23_POS_9 - Postulat Alberto Mocchi et consorts - Mâchefers non grata.

Séance du Grand Conseil du mardi 19 septembre 2023, point 21 de l'ordre du jour

Texte déposé

 

Depuis le 1er janvier 2000, il n’est plus possible dans notre pays de stocker des déchets combustibles en décharge. Ces derniers doivent être « thermo-valorisés » via des usines d’incinération, telles Tridel à Lausanne ou Satom à Monthey.

 

Cela signifie-t-il pour autant la fin de l’enfouissement des déchets ? Pas vraiment, car une catégorie de détritus résiste encore et toujours à une valorisation écologique : les mâchefers.

On désigne par ce nom l’ensemble des matières qui n’ont pas pu brûler dans les fours d’incinération. Ils représentent environ 20% des déchets incinérés, et sont composés de minéraux (céramique, vaisselle, litière pour chats), de métaux ou encore de verre fondu.

 

Ces résidus sont aujourd’hui déposés dans des décharges dites de type « D », qui dans notre canton se situent à ce jour sur le territoire des communes de Ollon et de Valeyres-sous-Montagny. Deux nouveaux sites, sur le territoire des communes de Daillens et Oulens-sous-Echallens d’une part, et de Grandson d’autre part, font l’objet de démarches à l’heure actuelle, afin d’y installer des infrastructures d’enfouissement.

 

Ces installations ont une emprise remarquable sur les terres agricoles (44 hectares dans le cas du site de la Vernette à Daillens-Oulens) et suscitent craintes et interrogations auprès des populations des communes concernées.

 

L’enfouissement de quantités importantes de mâchefers n’est cependant pas une fatalité !

Ceux-ci n’existeraient en effet pas en quantités si abondantes si un meilleur tri des déchets était effectué en amont, et que verre, cannettes et autres vaisselles ne se retrouvaient pas dans les poubelles. Une meilleure valorisation des mâchefers semble également possible pour ce qui est des composantes minérales, et une étude mandatée par l’Etat de Genève estime que 75% des mâchefers actuellement enfouis pourraient être valorisés sous forme de sable largement épuré, qui pourrait notamment être utilisé dans la construction.

 

Cela est malheureusement rendu impossible par l’ordonnance fédérale sur la limitation et l’élimination des déchets (OLED), qui contrairement à ce qui se pratique ailleurs en Europe interdit toute autre utilisation des mâchefers que via un stockage définitif en décharge. Cette disposition est anachronique au vu des progrès effectués ces dernières années par les technologies de traitement des mâchefers, et contraint les cantons à consacrer des centaines d’hectares de bonnes terres agricoles au stockage de déchets qui pourraient être valorisés.

 

Au vu de ce qui précède, il est demandé via ce postulat au Conseil d’Etat d’étudier les différentes possibilités qui s’offrent pour réduire la quantité de mâchefers, et pour les valoriser de manière alternative à l’enfouissement définitif, notamment en intervenant auprès des autorités fédérales afin de modifier les dispositions de l’OLED en la matière. 

 

 

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Martine GerberVER
Théophile SchenkerVER
Céline MisiegoEP
Oriane SarrasinSOC
Yannick MauryVER
Rebecca JolyVER
Nathalie VezVER
Muriel ThalmannSOC
Cloé PointetV'L
Nathalie JaccardVER
Felix StürnerVER
Pierre WahlenVER
Sébastien CalaSOC
Valérie ZoncaVER
Sabine Glauser KrugVER
Valérie InduniSOC
Hadrien BuclinEP
Julien EggenbergerSOC
Joëlle MinacciEP
Pierre FonjallazVER
Yolanda Müller ChablozVER
Alice GenoudVER
Graziella SchallerV'L
Olivier GfellerSOC
Sylvie PodioVER
Sandra PasquierSOC
Laurent BalsigerSOC
Andreas WüthrichV'L

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice

Ce postulat demande au Conseil d’Etat d’étudier les différentes possibilités qui s’offrent pour réduire la quantité de mâchefers et pour les valoriser d’une manière alternative à l’enfouissement définitif, notamment en intervenant auprès des autorités fédérales afin de modifier les dispositions de l’Ordonnance sur la limitation et l’élimination des déchets (OLED) en la matière. En effet, le canton produit des tonnes de mâchefers – les résidus qui subsistent à l’incinération des déchets ménagers –dans des usines telles que Tridel ou Satom SA. Actuellement, il n’est pas possible de valoriser autrement ces mâchefers que par la mise en décharge, ce qui est regrettable. Le postulant indique que dans certains pays de l’Union européenne, les substances minérales sont notamment employées, par exemple, dans des projets de construction de routes. Cela évite la mise en décharge et permet ainsi d’économiser des hectares de surfaces dédiées à l’agriculture, notamment.

Ce postulat vient en appui des différentes actions et mesures portées par le Canton de Vaud en coordination avec les autres cantons romands. La production de mâchefers sur le territoire vaudois issue de l’usine d’incinération de Tridel s’élève à 32 000 tonnes par an. L’ensemble des usines d’incinération de Suisse romande en produit entre 150 et 155 000 tonnes par an. Les mâchefers sont ensuite mis en décharge partout en Suisse romande. Deux décharges fonctionnant actuellement dans le canton de Vaud seront pleines à l’horizon 2024. Il est donc nécessaire et obligatoire de planifier et de prévoir d’autres solutions. Deux projets ont été lancés et une enquête publique a été réalisée ; elle a généré des oppositions qui devront être traitées. Chacune des deux décharges prévues représente une capacité d’environ 155 000 tonnes par année, ce qui permettra de remplacer les décharges existantes et de répondre aux besoins pour les années à venir.

Sur la question plus spécifique des mâchefers, des démarches intercantonales sont en cours. L’Office fédéral de l’environnement va initier un projet qui a pour objectif de comparer différentes méthodes de récupération des métaux que l’on retrouve dans les mâchefers. Depuis quelques années, un groupe intercantonal travaille sur le traitement des métaux et des minéraux qui composent ces mâchefers. Des différentes analyses et études menées, les cantons sont arrivés à la conclusion qu’il était nécessaire d’adapter l’OLED, et notamment son article 24 qui concerne la valorisation des déchets dans la fabrication de ciment et de béton. Dans sa formulation actuelle, cette ordonnance fédérale ne permet pas d’utiliser pleinement des filières de récupération et de réutilisation des mâchefers. Les cantons romands se sont unis pour s’adresser à la Confédération et lui demander d’assouplir cette ordonnance pour permettre de développer de véritables filières. Dans le même temps, il sera également nécessaire de réfléchir à une installation de traitement des mâchefers et de trouver des acteurs économiques pour porter ces différents objets. Dans l’idéal, cette installation devrait être intercantonale.

La commission a discuté longuement pour savoir quels types de polluants se trouvent dans les mâchefers. Si de tels mâchefers étaient incorporés à des matériaux de construction, elle s’est aussi demandé si cela ne ferait pas courir un risque aux générations futures au moment où celles-ci démoliraient un ouvrage construit avec de tels matériaux. Le département a expliqué que c’était précisément tout l’enjeu des discussions en cours avec la Confédération au sujet de l’OLED. Finalement, à l’unanimité des membres présents, la commission recommande au Grand Conseil de prendre ce postulat en considération.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Alberto Mocchi (VER) —

Je déclare tout d’abord mes intérêts, je suis syndic d’une commune concernée par le projet de La Vernette, un projet de décharge bioactive dans les communes de Daillens et d’Oulens. Il y a une chose sur laquelle nous allons toutes et tous être d’accord dans ce Parlement, c’est que notre territoire n’est pas extensible. Notre canton est composé d’un certain nombre de kilomètres carrés et, à moins d’aller envahir le canton de Fribourg, nous aurons de la peine à en avoir davantage. Ce territoire, il faut donc que nous l’utilisions de manière parcimonieuse. Il faut que nous fassions les bons arbitrages pour garder nos surfaces d’assolement, pour garder nos zones à bâtir et conserver une bonne qualité de vie. Tout ce que l’on peut éviter de mettre en décharge, tout ce que l’on peut éviter d'utiliser de manière peu appropriée est dès lors bon à prendre. Aujourd’hui, si l’on peut éviter de créer de nouvelles décharges, si l’on peut valoriser les déchets, il faut évidemment le faire.

Certains cantons, comme Zurich, sont assez pionniers en la matière. Je reviendrai probablement auprès de ce Grand Conseil au sujet des terres polluées : certains cantons obligent les entreprises à valoriser ces terres polluées, à les laver avant de les mettre en décharge. La mise en décharge doit être l’ultima ratio, la dernière chose à faire quand on ne peut pas utiliser différemment les matériaux. C’est ce que demande ce postulat. Je sais que la marge de manœuvre du canton n’est pas immense et que c’est à Berne que se trouve une bonne partie de la clé de cette solution. Néanmoins, le canton a tout de même une certaine marge de manœuvre pour aller frapper à la porte des autorités fédérales. J’espère que c’est ce qui sera fait.

Mme Carole Schelker (PLR) —

Le groupe PLR va, dans sa grande majorité, accepter cette proposition du député Mocchi qui invite le Conseil d’Etat à étudier les différentes possibilités pour mieux recycler les mâchefers dans une vision d’économie circulaire et pour ménager les volumes disponibles dans les décharges de type E. Cela va évidemment dans le bon sens. Plusieurs pistes pour le recyclage des mâchefers sont possibles et sont déjà testées à différentes échelles, mais je pense que l’enjeu majeur est de ne pas laisser des fardeaux de pollution aux générations futures. C’est le danger principal. Le postulant parle de réutiliser ces mâchefers dans des projets de construction de routes. D’ailleurs, souvenons-nous, il y a quelques décennies, on les utilisait pour la construction de chemins forestiers avant de faire marche arrière. En Espagne, ils sont réutilisés dans la construction de bâtiments. Comment va-t-on recycler ces éléments à l’avenir quand les ouvrages seront démolis ? On émet aujourd’hui des normes légales strictes qui sont souvent respectées, mais quelle sera la vision des autorités dans quelques décennies ? Rappelons-nous des problématiques environnementales nouvelles qui apparaissent régulièrement : des composés chimiques sont soudain mis sur le devant de la scène, comme les dioxines ou les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS). Je me réjouis que le Conseil d’Etat puisse intégrer tous ces éléments dans sa réponse à ce postulat que je vous invite, au nom du groupe PLR, à renvoyer au Conseil d’Etat.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Je vous remercie pour cet échange et ce débat fort intéressant. Je remercie aussi le député Mocchi pour le dépôt de ce postulat. Vous l’avez lu dans le Programme de législature, le Canton de Vaud souhaite être pionnier de l’économie circulaire des matériaux. Le postulat proposé vient en appui de cet élan.

Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ? Cela veut dire travailler sur les ressources, donc revoir notre stratégie vis-à-vis de l’exploitation des carrières et des gravières, pour inscrire cette exploitation dans une politique plus durable. Nous devons en tenir compte dans notre stratégie. Cela veut aussi dire revoir nos modes de construction. Dans ce domaine, depuis plusieurs années, le Canton est pionnier en matière de construction durable, avec l’utilisation de matériaux biosourcés, typiquement l’utilisation du bois ou de matériaux recyclés. Sur le territoire vaudois, nous avons aussi des entreprises pionnières en la matière qui proposent des bétons recyclés très intéressants. D’ailleurs, même les grandes multinationales revoient à la baisse leurs émissions de CO2, avec des modes de production plus durables. Enfin, l’EPFL et l’Université de Lausanne sont aussi à la pointe en matière de recherche.

En d’autres termes, nous avons tout pour bien faire ; nous avons tout pour devenir un canton pionnier en matière d’économie circulaire. Cela passe évidemment par différentes révisions législatives. La Loi sur l’aménagement de territoire et des constructions va prochainement être révisée. La Loi sur la gestion des déchets ou la Loi sur l’énergie contiennent aussi une disposition sur les matériaux de construction, avec la nécessité d’orienter certains projets vers le réemploi, voire l’utilisation de matériaux alternatifs pour la construction. Ce postulat vient mettre le doigt sur une thématique chère au Conseil d’Etat. Avec mes homologues romands, nous avons envoyé un courrier à l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) pour lui suggérer d’étudier l’opportunité de revoir les dispositions de l’OLED, comme le demande le postulant. Cette requête a donc déjà été formulée auprès de l’OFEV, mais ce postulat vient donner une impulsion supplémentaire à cette démarche.

Mme la députée Schelker a raison lorsqu’elle dit qu’il est nécessaire de s’assurer que les matériaux que nous pourrions réutiliser dans la construction ne représenteront pas un fardeau pour les générations futures. C’est la raison pour laquelle nous avons insisté auprès de l’OFEV pour que des analyses toxicologiques soient menées sur ces différents matériaux. A l’heure actuelle, les normes suisses sont beaucoup plus strictes que ce que l’on rencontre au niveau de l’Union européenne, il y a probablement une marge de manœuvre pour aller dans le sens souhaité par le postulant.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération avec quelques abstentions.

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :