20_INI_3 - Initiative Vincent Keller et consorts - Le taux unique : seule solution au casse-tête de la péréquation.

Séance du Grand Conseil du mardi 1er février 2022, point 13 de l'ordre du jour

Texte déposé

Le système de la péréquation mis en place en l’an 2000 comme contre-projet de fait à l’initiative du POP pour un taux unique, refusée en 2001 au niveau cantonal (acceptée à Lausanne et Yverdon à 60%, de même qu’à Renens et Chavannes à plus de 67%), visait à rééquilibrer les fortes disparités fiscales entre communes. Aujourd’hui, on constate que ce système n’est pas parvenu à ses fins, comme l’avait prédit le POP dès le début. L’écart des taux ne s’est réduit qu’en 2004 et en 2011 suite à l’échange de tâches entre le canton et les communes, mais en aucun cas grâce aux péréquations. Actuellement, les taux fiscaux vont de 46 à 84 selon les communes.

 

L’autonomie fiscale des communes ne subsiste plus que sur le papier. La seule marge de manœuvre qui reste aux autorités communales, c’est de baisser leurs taux, mais ils ne peuvent plus guère être augmentés malgré les besoins financiers avérés. Ceci est évidemment vrai pour les communes les plus pauvres en termes de valeur du point d’impôt et qui ont déjà les taux d’imposition les plus élevés. Mais c’est aussi le cas pour les communes riches, qui se heurtent aux référendums lorsqu’elles tentent de rehausser leur taux, à l’exemple récent de Pully.

 

Par ailleurs, la légende qui voudrait que le taux d’imposition communal dépende de la bonne ou de la mauvaise gestion des pouvoirs publics est démentie par les faits. Par contre, le cercle vicieux qui concentre les gros contribuables dans les communes à imposition faible et logements coûteux, et les autres dans les communes à taux élevés et logements moins chers, est bien réel. Le système fiscal doit être là pour corriger ces inégalités, au-lieu de susciter une concurrence délétère entre communes allant jusqu’à créer de véritables oasis de prospérité d’un côté et des poches de pauvreté de l’autre.

 

L’expérience de la péréquation (qu’elle soit directe ou indirecte par la facture sociale) a montré aussi qu’il est difficile de ne pas en faire une « usine à gaz », aux mécanismes opaques et difficiles à comprendre pour le citoyen et même souvent pour les municipaux.

 

Le groupe Ensemble à Gauche et POP dénonce toute réforme qui aurait pour effet d’affaiblir d’une part l’engagement social de notre canton, et d’autre part l’effet péréquatif entre communes, qui devrait être non pas diminué mais au contraire renforcé.

 

 

Une solution équitable et transparente

 

Aujourd’hui, tout le monde semble d’accord que ce système de péréquations, inefficace et obscur, doit être réformé d’urgence. Une « Nouvelle péréquation » (appelée NPIV) est même dans le pipeline de l’Etat et de l’UCV. Celle-ci devra être simple, transparente, équitable, stable, non manipulable, ni source de « mauvaises incitations ». Or les négociations en cours, où chacun veut tirer la couverture à soi, font craindre le pire. Les récentes prises de position de l’AdCV laissent entrevoir des négociations dans lesquelles les communes viseront à « récupérer » ce qu’elles estiment avoir perdu, plutôt d’agir en faveur d’une juste répartition des charges et des ressources. Dans ce contexte, la seule péréquation qui remplisse parfaitement les 6 critères précités est le « taux unique ». Avec ce dernier :

 

  • Chaque contribuable paie son impôt communal à un même taux moyen, calculé en fonction des charges nécessaires, (actuellement, le taux moyen est de 68), et l’entier de la somme est redistribuée aux communes selon des critères objectifs garantissant que deux entités de même importance disposent des mêmes ressources.

  • Deux communes de même importance ont les mêmes ressources financières à disposition pour remplir leurs tâches, indépendamment de la richesse ou de la pauvreté moyenne de ses habitants.

 

Ceci donnera l’autonomie financière à toutes les communes - au-lieu d’une autonomie fiscale qui n’existe plus que sur le papier - tout en profitant à 2/3 de la population, à savoir tous ces contribuables qui, depuis des lustres, payent leurs impôts communaux à des taux trop élevés.

 

C’est pourquoi nous déposons l’initiative parlementaire constitutionnelle suivante, à savoir remplacer l’art. 168 de la Constitution vaudoise par :

 

  1. Le taux d’impôt communal est identique sur tout le territoire du canton.

  2. La totalité du produit de l’impôt alimente un fond de péréquation. Ce fond est entièrement redistribué aux communes, sans affectation imposée, suivant des critères objectifs. Le barème de redistribution prend notamment en compte le nombre d’habitants et de places de travail ainsi que les tâches régionales financées par la commune.

  3. La loi fixe le taux communal et le barème de distribution.

  4. Pour faire face à des dépenses exceptionnelles, les communes peuvent être autorisées à fixer un nombre limité de points d’impôts supplémentaires et sur une période déterminée.

  5. Mesure transitoire : Lors de son introduction, le taux d’impôt communal sera égal à la valeur moyenne pondérée des taux existants.

 

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Didier LohriVER
Jean-Marc Nicolet
Taraneh AminianEP
Yvan LuccariniEP
Jean-Louis RadiceV'L
David RaedlerVER
Léonard Studer
Rebecca JolyVER
Circé FuchsV'L
Serge Melly
Pierre FonjallazVER
Raphaël MahaimVER
Sylvie PodioVER
Pierre ZwahlenVER
Andreas WüthrichV'L
Hadrien BuclinEP
Nathalie JaccardVER
Marc VuilleumierEP
Céline MisiegoEP
Jérôme Christen

Documents

Transcriptions

M. Alexandre Berthoud (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

La commission s’est réunie le lundi 18 janvier 2021 dans le but de traiter l’initiative (20_INI_3) de notre collègue député M. Vincent Keller intitulée « Taux unique, seule solution au casse-tête de la péréquation ». Pour l’initiant, le système de péréquation actuel ne permet pas de réduire les écarts entre les communes quant à leur taux d’imposition. La valeur du point d’impôt diffère certes fortement entre les communes. Dès lors, selon lui, seule une modification de l’article 168 de la Constitution cantonale, soit un taux d’impôt identique pour toutes les communes, permettrait de réduire les disparités entre communes. L’initiant, M. Keller, souligne la transparence et l’équité du taux unique, en opposition au système actuel de la péréquation.

Le collaborateur de la conseillère d’Etat fait une présentation des effets de la péréquation, indiquant notamment l’évolution du taux d’imposition des communes entre 1999 et 2019, la corrélation entre le coefficient d’impôt et la valeur du point d’impôt par habitant, ainsi que les effets de ressources des transferts dans la péréquation. Selon cette présentation, le système péréquatif actuel réduit de plus de 90 % les disparités entre communes. La conseillère d’Etat précise que l’initiative débattue en commission propose au citoyen de payer son impôt communal à un même taux et prévoit que l’intégralité des montants prélevés soit versée dans un fonds de péréquation et ensuite redistribuée selon des critères objectifs qui peuvent être, par exemple, le nombre d’habitantes et habitants, les places de travail, ou d’autres critères qui seraient définis notamment par le gouvernement.

Selon la conseillère d’Etat, ce texte remet en question le principe de l’autonomie communale, le canton ayant la prérogative de prélever des impôts directs. De plus, cette initiative priverait les communes de leur autonomie décisionnelle et celles-ci deviendraient de simples exécutrices, tout simplement. En effet, le taux unique ne permettrait plus aux communes de définir le choix des politiques publiques qu’elles pourraient mettre en place. De plus, il existe un risque d’engendrer de nouvelles inégalités entre citoyens, car l’offre de services serait différente entre les communes, malgré un taux d’impôt unique. Avec ce texte, seul l’Etat décidera des répartitions. L’initiative prive également les citoyens de leurs droits populaires, reportés au niveau cantonal. Enfin, la transparence n’est aucunement garantie. Les politiques publiques développées par les communes dépendront de l’enveloppe financière attribuée par le canton.

Les arguments des commissaires opposés à l’initiative indiquent que les habitants de petits villages paieront tout autant que ceux des villes, sans évidemment bénéficier des mêmes services. Il apparaitra une bureaucratie centralisée qui ne tiendra pas compte des besoins locaux. La péréquation sanctionnera toujours des communes et le système sera plus étatique et moins transparent. Les taux d’impôt et les politiques publiques sont votés par les conseils communaux et soumis au référendum sur le plan communal. Or, si le taux d’impôt des communes est défini sur le plan cantonal, alors il échappe complètement à toute autorité communale. L’initiative incite à centraliser le pouvoir aux mains de l’Etat et du canton, alors que la partie financière devrait être traitée par les communes. Dans une collectivité, il est important de respecter les contribuables issus de toutes les couches sociales et donc, par exemple, ceux qui ne sont pas prêts à payer plus d’impôts. Enfin, cette initiative ne résoudra pas le problème de la péréquation pour laquelle le Conseil d’Etat fera prochainement une proposition. Il est important d’indiquer que les communes, avant et après péréquation, ne doivent pas s’appauvrir encore plus. En effet, il existe aujourd’hui un équilibre à conserver par rapport au système péréquatif, afin qu’il ne soit pas manipulable en qualité des charges structurelles.

Ces questions sont prises en considération, mais le taux unique n’est pas la bonne réponse. Les questions liées à la redistribution font également l’objet d’un autre débat. Plusieurs commissaires, qu’ils soient favorables ou non au texte proposé sur le fond, s’accordent sur le fait qu’un nouveau modèle de péréquation doit rapidement être mis en place. Au terme des débats, la commission recommande au Grand Conseil de ne pas prendre cette initiative en considération, par 6 voix contre 5, sans abstention.

M. Pierre Dessemontet (SOC) — Rapporteur-trice de minorité

Le rapport de minorité dont je vais vous donner lecture a été rédigé au mois de février 2021, directement après la séance de commission, conformément au vœu alors unanimement exprimé de ladite commission. Le rapport a été déposé auprès du Bureau du Grand Conseil au mois de juillet 2021 sur l’insistance dudit Bureau. Partant, les chiffres cités dans le rapport ne sont plus entièrement à jour, puisqu’ils datent désormais d’une année. Toutefois, les changements intervenus depuis un an le sont à la marge et ne sont pas de nature à remettre en cause le fond de l’intervention que je m’apprête à faire, raison pour laquelle ils n’ont pas été mis à jour. Par ailleurs, le rapporteur de minorité n’a pas eu l’occasion de prendre connaissance du rapport de majorité avant de déposer son rapport de minorité, ce qui peut expliquer un certain manque de coordination entre les deux rapports. Je vous prie d’avance de bien vouloir m’en excuser.

Cela étant dit, la minorité de la commission considère que :

  • La péréquation intercommunale actuelle telle qu’appliquée au travers de la Loi sur les péréquations intercommunales (LPIC) mise en place au début de ce siècle dans le but, notamment, de réduire les disparités fiscales entre les communes, n’a que partiellement atteint son but, vingt ans plus tard.
  • Les réductions de disparités constatées entre 2000 et 2020, dans ce domaine, sont essentiellement le fait de reprises par le canton, en 2004 et 2011, de tâches précédemment communales, ainsi que des effets péréquatifs de l’augmentation de la participation des communes à la facture sociale.
  • Les disparités de taux d’imposition communaux varient encore, en 2021, entre les valeurs de 46 et 84, avec une moyenne pondérée se fixant autour de 68 points.
  • Selon les chiffres de l’année passée, 209 des 308 communes regroupant 505’500 habitantes et habitantes et habitants, soit environ 63 % du total, et 237’000 emplois soit environ 65 % des emplois cantonaux, ont un taux d’imposition supérieur à la moyenne cantonale, contre 99 communes regroupant 300’000 habitants et 129’000 emplois ayant un taux d’imposition inférieur.
  • Ainsi, la disparité des taux d’imposition communaux se corrèle à la richesse intrinsèque des communes telle qu’approchée par la mesure de la valeur du point d’impôt par habitant, bien plus qu’à la qualité de la gestion de ces dernières par leurs autorités, de telle sorte qu’en règle générale, plus une commune est riche, moins son taux d’imposition est haut.
  • Il apparaît en outre que la richesse des communes est avant tout due à une rente de situation bien plus qu’à la qualité de la gestion de leurs autorités, l’immense majorité des communes riches se concentrant dans des situations géographiques bien précises : en zone suburbaine et périurbaine, le long de l’adret lémanique et en particulier entre Lausanne et Genève. Ainsi, pour être riche aujourd’hui, une commune devait avoir une vue sur le Léman ou sur le Mont-Blanc, disposer de terrains constructibles dans les années 60 et 70, et ne pas déjà être une ville à l’époque.
  • La LPIC actuelle est manipulable et trop sensible à certains facteurs ; elle est donc appelée à une réforme rapide qui, de l’avis général entièrement partagé, devrait être simple, transparente, équitable, stable dans le temps, facile à comprendre et impossible à manipuler.
  • La réforme qui doit être menée promet toutefois d’être longue et extrêmement difficile, les diverses communes ayant en la matière des intérêts divergents, voire opposés, et toutes jouant financièrement très gros dans la réforme à venir.
  • La très forte implication de la participation des communes à la facture sociale avec les mécanismes de la péréquation rend toute réforme partielle quasiment impossible, ce qui est notoirement démontré avec les effets antipéréquatifs de l’initiative dite « SOS Communes ».
  • La présente initiative constitue une opportunité de s’échapper de ces dilemmes insolubles en découplant la question des ressources fiscales de celle des besoins des communes.
  • L’initiative propose de mettre en place une clé de répartition des ressources mobilisées par l’impôt communal. L’initiant propose que cette clé de répartition soit basée sur la population ou sur les emplois, mais d’autres couches pourraient être ajoutées sans problème majeur, de manière à prendre en compte l’ensemble des tâches de toutes les communes, sans en laisser une seule sur le côté, quelle que soit sa situation et quand bien même cela atteindrait à l’objectif de simplicité du système péréquatif à mettre en place.
  • Les simulations préliminaires basées sur les indications de l’initiant montrent que l’initiative se traduirait par un renforcement sensible des mécanismes péréquatifs et donc de la solidarité entre les communes, ce qui apparaît éminemment souhaitable à la minorité de la commission.
  • Tant l’impôt fédéral direct que la part cantonale de l’impôt cantonal et communal – cette dernière correspondant en 2021 à 155 points d’impôt représentant en tous les cas au moins 65 % de l’ensemble des impôts perçus – le sont selon le principe du taux unique.
  • En prenant en compte l’ensemble des impôts cantonaux et communaux, l’écrasante majorité des contribuables vaudois est imposée à un taux qui n’est pas éloigné de plus de 5 % de la moyenne cantonale, et une majorité d’entre eux se situe dans une fourchette de plus ou moins 3,5 % autour de la moyenne. Cela implique un impact limité de la réforme sur la très grande majorité des contribuables vaudois.
  • Au surplus, une nette majorité d’entre eux verrait leur facture fiscale légèrement baisser.
  • Enfin, la situation actuelle ne donne pas d’autonomie effective aux communes concernant la fixation de leur taux d’imposition, sachant que, dans les faits, toute hausse de ce taux est impossible par suite de l’opposition du corps électoral. Cela plonge nombre de collectivités dans une situation financièrement intenable à terme, rendant impossible pour leurs autorités de mener les politiques auxquelles elles aspirent et pour lesquelles elles ont été élues.
  • Formellement, l’objection voulant que l’introduction du taux d’imposition unique signifie la fin de l’autonomie communale du fait d’une prise de pouvoir par l’échelon cantonal ne peut pas être retenue, l’existence institutionnelle des communes découlant déjà du droit cantonal et des décisions prises à cet échelon de notre structure institutionnelle, comme la Constitution et la Loi sur les communes.
  • Un taux d’imposition unique ne signifie nullement que le canton impose aux communes la manière dont elles doivent investir leur argent. La présente initiative se borne à chercher à garantir à chaque commune des ressources suffisantes pour accomplir ses tâches, mais ne dit strictement rien quant à la manière dont ces ressources doivent être affectées. De ce point de vue, l’autonomie communale demeure donc pleine et entière.
  • Enfin, le corps électoral sera de toute façon consulté, s’agissant d’une modification constitutionnelle et c’est donc lui qui aura le dernier mot.

Pour toutes ces raisons, la minorité de la commission vous recommande par 5 voix contre 6 d’accepter cette initiative et de la transmettre au Conseil d’Etat.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Vincent Keller (EP) —

Après avoir entendu longtemps les tenants d’une politique fiscale favorable à certaines communes situées entre Lausanne et Genève, ainsi que le rapporteur de minorité l’a dit, avec leur initiative « SOS Communes riches », après avoir beaucoup entendu, à droite, une volonté claire de vider les caisses de l’Etat avec des baisses d’impôt qui ne favoriseront que les classes aisées, nous voici aujourd’hui à débattre d’un objet parlementaire qui, s’il est accepté, permettra d’aller non vers un dumping fiscal entre communes, mais vers de l’égalité pour toutes les Vaudoises et les Vaudois face à l’impôt.

Permettez-moi un retour en arrière de plus de vingt ans, lorsque le député POP Jean-Paul Dudt déposait la même initiative ici même, dans ces murs historiques – ceux du bâtiment Perregaux, en 2000. A l’époque, les taux d’impôt communaux allaient de 40 à 135 % du taux cantonal de base, sur 384 communes. Aujourd’hui, il y a 20 % de communes en moins. La situation rendait – et rend toujours, nous le verrons – les Vaudoises et Vaudois totalement inégaux devant l’impôt puisque, en changeant de commune, il était possible de voir sa facture d’impôt communal soulagée d’un facteur 3,5 – ou de 350 % si vous préférez. Aujourd’hui ce facteur passe de 1 à presque 2, ainsi que l’a dit le rapport de minorité, avec des taux allant de 46 à 84. A l’époque, le Conseil d’Etat proposait le système que nous connaissons aujourd’hui, sobrement nommé la péréquation horizontale, avec l’idée d’un pot commun dans lequel les communes versent ou récupèrent – à l’époque – l’équivalent de 13 points d’impôt. A cette péréquation horizontale incomplète, puisque ne tenant pas compte des spécificités communales – le nombre d’habitants, le fait d’être ou non un centre, d’avoir des richesses naturelles ou des besoins en transports, etc. – il a fallu ajouter un flux d’argent entre les communes et le canton : c’est la péréquation verticale et son paquet de couches thématiques, opaques pour la plupart des citoyennes et citoyens de ce canton, sauf celles et ceux qui s’intéressent à la question.

Aujourd’hui, les communes sont-elles satisfaites de la péréquation telle que nous la connaissons ? Non, évidemment. La péréquation actuelle a-t-elle permis de rendre le système – je répète les termes du rapport de minorité s’agissant de la nouvelle LPIC – simple, transparent, équitable, non manipulable et facile à comprendre ? Eh bien non. La péréquation a-t-elle fait disparaître les disparités entre communes, s’agissant de l’égalité des Vaudoises et des Vaudois face à l’impôt ? Eh bien non, absolument pas. Comme l’a rappelé le rapporteur de minorité, il a fallu les bascules de 2004 et de 2011 pour réduire très partiellement cette inégalité. Le seul système qui possède toutes les caractéristiques souhaitées – simple, équitable, transparent, non manipulable, et facile à comprendre – est le taux unique pour l’impôt communal. Je le dis comme je le pense : avant d’imaginer négocier une nouvelle péréquation avec le canton, il faut que l’ensemble des communes soient à égalité. Avec cet argument, elles seront plus fortes dans leur négociation avec le canton et je suis sûr que vous le comprendrez. Une fois réglée la question des inégalités de traitement entre habitants, alors il sera temps de discuter d’une nouvelle péréquation entre le canton et les communes. Et alors, pourquoi ne pas discuter de la reprise de la facture sociale et de la participation à la cohésion sociale par le canton ? A notre sens, il y a un ordre à respecter.

Que n’avons-nous pas entendu de faux sur cette initiative sur le taux unique ! Et je mets de côté les qualificatifs inadéquats qui n’ont rien à faire ici pour un sujet de cette importance. Non, les signataires et les nombreux soutiens à cette initiative ne souhaitent pas faire du canton de Vaud une république socialiste soviétique ! Ils souhaitent simplement que toutes les citoyennes et citoyens de ce canton soient traités sur un pied d’égalité en matière fiscale, quel que soit leur lieu d’habitation. Mais j’imagine malheureusement que l’on entendra encore ces antiennes aujourd’hui – ou peut-être lors de la prochaine séance – alors fauchons tout de suite cette mauvaise herbe. On nous a dit qu’un taux unique d’impôt communal serait une attaque inacceptable contre l’autonomie communale, alors que c’est exactement le contraire ! En mélangeant sciemment autonomie fiscale et autonomie communale ou décisionnelle, les opposants passent totalement à côté des faits : il n’y a plus d’autonomie communale avec le système actuel. La plupart des communes ont des projets, mais les finances communales manquent pour les exécuter. Alors elles tentent d’augmenter leur taux d’impôt et se heurtent systématiquement à un non cinglant de la population. Ou une autre possibilité : elles présentent un programme d’investissements qu’elles savent ne pas pouvoir financer. Ou pire encore : certaines font le choix d’un report de ces investissements – et l’on ne sait que trop bien que ce genre d’économies qui n’en sont pas font exploser les coûts pour les générations qui suivent. L’habitant de la plus belle ville du monde que je suis peut facilement en témoigner. Le taux unique de l’impôt communal est la meilleure des options pour l’autonomie communale. Une autonomie qui n’est pas fiscale, je vous l’accorde, même si, de façon transitoire, notre projet permet à une commune d’augmenter temporairement son point d’impôt.

Un deuxième argument a été beaucoup entendu : on nous a dit qu’il existe dans ce canton des communes bien gérées – entendez par là celles qui ont la chance d’avoir un très petit nombre de très gros contributeurs, personnes physiques et morales – et des communes mal gérées – entendez celles qui financent des prestations pour leur population précaire ou pauvre. Il faut dire stop à cette honteuse calomnie. Quel respect pour les autorités de ces communes soi-disant mal gérées, qui ont autant de légitimation que celles des communes riches ? Mesdames et messieurs les bons gestionnaires des communes bien gérées de cet hémicycle, un taux unique d’impôt permettra justement d’asseoir votre excellente gestion. Les riches contribuables auront tout loisir de s’installer où ils veulent, dans ce canton, puisque le taux sera le même partout, et notamment dans les communes qui financent des prestations telles que le sport et la culture. Nous verrons alors s’ils préfèrent rester chez vous plutôt que déménager là où la vie est peut-être plus agréable pour eux, parce que l’on sait que l’aspect financier n’est pas toujours le seul élément de décision.

Finalement, laissez-moi terminer par un argument un peu populiste, comme la droite sait si bien le faire en temps de campagne électorale : si vous voulez une baisse d’impôts immédiate pour vos concitoyennes et concitoyens, et largement plus grande que certains proposent, acceptez le taux unique qui apporte une baisse d’impôt pour deux tiers des Vaudois. Cerise sur le gâteau, cette baisse d’impôt ne supprimera pas un seul centime dans les caisses de l’Etat, puisque ce dernier n’agit, pour la péréquation horizontale, que comme gestionnaire de comptes. Je vous remercie donc de soutenir le rapport de minorité.

Mme Anne Baehler Bech —

La péréquation intercommunale telle qu’appliquée maintenant, chargée de réduire les disparités entre communes, n’a que très partiellement atteint ses objectifs. Elle doit être revue et nous sommes tous d’accord sur ce point. A l’heure actuelle, les communes présentant des réalités différentes et ayant parfois des besoins divergents sont peu à même de parler d’une seule voix et de se mettre d’accord sur un nouveau système péréquatif, qu’il soit vertical ou horizontal. Afin de trouver une solution aux difficultés actuelles, il faut donc remettre l’ouvrage sur le métier, avec des paramètres simples et clairs, en tirant des enseignements des constats d’échec actuels.

La disparité des taux d’impôt communaux érigée en gage d’autonomie des communes a montré toutes ses limites, car elle se heurte à la dure réalité du terrain. Ainsi, la richesse d’une commune ne peut être appréciée que comme une rente de situation et ne peut être liée à la qualité de la gestion de ses autorités. Il faut dissocier les besoins des communes et leurs ressources fiscales, car là aussi, la réalité montre que l’autonomie des communes est toute relative, dans la mesure où bien des communes, qu’elles soient riches ou pauvres, peinent à obtenir une hausse d’impôt leur permettant de mener à bien des projets.

L’initiative propose de pallier ces écueils en mettant en place une clé de répartition des ressources fiscales basée sur la population, les emplois ou d’autres paramètres, comme le précise le texte de l’initiative, cela afin de prendre en charge l’ensemble des tâches des communes, quelle que soit la situation de la commune. L’initiative veut mieux répartir les ressources entre les communes et vise ainsi à plus de solidarité et plus d’équité. Le taux d’imposition unique, qui pourrait être revu chaque année en fonction des besoins des communes, n’équivaut pas – quoi qu’en disent certains – à une centralisation du pouvoir ni à une perte d’autonomie des communes. Le texte qui nous est soumis – et cela seul compte – ne vise qu’à garantir aux communes les ressources suffisantes pour mener leurs tâches à bien, mais ne dit rien sur la manière dont ces ressources devraient être utilisées. C’est là que le génie local pourrait prendre tout son sens et l’autonomie des communes sa pleine mesure. Ainsi, c’est parce qu’ils sont attachés au principe de transparence, de solidarité et d’équité et qu’ils tiennent à garantir l’autonomie des communes que les Verts vont soutenir cette initiative et vous invitent à soutenir la position de la minorité de la commission.

Mme Chantal Weidmann Yenny (PLR) —

Je commence par présenter mes intérêts, en tant que présidente de l’Union des communes vaudoises. Je m’exprime ici au nom de l’ensemble du comité exécutif nouvellement élu. L’initiative parlementaire de Vincent Keller et consorts demande la mise en place, au niveau des communes vaudoises, d’un système de taux unique d’imposition accompagné d’un mécanisme de redistribution des ressources entre les communes. Le taux unique d’imposition implique que toutes les entités d’un niveau institutionnel – en l’occurrence les communes – possèdent le même taux d’imposition, soit le coefficient fiscal appliqué aux impôts pour les personnes morales ou physiques. La proposition faite par l’initiative est un taux de 68 points, basé sur le coefficient moyen de l’année 2019. Le taux unique suppose également que le rendement des impôts soit intégralement capté dans un système de redistribution des moyens financiers entre les communes. Ce système de redistribution doit donc déterminer comment et selon quels critères allouer des ressources aux collectivités.

Le rapport de minorité a avancé plusieurs arguments en faveur du taux unique. Les points suivants ont notamment été évoqués, auxquels je souhaite répondre. Le premier argument est que la péréquation intercommunale actuelle appliquée au travers de la LPIC mise en place dans le but de réduire les disparités fiscales entre les communes n’a que partiellement atteint son but. J’y réponds en rappelant que, lors de la mise en place de la péréquation intercommunale vaudoise, le but n’était pas de réduire à néant les disparités fiscales, mais bien d’atténuer les inégalités de charge fiscale consécutives aux différences de capacité contributive, tout en garantissant l’autonomie des communes en matière de fiscalité.

Selon le deuxième argument, les réductions de disparité constatées entre 2000 et 2020 dans ce domaine sont essentiellement le fait des reprises, en 2004 et 2011, par le canton, de tâches précédemment communales, ainsi qu’aux effets de l’augmentation de la participation des communes à la cohésion sociale. Oui, ces reprises ont en effet permis des coups d’accélérateur dans la réduction des disparités fiscales, mais la péréquation intercommunale vaudoise constitue un système de transfert financier entre communes – péréquation horizontale – et envers l’Etat – péréquation verticale – dans le but, je le rappelle, de participer au financement des prestations sociales et d’atténuer les inégalités de moyens financiers à leur disposition. Donc, entre 2004 et 2020, le taux d’imposition maximum est passé de 90 à 84, alors qu’en même temps, le taux minimum est passé de 33 à 46. Cela signifie qu’en 2004, le contribuable de la commune appliquant le taux maximum de 90 payait 172 % de plus d’impôt que celui de la commune appliquant le taux le plus bas. En 2020, ce coefficient est passé à 83 %. Ensuite, le nombre de communes appliquant un taux compris entre 60 et 80 est passé de 62 % à plus de 84 % entre 2004 et 2020. En termes de population et pour cette même fourchette, on passe de 62 % à près de 90 %. Je peux encore dire qu’avant péréquation, 32 % des communes disposent d’un point d’impôt par habitant entre 14 et 30 francs ; après péréquation, ce pourcentage passe à 90 %. L’atténuation des disparités est donc très nette.

Au troisième point, on lit que les disparités des taux d’imposition communaux varient encore, en 2021, entre les valeurs de 46 et de 84, la moyenne pondérée se fixant à 63,38. Comme l’a dit M. Dessemontet, il est utile de préciser que ce calcul est basé sur les chiffres de 2019. Seules deux communes ont un taux d’imposition inférieur à 50 et 31 communes ont un taux d’imposition entre 51 et 60, alors qu’en revanche 18 communes ont un taux d’imposition situé entre 80 et 84, dont une seule commune compte plus de 1000 habitants. Pour Statistiques Vaud la moyenne pondérée en 2021 est de 67,2 % et non plus de 68,32 %.

Le quatrième point indique que 209 des 308 communes vaudoises – ce sont les chiffres 2019, alors que nous avons maintenant 300 communes – regroupant 505’000 habitants, soit 67 % du total et 237’000 emplois, ont un taux d’imposition supérieur à la moyenne cantonale, contre 99 communes regroupant 300’600 habitants et 128’700 emplois ayant un taux d’imposition inférieur à la moyenne. Ce sont également les chiffres de 2019 et aujourd’hui, nous avons effectivement 300 communes, mais peu importe. Je suppose que cet argument souhaite mettre en avant qu’une partie des contribuables paie moins d’impôt que les autres, mais il ne faut pas oublier que la péréquation verticale, avec la participation des communes à la cohésion sociale, met fortement à contribution les communes à fort potentiel fiscal, tout en les sollicitant pour la péréquation horizontale. Ces communes et donc leurs contribuables contribuent largement à la péréquation verticale qui bénéficie à l’ensemble de la population.

Les points 5 et 6 parlent des disparités des taux d’imposition communaux qui se corrèlent à la richesse intrinsèque des communes et selon l’argumentaire, il faut se trouver dans un lieu adéquat pour payer moins d’impôt. Si le mérite de la richesse revenait à une bonne gestion, l’argumentaire serait-il différent ? Personne ne nie qu’il y ait des rentes de situation et c’est la raison d’être d’une péréquation horizontale. Les communes à fort potentiel fiscal y contribuent d’ailleurs fortement. La disparité est moins nette aujourd’hui. Si en 1999, la plupart des communes étaient regroupées en un noyau compact qui avait une valeur du point d’impôt inférieure ou égale à 25 avec un coefficient d’impôt entre 80 et 120, aujourd’hui ce noyau est bien moins compact, et s’étale avec une valeur du point d’impôt allant de 25 à 60 pour un coefficient situé entre 60 et 80. L’argument d’il y a vingt ans – je suis allée voir ce qui se disait à l’époque – qui avançait qu’avec le système proposé, l’effet boule de neige rendait les communes riches de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres ne tient donc plus la route.

Il est aussi évoqué que la LPIC actuelle est manipulable, trop sensible à certains facteurs, et donc appelée à une réforme rapide, qui de l’avis général devrait être simple, transparente, équitable, stable dans le temps, facile à comprendre et impossible à manipuler. Je partage ce constat et ne suis probablement de loin pas la seule. La péréquation actuelle fait l’objet de nombreuses critiques, pour de nombreuses raisons. Trois éléments principaux expliquent cette situation :

  • la participation à la cohésion sociale paralyse les effets de la péréquation horizontale ;
  • le problème systématique lié aux dépenses thématiques, aux effets de seuil et aux effets de bords ;
  • les difficultés à appréhender les mécanismes en place.

Mais, au-delà de ces difficultés, il est important de savoir si la péréquation actuelle remplit ses fonctions par rapport aux buts mentionnés dans la LPIC. Plusieurs évaluations sur ce sujet – notamment sur la situation des communes avant et après péréquation et les effets sur les taux d’impôts – montrent que la péréquation actuelle a rempli ses fonctions en matière de solidarité entre les communes à fort et faible potentiel, qu’elle a globalement rempli ses fonctions en matière de solidarité sur les différents besoins entre les communes et a partiellement rempli ses fonctions à l’égard des villes centres.

Le point 8 mentionne que la réforme à mener promet d’être longue et très difficile. Bien sûr que la réforme sera difficile ! Mais il ne faudrait pas croire que la réforme du taux unique sera plus facile. Un taux unique communal suppose en effet qu’il est possible de connaître et de déterminer le niveau optimal de dépenses des politiques publiques communales. Cependant, ce niveau optimal relève en partie de choix politiques dans l’allocation des ressources et d’options de gestion déterminées ; il n’existe pas dans l’absolu. Par exemple, combien doit-on investir dans la construction d’écoles et de routes ? Sur quels critères se baser pour déterminer un niveau optimal pour chaque commune ? Quelle commune peut construire un théâtre ou une piscine et avec quels moyens ? Tout cela n’est pas évoqué du tout dans la proposition qui nous est faite. Le système de redistribution des moyens financiers entre communes devrait tenir compte de toutes leurs particularités, afin de garantir que les moyens alloués correspondent parfaitement à la structure de coût des politiques publiques au niveau local. En plus du niveau optimal de dépenses qu’il n’est pas possible de déterminer objectivement, il est inconcevable de mettre en place un système de redistribution multifactoriel qui tienne compte de l’ensemble des facteurs locaux. Les impôts concernés par le taux unique représentent 44 % des revenus des communes. En plus de restreindre drastiquement la marge de manœuvre des communes, le système du taux unique devrait déterminer quelles seraient les dépenses concernées par le système de redistribution et, par conséquent, le produit des impôts concernés deviendrait affecté à des tâches spécifiques. Afin de calibrer le système de redistribution, il est nécessaire de connaître les dépenses à financer, mais les initiants n’avancent aucune piste depuis vingt ans.

La réforme doit bien évidemment résoudre plusieurs points critiques de la péréquation actuelle. Mais lorsqu’il est avancé que « SOS Communes » a déterminé que les effets antipéréquatifs étaient quasiment impossibles à réformer, je ne pense pas que celles et ceux qui ont soutenu ce texte souhaitent un taux unique communal avec le système de redistribution qu’il suppose, parce que cela correspond tout simplement à l’impôt cantonal. Si le taux unique et les critères de redistribution des moyens financiers pour chaque commune sont déterminés par le Grand Conseil, le niveau institutionnel communal n’existera plus. En effet, si le niveau cantonal détermine le taux unique cantonal ainsi que les critères de redistribution des moyens financiers, il aurait ainsi à sa disposition deux taux d’impôt pour financer les dépenses cantonales et les dépenses cantonales partagées, par exemple la police et la participation à la cohésion sociale. Donc, au contraire, cette initiative couple les ressources des communes aux besoins qui devraient être définis au niveau supérieur, c’est-à-dire cantonal¸ afin d’avoir une péréquation totale des besoins. Au niveau des débats infinis et insolubles, difficile de faire mieux.

Enfin, nous ne disposons d’aucune simulation par rapport à ce qui est avancé. Si je vais un peu vite, nous reviendrons avec d’autres argumentaires par la suite. Vous aurez bien compris que je ne soutiendrai pas le rapport de minorité, mais celui de la majorité. Je vous souhaite bon courage, car on ne joue pas avec l’échelon institutionnel pour des raisons de programme de campagne. Je ne sais pas comment le rapporteur de minorité pourra récolter les signatures nécessaires auprès de ses concitoyens, alors que sa commune bénéficie largement des effets péréquatifs !

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

Le débat est interrompu.

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