24_INT_86 - Interpellation Mathilde Marendaz et consorts - Décès lors d'interventions policières et leurs enquêtes : besoin de statistiques et d'explications (Développement).

Séance du Grand Conseil du mardi 30 avril 2024, point 10 de l'ordre du jour

Texte déposé

Il est ressorti dans la presse en automne dernier que le Ministère public envisage de classer la plainte à la suite du décès de Roger Wilhem dit Roger Nzoy, alors qu'il y a eu utilisation d'une arme à feu avec conséquence mortelle. Cet événement s'inscrit dans un contexte où depuis de nombreuses années, le Canton de Vaud détient le record suisse d'affaires d'homicides de citoyen·ne·s dans le cadre d'interventions policières. Dans tous les cas connus, les personnes étaient afrodescendantes ou racisées. Ce constat interroge au regard des autres Cantons et du reste du pays. En réponse à mes questions orales du 05 décembre 2023 sur l'enquête à propos de Roger Nzoy, et du 05 mars 2024 portant sur la négligence dans la prise en charge médicale d'un détenu atteint de cancer aux Établissements des Plaines de l'Orbe, le Conseil d'État a mis en avant son souci de la séparation des pouvoirs et sa possibilité limitée de donner des informations sur les suites qu'il entendait donner à ces drames dans l'administration.

 

Or, en 2010, dans l’affaire bien connue de Skander Vogt, le conseiller d’Etat Philippe Leuba a commandé une enquête administrative indépendante qui sera finalement prise en charge par l’ancien juge fédéral Claude Rouiller, ceci avant même la fin de l'enquête pénale menée par le ministère public. Les buts de cette enquête étaient d’établir le déroulement exact des faits survenus lors de la nuit du décès de S. Vogt, d'examiner toutes les procédures appliquées ou non par les divers acteurs et actrices, leur conformité aux lois et directives, et si les intervenant·e·s ont pris toutes les mesures préconisées dans les circonstances. Ce précédent de l'État démontre qu'il est tout à fait envisageable de commander des enquêtes administratives pour établir la responsabilité des acteurs et actrices institutionnel·le·s dans des cas où la responsabilité de l'État est impliquée dans des issues tragiques de ce type.

 

En 2022, en réponse à une interpellation d'Hadrien Buclin suite au drame de la mort de Roger Wilhem Nzoy, qui portait entre autres sur la création, au plan cantonal ou fédéral, d’un corps d’enquêtrices et enquêteurs séparé des corps de police cantonal et communaux (inspiré des pratiques de l'Angleterre et du Danemark), le Conseil d'État a répondu que "le nécessaire est fait pour que le Ministère public soit saisi d’une manière ou d’une autre et qu’une enquête disciplinaire soit engagée" et qu'"en outre, les autorités de poursuite pénale ont mis sur pied le Détachement d’investigations spéciales policières (DISPO)"(entité formée en 2020 pour traiter des enquêtes pénales relatives à l’activité policière, pouvant être mise en œuvre par la Division affaires spéciale du Ministère public). J'ai donc l'honneur de poser les questions suivantes :

 

 

1) Comment le Conseil d'État explique-t-il ce nombre élevé de décès suite à des interventions policières dans le Canton de Vaud en relation aux autres Cantons ? 

 

2) Le Conseil d'État peut-il fournir les statistiques existantes depuis 2010 sur l'utilisation des armes à feu par la police dans le Canton de Vaud que celle-ci détient,  les lieux et circonstances de ces utilisations et leurs issues (létales ou non) ?

 

3) Le Conseil d'État peut-il fournir les statistiques existantes du nombre de personnes blessées ou tuées dans le cadre d'interventions policières, couplés à l'origine de ces personnes?

 

4) Le Conseil d'État peut-il renseigner sur le statut des enquêtes liées à ces différents cas (dossiers instruits, abandonnés, ou jugés à la suite de ces cas) ?

 

5) Le Conseil d’Etat a-t-il examiné l'opportunité de solliciter de manière régulière ou systématique des enquêtes administratives, similaires à la démarche réalisée dans le cadre de l'affaire Skander Vogt, afin de documenter au niveau administratifces différents cas, tel que celui de Roger Nzoy que le Ministère Public pense classer?

 

6) Comment le Conseil d'État explique-t-il la différence entre l'affaire de Skander Vogt et celles de Lamin Fatty, Herve Mandundu, Mike Ben Peter ou Roger Nzoy qui justifierait qu'une enquête administrative n'a pas été saisie dans ces différents cas ?

 

7) Le Conseil d'État peut-il fournir un bilan de l'utilisation du DISPO (Détachement d'investigations spéciales policières), dont il a été rendu public que celui-ci a été impliqué dans ces dossiers impliquant des dècès suite à des interventions policières ?

 

Conclusion

Souhaite développer

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Hadrien BuclinEP
Martine GerberVER
Sylvie PodioVER
Alexandre DémétriadèsSOC
Joëlle MinacciEP
Laure JatonSOC
Nathalie VezVER
Yves PaccaudSOC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Mathilde Marendaz (EP) —

Cette interpellation a été développée avec la commission indépendante chargée de faire la lumière sur la mort de Roger Nzoy. Cette commission indépendante était composée d'experts et d'avocats. Il est ressorti dans la presse, en automne dernier, que le Ministère public envisageait de classer la plainte à la suite du décès de Roger Nzoy Wilhelm alors qu'il y a eu utilisation d'une arme à feu avec conséquence mortelle, un événement qui s'inscrit dans un contexte où depuis de nombreuses années le Canton de Vaud détient le record suisse d'affaires d'homicide de citoyennes dans le cadre de ce type d'intervention. Dans ces cas médiatisés, ces personnes étaient toutes afrodescendantes ou racisées, un constat qui interroge au regard des autres cantons et de l'ensemble du pays. Le Conseil d'Etat, dans ces différentes affaires, a régulièrement mis en avant son souci de séparation des pouvoirs comme raison pour laquelle il n'était pas possible de donner suite à ces situations au sein de l'administration.

Dans cette interpellation, nous attirons l'attention sur le fait qu'en 2010, dans l'affaire désormais bien connue de Skander Vogt – un détenu décédé dans un établissement de détention vaudois – le conseiller d'Etat Philippe Leuba avait commandé une enquête administrative indépendante prise en charge par l'ancien juge fédéral Claude Rouiller, avant la fin de l'enquête pénale menée par le Ministère public. Dans ce cas, nous attirons l'attention de l'Etat sur le fait qu'il est tout à fait envisageable de commander ce type d'enquête administrative pour rétablir, en parallèle de l'enquête pénale, la responsabilité des acteurs et actrices institutionnelles impliquées dans ces issues tragiques, afin d’apporter toutes les améliorations possibles dans l'administration.

J'ai donc l'honneur de poser différentes questions au Conseil d'Etat, notamment sur le nombre élevé de décès de personnes afrodescendantes à la suite d’interventions policières dans le Canton de Vaud en relation aux autres cantons, sur les statistiques d'utilisation des armes à feu et sur l'opportunité de solliciter des enquêtes administratives similaires à la démarche réalisée dans le cas de l'affaire Skander Vogt. Nous demandons également un bilan de l'utilisation du Détachement d'investigations spéciales policières (DISPO), dont il a été rendu public que celui-ci a été impliqué dans ces dossiers.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

L’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.

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