine électrique est utilisée pour monter une charge, p.ex. pomper de l’eau qui est stockée dans un réservoir (principe du château d’eau), construire un mur de « briques » (c.f. entreprise EnergyVault au Tessin);
  2. Stockage pneumatique : une turbine électrique est utilisée pour comprimer de l’air dans une cavité (c.f. projet NRP 70 financé par le SNSF https://www.nfp70.ch/en/pBPZCkfxh3G8NCIj/project/electricity-storage-via-air-compression ) ;
  3. Stockage cinétique : une turbine électrique est utilisée pour lancer une roue en mouvement ; la roue sous vide conserve l’énergie cinétique ; son mouvement peut être utilisé pour actionner une bobine pour regénérer de l’électricité ;
  4. Stockage thermique : l’énergie électrique est convertie en chaleur et stockée dans un fluide à haute température ;

Ces quatre formes de stockage sont bien maitrisées ; certaines remontent aux siècles précédents.  Cependant, hormis le stockage hydroélectrique, les autres formes ne sont pas ou peu utilisées dans note Canton.

Toute transformation d’énergie a un coût, non seulement financier, mais aussi matériel et écologique. De plus, stocker l’énergie est moins efficace qu’utiliser l’énergie in situ. En effet, chaque transformation se traduit en une perte, qui se mesure par le coefficient de restitution. Grâce à de nombreuses innovations, les méthodes de stockage, et leur coefficient de restitution, s’améliorent régulièrement, et stocker l’énergie apparait dans certaines conditions une possibilité intéressante.  

Le Conseil Fédéral est responsable de la gestion de l’Energie Electrique, et de nombreux projets sont en cours pour améliorer le stockage d’énergie électrique au niveau Suisse. Les Cantons restent cependant maitres de la gestion de l’énergie électrique, produite dans leur parc immobilier. Ils peuvent aussi prendre un rôle proactif, en investiguant la faisabilité et les opportunités de déploiement à moyen ou long terme de nouvelles technologies de stockage, sur leur sol, en collaboration par exemple avec les hautes écoles, afin d’anticiper les demandes et besoins fédéraux, et d’augmenter son indépendance en matière d’approvisionnement électrique.  

Ce postulat demande, ainsi, au Conseil d’Etat :

  • De quantifier le dimensionnement des unités de stockage d’énergie électrique nécessaires pour assurer un approvisionnement d’énergie renouvelable indigène à un taux quasi constant sur l’année, en relation avec les plans d’exploitation de sources renouvelables futures ;
  • D’étudier les opportunités de développement de nouvelles unités de stockage d’énergie électriques de large capacité dans notre canton; 
  • D’évaluer l’intérêt financier et écologique, ainsi que la faisabilité à moyen et long terme, de déploiement de telles unités de stockages ;
  • De quantifier le gain en autoconsommation attendu par le déploiement de tels systèmes de stockage, incluant le déploiement de systèmes de stockage décentralisés de plus faible dimensions (p.ex. batteries) de concert avec le déploiement de panneaux solaires prévus sur les immeubles appartenant au Canton.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Valérie InduniSOC
Alberto CherubiniSOC
Alexandre RydloSOC
Cédric RotenSOC
Muriel ThalmannSOC
Sébastien CalaSOC
Yves PaccaudSOC
Blaise VionnetV'L
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Felix StürnerVER
Julien EggenbergerSOC
Didier LohriVER
Cloé PointetV'L
Théophile SchenkerVER
Graziella SchallerV'L
Yannick MauryVER
Sandra PasquierSOC
Cendrine CachemailleSOC
Nathalie VezVER
Oriane SarrasinSOC
David RaedlerVER
Sébastien HumbertV'L
Aurélien DemaurexV'L
Jean TschoppSOC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice

Je remercie M. Cédric Aeschlimann, secrétaire de commission, pour son excellent travail et son soutien lors de nos travaux. Ce postulat présente quelques idées pour stocker l’énergie électrique. En effet, il s’agit de tenir compte du différentiel saisonnier, mensuel, hebdomadaire, voire journalier, dans la production d’énergie renouvelable, en particulier dans le solaire et l’éolien. La production estivale des panneaux solaires montre une multiplication par quatre par rapport à l’hiver. A l’inverse, la production éolienne et deux fois plus importante en hiver qu’en été. Toutefois, il serait erroné de penser que ces deux productions se compensent parfaitement. Journalièrement, des fluctuations peuvent être rapides, et l’évolution de la météo peut influer sur les deux productions en fonction de l’évolution du vent et de l’ensoleillement. Les variations sont donc importantes. Il est donc souhaitable que les possibilités de stockage soient étudiées pour gagner en autonomie par rapport à ces variations.

C’est précisément ce que demande le postulat. Le chef du département indique que la consommation d’électricité du canton s’élève à environ 4 térawattheures (TWh) par an. Cette consommation devrait atteindre 5,5 TWh d’ici 2050 pour atteindre les objectifs climatiques. Un excédent de production en été et un déficit en hiver vont nécessiter des solutions de stockage. A l’horizon 2050, en tenant compte des connaissances actuelles et des potentiels identifiés, l’énergie excédentaire en été correspondrait à 650 gigawattheures (GWh), soit 4 à 5 fois la capacité de stockage du barrage de l’Hongrin. Il va donc falloir développer des capacités à plus large échelle que le canton, au niveau intercantonal, voire international.

La commission accueille favorablement ce postulat ainsi que les nombreuses questions qu’il soulève, notamment sur les différents moyens de stockage, sur les relations entre cantons impactés par la saisonnalité de la production et de la consommation électrique, sur l’aménagement du territoire et finalement sur la gestion des réseaux tels que nous les connaissons actuellement. C’est avec enthousiasme que la commission recommande au Grand Conseil de prendre en considération ce postulat, à l’unanimité des membres présents, et de le renvoyer au Conseil d’Etat.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Aude Billard (SOC) —

Je remercie le rapporteur pour son excellent résumé de la demande en question. Pour ne pas prendre plus de temps, j’irai à l’essentiel. Tout d’abord, je suis très heureuse que la commission ait accédé à ma demande de manière unanime. Il me semble que notre canton se donne des objectifs extrêmement difficiles à atteindre, en particulier celui de l’augmentation nette de plus de 30 % d’énergie en moins de 20 ans. Cela ne me paraît possible que si nous commençons à songer à des moyens de stockage de l’énergie. Il ne s’agit pas seulement de pallier un éventuel manque d’énergie ponctuel, mais aussi de pallier le différentiel des tarifs d’électricité que nous avons largement subis récemment et pour nous donner un tout petit peu plus d’autonomie, tant du point de vue économique qu’énergétique. C’est vrai, ce postulat est vaste. Je comprends aussi que beaucoup de questions ne dépendent pas uniquement du canton, mais mon texte a pour but de demander au canton de nous apporter quelques réponses qui pourraient nous rassurer sur la feuille de route que nous espérons nous donner et atteindre dans les années à venir.

M. Pierre-André Romanens (PLR) —

C’est avec un plaisir non dissimulé que je vais vous donner la position du groupe PLR pour ce postulat. Nous entrons dans le cœur du sujet : gérer le trop et le pas assez d’énergie. Du reste, presque un article par jour traite de ce sujet dans la presse. On le voit, il s’agit aussi d’un souci qui dépasse largement les frontières de notre canton. Toute cette littérature arrive pratiquement à la même conclusion : la gestion de l’énergie passe et passera par notre capacité à diminuer notre consommation et à stocker le surplus de l’énergie électrique produite sur notre territoire, en particulier en été. La production d’électricité grâce au solaire augmente tous les jours. On estime que, dans les années à venir, nous allons produire entre 25 et 30 % d’énergie via le solaire en surplus sur le continent européen, y compris en Suisse.

Notre seul travail consiste à tout mettre en œuvre pour favoriser le stockage sous diverses formes, comme le demande le postulat de Mme Billard. Je tiens à vous donner un chiffre que je répéterai très souvent, la semaine prochaine certainement déjà : l’ensemble du canton de Vaud a consommé pour 2021 – c’est un chiffre du Département des finances et de l’agriculture – quelques 4289 gigawatts. Pendant la même période, le réseau national a perdu sur le transport et tout ce qui consiste aussi à gérer le courant électrique quelque 4330 gigawatts, soit à peu près la même quantité que la consommation vaudoise. Cela nous appelle à réfléchir à ce que nous sommes en train de construire au niveau des lignes et du transport électrique dans notre pays. Sachez aussi que ces pertes ont un coût non seulement pour l’environnement, mais aussi pour l’économie – et donc les finances de chacune et chacun.

Tout ceci me conduit à quelques propos personnels. Je n’engage pas mon parti, je m’exprime à titre personnel. Nous devons travailler, tous partis confondus, pour trouver des solutions rapides et la solution pour sortir de nos problèmes de production d’énergie dépendra aussi de cette volonté. En effet, la géopolitique – qui est actuellement assez malsaine, en tout cas en Europe – nous condamne à trouver des solutions très rapidement. Tout cela dépendra de notre volonté de faire tomber des barrières politiques, partisanes et administratives. Le groupe PLR soutiendra unanimement ce postulat et vous convie à faire de même.

M. Alberto Mocchi (VER) —

Le groupe des Verts soutiendra bien entendu ce postulat. Cela a été répété à de nombreuses reprises ici même : il n’y a pas une solution unique à la crise énergétique, mais un certain nombre. Plus précisément, c’est par un ensemble de mesures que nous parviendrons à cette transition énergétique. Celle mentionnée dans ce postulat fait partie de ces solutions. En matière de transition énergétique, tout est bon à prendre, du moment qu’il s’agit d’une diminution de la consommation, d’une consommation plus intelligente ou d’énergie renouvelable. Les Vertes et les Verts soutiendront donc ce postulat.

M. Guy Gaudard (PLR) —

J’aimerais poser une petite question à propos des batteries : à Yverdon, nous avons un capital de compétences avec la société Leclanché. Est-ce que le Conseil d’Etat est tenu informé des avancées en la matière par cette société ?

M. Pierre-André Pernoud (UDC) —

Le stockage de l’énergie produite par des installations photovoltaïques qui ne fonctionnent que partiellement durant la journée paraît indispensable à étudier. Le groupe UDC soutiendra ce postulat.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

J’entends parler d’enthousiasme, de plaisir ou de volonté de trouver des solutions communes pour réussir la transition énergétique ; ces propos me réjouissent. Cela augure évidemment de discussions et de débats très constructifs et très intéressants lorsqu’il s’agira de discuter et de voter le projet de Loi sur l’énergie.

Il est clair que ce postulat s’inscrit parfaitement dans les intentions du Conseil d’Etat, même si – comme cela a été rappelé – nous n’avons pas aujourd’hui de surplus de production d’énergie renouvelable. Je rappelle que, dans le canton de Vaud, 84 % de notre énergie est importée. Au niveau de l’électricité, si on prend l’échelon national, 53 % de notre électricité est importée, malgré nos barrages et nos centrales nucléaires. Du côté du canton de Vaud, nous sommes donc dépendants d’une certaine importation, encore plus en matière d’électricité, compte tenu de notre potentiel hydroélectrique nettement moindre que dans d’autres cantons, par exemple le canton du Valais. L’ambition affichée dans la stratégie énergétique cantonale, dans la révision de la Loi sur l’énergie, consiste à augmenter nos capacités de production. Nous souhaitons faire du canton de Vaud un canton solaire. Parallèlement, nous avons aussi des projets éoliens : les premiers mâts vont être inaugurés dans six semaines très exactement, du côté de Sainte-Croix.

Nous devrons donc réfléchir à ces solutions de stockage, puisqu’une partie de l’énergie que nous allons produire sur notre territoire devra être stockée. Ces solutions de stockage vont être trouvées – je réponds ainsi à M. Gaudard. Il est clair que le Conseil d’Etat suit avec beaucoup d’intérêt tous les développements technologiques, notamment des entreprises locales. A ce titre, je me permets une petite parenthèse personnelle, mon père a fait toute sa carrière dans la société Leclanché ; je suis donc personnellement les développements de cette entreprise. Je suis très heureux des succès rencontrés par cette dernière. Le Conseil d’Etat offre des conditions-cadres qui permettent aussi à ces entreprises de venir avec des développements technologiques qui seront nécessaires pour offrir des solutions concrètes en matière de stockage.

Il faut toutefois apporter deux nuances à cet enthousiasme. La première, c’est que lorsqu’on stocke de l’énergie – notamment de l’électricité – il y a une perte d’énergie très importante. Cela sera une des solutions pour accompagner la transition énergétique, mais en termes de bilan énergétique, il faut avoir conscience que lorsqu’on stocke de l’électricité, on perd une quantité d’énergie importante. Deuxième nuance, cela a été relevé par le rapporteur de commission tout à l’heure : en matière de stockage d’énergie, les solutions seront intercantonales en tout cas, voire internationales. Cela est rappelé dans le rapport : nous nous attendons à des excédents de production de l’ordre du térawattheure. Même si Leclanché va probablement continuer à innover en la matière – et d’autres entreprises vaudoises aussi, je le souhaite – il est clair que nous aurons besoin de solutions intercantonales. Nous sommes dans un système interconnecté, en plus dans un marché ouvert en matière d’électricité. Forcément, nous devrons trouver des solutions avec les cantons voisins.

Pour toutes ces raisons, le Conseil d’Etat accueille très volontiers ce postulat. Il permettra, dans le cadre de la révision de la Loi sur l’énergie notamment, mais aussi dans le cadre des différentes actions qui vont être menées, de renforcer la stratégie du Conseil d’Etat qui vise à trouver des solutions pour stocker de l’énergie.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération à l’unanimité.

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