21_MOT_7 - Motion David Raedler et consorts au nom Les Vert.e.s vaudois.e.s - Pour une compétence du Canton et des communes de restreindre les publicités contraires à leurs engagements climatiques.

Séance du Grand Conseil du mardi 20 septembre 2022, point 30 de l'ordre du jour

Texte déposé

La publicité par affichage public est principalement réglementée par le droit cantonal, soit dans le Canton de Vaud par la Loi cantonale sur les procédés de réclame (RSV 943.11 ; « LPR ») ainsi que son règlement d’application (RSV 943.11.1 ; « RLPR »). Ces dispositions règlent tous les aspects relatifs à ce domaine et tiennent en particulier compte des différents intérêts qui se posent en la matière. D’une part en effet, les procédés de réclame offrent la possibilité aux acteurs économiques ou culturels de faire connaître leurs produits, services ou prestations au consommateur. D’autre part toutefois, ces procédés peuvent impacter et détériorer le patrimoine bâti ou naturel, s’imposer trop violemment sur le domaine public, ou promouvoir des contenus illicites ou problématiques. Un constat qui a notamment déjà mené à des discussions quant à la possibilité d’interdire, ou en tout cas de limiter fortement, la publicité par affichage public[1].

 

Les risques et problématiques ainsi évoquées justifient déjà certaines limites prévues dans la LPR, à la fois sous l’angle du type de procédé de réclame (art. 4), de l’endroit où ils sont posés (art. 5) et de leur contenu (art. 5a et 5b). A ce dernier sujet, la LPR interdit explicitement les procédés de réclame pour des produits dont l’usage engendre la dépendance et ceux pouvant être qualifiés de sexistes. En-dehors de ces deux hypothèses par contre, le Canton et les communes ne disposent d’aucune réelle marge de manœuvre pour écarter certains procédés de réclame qui seraient autrement considérés comme problématiques.  

 

Plusieurs communes ont fait part dans ce cadre de la problématique liée aux procédés de réclame portant sur des produits, services ou prestations qui sont directement en contradiction avec leurs politiques et engagements en matière climatique. Plus précisément, les communes qui adoptent un plan climat ambitieux et promeuvent des actions concrètes en matière climatique voient s’imposer dans leurs rues des publicités qui sont directement contraires à ces engagements, notamment car elles mettent en avant des produits très émetteurs de gaz à effet de serre. Ceci d’ailleurs souvent d’une façon faussée ou biaisée. Ce qui entraîne naturellement un problème de cohérence et, plus généralement, un effet contre-productif quant aux démarches entreprises. Un problème qui peut également se retrouver au niveau du Canton.

 

Au sein de la population aussi, l’utilité de pouvoir limiter certaines publicités pour des produits concrètement néfastes pour le climat est souvent soulevée[2]. Et plusieurs villes et régions ont récemment procédé à des démarches visant une telle limitation[3].

 

Face à cet enjeu, et aux problématiques rencontrées, la LPR n’offre aucune réelle solution. Dans le cadre strict qu’elle pose, les communes ne peuvent qu’accepter ce type de procédés de réclame, sans réelle marge de manœuvre. Quelque chose qui, compte tenu de leur autonomie ainsi que de l’importance de leur patrimoine naturel et bâti, tout comme de l’atmosphère qu’elles peuvent souhaiter offrir à leurs citoyen.nes et visiteurs.euses, s’avère problématique. Et qui avait été déjà relevé comme dépendant exclusivement de la LPR[4].

 

Il est précisé que l’objectif consiste ici à prévoir la compétence de restreindre des publicités dont le contenu serait frontalement contraire aux engagements pris et promus en matière climatique, et non d'imposer une telle mesure. Il appartient ainsi à chaque commune de procéder à l’appréciation du cas pour juger de la nécessité de son intervention. Une possibilité plus large que celle qui était visée par la pétition déposée en mai 2018 par-devant le Grand conseil, qui souhaitait imposer une interdiction des publicités pour les véhicules polluants.

 

Afin d’offrir cette marge de manœuvre, la présente motion demande au Conseil d’Etat d’introduire une nouvelle disposition dans la LPR permettant d’exclure des procédés de réclame étant directement contraires aux engagements pris en matière climatique et dans les plans climat.

 

[1] Voir notamment Motion Yvan Luccarini et consorts, Notre regard n’est pas à vendre (18_MOT_039).

[2] Une pétition avait été déposée auprès du Grand conseil en mai 2018 centrée spécialement sur une interdiction imposée de la publicité pour les voitures (https://act.campax.org/petitions/la-publicite-nuit-aussi-a-notre-climat), classée en mars 2020 (18_PET_017).

[3] A titre d’exemple, Amsterdam a interdit en décembre 2020 sur son territoire la publicité pour les énergies fossiles et l’avion (https://www.cnews.fr/monde/2020-12-22/amsterdam-interdit-la-pub-pour-les-energies-fossiles-et-lavion-une-premiere). La France a également voté très récemment l’interdiction des publicités pour les énergies fossiles (https://www.lapresse.ca/international/europe/2021-03-11/la-france-se-prepare-a-interdire-la-publicite-pour-les-energies-fossiles.php).

[4] Voir réponse à la pétition 18_PET_017.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Olivier MayorVER
Taraneh AminianEP
Julien EggenbergerSOC
Marc VuilleumierEP
Felix StürnerVER
Céline MisiegoEP
Alice GenoudVER
Muriel ThalmannSOC
Anne Baehler Bech
Circé FuchsV'L
Muriel Cuendet SchmidtSOC
Léonard Studer
Yves FerrariVER
Sabine Glauser KrugVER
Vincent KellerEP
Vassilis Venizelos
Valérie InduniSOC
Rebecca JolyVER
Didier LohriVER
Nathalie JaccardVER
Cendrine CachemailleSOC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Graziella Schaller (V'L) — Rapporteur-trice de majorité

J’ai repris le rapport de M. Rydlo, qui n’est plus au Grand Conseil ; il s’agit d’un des rapports en déshérence dont nous avons parlés tout à l’heure. L’objet de la motion, transformée en postulat avec l’accord du motionnaire, est de donner aux communes la possibilité de restreindre la publicité dont le contenu serait frontalement contraire aux engagements pris en matière climatique. Chaque commune pourrait ainsi procéder à l’appréciation d’un cas selon sa propre politique. La Loi sur les procédés de réclame (LPR) n’offre actuellement pas de solution en la matière et les communes n’ont pas de marge de manœuvre, ce qui est problématique compte tenu de l’autonomie dont elles devraient pouvoir faire preuve. Elles se voient imposer dans leurs rues des publicités qui sont directement contraires à leurs engagements, mettant par exemple en avant des produits promouvant les gaz à effet de serre. On peut citer l’exemple de la Ville de Lausanne, où quelques jours seulement après l’adoption du décret déclarant l’urgence climatique, il était possible de voir les bus des transports publics lausannois afficher des publicités d’une compagnie aérienne à bas prix.

La motion demande donc au Conseil d’Etat d’introduire une nouvelle disposition dans la LPR qui permettrait d’exclure les procédés de réclame déjà cités. Il a été rappelé en commission que les communes disposent déjà de la compétence d’élaboration d’un règlement d’application qui peut être plus restrictif que la loi. Une transformation en postulat permettrait d’entamer une réflexion dont il serait tenu compte dans le Plan climat vaudois. La majorité de la commission recommande au Grand Conseil de renvoyer au Conseil d’Etat la motion transformée en postulat, par 4 voix contre 3.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Rapporteur-trice de minorité

Le rapport que je vous présente a été établi par le rapporteur de minorité, qui n’est plus des nôtres : M. Eric Sonnay. Pour les commissaires de la minorité, la publicité sur l’espace public est régie par la LPR et son règlement. Cette loi pose un cadre cantonal, et elle est mise en œuvre au travers des règlements communaux. Selon la juriste de la Direction générale de la mobilité et des routes (DGMR), l’interdiction de la publicité à caractère sexiste va déjà loin, alors que ce n’est pas le but premier de la LPR et alors que les publicitaires ont le droit d’orienter leurs publicités comme ils le souhaitent. Si cette motion était renvoyée, elle toucherait directement les centres d’activités des entreprises faisant de la publicité pour leurs produits. L’interdiction serait alors plus violente.

Pour la minorité de la commission, plusieurs questions sont restées en suspens : quand commence l’interdiction et où s’arrête-t-elle ? Quelles publicités doivent être interdites ? Nous tombons dans l’arbitraire. Alors que les limites sont clairement définies, la motion risque de créer un système d’arbitrage inégal entre les communes. Une affiche pourrait être tolérable dans un village et illégale quelques kilomètres plus loin. La menace est telle qu’il est envisageable que le canton doive dicter aux communes ce qu’elles doivent ou non accepter, pour déboucher finalement sur une suppression pure et simple de la publicité. C’est peut-être ce que recherche le motionnaire ? La minorité

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. David Raedler (VER) —

Il a bien été dit que la motion a été transformée en postulat, vu que les questions portent effectivement sur l’affichage public. A titre préalable, je tiens à rappeler ce qu’est l’affichage public, tant nous y sommes habitués, mais aussi tant la définition est importante. L’affichage public est une utilisation accrue du domaine public, selon l’expression employée par Mme la conseillère d’Etat au sujet d’un point précédent de notre ordre du jour. Vous avez le domaine public, avec les rues et les murs, soit tous les domaines de la ville ; ces espaces sont en partie dédiés à l’affichage public, pour des raisons commerciales. Il s’agit donc d’une utilisation accrue qui « s’impose » aux habitantes et habitants de la commune. Elle s’impose en tant que telle, puisque du point de vue commercial, elle a le bénéfice de jouer sur le réflexe des consommatrices ou des consommateurs. Ainsi, vous vous transportez dans la ville, vous marchez ou vous vous promenez et vous êtes heureux, quand tout à coup, telles les petites fenêtres pop-up sur internet, des produits de consommation s’imposent à vous, que ce soient des produits à acheter ou des services dont vous pouvez profiter.

Un exemple sera tout prochainement visible sur nos murs, qui met très bien en lumière la problématique couverte par ce postulat : la publicité pour les compagnies aériennes. Ces publicités, vous les voyez peu, voire très peu, en plein été, alors qu’il fait beau, chaud et que vous pouvez profiter du lac, mais vous les voyez très fréquemment plus tard et nous les verrons dès ce mois d’octobre et de novembre, lorsque le stratus se fait bien présent, voire trop présent, sur nos jolies contrées et que l’on vous montre des publicités pour partir à Barcelone ou à Chypre, profiter du soleil. Ce procédé joue sur le réflexe de consommateur, que l’on peut questionner en tant que tel, mais qui ne fait pas l’objet de ce postulat. Cela doit tout de même nous interpeller.

L’affichage public est ainsi un moyen de publicité, mais ce n’est qu’un moyen parmi beaucoup d’autres. Ce point est important, en complément de ce qui a été dit dans le rapport de minorité : aujourd’hui, l’affichage public est un moyen parmi beaucoup d’autres, parce que les entreprises disposent d’énormément de moyens pour faire de la publicité, notamment sur internet et sur les réseaux sociaux. Et aujourd’hui, cette dernière publicité est la plus mise en œuvre. C’est d’ailleurs bien pour ce motif que le Tribunal fédéral, dans un arrêt de l’année dernière, a jugé licite une interdiction totale de l’affichage public qui serait décidée par une commune – il s’agit ici de ce que voulait faire Genève. Le Tribunal fédéral a jugé cette opportunité licite et conforme aux droits fondamentaux de la liberté économique et de la liberté d’expression, justement parce qu’il existe d’autres supports sur lesquels faire valoir la publicité. Aujourd’hui, l’affichage n’est donc plus aussi important qu’avant, et cela doit nous amener à nous interroger sur sa place dans nos villes, surtout quant à certains objets, produits et services vendus dans ce cadre. C’est justement sur ce point qu’insiste le présent postulat.

Ce texte s’inscrit dans des limitations qui existent déjà dans la législation, à la fois sur une base fédérale et sur une base cantonale. Au niveau fédéral, comme vous le savez, il y a des limitations à l’affichage public des publicités pour l’alcool et le tabac. C’est restreint et limité, car il y a un intérêt public à considérer que l’on ne doit pas jouer sur l’effet de réflexe que l’on a vis-à-vis de l’affichage public, pour des produits comme le tabac et l’alcool. En plus, comme cela a été dit dans les deux rapports, au niveau cantonal, des limitations sont apportées aux publicités à caractère sexiste, limitées ou non autorisées. C’est justement sur ce point que s’inscrit la motion transformée en postulat, le but étant de permettre aux communes – je souligne bien qu’il ne s’agirait pas d’une interdiction qui serait imposée, mais bien d’une faculté qui serait octroyée aux communes – de limiter les publicités par affichage sur leur domaine public, donc de limiter une utilisation accrue du domaine public sur leur territoire, pour des produits qui seraient frontalement contraires à leurs engagements. On pense notamment ici aux publicités des compagnies aériennes qui vont fleurir dès les mois d’octobre et novembre. C’est un élément important et central pour une pratique uniforme, afin de respecter l’obligation et le principe de l’autonomie communale. Les communes doivent pouvoir décider, dans une certaine mesure, de ce qu’elles affichent sur leur territoire. La manière dont elles voient leurs murs et leur territoire doit être ici utilisée.

La question d’égalité de traitement mentionnée dans le rapport de minorité est précisément quelque chose d’intrinsèque au principe d’autonomie communale. Dans le canton de Vaud, on ne peut pas dire que le principe de l’autonomie communale soit contraire au principe d’égalité de traitement, bien au contraire. C’est justement parce qu’il y a une autonomie communale que des pratiques diffèrent d’une commune à l’autre. Sachant de nouveau que l’affichage public n’est pas un droit fondamental, mais quelque chose que l’on peut même restreindre et déjà sur le principe même de son existence, si certaines communes estiment que certains produits sont frontalement contraires à leurs engagements parce que contraires à leurs engagements climatiques, mais que d’autres ne le font pas, cela relève de l’autorité communale et ne porte pas atteinte à ses principes fondamentaux.

A ce titre et au final, parce que ce sont effectivement des questions importantes et qui appellent des pesées d’intérêts, la motion a bien été transformée en postulat pour qu’elle s’inscrive dans les différents textes que le Conseil d’Etat doit rendre sur des questions liées à la question climatique et à ses engagements climatiques. Pour finir, je rappelle que les risques d’appréciation divergente, ainsi que le fait de comprendre quels produits seraient concernés ou pas, sont déjà en partie traités par la commission consultative prévue à l’article 26 de la LPR. Cette commission vise justement à développer, dans la mesure du possible, une pratique uniforme sur le territoire vaudois. Ces risques sont donc très limités et ils sont naturellement pris en compte dans le cadre du postulat et dans la réponse au postulat. Mais vu l’importance du sujet quant au fond, il est important que nous puissions avoir un rapport sur la thématique. En conséquence, je vous remercie de soutenir le postulat.

M. Olivier Petermann (PLR) —

Cette motion transformée en postulat demande au Conseil d’Etat d’introduire une nouvelle disposition dans la LPR, permettant d’exclure des procédés de réclame qui seraient directement contraires aux engagements pris en matière climatique et dans les plans climat. La loi pose un cadre cantonal, et elle est mise en œuvre au travers de règlements communaux, qui peuvent légalement être plus restrictifs que le règlement cantonal.

La publicité sous forme d’affichage commercial est un excellent moyen d’expression pour nos commerçants ; elle favorise l’emploi et les revenus commerciaux locaux ou régionaux, contrairement à la publicité sur internet ou sur les réseaux sociaux. Elle est attractive pour nos commerces, au vu de la facilité de sa mise en place. De plus, comment allons-nous définir ce qui est contraire aux engagements climatiques ? Je ne prendrai qu’un seul exemple : la viande. Vous reconnaîtrez de quelle publicité je veux parler, à savoir « La viande suisse ; le reste n’est que garniture », ou alors une autre publicité avec son « tsch… tsch… » que l’on retrouve tous les printemps. Pour certains, même dans cet hémicycle, la viande est source de tous les maux en ce qui concerne le réchauffement climatique. Pour d’autres, cela paraît moins sûr, surtout si elle est produite en Suisse, pays herbager par excellence – faut-il encore le rappeler ? Le groupe PLR vous recommande de ne pas prendre en considération cette motion transformée en postulat.

Mme Elodie Lopez (EP) —

S’il n’y avait plus de publicité dans l’espace public, les problèmes soulevés ici seraient réglés ! Mais nous n’y sommes pas, pas du tout ; aujourd’hui, nous sommes bien loin de cette idée, qui est même une crainte, exprimée tout à l’heure dans les discussions autour de cet objet. En effet, aujourd’hui, nous sommes dans le cadre d’un postulat, c’est-à-dire un cadre non contraignant, et nous parlons d’une éventualité de donner une compétence supplémentaire aux communes, pour qu’elles puissent décider en toute autonomie de ce qu’elles accepteraient en matière de publicité dans leur espace public, en fonction de leurs stratégies et objectifs climatiques. Cet objet est donc bien en faveur de davantage d’autonomie communale et il me semble que pour les défenseuses et défenseurs de cette autonomie, ce devrait être une bonne chose. En plus, ce n’est plus une motion, mais un postulat : on ne prend donc aucun risque, zéro engagement. Nous étudions simplement des questions qui nous paraissent pertinentes.

Par le passé, nous avons été d’accord de discuter de la publicité quand celle-ci posait des problèmes vis-à-vis des jeunes en matière de tabac ; et plus récemment, sur le plan cantonal, lorsqu’elle posait des problèmes de sexisme. Nous sommes donc dans une continuité logique. Il me semble que nous sommes aujourd’hui unanimes pour nous déclarer pragmatiques et pour dire qu’il faut adapter certaines de nos activités et pratiques en fonction du contexte dans lequel nous nous trouvons. Il s’agit des limites planétaires, certes, mais aussi de celles des communes dans lesquelles on fait tant bien que mal ce que l’on peut pour contribuer à l’atteinte des objectifs climatiques. Imaginez que vous êtes élu dans une commune, que vous développez un plan climat et des mesures, et que vous mettez tout en œuvre pour développer une stratégie en matière d’urbanisme et de transport visant à réduire les émissions de CO2 à une échelle locale afin d’apporter votre grain de sel au moulin, et vous trouvez dans cette même commune de la publicité pour un vol aller-retour à Ibiza pour un prix qui ne permettrait pas de faire l’aller-retour en train jusqu’à Zurich ! Mais vous ne pouvez rien faire ; c’est rageant et décourageant. En ce sens, l’objet qui vous est proposé pose les bonnes questions.

Concernant le risque arbitraire d’appréciation de ce qui est dommageable ou non pour le climat, il me semble que l’on commence tout de même à s’en faire une assez bonne idée. Aujourd’hui, l’appréciation nous semble donc être plutôt politique. Cela tombe bien, puisque les communes seraient à même de pouvoir décider en toute autonomie de cette appréciation. Et si ce n’est pas suffisant, comme l’a rappelé M. Raedler, il faudrait solliciter l’expertise d’une commission consultative. Quant à l’argument qu’il serait aujourd’hui inégal, pour les différentes entreprises, de se voir contraintes pour des raisons climatiques, je souhaite rappeler que toutes les entreprises ne sont pas égales quant à leurs possibilités de faire de l’affichage publicitaire. Evidemment, seules les entreprises qui ont le plus de moyens financiers peuvent acheter un espace d’intention et sont en mesure d’investir ces espaces ; de ce point de vue, l’égalité entre les entreprises est également assez faible.

Vous aurez donc compris que renvoyer ce postulat, c’est étudier une question pertinente, tout en ne prenant que très peu de risques, puisque cela n’engage pas à grand-chose. Enfin, pour toutes les personnes qui craignent une mise en danger de la liberté de l’activité économique, la publicité a profité de la numérisation massive de nos activités et de nos interactions pour proliférer sur nos réseaux. Elle se passe maintenant en ligne et la publicité économique a donc encore de beaux jours devant elle. Nous vous invitons donc à renvoyer le postulat au Conseil d’Etat.

M. David Vogel (V'L) —

Qu’il est loin, le temps où certains, à gauche, avaient comme slogan : « Il est interdit d’interdire. » Cette demande a une certaine logique, vu que certains, dans cet hémicycle, sont opposés à la publicité en général et souhaitent l’interdire, étant particulièrement opposés à l’économie privée.

Quant aux termes « contraires aux engagements pris dans la loi climat », à titre personnel, je dois dire être tout à fait favorable à la loi climat et à ce que nous prenions des mesures. Mais alors, quid des publicités suivantes, car nous allons devoir nous projeter dans la pratique : peut-on faire de la publicité pour un ordinateur orné d’une pomme, vu qu’il est fabriqué en Chine, ce qui n’est pas bien ? Peut-on faire de la publicité pour un abonnement auprès d’un opérateur téléphonique, car on consomme ainsi de l’électricité et que l’on est engagé à changer son téléphone portable plus que de raison ? Peut-on faire de la publicité pour des boissons gazeuses qui favorisent l’obésité, ce qui n’est pas bien ? Peut-on faire de la publicité pour un festival de musique – je pense à Montreux ou au Paléo – alors que se rendre au festival pollue et que de l’électricité est nécessaire pour illuminer la scène et nous faire entendre quelque chose, et donc que, du coup, ce n’est pas bien ? Et qu’en est-il du vélo électrique ? Peut-on faire de la publicité pour un vélo électrique qui est plus polluant qu’un vélo à propulsion humaine, ce qui n’est donc pas bien ? Et quant aux CFF, ose-t-on faire de la publicité pour cette entreprise qui consomme énormément d’électricité, alors qu’on ferait mieux de rester chez soi ?

La définition « contraire aux engagements climat » est assez sympathique sur le papier, mais très difficile à appliquer concrètement. Je sais bien que je m’adresse ici au camp du « bien », mais la définition de ce qui est bien et pas bien est plus que délicate. Par conséquent, je vous encourage à refuser ce postulat inutile.

M. François Cardinaux (PLR) —

Je reviens sur les propos de ma préopinante. Elle m’a quelque peu étonné lorsqu’elle a dit « au fond, on ne risque pas grand-chose à accepter un postulat. » Ou bien l’on a une idée que l’on souhaite développer, ou alors on s’abstient, du moins, c’est ce qui me semblerait logique. Je rappelle aussi que ce texte indique que les communes peuvent faire plus et en ont le droit. Pour l’instant, il existe un cadre bien défini et je vous propose de nous y tenir.

M. Alberto Mocchi (VER) —

J’aimerais revenir sur la question de l’autonomie communale, qui me paraît fondamentale. M. Thuillard disait tout à l’heure que l’on pourrait voir dans une commune des affiches qui seraient interdites dans une autre et que cela n’irait pas. Mais c’est le principe même de l’autonomie communale, qui va de la police des constructions à la vitesse sur les routes non cantonales, en passant par de multiples autres choses. Il me semble tout à fait bon et juste de voir l’autonomie communale se développer ; elle peut se développer en matière fiscale et dans d’autres matières. En l’occurrence, donner une prérogative supplémentaire aux communes me semble tout à fait opportun et je vois mal en quoi cela pourrait nuire au petit commerce. Je puis en effet justement imaginer que, dans les petites communes, là où l’on connaît les commerçants et les entreprises locales, on ne va pas leur nuire. Ainsi, en tant que syndic – et je déclare ainsi mes intérêts – je ne puis que soutenir cette proposition de postulat, qui donne des outils supplémentaires aux communes qui souhaiteront les utiliser. Toutes les communes ne le souhaiteront pas et n’y seront pas obligées.

M. David Raedler (VER) —

Il faut bien voir que la question de la marge de manœuvre est immanente dans le domaine de la publicité. Vous pouvez voir un exemple avec la Commission suisse de la loyauté. Cette commission est établie pour juger si des publicités dépassent ou non le cadre légal, et dépassent ou non ce qui devrait, pourrait ou serait vu comme loyal dans la publicité. Cette commission a passablement de jugements à rendre, justement parce que la publicité se situe toujours sur la ligne. Ici, le fait de s’opposer à ce postulat au seul motif de savoir où placer la limite, en pratique, est précisément la question qui se pose toujours dans le domaine de la publicité, quel que soit son contenu.

Imaginez qu’une manifestation politique prenne place sur le territoire de votre commune. Alors que vous craignez que la manifestation déborde, les organisateurs et organisatrices veulent faire de la publicité pour l’événement. A ce titre, il est immanent à la notion de publicité que vous allez procéder à une balance des intérêts ; vous allez réfléchir et mettre en balance les droits fondamentaux que sont les libertés d’expression, de manifestation et potentiellement économiques dépendant de la manifestation ; sur cette base, mise en balance avec l’intérêt public, vous allez décider si la publicité pour la manifestation politique doit être permise ou non. Ici, l’objectif du postulat est de procéder déjà à une balance des intérêts, tout comme on l’a fait pour la publicité pour l’alcool et pour les cigarettes, en disant que nous avons aujourd’hui une réalité d’urgence climatique. Je pense que, dans cet hémicycle, on reconnait que l’urgence climatique est là, que c’est un danger réel et donc que, naturellement, avoir des éléments induisant frontalement l’urgence climatique ne sont pas dans l’intérêt public. A ce titre, tout comme on l’a fait pour la cigarette et pour l’alcool, la question peut se poser : devons-nous limiter le contenu d’une publicité qui irait frontalement contre nos engagements ?

A mon avis, pour interpréter le sens du postulat, des publicités en ville de Lausanne, d’Yverdon ou de Vevey qui feraient la promotion des vols Genève Barcelone vont frontalement contre nos engagements climatiques. A priori, je dirais que ce n’est pas le cas d’une publicité pour les vélos électriques ou pour le café dont l’impact est différent, mais que cela peut également faire l’objet d’une appréciation de la commission, qui existe dans la loi. L’idée, ici, est de donner à une commune des clés pour apprécier ces éléments. Il faut en effet bien admettre qu’aujourd’hui, les communes n’ont tout simplement pas cette possibilité pour les questions climatiques. Le seul enjeu de ce postulat est de pouvoir donner cette clé aux communes, afin qu’elles puissent l’utiliser. Il ne s’agit pas d’interdire, mais d’offrir cette possibilité aux communes et de les assurer qu’elles ont la maîtrise de leur territoire et de leur domaine public.

M. Jean-Rémy Chevalley (PLR) —

J’aimerais poser une petite question. Il est louable de vouloir interdire les publicités qui ne sont pas de bonne forme. Pourtant, on parle de publicité d’affichage uniquement. Mais alors, comment faisons-nous avec les publicités sur internet, à la télévision et à la radio ? Il n’est pas possible d’avoir deux poids et deux mesures par rapport aux annonceurs. Il n’est pas possible d’interdire une affiche, mais d’autoriser la publicité à la télévision. Quelque chose ne va pas, ou alors il faut m’expliquer comment l’on fait.

M. David Raedler (VER) —

J’aimerais apporter une réponse à ce qui vient d’être dit. C’est justement cela, qui rend la mesure proportionnelle et c’est toute la beauté de la proportionnalité. Je vous invite à lire l’arrêt du Tribunal fédéral qui concerne le canton de Genève, car c’est justement l’idée que le Tribunal fédéral a relevée. Le canton de Vaud n’est pas compétent pour juger, estimer et évaluer des publicités qui se font sur internet et il n’est pas non plus compétent pour juger la publicité qui se trouve dans les magazines privés, dans la presse privée ou dans des domaines entièrement privés. Là où le canton de Vaud et respectivement les communes ont un pouvoir, c’est justement sur leur territoire public. Et c’est aussi parce qu’il y a d’autres alternatives, d’autres moyens de faire de la publicité pour vos produits, en tant qu’entreprise, que nous proposons, dans ce contexte, la proportionnalité complète d’une mesure qui vise à potentiellement limiter uniquement ce qui est sur nos murs, quant au contenu. C’est là l’élément central de la mesure proposée et de sa légitimité, accordée par le Tribunal fédéral.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Je serai clair : ce qu’on nous propose est monstrueux ! C’est totalement liberticide ! Quand j’entends qu’on ose dire, dans une démocratie comme la nôtre, que l’on pourrait interdire ce qui entrave frontalement nos convictions… On ne sait pas trop lesquelles… On nous indique, pêle-mêle, quelques exemples qui sont dans l’air du temps, mais peut-être que demain, cela aura changé ? On aura des débats sur le gaz ; mais il y a vingt ans, c’était formidable ! On faisait des publicités : « la femme moderne cuisine au gaz, l’homme moderne cuisine au gaz », tout était au gaz et on y allait plein gaz. J’imagine que maintenant, ce serait totalement interdit, parce que le gaz est une énergie fossile et que c’est dangereux ; j’en passe et des meilleures, et l’inverse est aussi vrai. Alors, si chaque municipalité, en fonction de ses convictions politiques – qui peuvent être vertes et écologistes, ou qui peuvent être de droite, voire d’extrême droite, car on ne sait pas ce qui nous attend dans les années prochaines – y va de sa sauce pour interdire tel ou tel procédé… J’entends bien que l’on accuse le siècle passé de toutes les ignominies : on a pollué la planète, même si on a réduit la misère par deux ; j’entends bien. Mais au moins, s’il y a une chose que nous avons faite à peu près correctement, c’est la liberté : la liberté d’aller et venir, de se prononcer, et cela à une époque pas si lointaine d’interdiction des télévisions et des radios libres ! Maintenant, on veut revenir en arrière ! On veut tout interdire, tout contrôler… Eh bien je vais vous le dire très clairement : cette société-là, cette société liberticide, je n’en veux pas et je ferai tout pour m’y opposer.

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

Je vous invite à soutenir cette motion transformée en postulat, car je pense que nous devons y réfléchir. Nous avons un Plan climat ; nous devons avancer vite et trouver des solutions. Pour répondre à la problématique concernant la commission consultative, nous avons aussi une commission consultative pour les publicités sexistes, pour lesquelles il s’agit également de questions d’appréciation. Cette commission a été tout à fait à même de mettre sur pied une grille d’évaluation afin de poser des critères et de pouvoir effectivement interdire certaines publicités. Je pense qu’il est tout à fait possible d’étudier aussi la situation en matière de changement climatique et de publicité climatique. Je vous invite donc à soutenir la motion transformée en postulat.

Mme Oriane Sarrasin (SOC) —

En réponse au député Buffat, sur la notion d’interdiction, de privation de liberté et sur le fait que l’on s’habitue aux interdictions, je vais donner un exemple que je donne très souvent dans mes cours, puisque je travaille dans ce domaine. A un certain moment, en Suisse, on a retiré la liberté aux individus de rouler sans ceinture de sécurité, pour le bien-être de toutes et tous, pour la santé publique. On peut imaginer que l’on retire certaines libertés pour le bien-être de toutes et tous, de la planète et des futures générations et on peut avoir ce débat. On dit souvent que la liberté des unes et des uns s’arrête là où commence celle des autres et je trouve donc un peu gros d’invoquer ici l’argument de la liberté. Je vous propose de soutenir la motion transformée en postulat.

M. Jacques-André Haury (V'L) —

Je vous dis tout de go que je n’aime pas les transformations de motions en postulats, qui en sont une forme émasculée. Si l’on a une idée, on la défend jusqu’au bout. Dans le cas particulier, il s’agirait de modifier une loi et donc bien de faire une motion. A part ça, je partage les réflexions de M. le député Buffat sur la liberté, mais il y a aussi, dans cette motion, une certaine forme de mépris à l’égard de l’individu incapable de concilier ce qu’il voit sur une affiche et ses préoccupations environnementales. Pour ces deux raisons, je refuserai la forme émasculée d’une motion que j’aurais également refusée.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil refuse la prise en considération du postulat par 72 voix contre 63 et 1 abstention.

M. Alexandre Démétriadès (SOC) —

Je demande un vote nominal.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui acceptent la prise en considération du postulat votent oui ; celles et ceux qui la refusent votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, le Grand Conseil refuse la prise en considération du postulat par 72 voix contre 63 et 1 abstention.

*insérer vote nominal

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