21_LEG_240 - EMPD sur la création d’un fonds permettant l’exercice du droit de préemption de l’Etat au sens de la loi du 10 mai 2016 sur la préservation et la promotion du parc locatif (LPPPL) (1er débat) (Suite des débats).

Séance du Grand Conseil du mardi 11 juin 2024, point 7 de l'ordre du jour

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Suite du premier débat

Le débat est repris.

Art. 5.

M. Pierre Zwahlen (VER) — Rapporteur-trice de majorité

Nous reprenons le premier débat sur ce projet de décret et je vous rappelle que l'entrée en matière a été approuvée à une large majorité. La stratégie cantonale pour la préemption de l'Etat a été refusée à une très large majorité. Le doublement du fonds de 20 à 40 millions de francs a été rejeté à une seule voix. La Commission des finances (COFIN) devra se prononcer, selon une majorité nette de notre Grand Conseil. Vous avez accepté une représentation de la direction en charge des finances au sein de la Commission d'évaluation, en portant cette commission à 7 membres, avec un quorum de 5 membres. Enfin, vous êtes revenu à la version du Conseil d'Etat en prescrivant un minimum de 4 logements d'utilité publique (LUP) possibles pour préempter un bienfonds. Nous avons déjà adopté l'article 4 du décret lors de la dernière séance et l’article 5 a été accepté par l'unanimité de la commission.

M. Julien Eggenberger (SOC) —

A la suite du vote d’un alinéa à l’article 2 qui prescrit une décision finale de la COFIN, nous vous proposons, à l’article 5, de revoir le délai dans lequel cette décision doit être prise. Le Conseil d’Etat avait imaginé un processus pouvant tenir sur 20 jours, ce qui n’était pas de l’avis de notre côté de l’assemblée. Maintenant, le Grand Conseil a arbitré que la COFIN doit décider, alors que l’argument principal que nous avions opposé à cette décision était celui de l’efficacité et de la rapidité. Ainsi, nous proposons un amendement qui prend acte du rôle de la COFIN en jouant sur le délai, le faisant passer de 20 jours pour une décision du seul Conseil d’Etat à 40 jours pour la double décision du Conseil d’Etat et de la COFIN. Cette solution, qui reste relativement rapide, nous semble acceptable, car elle permet concrètement d’exercer le droit de préemption lorsque ce sera nécessaire, mais elle permet aussi que la COFIN se prononce, selon le souhait de la majorité de ce Grand Conseil. Cela semble ainsi être une solution efficace qui répond aux préoccupations de ce Parlement. Je vous remercie donc de faire bon accueil à cet amendement.

« Art. 5. – Al. 2 (nouveau) : En dérogation à l’article 34, alinéa 3 LPPPL, le délai dont il dispose pour exercer le droit de préemption est de 40 jours suivant la notification de l’annonce de la cession par la commune. »

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Je précise qu’avec ce nouvel alinéa 2, l’ancien alinéa 2 deviendrait l’alinéa 3.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Indépendamment de ce qu’il propose, cet amendement pose une question de principe et de fond. Tout d’abord, contrairement à ce qui est indiqué dans ce texte, il ne s’agit pas d’une dérogation, mais bien d’une modification complète – j’insiste – de l’article 34 de la LPPPL. En effet, à son alinéa 3, cet article 34 dit « L’Etat doit alors exercer son droit dans les 20 jours suivant la notification de l’annonce de la cession. » Par conséquent, si vous acceptiez l’amendement Julien Eggenberger, en réalité, vous modifieriez la LPPPL qui n'est pas ouverte et n’est donc pas en débat. Il n’y a pas eu d’amendement, déposé en commission, ni de proposition visant à modifier cette loi qui, dès lors, s’impose à nous. A mon avis, l’article 34 est d’une clarté absolue et ne souffre aucune ambiguïté. Ainsi, sauf à modifier ou prévoir une révision de la LPPPL – ce qui n’est pas l’objet de notre discussion – le délai de 20 jours ne peut pas être modifié, à mon sens. C’est la raison pour laquelle j’estime qu’il n’est même pas possible d’entrer en matière sur cet amendement.

Par surabondance, l’article 34 a été voté par ce Parlement puis validé par le peuple. Cet article qui n’est pas ouvert, à ce stade, prévoit un délai de 20 jours. Nous avons déjà discuté de ces problématiques lorsqu’il s’est agi de la saisine de la COFIN, à l’article 2. Le Grand Conseil dans sa majorité a décidé de prévoir un passage par la COFIN, pour lequel il nous a été dit – entre autres par l’auteur de l’amendement – qu’a priori, il n’y avait pas d’impossibilité à le prévoir. Dès lors, l’amendement qui nous est proposé doit être rejeté, car je le dis et le répète : nous ne pouvons tout simplement pas entrer en matière sur cet objet.

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Président-e du Conseil d’Etat

Je découvre également cet amendement qui viserait à permettre à la COFIN de se prononcer dans un nouveau délai de 40 jours suivant la notification de l’annonce de la cession par la commune. Indépendamment du fond, la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC) a été sollicitée sur cet aspect et a validé l’amendement sur le plan juridique. Une telle intervention paraît donc concevable, même si ce n'est pas de la plus grande clarté sous l’angle légistique. En tout cas, c’est possible puisque le décret est de rang égal à la LPPPL. Nous pouvons donc prévoir une modification, dans ce cadre – et ce n’est pas mon avis, mais celui des juristes de l’Etat. Ensuite, libre à vous de discuter du fond, mais le décret ayant le même rang légal que la loi, il est possible d’y prévoir une dérogation.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Je ne peux pas rester sans réagir ! Je ne sais pas sur quel avis on se base – il serait d’ailleurs intéressant qu’on nous le montre, plutôt qu’on nous en parle… s’il existe. Ou alors il faut renvoyer le projet en commission et nous en rediscuterons. J’observe qu’il s’agit d’un décret. Or, dans la hiérarchie des normes, j’ai toujours appris que la loi s’imposait à un décret qui, d’ailleurs, dans son préambule, dit bien qu’il s’agit d’appliquer la LPPPL. Cela me semble donc inconcevable et je ne comprends pas comment il est possible de soutenir que l’on peut, dans un décret, prendre des dispositions contraires à la loi ! Cela me paraît extrêmement surprenant et j’aimerais bien avoir connaissance de ce document. Je n’entends pas « en faire tout un fromage » à ce stade, mais je ne vois pas comment on pourrait voter cet amendement. Je vous invite encore une fois à le rejeter.

M. Julien Eggenberger (SOC) —

Etant modestement géographe de formation, je vais éviter un long débat juridique comme notre Grand Conseil les aime parfois. Le retour que nous avons eu lors de la discussion de cet amendement est clair : c’est possible du moment que le décret met en œuvre la loi et qu’il est explicitement précisé que, sur ce point, il propose un autre dispositif. Dans son dispositif de base, la loi ne prévoyait pas de passage devant la COFIN. Nous n’y étions pas favorables pour des raisons d’efficacité et de rythme de travail, mais la majorité a souhaité un passage devant la COFIN. J’ai plutôt entendu qu’il fallait s’assurer que ce passage soit possible, alors nous vous proposons concrètement une disposition qui rend possible votre volonté de passer devant la COFIN et qui s’accorde avec notre volonté d’être efficaces, afin que le fonds puisse être activé lorsque c’est nécessaire et pertinent. Je vous invite donc à adopter cet amendement qui a une portée relativement limitée, mais qui permet de concilier les deux impératifs en allongeant le délai de 20 jours supplémentaires.

M. Pierre Zwahlen (VER) — Rapporteur-trice de majorité

La commission ne s’est pas prononcée sur cet amendement. Nous avons laissé l’article 5 tel qu'il est proposé par le Conseil d’Etat. La situation nouvelle, créée du fait de l’acceptation par le Grand Conseil d’une saisine de la COFIN, pose un problème de réalisation de la procédure dans le délai de 20 jours. Le Grand Conseil a la possibilité de prévoir une dérogation explicite à la loi qu’il a lui-même adoptée il y a quelques années. Nous sommes la même autorité, qui effectuons une dérogation claire et explicite, dans le décret, à l’article 34, alinéa 3, de la LPPPL. En ce sens – et je m’exprime en mon nom personnel – cet amendement me paraît acceptable. Il permet au gouvernement de ne pas tenter des acrobaties pour réaliser l’exécution du décret, et de pouvoir préempter dans la sérénité tout en pouvant saisir la COFIN qui approuve ou non la décision de préempter. Nous aurons ainsi un mécanisme qui peut fonctionner avec la sérénité souhaitable. Je vous invite à soutenir cet amendement.

M. Philippe Miauton (PLR) — Rapporteur-trice de minorité

Je ne suis pas plus juriste que d’autres dans cette salle, mais en faisant référence à cet article 34 dans lequel il est spécifiquement dit qu’il faut 20 jours, la proposition faite dans le nouvel alinéa vise tout simplement à modifier complètement le sens de l’article 34. Par conséquent, cette modification est plus qu’une dérogation. En effet, si cela se produit une fois, il peut s’agir d’une dérogation, mais en l’occurrence il s’agit plutôt d’une abrogation de l’alinéa de l’article 34, afin d’éviter le délai de 20 jours et de le faire passer à 40 jours. Je comprends donc les propos de mon collègue Buffat disant que, par voie de dérogation, on change une loi qui est toute autre, et que ce n’est pas du ressort de notre débat actuel.

M. Hadrien Buclin (EP) —

J’avais demandé la parole pour dire la même chose que M. Zwahlen, à savoir que le Grand Conseil a le pouvoir de déroger à une loi par un autre acte législatif tel qu’un décret. La décision la plus récente du Grand Conseil prime dans ce genre de cas. En ce sens, l’avis émis par la Direction des affaires juridiques me semble parfaitement cohérent. Je relève au passage que M. Buffat semble avoir une confiance toute relative en la parole de Mme la présidente du Conseil d’Etat et de ses services. Peut-être M. Buffat pourrait-il activer la Loi sur l’information pour obtenir cet avis de la DGAIC ? Plaisanterie mise à part, la question de fond consiste à prévoir une disposition applicable dans les faits. Ainsi, le délai de 40 jours me semble nécessaire pour permettre la consultation de la COFIN, sans quoi nous aurons un décret très difficilement applicable. Or, l’essentiel me semble bien être le fait d’avoir un décret qui soit applicable concrètement.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

L’amendement Julien Eggenberger est refusé par 69 voix contre 66.

M. Alexandre Démétriadès (SOC) —

Je demande un vote nominal.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui soutiennent l’amendement Julien Eggenberger votent oui, celles et ceux qui la refusent votent non; les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, l’amendement Julien Eggenberger est refusé par 70 voix contre 67.

*introduire vote nominal

L’article 5 est accepté par 79 voix contre 52 et 2 abstentions.

Art. 6. – 

M. Philippe Miauton (PLR) — Rapporteur-trice de minorité

La minorité de la commission présente un amendement pour reformuler le deuxième alinéa de cet article 6.

« Art. 6. – Al. 2 : Dès que possible, le bien-fonds acquis selon le présent décret est cédé par voie d’adjudication publique selon l’art. 35 LPPPL. Lorsqu’il n’est pas prévu de revendre le bien-fonds acquis ou qu’il est prévu de le grever d’un DDP, un décret spécifique est soumis au Grand Conseil.Si l’Etat ne réalise pas lui-même des LUP, il met le bien-fonds (construit ou non) à disposition d’investisseurs privés et publics par voie d’appel d’offres public, l’obligation pour l’acquéreur de réaliser des LUP étant maintenue. »

Il convient d’éviter que le droit de préemption cantonal puisse être exercé afin de permettre à la collectivité publique de s’immiscer sur le marché de façon prépondérante. Le but de la loi est de réaliser des LUP – nous avons déjà manifesté deux fois être d’accord sur cet élément – et non des opérations financières sous forme de revente avec des plus-values, ou des droits de superficie, sans se soucier de la rentabilité future du projet.

M. Pierre Zwahlen (VER) — Rapporteur-trice de majorité

Cette proposition – issue d’une motion de notre collègue Moscheni, si ma mémoire est bonne – n’a pas été déposée en commission. Visiblement, la minorité n’avait pas été inspirée, jusqu’au moment de la publication du rapport. Je ne peux donc évidemment pas engager la commission sur cet amendement.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Pour être sûr de comprendre, je m’adresse au rapporteur de minorité. Vous proposez de supprimer l’alinéa 2 existant et de le remplacer par l’amendement que vous venez de nous présenter ?

M. Julien Eggenberger (SOC) —

Sans surprise, je vais vous demander d’en rester au projet du Conseil d’Etat. J’aimerais me référer à l’article 35 LPPPL qui, à la base, prévoit le même mécanisme de fonctionnement par adjudication publique, mais ne contient pas les précisions apportées par le rapporteur de minorité. Il est d’ailleurs assez curieux que le rapport de minorité contienne un amendement qui n’a pas été présenté en commission, mais c’est un autre débat, institutionnel, que nous pourrons tenir lors d’une autre occasion. Les précisions apportées par cet amendement ne sont pas souhaitables : elles sont limitatives par rapport aux possibilités données à l’article 35 de la loi. Cela n’empêche pas l’Etat d’attribuer à un investisseur privé ou public, mais la loi laisse une plus grande marge de manœuvre. Je vous encourage donc à refuser cet amendement.

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Président-e du Conseil d’Etat

Je vous invite à en rester à la version ressortie des travaux de commission. Les deux textes présentés visent à une revente aussitôt que possible, mais si j’ai bien compris, l’amendement présenté ici supprime la perspective d’un droit distinct permanent (DDP) ou droit de superficie. Sur ce point, je rappelle que le Grand Conseil aura toujours le dernier mot, puisqu’un décret spécifique lui serait soumis, dans ce cadre, pour avoir un DDP. Nous estimons effectivement que la version actuelle offre plus de marge de manœuvre.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

L’amendement de la minorité de la commission est accepté par 67 voix contre 58 et 5 abstentions.

M. Philippe Miauton (PLR) — Rapporteur-trice de minorité

Nous proposons un nouvel alinéa 3 à l’article 6 

« Art. 6. – Al. 3 (nouveau) : Les biens-fonds acquis par l’Etat selon le présent décret doivent être obligatoirement assainis énergétiquement dans un délai de dix ans dès la date de l’achat, afin qu’ils atteignent une qualité énergétique de l’enveloppe correspondant au moins à la classe D du CECB. »

Cette demande me semble suffisamment explicite dans la mesure où l’Etat se doit d’être exemplaire dans le domaine de l’assainissement des bâtiments. D’ailleurs, cette volonté s’inscrit dans le Plan climat du Gouvernement et la prochaine loi qui sera soumise à notre assemblée.

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Conseiller-ère d’Etat

Evidemment, on ne peut qu’être favorable à l’assainissement énergétique des bâtiments, et ce, dans un délai qui nous permette de respecter nos engagements climatiques. Toutefois, le Conseil d’Etat était plutôt enclin à dire que ce type de discussion devrait se tenir dans le cadre de la Loi sur l’énergie et non à l’aune de ce décret, de façon à avoir une certaine cohérence entre les textes législatifs.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

L’amendement de la minorité de la commission est accepté par 83 voix contre 27 et 24 abstentions.

L’article 6, amendé, est accepté par 82 voix contre 52 et 1 abstention.

Les articles 7 et 8, formule d'exécution, sont acceptés à l’unanimité.

Le projet de décret est adopté en premier débat.

Le deuxième débat interviendra ultérieurement.

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