23_POS_69 - Postulat Julien Cuérel et consorts au nom Groupe UDC - Suppression de l’impôt sur les successions et les donations entre époux et en ligne directe descendante.
Séance du Grand Conseil du mardi 3 octobre 2023, point 14 de l'ordre du jour
Texte déposé
Payer un impôt sur des biens qui ont déjà été imposés est pour le moins étrange, pour ne pas dire saugrenu. C’est pourtant ce qu’est l’impôt sur les successions.
Cet impôt qui est prélevé lors du passage d’un bien d’une génération à l’autre, et qui reste au sein de la même unité qu’est la famille, ne devrait pas être assimilé à un transfert soumis aux impôts. Pire, il permet de taxer des biens qui ont déjà été taxés lors du vivant du précédent propriétaire, c’est totalement injuste.
Quelques exemples : une personne travaille pendant plusieurs années et s’acquitte d’un impôt sur les gains réalisés par son travail. Elle va ensuite thésauriser une partie de ses gains en vue d’acheter un bien immobilier. Cette fortune sera alors potentiellement taxée elle aussi. Après des années de dur labeur, la personne va s’acheter une maison, pour y vivre ses vieux jours. Elle s’acquittera alors d’un impôt sur la valeur locative de cette maison, dont les fonds ayant servi à l’acheter ont d’ores et déjà été taxés deux fois. Les années passent et voilà que cette personne, après une vie bien remplie, s’en va dans l’au-delà. Sa maison va alors passer aux mains de son enfant, le titre de propriété va donc changer de nom et voilà que l’État, au regard de cette unique raison qu’est la passation d’un bien d’une paire de mains à une autre, prélève encore un impôt sur ce bien déjà maintes fois taxé. Le problème toutefois, c’est que l’enfant héritier n’a pas une situation aussi prospère que son aïeul et voilà qu’il se retrouve face à une pression financière importante au seul motif qu’il a reçu de son défunt père le fruit du travail de toute une vie qui se mue en cadeau empoisonné.
La situation est même plus pernicieuse dans certains cas ; prenez l’exemple d’une personne héritant d’une œuvre d’art de grande valeur, mais qui se retrouverait en défaut de liquidités pour s’acquitter du montant de l’impôt ; la personne se retrouve donc contrainte par défaut de faire don de son œuvre au canton, par exemple, qui dès lors met la main sur un patrimoine non sans un certain « forcing ». Cela est moralement très discutable.
Admettons que cette situation est tout bonnement ridicule. Nous souhaitons aujourd’hui y mettre un terme, par le biais de la présente motion. Aussi, nous demandons au Conseil d’État de mettre en œuvre la suppression de l’impôt cantonal sur les successions et les donations pour les conjoints et les descendants en ligne directe.
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Jean-Luc Bezençon | PLR |
Aliette Rey-Marion | UDC |
Marion Wahlen | PLR |
Pierre-Alain Favrod | UDC |
Nicolas Glauser | UDC |
Sacha Soldini | UDC |
Florence Gross | PLR |
Philippe Liniger | UDC |
Maurice Treboux | UDC |
Denis Rubattel | UDC |
Nicolas Bolay | UDC |
Pierre-François Mottier | PLR |
Marc-Olivier Buffat | PLR |
Patrick Simonin | PLR |
Céline Baux | UDC |
Cédric Weissert | UDC |
Jean-Marc Sordet | UDC |
Guy Gaudard | PLR |
Dylan Karlen | UDC |
Alexandre Berthoud | PLR |
Olivier Petermann | PLR |
Fabien Deillon | UDC |
Jean-Bernard Chevalley | UDC |
Florence Bettschart-Narbel | PLR |
Josephine Byrne Garelli | PLR |
François Cardinaux | PLR |
Chantal Weidmann Yenny | PLR |
José Durussel | UDC |
Yann Glayre | UDC |
Carole Dubois | PLR |
Yvan Pahud | UDC |
Werner Riesen | UDC |
Christine Chevalley | PLR |
Jean-François Thuillard | UDC |
Stéphane Rezso | PLR |
Sylvain Freymond | UDC |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa Commission des finances, dans sa composition de la fin de législature précédente, a traité cet objet lors de sa séance du 16 juin 2022. Sans l'accord de son auteur, la commission vous propose de transformer la motion en postulat, puis de le prendre en considération. En revanche, elle vous recommande de ne pas prendre en considération la motion si celle-ci ne devait pas être transformée.
Le motionnaire demande la suppression de l'impôt sur les successions et donations entre époux et en ligne directe descendante. A l'appui de sa motion, il avance les principaux arguments suivants. D'abord, l'impôt sur les successions en ligne directe descendante frappe un patrimoine qui, même s'il est transmis à une autre personne physique, reste dans le noyau familial. Ensuite, les sommes ont déjà été taxées par l'impôt sur le revenu, souvent même par celui sur la fortune. Finalement, aux yeux du motionnaire, il n'est pas pertinent que les contribuables qui prennent la peine d'épargner et ceux qui dépensent l'intégralité de leur revenu ne soient pas traités de la même manière.
Le conseiller d'Etat alors en charge des finances a rappelé que d'une part, l'impôt horizontal au sein du couple marié dont le motionnaire demande la suppression n'existe plus dans le canton de Vaud et, d'autre part, que la législation en vigueur dans notre canton autorise en ligne directe une franchise annuelle de 5 fois 50 000 francs par enfant et se limite à un taux d’imposition de 3,5 %. Finalement, il rappelle que l'impôt sur les successions permet aux communes d'enregistrer des rentrées fiscales significatives.
Lors de la discussion générale, plusieurs députés, d'avis que les exonérations actuelles sont suffisantes, s'opposent à la motion. Leurs arguments sont exposés dans le rapport de minorité. Du côté des défenseurs de l'idée, il est rappelé que les contribuables à forte capacité financière contribuent largement au développement de nombreuses politiques mises en place par notre Conseil d'Etat. Leur déplacement, souvent facile, pourrait s'avérer fort dommageable pour notre canton. Ce dernier doit donc lutter pour maintenir son attractivité fiscale. Plusieurs députés sont favorables à l'idée défendue par le motionnaire, mais doutent que la motion constitue l’outil approprié. Ils sont partagés entre la suppression de l'impôt et son aménagement. Ils se montrent, sous cet angle, particulièrement sensibles à la problématique de la transmission d'entreprises. Questionné par le président quant à la transformation potentielle de sa motion en postulat, le motionnaire l'a refusée. Toutefois, un membre l'a formellement demandée.
Au vote, la proposition de transformation en postulat – sans l'accord du motionnaire – est acceptée par 7 voix contre 6, ce sans abstention. Si le Grand Conseil devait suivre la commission dans ce choix, la Commission des finances lui proposerait de prendre en considération le postulat issu de cette transformation par 7 voix contre 6, ce sans abstention. Dans le cas où le Grand Conseil devait refuser la transformation en postulat, la Commission des finances lui propose de ne pas prendre en considération la motion.
La minorité que je représente propose de classer ce postulat pour quatre raisons principales. Premièrement, il ne nous paraît pas opportun de réduire davantage les recettes fiscales au vu des défis auxquels fait face le Canton, notamment l’investissement nécessaire dans la transition énergétique pour réduire les émissions de CO2, ou la revalorisation des conditions de travail et de formation dans le domaine de la santé, de l'accueil de jour. Les exemples peuvent aisément être multipliés. A cela s’ajoute un contexte inflationniste dans lequel les charges sont en hausse. En outre, les pertes de revenus affecteraient également les communes auxquelles revient le choix de prélever cet impôt sous forme de centimes additionnels par rapport à ceux prélevés par l'Etat cantonal ; un aspect peut-être plus problématique encore. Ainsi, l'autonomie communale se verrait réduite tout comme leur marge de manœuvre, quand elles doivent parfois faire face à des situations financières quelque peu compliquées.
En outre, la réduction fiscale proposée s'ajouterait à la ribambelle de celles décidées ces dernières années et qui provoquent, je le rappelle, une stagnation des recettes aux comptes 2022, alors même que les charges augmentent, ce dans un indéniable contexte inflationniste. Ensuite, rappelons le caractère injuste de cette proposition. En effet, elle profiterait à la petite minorité de contribuables les plus fortunés. Les successions en ligne directe jusqu'à 250’000 francs sont déjà aujourd'hui exonérées. Or, selon les statistiques, l'exonération jusqu'à 250’000 francs permet déjà d’exempter d'impôts environ 80 % des successions, selon les chiffres fournis par le Conseil d'Etat lors de la séance de commission. De plus, il est possible, selon la loi concernant le droit de mutation sur les transferts immobiliers et l'impôt sur les successions et donations, d'anticiper une partie de la succession à travers des donations qui, elles aussi, sont exonérées à hauteur de 50’000 francs par an et par enfant. La grande majorité des successions sont donc déjà exonérées de l'impôt. Par conséquent, il s’agit d’une proposition ciblée sur les contribuables les plus fortunés. Cela nous permet d'ailleurs au passage de relever que l'UDC n'est pas toujours le parti du peuple qu'elle prétend être…
Troisièmement, les problèmes soulevés par le motionnaire à l'appui de sa proposition ne sont pas avérés. En effet, il prétend que l'imposition sur les successions descendantes pourrait menacer la pérennité d'une entreprise ou d'un bien immobilier de famille au moment de la succession. Or, le conseiller d'Etat alors en charge des finances nous a expliqué que durant les 20 ans pendant lesquels il a occupé la fonction de chef des finances, il n'a jamais rencontré de cas de contribuables dont l'entreprise aurait été menacée ou dont le bien de famille aurait été vendu de force en raison de l'impôt sur les successions, puisque les successions dont on parle sont précisément assez importantes pour que le volume financier des contribuables suffise pour payer l'impôt sans que cela menace la pérennité de l'entreprise ou du bien immobilier.
Rappelons également que dans le cadre du budget 2022, le Grand Conseil a accepté une réduction de l'évaluation de la fortune composée de titres d'entreprises cotées ; les revendications des entrepreneurs ont par conséquent déjà été prises en compte, ce que nous avons entendu dans le débat précédent sur la question de la fiscalité, de la fortune, de l'outil de travail, enfin de la fortune en tant qu'outil de travail.
De manière plus générale, le taux le plus élevé de l'impôt sur les successions en ligne directe dans le canton de Vaud demeure modéré en comparaison avec les pays voisins. Si une commune ajoute les centimes additionnels, ce taux s’élève à un maximum de 7 %. Par comparaison, en France, ce taux peut avoisiner les 45 %.
Enfin, le texte du postulat s’avère flou. Il propose de supprimer l'impôt cantonal sur les successions et donations entre époux, alors que celui-ci n'est en réalité pas prélevé pour cette catégorie de contribuables. Doit-on comprendre que le postulant veut étendre cette disposition aux personnes liées par un partenariat enregistré ? Même à l'issue des travaux de commission, ces questions restaient peu claires. Riche de toutes ces raisons, je vous invite à classer ce postulat.
La discussion est ouverte.
Le groupe socialiste vous recommande de transformer la motion en postulat, puis de la classer pour la raison suivante : cette suppression n'est défendable ni sur le plan de l'efficacité économique ni sur celui de l'équité. En effet, en finances publiques, les économistes se posent généralement les deux questions suivantes avant d’intervenir dans une économie de marché : cet impôt est-il efficace ? Cet impôt est-il équitable ?
En ce qui concerne l'efficacité, il s’avère que les impôts sur les successions font partie de cette minorité d’impôts qui n’ont pratiquement aucun impact sur l'activité économique ; ils ne diminuent donc pas le bien-être social. En effet, quelle entrepreneuse, quel entrepreneur va se demander si elle ou il va moins travailler, si elle ou il va renoncer à développer son entreprise, car sa fille ou son fils pourrait avoir à payer un modeste impôt sur les successions, l’impôt étant plafonné à 3,5 % ? Il convient dans ce cas de relever qu’actuellement environ 90 % des successions en ligne directe ne paient plus d’impôt, sur les quelque 8'000 décès annuels, puisque chaque enfant en est exonéré jusqu’à 250'000 francs. Il est même prouvé scientifiquement que les impôts sur les successions favorisent en fait l'activité économique en forçant les héritiers à gagner leur vie au lieu de s'adonner à une vie de retraité oisive.
En ce qui concerne la transmission d'entreprises, il s’agit d’un faux problème comme l’a souligné le conseiller d’Etat Broulis que je me permets de citer : « Les problèmes de transmissions d’entreprises ne sont pas fiscaux, mais, encore une fois, liés à leur estimation patrimoniale ; une suppression fiscale allégera financièrement la charge des bénéficiaires, mais ne règlera pas les problèmes successoraux. »
Quant au deuxième volet, soit l’équité, il s’agit d’une juste imposition. En effet, si l’on compare la personne qui lègue sa fortune à celle qui aurait dépensé son argent, cet impôt est juste, car celui qui consomme sa fortune au fil de sa vie paie divers impôts sur la consommation (TVA, impôt sur le tabac, etc.) alors que celle ou celui qui la « consomme » sous forme d’héritage paie des impôts sur la succession. Le critère de l'équité est aussi rempli si l’on considère les héritiers ; dans ce cas les économistes considèrent que l'héritage est une forme de « gain à la loterie », car il s’agit d’un gain qui ne relève pas d’un mérite propre. L’impôt sur les successions est donc un moyen relativement peu douloureux et socialement favorable qui procure des revenus à l'Etat. Aussi, les économistes s’accordent sur le fait que les impôts sur la succession constituent un instrument de redistribution particulièrement efficace. En effet, les impôts sur les successions recèlent encore une autre vertu : ils ont une fonction de contrôle, car ils permettent de découvrir les éventuelles évasions fiscales.
En conclusion, supprimer cet impôt qui provoque très peu de distorsions dans le comportement des contribuables et qui figure parmi les différents types d’impôts, le plus juste, priverait chaque année le Canton de quelque 16 millions de francs et affecterait également les communes ; il ne profiterait, de plus, qu’à un petit groupe de contribuables très fortunés, alors que les collectivités publiques doivent faire face à de nombreux défis urgents, que ce soit la lutte contre le réchauffement climatique, le développement du système éducatif, la montée en puissance du dispositif de maintien à domicile, le maintien de capacités excédentaires dans le système de santé, ce pour faire face à un éventuel rebond de la pandémie de Covid-19.
Par conséquent, je vous recommande de classer cette motion potentiellement transformée en postulat.
Ce matin, je vous ai bassiné sur la fortune… J'imagine que, dès lors, vous connaissez ma position sur ce sujet. Lorsqu’il est question de succession, il s’agit de quelque chose qui a d'ores et déjà été taxé durant la vie de la personne, c’est-à-dire sur la fortune et sur le revenu. Ensuite, il retourne aussi de quelque chose qui est voué à être transmis à des descendants. Ainsi, cette nouvelle fortune va à nouveau être taxée. Dans ce contexte, la vertu vantée ressemble plutôt à « faire cracher au bassinet » dès que possible. Ce matin, nous parlions d'égalité. Or, certaines situations – quelle que soit la fortune des personnes – amènent à devoir vendre l'objet afin de s’acquitter de l’impôt sur la succession ; ce que je considère comme particulièrement inique.
Sur les entreprises, le Canton pratique des allégements fiscaux mais manque complètement sa cible. D’ailleurs, la pyramide des âges montre qu’énormément d'entreprises vont être transmises ces prochaines années. Quel est le souhait dans le cas d’une transmission d'entreprises ? Que ces dernières perdurent, plutôt que les personnes refusent la transmission pour des raisons financières, encore moins qu'elles périclitent, que des emplois soient perdus. Ainsi, dans les deux cas, j’estime qu’il est trop facile de dire qu’il s’agit d’argent vertueux. On cite avec une once de nostalgie la France… Fort heureusement, nous sommes en deçà ! Je vois mon collègue opiner du chef, il approuve. Or, il s’agit du même collègue qui nous avait parlé du canton d'Argovie précédemment. Je l'invite également à regarder ce qui s’y passe sur les successions…Quant aux partenaires, on passe carrément la frontière de l'incompréhensible. Enfin, monsieur Buclin, si Argovie constitue un très bon exemple, je vous invite à en considérer l’ensemble des chiffres.
En résumé, j'encourage le Parlement à classer cette motion. En effet, jusqu'à 250’000 francs de succession, on ne paie rien ; si j'ai bien compris grâce à cette règle, environ 90 % des successions en ligne directe ne paient pas d'impôt : plutôt généreux de la part de l'Etat. Par conséquent, on peut peut-être aussi s'attendre à ce que les 10 % des personnes qui ont la chance d'hériter de plus de 250’000 francs contribuent à l'Etat dans lequel elles vivent, Etat qui nous donne un cadre de vie de haute qualité. En outre, il est question d'une contribution modeste d’au maximum 7 % sur la part supérieure à 250’000 francs.
Par ailleurs, la société évolue, se modernise, les familles se recomposent, de plus en plus de personnes n'ont pas d'enfants ou s'occupent de ceux qui ne sont pas les leurs biologiquement. Par exemple, les donations en succession à des nièces et des neveux sont ponctionnées à un taux beaucoup plus élevé. Je considère ceci comme une inégalité fiscale. Pourquoi tout le monde n'est-il pas traité de la même manière indépendamment des liens ? Pourquoi l'Etat devrait-il juger de la relation entre les gens ? Si on estime qu'un bien a déjà été trop taxé, baissons les impôts sur le revenu… Ça tombe bien, nous venons de le faire ; et baissons les impôts sur la fortune, par exemple. Ceci bénéficierait en priorité à la personne qui a travaillé pour gagner ce bien.
Concernant la problématique très juste de l'estimation patrimoniale des biens non monétaires, par exemple la transmission d'entreprises ou celle d’un tableau – la motion ne résout pas le problème pour les successions et donations autres que vis-à-vis des enfants. Le problème est bien identifié, la solution proposée ne l'est pas vraiment.
En conclusion, j'encourage le Parlement à classer cette motion et les auteurs à en présenter une nouvelle adressant de manière globale la problématique de l'estimation fiscale des biens non monétaires et proposant une plus grande égalité fiscale neutre vis-à-vis des relations entre les personnes et tenant compte de la réalité de notre société.
Le groupe PLR suivra la majorité de la commission. Pour ajouter une information, je précise que la transmission d'entreprises équivaut à un taux d’imposition d’environ 4,5 %. Quant aux valeurs patrimoniales immobilières, cela demeure problématique. Pour ceux que cela concerne, je vous recommande de prendre de bons contacts au bon moment. En conclusion, nous sommes favorables au postulat afin d’inciter le Conseil d'Etat à explorer des pistes ; toutefois, le classement nous convient aussi.
Une telle suppression de l'impôt sur la succession creuserait encore l'inégalité abyssale entre les riches et les personnes précaires de notre canton, un cadeau pour les plus fortunés, les 10 % qui héritent de plus de 250’000 francs ; ceux qui n'ont nul besoin de ce genre de faveur. Or, les impôts sur la succession sont nécessaires au financement des services publics qui, eux, servent à l'ensemble de la population. A fortiori, avec la crise actuelle, une répartition des richesses s’avère plus que jamais nécessaire. Quant à l'argument de la double imposition, c'est un leurre. En effet, dans cette logique, presque toutes les formes d'impôt pourraient être considérées comme une double imposition. Enfin, cette motion semble uniquement préoccupée par la protection des privilèges des riches héritiers nés avec une cuillère en argent dans la bouche, rien de moins qu'une défense des inégalités et des privilèges. Il est parfaitement injuste que certaines personnes naissent avec la perspective de recevoir une fortune, quand d'autres n'en ont aucune. Cela ne fait que perpétuer les classes. Au contraire, nous devons valoriser le travail plutôt que la chance de naître dans la bonne famille.
L'impôt sur les successions est injuste. Le patrimoine ne devrait pas être amputé du prélèvement d'un impôt, d’autant que l'épargnant décédé en avait déjà payé sur le revenu et la fortune – une troisième taxation. Certes, une franchise de 250’000 francs existe. Or, elle est rapidement atteinte, notamment dans l'immobilier, puisque dans notre canton, les prix sont souvent supérieurs à 1 million de francs. La transmission d'une entreprise est aussi concernée par cet impôt. Les survivants doivent également payer un impôt avant de reprendre la société. À la suite de l’impôt, le repreneur ne pourra peut-être pas assumer la reprise et devra vendre l'entreprise avec tout ce que cela implique en matière de licenciement de personnel. Notre canton présente déjà l'une des impositions sur le revenu les plus élevées de Suisse. Par cet impôt, nous pénalisons les citoyens qui constituent un patrimoine pour leurs enfants et cet argent ne pourra pas être reversé dans l'économie locale. Seuls trois cantons suisses pratiquent encore cet impôt en ligne directe : Appenzell, Neuchâtel et Vaud. Certains contribuables fortunés pourraient se laisser tenter par le déplacement de leur résidence principale dans un autre canton. Pour toutes ces raisons, je vous propose de soutenir cette motion.
J'ai entendu tout à l'heure qu’on naissait avec une cuillère en or ou en argent dans la bouche… alors qu’il s’agit simplement de prendre la succession d’une entreprise. C’est absolument faux, très faux. M. Bellotti l'a souligné ; tant mieux. Aujourd'hui, à la transmission d’une entreprise, trois années de bilan sont prises en compte pour estimer sa valeur. La personne qui reprend l’entreprise, le successeur, doit s’acquitter d’un impôt qui peut s’avérer très élevé. Souvent, sur le plan familial, ce sont les parents, les personnes qui cèdent leur entreprise, qui doivent prêter l'argent à leurs enfants pour qu’ils puissent payer l'impôt – une situation vécue.
Ce matin, on commençait à le regretter… Et cet après-midi, c'est la gauche de l'hémicycle qui défend la position de l'ancien conseiller d'Etat Broulis ! J'espère qu'il suit nos débats !
La majorité de la Commission des finances demande la transformation de cette motion en postulat, précisément pour permettre au Conseil d'Etat d'apprécier la situation. D'une part, nous sommes l’un des derniers cantons à imposer les successions en ligne directe, je le précise, avec comme conséquence pour certains contribuables de quitter le canton – ce qui est regrettable. D’autre part, contrairement à ce qu'a affirmé M. Broulis en commission et à ce que certains affirment dans cet hémicycle, même à 7 %, l'impôt sur les successions peut poser des problèmes, notamment en cas de transmission d'entreprise, par exemple si l'entreprise – ce n’est pas rare – est le seul bien significatif appartenant à la personne qui décède, le problème se situant souvent au niveau des liquidités pour s’acquitter de l’impôt. Je vous mets au défi de trouver une banque qui veut bien financer le paiement d’un impôt – aujourd'hui, cela n'existe plus. En conclusion, je vous encourage à transformer cette motion en postulat et à transmettre ce dernier au Conseil d'Etat.
Permettez-moi une brève réplique concernant le spectre agité à droite d'une fuite des contribuables fortunés en cas de maintien de l'impôt sur les successions et renvoyer aux publications du professeur à la faculté des HEC de l'Université de Lausanne, Marius Brülhart – relativement peu suspect de gauchisme par son statut de professeur en HEC – au sujet de la mobilité des contribuables aisés en lien avec les taux d'impôt sur les successions. Il conclut ses études en montrant que le taux d'imposition est très peu vecteur de mobilité ; il se veut tout à fait rassurant quant au maintien d'un impôt sur les successions. Ainsi, il n’existe pas de fuite des contribuables. De plus, quand on regarde les comptes du canton de Vaud, les recettes de cet impôt augmentent de manière dynamique, il n'y a par conséquent pas de pertes de substances fiscales.
Je salue le retournement de M. Buclin qui maintenant s'inquiète du départ des gens fortunés de notre canton ! Un spectre qu'il veut absolument éviter ! Je salue son retournement tout comme le fait qu'il n'a plus la haine des riches !
Beaucoup de choses ont été dites. La transformation en postulat permettra au Conseil d'Etat de traiter tous les éléments évoqués lors de cette discussion.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Le Grand Conseil accepte la transformation en postulat par 105 voix contre 18 et 3 abstentions.
Le Grand Conseil prend le postulat en considération par 74 voix contre 53.