22_REP_72 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Nathalie Jaccard et consorts au nom Les Vert-e-s - Pour un meilleur accès aux soins pour les femmes, notamment pour celles en situation précaire (22_INT_37).
Séance du Grand Conseil du mardi 6 juin 2023, point 20 de l'ordre du jour
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourJe tiens à remercier le Conseil d’Etat pour ses réponses à mon interpellation pour un meilleur accès aux soins pour les femmes, notamment pour celles en situation précaire. D’entrée, je dois préciser que la réponse du Conseil d’Etat me laisse sur ma faim, ne me convainquant pas totalement. En effet, diverses études datant de 2010 et 2016 sont mentionnées – soit il y a déjà près de 10 ans – ce bien avant la crise sanitaire du Covid qui a eu pour effet de péjorer certaines situations financières et sociales et d’isoler encore plus les plus fragiles, notamment les femmes, tout particulièrement celles en situation de famille monoparentale pour lesquelles la situation économique actuelle n’arrange rien. En effet, comme rappelé dans cette interpellation, les femmes représentent 64 % des personnes qui reportent des soins ou y renoncent notamment par manque de temps, leur quotidien étant déjà très chargé ; elles ont tendance à faire passer leur famille avant leur santé. Bien entendu, la précarité de l’emploi – avec des salaires payés à l’heure, elles n’osent pas prendre congé pour se rendre chez le médecin par peur de manquer d’argent à la fin du mois – tout comme la participation aux frais médicaux et aux médicaments qui impacte leur situation financière sont également des facteurs de renoncement. La réponse du Conseil d’Etat souligne avant tout le manque de données et d’analyse de la situation dans le canton, en particulier sur les facteurs liés au renoncement aux soins et d’études faites dans une perspective inter sectionnelle, c’est-à-dire en croisant le genre avec d’autres facteurs de vulnérabilité sociale.
Dans sa réponse, le Conseil d’Etat liste ensuite tout ce qui est avant tout assumé par les associations, mais sans que l’on comprenne bien les liens et les priorités au sein d’une politique publique cohérente. Il n’est toutefois pas fait mention d’analyse d’impact. Or, on sait qu’environ 30 % des bénéficiaires potentiels de prestations sociales, y compris médicales, n’y ont pas recours pour les diverses raisons que je viens d’énumérer ; en outre, ce chiffre ne semble pas diminuer. Il n’évoque pas de pistes de ce qui pourrait être développé afin de réduire ce pourcentage, même s’il donne des informations sur de nouvelles mesures pilotes soutenues par le canton. Là encore, il ne mentionne pas de critères d’évaluation afin de vérifier la pertinence des projets et de la cible à atteindre.
Concernant les détenus, dans son rapport de 2021, la Commission des visiteurs relevait que les délais pour obtenir des rendez-vous avec le médecin généraliste peuvent être longs ; concernant les soins gynécologiques, les doléances restent les mêmes que les années précédentes. Les examens préventifs tels que la mammographie pour les femmes de plus de 50 ans ne sont pas proposés d’office. Pour obtenir ces examens, les personnes détenues doivent faire la demande au moyen d’un formulaire ad hoc, et les délais d’attente sont longs. Il paraîtrait que lorsque la personne en charge des consultations n'est pas disponible, elle n’est pas forcément remplacée. Ainsi, il est recommandé au Conseil d’Etat d’établir un concept de prise en charge et une organisation qui garantissent un accès aux soins gynécologiques et psychiatriques pour l’ensemble des femmes détenues. Or, dans la réponse à la présente interpellation, il n’en est pas fait mention.
Concernant la communication laissée aux bons soins des institutions, là encore, je me permets de partager avec vous ma surprise. Les associations ont souvent des moyens limités, notamment en personnel administratif, alors qu’elles pourraient être en mesure de développer une stratégie de communication afin de déployer des moyens pour cibler un public plus difficile d’accès qui ne peut pas être capté par les canaux habituels.
Enfin, pour terminer sur une note positive, je suis satisfaite d’apprendre que l’Ecole de Médecine de Lausanne fait figure de pionnière en Suisse en matière d’intégration de la dimension du genre dans les études de médecine en visant la sensibilisation des étudiantes et des étudiants aux différences femmes-hommes dans la santé pour permettre une meilleure prise en charge des individus et de meilleures pratiques de recherche en santé. Au vu de ce qui précède, vous l’aurez compris, je reviendrai prochainement sur cette question avec un postulat.
La discussion est ouverte.
Je remercie le Conseil d’Etat pour toutes les actions entreprises afin d’assurer un meilleur accès aux soins pour les personnes en situation précaire. La réponse du Conseil d’Etat montre une nouvelle fois qu’il convient d’améliorer nos statistiques. En effet, ce rapport indique clairement qu’il n’existe pas de données déclinées en fonction du genre. Ces lacunes sont récurrentes et posent un problème de base. En l’absence de données, il n’est pas possible d’établir les faits. En effet, de nombreuses femmes en situation précaire sont invisibles et ne s’annoncent malheureusement pas auprès des différentes associations citées dans le rapport, qui accomplissent un excellent travail, que je salue. L’invisibilisation des femmes en situation précaire est une réalité qui questionne.
C’est donc l’occasion de réitérer ma demande concernant la mise en place d’un observatoire de l’égalité, afin de publier chaque année les chiffres clés de l’égalité. Le Bureau de l’égalité entre les femmes et les hommes (BEFH) travaille dans ce sens et a mis en place une collaboration avec Statistique Vaud, ce dont je le remercie vivement. Ensemble, ils ont rassemblé une cinquantaine de tableaux présentant les dernières données disponibles, ce pour compléter la publication de la brochure « 50/50 – les chiffres de l’égalité », qui ne paraît que tous les 4 ans.
Ainsi, dans le domaine de la santé, nous possédons des données déclinées en fonction du sexe uniquement pour 6 thématiques :
- l’espérance de vie à la naissance ;
- le taux de recours à l’hébergement médico-social ;
- la part de personnes selon leur activité physique ;
- la population selon la santé psychique et l’état émotionnel ;
- la part de personnes selon leur consommation d’alcool ;
- la part de personnes selon leur consommation de tabac.
Vous conviendrez que cela est bien peu, quand on parle de santé. Ces données sont nécessaires pour orienter les différentes politiques, assurer l’obtention de meilleurs soutiens politiques et financements, ainsi que pour définir des priorités plus pertinentes : il y a encore du pain sur la planche.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Ce point de l’ordre du jour est traité.