23_LEG_125 - EMPD Crédit d’investissement de CHF 1’100'000.- pour financer le réemploi des matériaux et l’utilisation de matériaux durables dans la construction (mesure emblématique PCV-24) (1er débat).
Séance du Grand Conseil du mardi 26 novembre 2024, point 11 de l'ordre du jour
Documents
- Rapport de la commission - RC 23_LEG_125 - Nicolas.Suter
- Texte adopté par CE - EMPD PCV 24 - Financer le réemploi des matériaux - publié
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourCe projet de décret porte sur le réemploi et l’utilisation de matériaux durables dans la construction. Il s'inscrit dans le cadre des 209 millions alloués aux mesures du Plan climat vaudois. Élaboré en collaboration avec la Direction générale des immeubles et du patrimoine (DGIP), service constructeur, il vise à tirer parti des expériences actuelles, réalisées en grandeur nature, pour guider les prochaines étapes en matière de réemploi et de durabilité des matériaux dans la construction. A cet égard, les mesures proposées ne couvrent pas tous les enjeux de l'économie circulaire et du recyclage dans ce secteur.
Trois volets ont été identifiés pour un montant global de 1,1 million. Le premier concerne la réalisation d'expertises techniques visant à l’exemplarité de l’Etat. Une enveloppe de 500’000 francs serait consacrée à des mandats d’expertise en lien avec des projets portés par la DGIP, tels que le démantèlement de l'internat sur le site de Marcelin, à Morges, ou la construction de l'Ecole professionnelle, à Payerne. Les objectifs sont multiples : évaluer objectivement l’ensemble des stratégies de traitement, quantifier les matériaux réutilisables et mieux les intégrer dans les constructions existantes, tout en améliorant leur qualification et en explorant les filières de réemploi pour les solutions d'approvisionnement et d'exutoires.
Le deuxième point concerne l'analyse des conditions-cadres pour les appels d’offres dans les marchés publics, avec un budget d’environ 100’000 francs. La modification de la loi sur la protection de l'environnement a introduit la préservation des ressources, entraînant un effet cascade sur la loi sur les marchés publics, qui inclut désormais un principe stipulant que, « lorsque cela se relève approprié, l'adjudicateur prévoit des spécifications techniques qui permettent de préserver les ressources ou de protéger l'environnement ».
Enfin, le troisième volet porte sur l’accompagnement au changement des acteurs vaudois de la construction, pour environ 500’000 francs. Il s'agit de communiquer et de mettre à disposition des informations concrètes et accessibles au public. La Direction générale de l’environnement (DGE) prévoit de valoriser les retours d’expérience des deux premiers postes, tant en matière d’exemplarité de l’Etat que d’analyse des marchés publics.
Ce projet de décret, d’un montant de 1,1 million, constitue un premier pas pour poser les bases d’une méthodologie et des outils de travail nécessaires à la mise en réseau des acteurs et à la concrétisation de projets étatiques qui intègrent ces principes de réemploi et de durabilité. L’objectif est de systématiser cette pratique dans l’exemplarité de l’Etat. Lors du vote final de la commission, le projet de décret ainsi que l'entrée en matière ont été adoptés à l’unanimité.
La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.
Le train de l'économie circulaire se met gentiment en marche. Nous avons pu le constater avec le programme de législature du Conseil d'Etat, avec le contre-projet à l'initiative « Sauver le Mormont » et maintenant avec ce projet de décret. Ainsi, le groupe des Vertes et des Verts ne peut que vous inciter à soutenir ce projet de décret. J'espère aussi qu'il y en aura d'autres qui suivront et que ce n'est que le début de mesures plus ambitieuses en matière d'économie circulaire et de réutilisation des matériaux de construction.
Ce crédit est un pas important et réjouissant, et nous le soutiendrons. Toutefois, il est difficile de ne pas exprimer une certaine déception face à son montant modeste, qui représente une somme relativement faible en comparaison avec les autres volets du plan climat. Or, atteindre un secteur de la construction compatible avec nos objectifs climatiques nécessitera bien plus que des mesures emblématiques de ce type, car le problème principal reste entier.
Le béton, matériau prédominant et principal responsable des lourdes émissions de carbone dans le secteur de la construction, conserve une position dominante sur le marché en raison de son coût très bas. Cela freine l'innovation : les architectes désireux d’utiliser des matériaux alternatifs et moins polluants se heurtent souvent à des maîtres d’ouvrage réticents à accepter un surcoût pour des projets plus durables. Dans ce contexte, j’avais proposé un postulat visant à instaurer un impôt de réorientation économique ciblant les grandes entreprises du béton, afin de subventionner et encourager l’utilisation de matériaux plus respectueux de l’environnement. Malheureusement, cette proposition n’a pas été retenue par le Conseil d’Etat.
Ainsi, bien que cette mesure soit bienvenue, elle reste à mes yeux une simple goutte d’eau dans l’océan. Je souhaiterais savoir quelles initiatives le Conseil d’Etat prévoit pour transformer durablement le secteur de la construction et le rendre compatible avec l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050. Plus précisément, quelles mesures seront prises pour garantir que les matériaux durables deviennent aussi compétitifs, voire plus, que le béton sur le marché à l’avenir ?
Ce projet de décret vise à poser les bases nécessaires pour avancer concrètement dans ce domaine, comme l’a déjà souligné notre président de groupe. Il s’agit notamment d’encourager l’utilisation de matériaux durables dans la construction, mais aussi dans la déconstruction. Le montant de 1,1 million, inscrit dans les 209 millions alloués au budget global, reflète la volonté du Conseil d’Etat de mettre en œuvre des mesures emblématiques inscrites dans son Plan de législature. Bien que ce montant puisse sembler modeste au regard de l’ampleur de la tâche, il constitue une première étape essentielle. Il faut bien commencer quelque part, et ce financement permettra précisément d’avancer dans cette direction. L’objectif principal est de mieux maîtriser les techniques de réemploi des matériaux de construction. C’est une idée simple en apparence, mais sa mise en pratique est nettement plus complexe. Trois aspects clés méritent d’être soulignés.
D’abord, sur le plan de la formation, former les architectes, ingénieurs et techniciens du bâtiment est une priorité. Ce travail a d’ailleurs déjà commencé dans notre canton, notamment au niveau de l’EPFL. Ensuite, il faut mentionner la déconstruction sélective. Il ne s’agit plus de démolir massivement, mais de déposer pour réutiliser. En outre, si l’on veut pouvoir déconstruire et réutiliser efficacement, il est essentiel de réfléchir dès la conception des bâtiments à la manière dont les matériaux pourront être récupérés en fin de vie. Ce changement de paradigme dans la construction est indispensable.
Enfin, il est crucial de motiver les acteurs de l’immobilier. Imposer des taxes ne suffira pas à résoudre ces défis ; il faut avant tout accompagner les maîtres d’ouvrage avec un soutien technique et des solutions adaptées, en collaboration avec les constructeurs et les financeurs. Tout cela doit rester économiquement viable. Il est impensable, par exemple, qu’un locataire voie son loyer augmenter de 20 % simplement parce que des matériaux recyclés ont été utilisés dans le bâtiment. Une approche équilibrée est donc essentielle.
Le meilleur terrain d’expérimentation pour ces solutions est notre propre canton. Ce montant de 1,1 million permettra de tester ces approches dans nos bâtiments et nos services. Ainsi, le groupe PLR soutiendra pleinement ce projet de décret.
Merci au président de la commission pour son excellent rapport. Le groupe socialiste salue ce premier pas, certes modeste, mais encourageant, et vous invite à le soutenir. Ce décret permettra de tester et de mettre en œuvre de bonnes pratiques d'économie circulaire au niveau de l'exemplarité de l'Etat dans ce domaine.
Cela dit, à l’instar du groupe des Verts et d’Ensemble à Gauche, nous considérons que ce pas reste insuffisant. Nous attendons avec intérêt les prochaines échéances qui viendront enrichir le débat. Nous pensons notamment à la révision de la Loi sur l'énergie, qui introduira le principe de limites maximales concernant l’énergie grise et le budget carbone, conformément à la nouvelle obligation fédérale adoptée en mars dernier dans la Loi sur la protection de l’environnement.
Nous anticipons également l’introduction prochaine d’un article sur l’économie circulaire dans la Constitution vaudoise, une proposition du Conseil d’Etat dans le cadre du contre-projet à l’initiative du Mormont. Enfin, la dernière mouture du Plan climat vaudois, attendue prochainement, constituera une étape décisive pour accélérer le recours à l’économie circulaire dans notre canton. Nous comptons sur ces avancées et nous nous engageons à y contribuer activement.
Ce crédit, bien que modeste, possède un fort effet de levier. Rappelons que la Suisse n’affiche que 7 % de circularité, ce qui en fait l’un des pays industriels les plus en retard dans ce domaine. Ce financement constitue un petit pas, mais il est essentiel pour amorcer un changement significatif. Dans l’esprit de l’agenda cantonal de durabilité 2030 et du Programme de législature, il contribue à mettre fin à la culture du « tout-à-jeter », suivant l’exemple pionnier de Zurich. Avec l'introduction prochaine d’un article sur l’économie circulaire dans la Constitution – au sens du contre-projet à l’initiative Mormont – ce crédit nous permet de nous orienter résolument dans la bonne direction.
L’économie circulaire repose sur les cinq R : refuser ou renoncer – par exemple, renoncer à démolir comme l’a souligné notre collègue Romanens –, réparer, rendre à la terre, réemployer et, enfin, en dernière étape, recycler. Cette dernière n'est qu’un maillon parmi d'autres dans une approche globale qui privilégie également des matériaux alternatifs comme la terre brute, la paille ou le bois.
L’effet de levier de ce crédit se concentrera sur l’accompagnement des actrices et des acteurs vaudois de la construction dans cette transition. Déjà, les écoles polytechniques fédérales de Lausanne et Zurich orientent 90 % des travaux de fin d’études vers le réemploi et la construction durable, témoignant d’un changement significatif dans la formation des ingénieurs et architectes.
De plus, ce crédit permettra de revoir les critères des marchés publics, pour que les appels d’offres intègrent pleinement les principes de circularité. L’exemplarité de l’État est également un pilier de cette transformation, comme en témoignent des projets déjà réalisés, tels que la Maison de l’environnement et certains gymnases. Poursuivons et renforçons cette dynamique, car il s’agit véritablement d’un changement d’ère.
En tant que municipale de l’urbanisme et des constructions à Morges, je tiens à déclarer mes intérêts. Je salue globalement les propositions formulées par le Conseil d’Etat dans ce projet de décret. Parmi elles, le diagnostic ressource constitue une excellente initiative : il permet d’évaluer les stratégies de démontage du bâti existant sur les plans environnemental et économique, en vue de sélectionner les techniques de déconstruction les plus appropriées.
Cela dit, je souhaite revenir sur un point soulevé par mes préopinantes concernant les coûts du réemploi et des alternatives au béton. A mon sens, les fonds alloués à ces expertises sont insuffisants. Je fais cette observation au nom d’une commune qui s’efforce de développer des projets publics durables, notamment pour ses écoles. Nous conservons autant que possible les éléments existants, évitons de démolir pour reconstruire, et privilégions le réemploi, qu’il s’agisse de matériaux ou même de mobilier. Cependant, ces démarches, bien qu’essentielles, impliquent des coûts directs encore supérieurs à ceux d’une stratégie de tabula rasa. Ces surcoûts entrent souvent en conflit avec les réalités financières des communes. Pour que ces politiques publiques ambitieuses puissent se développer, les communes ont besoin d’un soutien accru du canton, tant financier que technique. A cet égard, la généralisation du diagnostic ressource me semble impérative. Je plaide pour qu’il devienne obligatoire, à l’instar du diagnostic amiante.
En conclusion, je soutiendrai ce projet de décret, qui représente une avancée importante, tout en regrettant un manque d’ambition financière au niveau cantonal.
Je me réjouis des interventions entendues et du soutien exprimé. Ces échanges rappellent un principe fondamental que nous avons trop souvent oublié ces dernières décennies : la finitude des ressources. Cette réalité est évidente lorsqu’on analyse les limites de notre territoire et des ressources qu’il contient. Ce principe est également inscrit dans le Programme de législature, au sein duquel le Conseil d’Etat a affirmé sa volonté de faire du canton un pionnier de l’économie circulaire des matériaux, notamment dans le domaine de la construction.
Cette ambition se traduit par une série de décisions, dont ce décret, qui constitue un jalon clé dans la stratégie du Conseil d’Etat. Bien que certains jugent ce montant insuffisant, il est néanmoins indispensable pour accompagner l’ensemble de cette démarche. En effet, nous sommes encore fortement dépendants du béton, un matériau énergivore et basé sur des ressources limitées. Bien que le béton reste nécessaire pour certaines infrastructures, nous devons privilégier des alternatives et explorer de nouveaux modes et matériaux de construction plus durables. Ce crédit d’investissement s’inscrit dans cette dynamique. Il reflète la volonté du Conseil d’Etat de soutenir cette transition, en complément d’autres projets de lois en préparation, notamment la révision de la loi sur l’énergie, actuellement examinée en commission parlementaire. Dans la révision de la loi sur l’énergie, nous proposons un article spécifique visant à imposer des normes sur l’énergie grise dans la construction des bâtiments. Cette loi-cadre soutient notre ambition de faire du canton un pionnier en matière d’économie circulaire appliquée à la construction.
Par ailleurs, nous prévoyons une révision de la loi sur la gestion des déchets l’année prochaine. Elle inclura des mesures pour mieux gérer nos ressources et influencer différents cycles de matière dans les processus de construction. De plus, la révision de la Loi sur l’aménagement du territoire et des constructions (LATC), portée par ma collègue Luisier, proposera des normes spécifiques sur l’utilisation de matériaux alternatifs, en réponse aux nombreuses interventions parlementaires de ces dernières années.
Ce crédit d’investissement, bien qu'insuffisant à lui seul, s’inscrit dans une stratégie globale. Il répond également à des besoins concrets du terrain. Mon département, lors du forum organisé par ConstructionVaud le 12 novembre – dont différents ateliers organisés par mon département – a constaté une demande forte pour le développement, le partage et la diffusion des bonnes pratiques. Les collectivités publiques, en particulier l’Etat et les communes, jouent un rôle central dans cette dynamique. Leur exemplarité est essentielle pour promouvoir le réemploi comme un réflexe dans la construction.
Je me réjouis du soutien affiché à ce projet. Ce crédit constitue un premier jalon, certes perfectible, mais déterminant. Il marque une impulsion forte pour l’économie circulaire des matériaux, qui sera accompagnée des réformes législatives qui vous sont déjà soumises ou qui le seront dès l’année prochaine.
La discussion est close.
L’entrée en matière est admise avec 1 abstention.
Le projet de décret est adopté en premier débat.
Je propose un deuxième débat immédiat.
Retour à l'ordre du jourLe deuxième débat est admis à la majorité des trois quarts (119 voix contre 3 et 9 abstentions).
Deuxième débat
Le projet de décret est admis en deuxième débat et définitivement à l’unanimité.