23_POS_21 - Postulat Muriel Thalmann et consorts - Quels enseignements tirer de l’accueil des femmes, des filles et des enfants ukrainiens dans le Canton de Vaud ? (Développement et demande de renvoi à commission avec au moins 20 signatures).

Séance du Grand Conseil du mardi 21 mars 2023, point 16 de l'ordre du jour

Texte déposé

C’est pour donner suite à l’adoption par le Conseil Fédéral du rapport du Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH) portant sur l’hébergement des réfugiées dans les centres d’accueil cantonaux en Suisse[1], que j’ai déposé en 2019 un postulat[2]. Il ressortait de cette étude que les améliorations suivantes étaient nécessaires : mise en œuvre d’un hébergement tenant compte des différences entre les sexes, sensibilisation du personnel, information des victimes de violences, identification desdites victimes, accès aux offres spécialisées … Ce rapport soulignait également le manque d’interprètes dans les centres d’asile, conduisant à un manque d’information des femmes en matière de soins, tant concernant la grossesse que les traitements proprement dits ; s’ensuivaient des cas répétés de traitement sans déclaration de consentement, allant parfois même jusqu’à la stérilisation ou l’avortement.

Dans le rapport[3] de la commission, M. le Conseiller d’Etat Philippe Leuba reconnait que le Canton de Vaud ne réalise pas encore l’entier des recommandations de la Confédération, tout en indiquant avoir pris les mesures concrètes suivantes par le biais de sa convention avec l’EVAM :

  • mise en place des structures d’hébergement adaptées aux besoins des populations vulnérables, notamment des femmes (sanitaires, endroits dédiés aux femmes, etc.), mais les infrastructures ne sont pas extensibles et transformables à souhait, et doivent conserver une certaine modularité afin de répondre à l’évolution de la population qu’elles accueillent. En effet, les populations migrantes sont très fluctuantes aussi bien en termes de nombre que de typologie. Selon les modifications du contexte géopolitique, les changements peuvent être rapides, nécessitant une certaine souplesse des infrastructures pour s’adapter aux besoins ;
  • engagement en principe uniquement d’assistantes sociales ou assistants sociaux au bénéfice d’un Bachelor HES en travail social et formation spécifique de base sur les violences faites aux femmes donnée à l’ensemble des collaborateursꞏtrices de l’EVAM ;
  • 24% du personnel de l’EVAM est féminin, mais présence d’aucune femme dans le personnel de nuit. Le personnel assurant les présences et l’encadrement en journée compte 45% de femmes. Ceci est dû au fait qu’il est très difficile de trouver le personnel féminin qualifié dans ce domaine.

S’y ajoute le financement de projets spécifiquement destinés aux femmes par le Bureau cantonal pour l’immigration (BCI) afin de « les amener à sortir de chez elles, les mettre en confiance, les informer sur les prestations à disposition ».

Finalement, le Grand conseil avait pris mon postulat partiellement en considération le 9 mars 2021 en invitant le Conseil d’Etat à « établir dans les 5 ans un rapport sur la mise en place des modifications intervenues dans la convention de subventionnement de l’EVAM 2020, modifications liées à la prise en charge des populations vulnérables, notamment les femmes. »

Depuis lors, la guerre en Ukraine a poussé plus de 70'000 personnes à chercher refuge en Suisse. Le canton de Vaud a accueilli en dix mois, près de 7’000 Ukrainiens, dont plus de deux tiers de femmes, avec ou sans enfants : « L'EVAM a assisté 11'600 personnes en 2022, soit le double par rapport au début but de l'année. À ce jour, nous comptons plus de 5’700 ressortissants d'Ukraine dans le canton, auxquels il faut ajouter quelque 6’000 personnes d'autres régions du monde. »[4] Si une partie de ces réfugié.e.s ukrainien.ne.s est hébergée chez des privés, une autre l’est dans les centres d’accueils, ce qui peut poser deux types de problématique.

En ce qui concerne l’hébergement des réfugiées dans les centres d’accueil en Suisse, l’afflux de femmes, filles et enfants devrait avoir modifié de manière conséquente la structure de la population réfugiée en Suisse et dans le Canton de Vaud et mis en exergue les problématiques relevées ci-dessus. Nous ne pouvons plus nous contenter des réponses données par le CE Leuba en mettant sur pied des « projets spécifiquement destinés aux femmes par le BCI afin de les amener à sortir de chez elles, les mettre en confiance, les informer sur les prestations à disposition » ; les centres doivent être adaptés rapidement afin d’assurer une prise en charge adaptée à ces femmes, filles et enfants.

En ce qui concerne l’accueil chez les privés, il convient de s’assurer que les réfugié.e.s ne soient pas la cible d’une exploitation domestique, à travers des visites de logements, des rencontres avec les familles d’accueil et l’observation de certains critères recommandés par l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés.

Au vu de ce qui précède et de cette guerre qui ne semble pas trouver d’issue favorable à court et moyen terme, il parait urgent de tenir compte des enseignements tirés de l’accueil des réfugiées Ukrainiennes en Suisse pour accélérer les adaptations de l’accueil aux femmes, aux filles et aux enfants dans les centres d’accueil et de prendre des mesures pour lutter contre la traite d’êtres humains. J’ai donc l’honneur de demander au CE un état des lieux qui permet notamment de répondre aux questions suivantes  :

  • l’EVAM a-t-il développé des dispositions spécifiques pour adapter l’accueil aux besoins des femmes, des filles et des enfants dans les centres d’accueil qu’il gère ? Dans l’affirmative, lesquelles ?
  • La migration forcée étant un terrain fertile pour la traite des êtres humains, notamment des femmes et des filles, le Canton a-t-il pris des mesures pour la prévenir ? Dans l’affirmative, lesquelles ?

 

[1] Analyse de la situation des femmes et des filles relevant du domaine de l’asile dans les centres fédéraux pour requérants d’asile et les centres d’hébergement collectif cantonaux. Rapport du Conseil fédéral, en réponse

au postulat 16.3407, Feri, du 9 juin 2016.

[2] 19_POS_175 Postulat Muriel Thalmann et consorts - Pour prévenir les violences contre les femmes hébergées dans les centres d'accueil pour requérants d'asile. https://www.vd.ch/toutes-les-autorites/grand-conseil/depute-e-s/detail-objet/objet/19_POS_175/membre/226812

[3] RC-POS (19_POS_175) RAPPORT DE LA COMMISSION chargée d’examiner l’objet suivant : Postulat Muriel Thalmann et consorts - Pour prévenir les violences contre les femmes hébergées dans les centres d'accueil pour requérants d'asile.

[4] Interview d’Isabelle Moret, 24Heures, 24.02.2023, p. 4

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Sandra PasquierSOC
Alexandre DémétriadèsSOC
Théophile SchenkerVER
Claire Attinger DoepperSOC
Oriane SarrasinSOC
Jean TschoppSOC
Olivier GfellerSOC
Valérie InduniSOC
Claude Nicole GrinVER
Julien EggenbergerSOC
Céline MisiegoEP
Nathalie JaccardVER
Pierre DessemontetSOC
Pierre ZwahlenVER
Nathalie VezVER
Cédric RotenSOC
Romain PilloudSOC
Patricia Spack IsenrichSOC
Cendrine CachemailleSOC
Yves PaccaudSOC
Denis CorbozSOC
Anna PerretVER
Alice GenoudVER
Valérie ZoncaVER
Alexandre RydloSOC
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Felix StürnerVER
Rebecca JolyVER
Laurent BalsigerSOC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Muriel Thalmann (SOC) —

L’hébergement des réfugiés dans les centres d’accueil vaudois nécessite de nombreuses améliorations. Cela a été reconnu, en son temps, par M. le conseiller d’Etat Philippe Leuba, qui admettait que le canton de Vaud ne réalisait pas encore l’entier des recommandations de la Confédération. Depuis lors, en dix mois, le canton de Vaud a accueilli près de 7000 Ukrainiens, dont plus de deux tiers de femmes avec ou sans enfants. Cet afflux de femmes, de filles et d’enfants a modifié de manière importante la structure de la population réfugiée en Suisse et mis en exergue les problématiques relevées dans mon postulat. Je suis convaincue que nous ne pouvons plus nous contenter des réponses données par le conseiller d’Etat Leuba et que nous ne pouvons pas attendre que les centres soient en mesure d’assurer une prise en charge adaptée à ces femmes, filles et enfants. Je demande donc au Conseil d’Etat d’établir rapidement un état des lieux qui permette notamment de s’assurer que l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) a bien développé les dispositions spécifiques afin d’assurer un accueil qui réponde aux besoins des femmes, des filles et des enfants dans les centres d’accueil qu’il gère.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

Le postulat, cosigné par au moins 20 membres, est renvoyé à l’examen d’une commission.

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