21_INT_111 - Interpellation Hadrien Buclin et consorts - Des questions se posent après le drame de la gare de Morges (Développement).
Séance du Grand Conseil du mardi 14 septembre 2021, point 7 de l'ordre du jour
Texte déposé
Lundi 30 août, la police a abattu un homme à la gare de Morges. Si l’enquête pénale devra déterminer si le policier a agi en position de légitime défense, des questions plus générales se posent suite à cet événement. Ces questions sont relatives à la communication de la police, aux directives reçues par les agentes et agents concernant les premiers soins à apporter à une ou un blessé, à la gradation de la riposte en cas d’attaque contre une ou un agent et aux conditions d’enquête dans un dossier pénal impliquant l’intervention d’agent.e.s de police.
Ces questions ne concernent pas seulement Police Région Morges, mais l’ensemble des corps de police du Canton. C’est pourquoi elles sont ici adressées au Conseil d’Etat, en tant que responsable, à travers son autorité sur le Conseil cantonal de sécurité, de la coordination policière sur le territoire vaudois et de l’analyse des problèmes liés à la sécurité.
1) La communication de la police suite à ce drame a révélé des imprécisions par rapport aux faits. La police a en effet annoncé dans un premier temps : « Blessé, l’homme a été immédiatement pris en charge par les policiers » (communiqué du 1er septembre). Ce n’est qu’après que des médias ont révélé une vidéo des faits montrant que les agents n’ont pas apporté de premiers soins à l’homme à terre, et que ceux-ci ont été prodigués environ 4 minutes après les tirs par un infirmier présent sur place, que la police a rectifié l’information donnée au public. Quelles mesures pourraient être prises par les autorités pour réduire le risque d’une communication déformant les faits ?
2) Quelles sont les directives données à la police concernant les premiers soins à apporter à une personne blessée lors d’une intervention policière ? Ces directives ne devraient-elles pas être revues ou mieux communiquées à l’interne des corps de police à la lumière des faits décrits à la question 1 ?
3) L’article 15 du Code pénal suisse conditionne l’action en légitime défense au fait de repousser l’attaque « par des moyens proportionnés aux circonstances. » Aujourd’hui, les policières et policiers vaudois ont pour consigne, en cas d’usage de leur arme à feu, de viser le haut du corps d’une personne afin de réduire le risque de manquer la cible. Le Conseil d’Etat n’est-il pas d’avis que la formation et les directives données aux policiers vaudois pourraient évoluer, afin de mieux se conformer au principe de proportionnalité ? Il pourrait par exemple être question d’introduire des techniques non-létales de désarmement, un recours accru à des techniques de désescalade du conflit et une gradation plus progressive de la riposte de la policière ou du policier en cas de menace. A noter que cette réflexion pourrait s’appuyer sur des expériences policières menées à l’étranger : plusieurs corps de police en Europe vont même jusqu’à exclure du port d’arme une partie des agentes et agents en patrouille, ce qui permet de réduire le taux de létalité des interventions policières[1].
4) Le fait que le drame évoqué ci-dessus s’inscrit dans une série d’autres interventions policières ayant causé, ces dernières années, la mort d’une personne dans le canton de Vaud n’est-il pas, selon le Conseil d’Etat, une raison supplémentaire d’amorcer une réflexion en vue de l’évolution de la formation et des pratiques policières, afin de mieux chercher à préserver l’intégrité corporelle des personnes faisant l’objet d’une intervention policière ?
5) Afin de garantir une enquête la plus fiable possible dans les affaires pénales mettant potentiellement en cause la police et de réduire les risques de conflits d’intérêt, le Conseil d’Etat n’estimerait-il pas opportun la création, au plan cantonal ou fédéral, d’un corps d’enquêtrices et enquêteurs séparés des corps de police cantonal et communaux, inspiré des instances existant dans d’autres pays comme l’Angleterre ou le Danemark ?[2]
[1]Voir par exemple : Washington Post, « 5 countries where most police officers do not carry firearms - and it works well », 8 juillet 2016.
[2] Voir par exemple : 20 Minutes (France), « Et à l’étranger, quelle IGPN, la “police des polices” ? », 6 août 2019.
Conclusion
Souhaite développer
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
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Carine Carvalho | SOC |
Muriel Cuendet Schmidt | SOC |
Cendrine Cachemaille | SOC |
Taraneh Aminian | EP |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLundi 30 août, la police a abattu un homme à la gare de Morges. L’enquête pénale devra déterminer si le policier a agi en position de légitime défense, mais ce drame suscite des questions plus générales que je pose au Conseil d’Etat en tant que responsable de la coordination policière sur territoire vaudois et de l’analyse des problèmes liés à la sécurité. Ma première question porte sur la communication de la police à la suite du drame, qui s’est avérée imprécise quant aux faits. Dans un premier temps, en effet, la police a indiqué que la personne à terre avait immédiatement été prise en charge par les policiers. Des vidéos révélées par les médias, par la suite, ont montré que ce n’était pas le cas.
Je pose une autre question sur les premiers soins, précisément sur les directives données aux corps de police en matière de premiers soins à apporter à une personne blessée lors d’une intervention : ces directives ne devraient-elles pas être revues ou mieux communiquées après le drame de Morges ?
Je continue en demandant une réflexion sur le développement de techniques d’intervention autres que le tir sur le haut du corps d’une personne, afin de chercher à réduire la létalité des interventions policières. Il existe des corps de police en Europe qui vont jusqu’à exclure du port d’arme une partie des agentes et agents en patrouille. Cela permet de réduire le taux de létalité des interventions policières. Ainsi, on peut légitimement se poser la question suivante : n’y a-t-il pas des techniques de désarmement moins létales que celles enseignées aujourd’hui aux policières et policiers vaudois ? La question paraît d’autant plus légitime que, ces dernières années, plusieurs personnes ont perdu la vie dans le cadre d’interventions policières.
Enfin, une question thématise la problématique des conditions de l’enquête dans un dossier où des agents sont directement impliqués, puisque quand des policiers sont amenés à enquêter sur la mise en cause d’un collègue, il peut y avoir des problèmes de conflits d’intérêts et de transparence de l’enquête. Je demande donc au Conseil d’Etat s’il ne trouverait pas opportun d’instaurer un groupe d’enquêtrices et d’enquêteurs séparé des corps de police communaux et cantonaux, comme cela existe dans d’autres pays, afin que les enquêtes, dans ce genre de dossiers sensibles, soient plus indépendantes.
Retour à l'ordre du jourL’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.