20_REP_47 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Stéphane Masson - Soutien financier du Conseil d’Etat au CHUV et aux hôpitaux subventionnés touchés par la crise du COVID-19 pour leur manque à gagner, pourquoi les cliniques privées en sont-elles privé ? (20_INT_9).
Séance du Grand Conseil du mardi 16 mars 2021, point 11 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourJe remercie le Conseil d'Etat pour sa réponse qui contient un raisonnement que je comprends, mais que je ne peux juridiquement pas suivre. Dès lors que le Conseil d'Etat décide de venir en aide aux acteurs de la santé réquisitionnés pendant la crise sanitaire, en compensant leur manque à gagner suite à l'interdiction des opérations non urgentes, comment celui-ci peut-il traiter différemment le CHUV et les hôpitaux subventionnés des cliniques privées, en privant ces dernières d'aide ? Comme vous l'aurez constaté, la réponse du Conseil d'Etat se veut très pragmatique. En substance, ce n'est pas de sa faute si les interventions non urgentes ont été interdites par le Conseil fédéral et, du moment que les cliniques privées se portent bien financièrement, il serait incompréhensible pour le contribuable vaudois que le canton vienne à leur aide.
Le Conseil d'Etat estime ainsi qu'il existe des raisons objectives pour ne pas traiter de la même manière les acteurs sanitaires réquisitionnés. Or, quand bien même le Conseil d'Etat se base sur son arrêté du 16 décembre 2020 pour opérer une distinction dans l'aide qu'il entend apporter, ce faisant, il procède à une violation de l'égalité de traitement garantie par l'article 8 de la Constitution fédérale. Nul besoin de se trouver dans une situation purement identique pour prétendre à être traité de manière égale. En effet, il suffit de se trouver dans une situation semblable pour pouvoir prétendre à un traitement équitable. Les cantons qui nous entourent l'ont bien compris : Berne, Genève et le Valais ont tous procédé à des indemnisations globales, qu'il s'agisse d'hôpitaux privés, privés subventionnés, ou encore de cliniques privées, en se basant sur leur manque à gagner, selon un mode de calcul bien arrêté et aboutissant en bonne logique à des indemnisations différenciées selon les établissements concernés. Le canton de Neuchâtel n'a quant à lui pas encore décidé de procéder à des indemnisations.
Vous l'aurez compris, les cantons décident librement d'aider ou de ne pas aider. Toutefois, s'ils le font, ils ne peuvent opérer une différenciation des bénéficiaires se trouvant dans une situation semblable, sous peine de tomber dans l'arbitraire. Si l’on décide d'aider les restaurateurs qui subissent des pertes, on ne saurait exclure les restaurants gastronomiques de cette aide sous prétexte qu'ils disposent, en temps normal, d'un modèle économique plus rentable. Si l’on appliquait cette partition, quelque chose sonnerait très faux, dans la symphonie covidienne ! En définitive, mon propos n'est pas de défendre une corporation plutôt qu'une autre, mais de rappeler ici un principe, qui est sans doute cher à tous : l'égalité de traitement devant la loi. La Cour constitutionnelle a été saisie de cette affaire et c'est à elle qu'il appartiendra de répondre juridiquement à la question. Le politique s'effacera ainsi au profit du juridique, c'est parfois mieux et Montesquieu ne me contredira pas.
La discussion est ouverte.
Je souhaite brièvement m'exprimer par rapport aux propos du député Masson qui fait référence à des décisions qui auraient été prises par d'autres cantons — il a notamment cité les cantons de Berne et de Genève qui auraient pris des décisions différentes de celles du canton de Vaud. Monsieur Masson, dans les cantons de Berne et de Genève, les cliniques privées, en l'occurrence celles qui ont été indemnisées par l'Etat, sont listées sur la liste de la Loi sur l'assurance-maladie (LAMal). Ces cliniques font partie de la planification hospitalière, ce qui a impliqué une égalité de traitement par rapport à la couverture des pertes, dans ces deux cantons, entre des hôpitaux privés reconnus d'intérêt public, des hôpitaux 100% publics, et des cliniques listées et faisant partie de la planification hospitalière des deux cantons concernés.
Dans le canton de Vaud, les cliniques en question auxquelles vous faites référence font partie de la planification sous une forme particulière, à travers des quotas. Pour ces cliniques, le Département de la santé et de l'action sociale a couvert les prestations ayant fait l'objet de conventions signées, de manière ad hoc, entre mon département et les cliniques privées. Ces prestations ont été rétribuées par le canton et elles ont donc été honorées de manière adéquate. Vous faites également référence au fait que, dans l'argumentation du Conseil d'Etat, on ne se réfère qu'aux marges bénéficiaires ou à la bonne santé économique des cliniques privées. En lien avec la crise COVID, je tiens à souligner — cela fait partie de la réponse et vous ne pouvez pas ignorer cet aspect central — qu'en comparaison avec les hôpitaux publics et les hôpitaux subventionnés, les cliniques privées ont eu des possibilités supplémentaires de compenser les pertes, notamment grâce à leur modèle économique qui cible des prestations médicales plus rentables que celles fournies par les hôpitaux subventionnés ou publics, en s'intéressant en particulier aux patients au bénéfice d'une assurance complémentaire. En outre, les cliniques ont pu bénéficier de réductions de l’horaire de travail (RHT) pour le personnel mis à l'arrêt en raison d'une décision fédérale — cela est rappelé dans l'interpellation et vous l'avez mentionné — contrairement aux hôpitaux publics et subventionnés. Il est donc totalement erroné de prétendre que les cliniques n'ont pas bénéficié d'un soutien étatique. Ce soutien financier est particulièrement important, du fait que les charges salariales représentent plus de 70% des charges d'un hôpital ou d'une clinique.
Vous avez également mentionné le fait que la Cour constitutionnelle a été saisie. Je ne me prononcerai évidemment pas sur cet aspect. L'affaire est désormais portée devant la justice qui tranchera les arguments qui, de notre point de vue, sont justes. Je le répète : des conventions ont été signées et des prestations ont été fournies, dans le cadre d'un travail exemplaire, avec une collaboration excellente mise en place non seulement entre l'Etat et les cliniques privées, mais aussi entre les cliniques et les hôpitaux, et en particulier le CHUV qui a transféré des patients identifiés et qui ont fait l'objet de conventions. Du côté de mon département, il nous apparaît que les choses ont été faites de manière correcte, tout en mettant en avant l'égalité de traitement et l'équité en fonction des conventions signées.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Ce point de l’ordre du jour est traité.