22_POS_28 - Postulat Pierre Zwahlen et consorts au nom Groupe vert - En faveur de rénovations, de constructions et de matériaux durables.

Séance du Grand Conseil du mardi 22 août 2023, point 15 de l'ordre du jour

Texte déposé

Des énergies fossiles sont utilisées pour l’extraction des matières premières, pour la fabrication des matériaux de construction (béton, métal), leur transport, puis durant la phase de chantier, notamment pour le gros œuvre. Ces émissions dites « grises » doivent être réduites à zéro au plus tard en 2050 pour respecter le Plan climat du Canton. Il est donc urgent d’agir.

 

Le béton est, à lui seul, responsable de près de 6% des émissions de CO2 en Suisse. L’extraction des matières premières utilisées pour sa fabrication (calcaire, sable, gravier) détériore des sites naturels et paysager de grande valeur, tel que la colline du Mormont. Même s’il paraît irréaliste de renoncer complètement au béton, il est indispen­sable d’en limiter l’utilisation et d’encourager l’utilisation de matériaux de construction alternatifs, naturels, durables et locaux, tel que le bois, le béton de chanvre ou la terre crue.

 

Pour ce qui est de l’isolation thermique, Il existe maintenant des matériaux biosourcés très performants, à base de bois, de papier recyclé, de chanvre, lin, laine ou paille. Il s’agit de ressources renouvelables, avec des émissions de gaz à effet de serre très faibles, parfois négatives, facilement recyclables voire compostables. Il n’y a donc plus de raison de recourir aux isolants synthétiques (polystyrène, polyuréthane), fabriqués à base de pétrole, ou aux isolants minéraux très énergivores (laines de roche ou de verre).

 

De manière générale, il faut inciter à la sobriété énergétique, sur tout le cycle de vie des bâtiments et infrastructures. Nous nous sommes habitués à démolir l’ancien et à con­struire du neuf, en produisant des déchets qui sont ensuite transportés par camion vers des centres de tri et recyclage des déchets de chantier ou dans des décharges aux quatre coins du canton. Pour le climat et l’environnement, il est nécessaire de changer de paradigme, en favorisant la rénovation et la réaffectation. Si une démolition s’impose, il faut réemployer au maximum les éléments et matières constructives, subsidiairement les recycler.

 

Dans le cadre de la révision de la loi sur l’aménagement du territoire et les constructions (LATC) ou celle du plan directeur cantonal, les cosignataires de ce postulat invitent le Conseil d’Etat à étudier l’opportunité de définir une stratégie pour réduire l’impact écologique et énergétique de la construction, par les mesures suivantes en particulier:

  1. Minimiser l’em­preinte environnementale lors des nouvelles constructions, notamment
    - en exigeant des maîtres d’ouvrages un écobilan,
    - en définissant des indicateurs écologiques et/ou des seuils de « budget carbone » en kgCO2/m2 pour les bâti­ments, à la construction voire sur leur cycle de vie (par exemple dans la révision prochaine de la loi sur l’énergie)
    - en intégrant des critères pour réduire l’empreinte carbone ou environnementale dans le cadre des marchés publics (appel d’offres publics, procédure ouverte, sur invitation ou en gré à gré) ou des concours                                                                                                   - 
    en privilégiant les bâtiments adaptés aux besoins des habitants/­usagers futurs, sans les surdimensionner.
  2. Favoriser les rénovations ou transformations plutôt que les démolitions, par exemple en agissant au niveau du plan de gestion des carrières et celui des déchets, ou en définissant des droits à bâtir plus bas que la construction existante dans les zones et quartiers non destinés à une densification, pour inciter à conserver le volume existant.
  3. Limiter les excavations et gros œuvre qui sont particulièrement énergivores et se font au détriment de la pleine terre, par exemple
    - en diminuant le nombre de places de parc pour voitures et deux-roues motorisés autorisées par logement,
    - en abrogeant la possibilité de dérogation aux limites pour les constructions souterraines.
  4. Prévoir un bonus de droits à bâtir pour les projets de rénovation ou de construction exemplaires, selon des critères à définir.
  5. Permettre aux communes d’adopter des règlementations plus exigeantes en faveur de constructions ou rénovations durables.
  6. Affirmer l’exemplarité de l’Etat pour ses propres constructions ainsi que celles des entités proches (CHUV, Unil, ECA, etc.), en appliquant des principes de neutralité carbone, notamment :                                                                                                                      - privilégier la rénovation à la démolition et à la reconstruction ;                                           -- veiller systématiquement au réemploi des matériaux de construction ;                       -- mener une politique active en matière de recyclage des déchets de chantier ;               - favoriser, aussi bien en cas de rénovation que lors de nouvelles constructions, les matériaux naturels, durables et locaux.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Léonard Studer
Pierre FonjallazVER
Céline MisiegoEP
Claude-Alain GebhardV'L
Maurice Mischler
Felix StürnerVER
Jean-Marc Nicolet
Sabine Glauser KrugVER
Blaise VionnetV'L
Jérôme ChristenLIBRE
Muriel ThalmannSOC
David RaedlerVER
Jean-Christophe BirchlerV'L
Philippe VuilleminPLR
Elodie LopezEP
Hadrien BuclinEP
Salvatore GuarnaSOC
Didier LohriVER
Valérie InduniSOC
Taraneh AminianEP
Yannick MauryVER
Anne-Sophie BetschartSOC
Nathalie JaccardVER
Graziella SchallerV'L
Julien EggenbergerSOC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Alberto Mocchi (VER) — Rapporteur-trice de majorité

La commission s’est réunie le jeudi 10 novembre et le vendredi 9 décembre 2022, à la Salle de la Cité, en présence notamment de M. le conseiller d’Etat Vassilis Venizelos. Je remercie MM. Cédric Aeschlimann et Yvan Cornu qui ont assuré le secrétariat de la commission et qui ont pris les notes de séance qui m’ont permis de rédiger ce rapport.

Nous avons tout d’abord écouté le postulant. Selon lui, s’il est irréaliste de vouloir renoncer complètement au béton ou au ciment, il est nécessaire d’en limiter l’usage et donc d’encourager l’utilisation de matériaux de construction alternatifs, à l’exemple du bois, du béton de chanvre ou de la terre crue.

Le postulat de M. Zwahlen demande d’examiner l’opportunité de définir une stratégie pour réduire l’impact énergétique et environnemental de la construction avec six mesures rappelées brièvement :

  1. minimiser l’empreinte environnementale lors de nouvelles constructions ;
  2. favoriser les rénovations ou transformations plutôt que les démolitions ;
  3. limiter les excavations et gros œuvres, qui sont particulièrement énergivores et se font au détriment de la pleine terre ;
  4. prévoir un bonus de droits à bâtir pour les projets de rénovation ou de construction exemplaires ;
  5. permettre aux communes d’adopter des réglementations plus exigeantes, en faveur de constructions ou rénovations durables ;
  6. affirmer l’exemplarité de l’Etat pour ses propres constructions ainsi que celles des entités proches, en appliquant des principes de neutralité carbone.

M. le conseiller de l’Etat a indiqué que ce postulat s’inscrivait dans les annonces du Programme de législature du Conseil d’Etat, ainsi que dans des actions réalisées ou en cours de réalisation. Le secteur de la construction est celui qui consomme le plus de matières premières et produit la plus grande quantité de déchets. Les préoccupations de ce postulat concernent plusieurs textes législatifs qui seront révisés prochainement, comme la Loi sur la gestion des déchets, la planification directrice et La loi sur l’énergie. Il s’agira d’intégrer la notion d’économie circulaire et de prendre en compte la finitude des ressources.

Les propositions de ce postulat vont dans le bon sens, mais nécessitent quelques nuances et commentaires, en particulier en matière d’aménagement du territoire et de la Loi sur l’aménagement du territoire et des constructions (LATC). M. le conseiller d’Etat a souligné la difficulté de l’unité de la matière, avec pour point commun entre toutes les propositions l’économie circulaire dans la construction. Cet objet impacte divers départements, comme le Département de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité, mais nécessite aussi une coordination avec le Département de l’économie, de l’innovation, de l’emploi et du patrimoine et le Département des institutions, du territoire et du sport.

Lors de la discussion, une majorité de la commission a estimé que ce postulat est dense et propose une réflexion intégrée. Les enjeux autour du bâtiment sont centraux dans les réflexions quant au dérèglement climatique et aux émissions de CO2. Le canton est en retard sur la question des matériaux, avec une dépendance au béton encore considérable. Les commissaires en question ont souligné la nécessité de diminuer la production de béton qui génère une quantité d’émissions de CO2 importante. Pour atteindre cet objectif, l’économie circulaire des matériaux est importante. Ce postulat ouvre de nombreuses voies et les députés en question trouvent pertinent d’avoir une vision globale avec des réponses transversales ; pour ces questions générales et de société, ils ne considèrent pas favorablement le fait de répondre de manière sectorielle, avec chaque fois un postulat différent.

L’examen point par point du postulat a donné lieu à quelques questions et demandes de précision, ainsi qu’à des remarques et avis personnels émanant de différents commissaires. Si certains points peuvent s’avérer compliqués à mettre en œuvre, en l’état, il a été rappelé qu’il s’agit d’un postulat donnant toute latitude au Conseil d’Etat de répondre en nuançant certaines propositions. C’est par exemple le cas des bonus pour le droit à bâtir ou encore pour ce qui concerne les incitations à favoriser les rénovations plutôt que les démolitions ou reconstructions. Si une partie de la commission ne soutient pas ce postulat, car elle doute de la faisabilité de certaines des propositions et estime que le Programme de législature 2022-2027 du Conseil d’Etat apporte déjà un grand nombre de réponses aux questions posées dans ce texte, une majorité des commissaires a souhaité le soutenir. Cette majorité estime que le postulat invite le Conseil d’Etat à entamer une réflexion globale sur l’impact de la construction sur l’environnement et l’incite à définir une stratégie pour réduire l’impact écologique et énergétique des constructions partout où cela est possible ; c’est indispensable à l’heure de l’urgence climatique et de l’épuisement des ressources.

Lors du vote, la Commission thématique de l’environnement et de l’énergie recommande au Grand Conseil, par 8 voix contre 7, de prendre ce postulat en considération et de le renvoyer au Conseil d’Etat.

M. Grégory Bovay (PLR) — Rapporteur-trice de minorité

En préambule, je remercie M. le conseiller d’Etat et ses services pour leurs réponses, ainsi que M. Aeschlimann, secrétaire de commission, pour la qualité de son travail. Je ne vais pas revenir sur les éléments généraux déjà mentionnés par mon collègue rapporteur de la majorité, M. Mocchi, mais vous présenter la position des commissaires de minorité. Ces derniers retiennent que le postulat s’inscrit dans les annonces du Programme de législature du Conseil d’Etat. Ainsi, comme cela a déjà été dit, la mesure 2.9 intitulée « Assurer une croissance économique durable (direction zéro carbone net) » et sa déclinaison dans l’action « Devenir un canton pionnier de l’économie circulaire des matériaux ; intégrer la finitude des ressources dans les différentes planifications et politiques publiques; intégrer une stratégie de réemploi, de réutilisation et de recyclage des matériaux dans les gestions cantonales des déchets et d’approvisionnement en matières premières » répondent déjà favorablement au postulat, ce qui a par ailleurs été relevé par le postulant lui-même et accueilli avec joie.

Sachant que le postulat a été déposé plus de six mois avant la publication du Programme de législature, la minorité estime que ce texte n’a plus lieu d’être et qu’il est superflu de demander au département de produire un nouveau rapport sur tous ces points. Si certaines préoccupations de ce postulat peuvent être partagées par certains commissaires de la minorité, force est de constater que le postulat pose des problèmes qui concernent l’unité de la matière. En effet, le texte touche différents domaines et demande des modifications législatives qui concernent plusieurs textes qui doivent être révisés prochainement. Je pense notamment à la Loi sur la gestion des déchets et la planification directrice sur les déchets et les carrières, ainsi qu’à la Loi sur l’énergie.

Par ailleurs, le postulat fait fi des efforts conséquents du canton en matière d’exemplarité dans le domaine des bâtiments. Le canton a pourtant été actif ces dernières années et a intégré un certain nombre d’indicateurs lui permettant de garantir la prise en compte de ces préoccupations. Enfin, certaines mesures proposées vont trop loin, voire ne correspondent pas du tout aux positions de la minorité de la commission. Par exemple, au point 2 « Favoriser les rénovations ou transformations plutôt que les démolitions », des commissaires se demandent ce que signifie le terme « transformer ». En effet, pour la minorité, cela nécessiterait une étude au cas par cas. Une grande partie du territoire est occupée par des constructions de type individuel sur un terrain donné. Lorsque la zone doit être densifiée, la plupart du temps, le bâtiment existant ne peut pas être maintenu si l’on veut mieux utiliser l’espace. En ville, les problématiques sont encore différentes. En cela, il serait délicat de tout détailler dans une réponse à un seul postulat.

Le postulat demande aussi d’agir au niveau du plan de gestion des carrières et la minorité s’inquiète que cela revienne à sabrer un certain nombre de sites du Plan directeur des carrières et gravières. Si c’était le cas, ce serait en contradiction avec les propositions du point 1, soit minimiser l’empreinte environnementale lors de nouvelles constructions positives ; cela devrait faire l’objet d’un postulat en lui-même. En effet, intégrer un critère pour réduire l’empreinte carbone ou environnementale, dans le cadre des marchés publics, signifie s’approvisionner au niveau local pour les matériaux et minéraux. A cet égard, la minorité de la commission rappelle que le métro m3 ne sera pas construit en paille !

Au point 3 « Limiter les excavations et gros œuvres qui sont particulièrement énergivores et se font au détriment de la pleine terre », quelques commissaires craignent que l’adoption de ce point ne pose des problèmes d’application dans l’ensemble du canton, du fait du besoin de certaines communes peu ou mal desservies par les transports publics de se doter des places de stationnement nécessaires. Par ailleurs, les communes sont satisfaites lorsque des parkings souterrains sont construits, car il y a alors très peu d’impact paysager des véhicules à la surface dans un village. Les normes VSS sont par ailleurs faciles à appliquer, en ville, mais bien plus compliquées dans les petites communes.

Enfin, la mesure 4 prévoit un bonus de droit à bâtir pour les projets de rénovation ou de construction exemplaires, selon des critères à définir. Or, les bonus de droit à bâtir sont difficiles à mettre en œuvre et ont souvent un effet inverse à celui recherché, ce système d’indication n’aboutissant pas à une utilisation rationnelle du sol. Ce système de bonus semble contraire à l’esprit de la LAT.

En conclusion, au vu de ce qui précède et en cherchant à établir un « plan de législature bis », la minorité de la commission, par 8 voix contre 7, invite le Grand Conseil à classer ce postulat.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Avant de donner la parole au postulant, je tiens à vous dire qu’il y a actuellement un petit problème avec SIEL. Des efforts sont entrepris par la Direction générale du numérique et des systèmes d’information (DGNSI) pour régler ce problème le plus rapidement possible. Il ne faut donc pas vous inquiéter si vous rencontrez des problèmes ; ils ne sont pas imputables à votre ordinateur, mais c’est plutôt un problème général.

La discussion est ouverte.

M. Pierre Zwahlen (VER) —

Le rapporteur de majorité a souligné les points essentiels en faveur du postulat et je l’en remercie vivement. Le rapport de minorité, de son côté, utilise une argumentation curieuse qui pourrait bien se retourner contre son auteur. Car c’est bien parce que plusieurs textes législatifs seront révisés prochainement que ce postulat en faveur de matériaux durables prend tout son sens et arrive au bon moment. Après le dépôt du postulat, au printemps 2022, je me suis évidemment réjoui des intentions du nouveau Conseil d’Etat dans son Programme de législature ou dans son récent contre-projet à l’initiative « Sauvons le Mormont ». L’économie circulaire est une ambition de ce gouvernement à la hauteur des enjeux du climat et de la durabilité. Mais comment réaliser cette ambition ? Le postulat propose plusieurs voies qui seront sans doute précisées dans la future planification directrice sur les déchets et les carrières, dans la Loi sur l’énergie – après la phase de consultation qui a été ouverte hier – ou dans celle sur la gestion des déchets révisée.

En commission, l’ex-directeur général du territoire et du logement a déclaré trouver les pistes intéressantes. S’il a émis des réserves sur les bonus de droits à bâtir, il a signalé que le Conseil d’Etat apportera les précisions nécessaires dans sa réponse au postulat – ce qui est bien naturel. Les responsables économiques sont toujours plus conscientes et conscients de la préservation nécessaire des ressources comme des matières premières et j’en veux pour preuve le numéro hors-série de la Fédération vaudoise des entrepreneurs (FVE) de ce printemps. Bois, papier ou béton recyclé, chanvre, paille, laine ou lin : favorisons des matériaux renouvelables qui émettent de faibles gaz à effet de serre. En transmettant ce postulat au gouvernement, le Grand Conseil marque son soutien à la volonté, réaffirmée, du Conseil d’Etat de mieux réemployer, réparer, recycler, en construisant et rénovant. Je vous remercie de soutenir le rapport de majorité qui concrétise l’ambition de nos ministres.

M. Oscar Cherbuin (V'L) —

Je vais tenter de rester sobre dans ma prise de position et éviter d’entrer dans un débat gauche-droite. Je précise qu’en qualité d’ancien directeur de l’Association régionale Cossonay-Aubonne-Morges (ARCAM), et en relation avec ma formation d’ingénieur, j’ai été impliqué dans le projet de la Gravière des Délices, à Apples, qui a mis en œuvre le transfert modal rail-route du gravier. Tout d’abord, je voudrais préciser que je suis globalement sensible et ouvert aux préoccupations relatées par le postulant. Diminuer l’impact CO2 de la construction n’est pas une option, mais une nécessité, si l’on veut atteindre les objectifs ambitieux que le Conseil d’Etat s’est fixés dans son Programme de législature. D’ailleurs, si j’avais été invité à me positionner sur ce postulat en 2022, lors de son dépôt et avant le début de la nouvelle législature, je l’aurais certainement soutenu vigoureusement. Cependant, je constate que ce postulat n’est pas assez précis quant à ses propositions : il reste très global et ne demande pas une adaptation d’un article d’une loi en particulier. Alors, mettez-vous à la place du Conseil d’Etat et de l’administration et imaginez quelles seraient les réponses à apporter à ce postulat. Cela reviendrait à proposer les mesures déjà inscrites dans le Programme de législature 2022-2027 – que nous n’avons d’ailleurs pas voté – et à commenter les nombreuses évolutions proposées dans les révisions des lois à venir que nous allons discuter âprement entre nous. Ainsi, accepter un postulat qui induit du travail pour l’administration, puis ensuite au plénum, au détriment des demandes courantes et de l’avancement même de ces dossiers, ne me semble pas très heureux. J’aurais accepté ce texte en tant que résolution, car elle n’aurait pas impliqué un travail administratif pour la rédaction d’un rapport. Dès lors, au nom de la sobriété parlementaire, je ne vais pas soutenir ce postulat. Par contre, je me mets volontiers à disposition du postulant s’il souhaite aborder un point ou l’autre de manière plus précise, sous la forme, par exemple, d’une motion pour un objet déterminé. N’est-ce pas là notre finalité de députés ?

M. Yvan Pahud (UDC) —

Tout d’abord, je déclare mes intérêts : je suis président de la « filière bois » du Grand Conseil et président de Lignum Vaud, et donc un ardent défenseur du bois, ce matériau renouvelable de construction. Je suis aussi membre du comité du groupe « Graviers et déchets minéraux » du Grand Conseil.

Il me semble fallacieux d’opposer le bois au béton, d’opposer certains matériaux à d’autres. En ce qui concerne le bois et le béton, le combat est le même, parce que, d’un côté, on s’oppose au béton sous couvert d’une décroissance, parce que l’on veut moins bâtir et que, d’un autre côté, on veut limiter l’extraction de graviers et des matériaux qui entrent dans la fabrication du béton et qui sont utiles à la construction. Je précise que l’on ne va pas construire un tunnel pour une troisième voie CFF entre Lausanne et Genève ou poursuivre la construction du m3 avec de la paille ou avec du bois. Je suis un fervent défenseur du bois, mais celui-ci doit être utilisé au bon endroit. On ne va pas enfouir du bois dans des fondations qui sont au contact avec de l’humidité. Les matériaux sont complémentaires – au même titre que l’acier – il ne faut donc pas les opposer les uns aux autres.

A cet égard, je regrette que, pour son dépôt, mon collègue ait choisi un titre qui est déjà polémique. Tous les matériaux doivent être utilisés. Dans le canton de Vaud, nous avons du béton local. Je répète que les matériaux pour sa fabrication sont extraits de carrières difficiles à maintenir en place et qu’en plus, nous avons de grosses difficultés à en ouvrir de nouvelles. Finalement, c’est la même chose pour le bois : on prévoit 440 hectares de parc urbain dans le Jorat et l’on va se passer de plusieurs dizaines de milliers de mètres cubes de bois local pour la construction. D’un côté, vous voulez favoriser les constructions en bois, mais de l’autre côté, vous nous enlevez le potentiel pour construire avec du bois local.

Mon dernier argument a été évoqué par le président de la minorité : ce postulat touche à différents projets de loi qui sont en cours de révision. Hier, nous avons pu prendre connaissance de la Loi sur l’énergie. Dans certains articles, j’ai pu lire que le bois est en concurrence avec le béton. Je le répète, cela est faux. Plusieurs articles de cette Loi sur l’énergie devront être revus. Enfin, ce postulat touche aussi la Loi sur les déchets. En l’état, ce postulat ne me paraît pas sensé et je vous prie de refuser sa prise en considération, comme le recommande le rapport de la minorité de la commission.

Mme Mathilde Marendaz (EP) —

En somme, on pourrait résumer les critiques du rapport de minorité de la manière suivante : « Pourquoi faire mieux, on en fait déjà un petit peu ? » Le Programme de législature a le souhait d’agir sur le sujet et c’est louable, mais on manque d’une stratégie concrète, de pistes d’action concrètes. Ce postulat n’est pas qu’un souhait – je ne rejoins pas le terme employé par M. Cherbuin ; il amène des pistes concrètes. Comme disait M. Buffat tout à l’heure, gouverner, c’est prévoir. Nous devons prévoir des pistes d’actions concrètes et une stratégie.

Par ailleurs, il est normal que ce postulat – qui reste non contraignant – aborde plusieurs thématiques. Cela peut sembler un peu fourre-tout, mais nous avons une réelle dépendance au béton, qui est le matériau le plus rentable, et cela impose de penser une stratégie, des réflexions et des actions globales. C’est là que réside l’unité de la matière. Notre dépendance au béton en tant que matière unique justifie d’en faire une unité de la matière. Le béton est responsable de 8 % des émissions mondiales de CO2.

Monsieur Pahud, votre discours « il faut de tout pour faire un monde » n’a pas l’air de prendre tout cela en compte. On parle tout de même de l’industrie la plus polluante sur le territoire suisse, alors que les émissions mondiales du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) sont de plus de 39 % ! Tout le monde est d’accord qu’on ne va pas construire le nouveau métro avec de la paille, mais il y a de nombreux autres secteurs sur lesquels on peut agir. Ce postulat serait une autre étape de la nécessaire transition dans le domaine de la construction. Nous devons avoir une politique volontariste pour faire cette transition et c’est aussi ce que j’ai voulu amener ce matin avec mon postulat, qui se veut complémentaire, sur le coût environnemental et climatique du béton.

Pour finir, avec notre groupe, nous insistons sur l’importance de développer un fonds de transition des métiers de la construction pour soutenir les reconversions professionnelles vers des secteurs écologiques de la construction. Néanmoins – il faut tout de même le rappeler, parce que cela ne figure pas dans certains discours – s’il est bon de faire mieux quand on fait déjà un petit peu, c’est parce que les émissions mondiales augmentent et parce que le Plan climat cantonal actuel ne permet de réduire que d’un huitième les émissions que nous devons réduire pour 2030. Nous devons montrer l’exemple, parce que notre Constitution nous l’impose.

M. Pierre-André Romanens (PLR) —

Voilà un vaste sujet. On entame déjà le grand débat sur les matériaux de construction. La cible ? Le béton. Je déclare mes intérêts : je suis entrepreneur dans le domaine de la construction. S’il y a 40 ans, on trouvait que j’avais un métier fort sympathique, aujourd’hui, ça a bien changé : je n’ose presque plus dire ce que je fais lorsque je suis en public.

Ce procès du béton est complètement à côté de la plaque : la Suisse, ce n’est pas le Brésil. On est un petit pays avec, juste de l’autre côté de nos frontières, des producteurs de ciment, de béton et d’acier. Si le béton n’est plus produit chez nous, il sera produit juste à côté de chez nous et ce sera encore pire parce qu’il faudra le transporter. Je crois qu’il faut réfléchir à l’ensemble du processus, car les mêmes questions se posent au niveau européen et c’est donc sur cette échelle qu’il faudra travailler. En effet, si nous travaillons seulement à l’échelle vaudoise – même si c’est bien, en termes d’exemplarité – cela nous coûtera beaucoup d’énergie et beaucoup d’efforts, mais cela ne résoudra pas grand-chose, parce que les frontières autour de chez nous sont très proches.

Maintenant, il faut reconnaître que ce postulat est d’actualité. Il touche des sujets sensibles, mais il a tellement de facettes que c’est un « fourre-tout ». D’ailleurs, ce postulat a réussi le tour de force de rassembler trois départements et quatre chefs de service au sein d’une même commission – ce n’est pas mal ! A la décharge du postulant, son texte a été déposé avant la publication du Programme de législature 2022-2027 qui contient déjà beaucoup d’éléments de réponse.

Je voudrais encore mentionner quelques éléments pour motiver la position du groupe PLR qui va soutenir le rapport de minorité à l’unanimité de ses membres. Premièrement, je voudrais rappeler à notre Parlement – du moins à ceux qui ne le sauraient pas encore – que les architectes, les ingénieurs et les entreprises de construction s’inscrivent déjà, depuis plusieurs décennies, dans une démarche volontariste pour changer les méthodes de construction. Ils ne se sont pas réveillés tout d’un coup en 2020 ! Depuis deux décennies au minimum, des recherches ont lieu pour ces travaux. Depuis longtemps déjà, les fédérations et les associations concernées par la construction dispensent un grand nombre de formations et de conférences allant dans ce sens. Par ailleurs, nous allons très prochainement débattre, dans ce plénum, pour modifier certaines lois. On a parlé de la Loi sur les déchets, de la Loi sur l’énergie et d’autres textes encore qui ont été déposés et vont toujours dans le même sens.

Enfin, à titre plus personnel, je me méfie des slogans. En politique, il est toujours dangereux de lancer des slogans : c’est assez populaire, mais ça s’arrête là. Vous voulez limiter l’excavation afin de protéger la pleine terre, je veux bien. Mais comme cela a été dit, toute construction a un impact : pour une piste cyclable, on touche à la pleine terre, comme pour un tram, une école et, bien sûr, des habitations. Aujourd’hui, tout le monde ne le sait peut-être pas, mais les règlements communaux sont en train d’être modifiés, parce que l’on veut 40 à 50 % de pleine terre dans chaque parcelle constructible. Près la moitié du terrain constructible devient de la pleine terre. Il ne suffit pas de construire un bâtiment de 2 ou 3 étages, ce qui est souvent autorisé dans notre canton – dès qu’on monte en dessus de 3 étages, cela devient beaucoup plus compliqué – mais en plus les accès et les parkings sont considérés comme une emprise sur la pleine terre. Je répète encore une fois qu’à peu près la moitié de la parcelle doit être laissée en pleine terre, donc dépourvue de toute construction.

Transformer et restaurer plutôt que déconstruire, oui et j’ai donné l’exemple, il y a quelques mois, à La Suettaz à Nyon. Le choix a été de déconstruire ce bâtiment dans son ensemble, parce que c’était beaucoup plus compliqué et beaucoup plus coûteux de le restaurer et au niveau environnemental, c’était aussi beaucoup plus lourd. On le voit, les slogans, c’est bien, mais derrière, il y a toute une réalité. Il faudra être chaque fois très précis. Cela a été dit, il y a encore beaucoup d’énergie à consacrer aux lois qui vont être modifiées. Chaque fois, nous obtiendrons des réponses aux questions posées dans ce postulat. Pour toutes ces raisons, le PLR soutiendra le rapport de la minorité.

Mme Aude Billard (SOC) —

Le groupe socialiste soutient pleinement et unanimement la prise en considération de ce postulat. Les questions qu’il pose sont, à notre sens, cruciales pour la transition énergétique. Nous sommes particulièrement sensibles au fait que le postulat traite des émissions grises de CO2. Ces émissions sont souvent oubliées dans nos calculs d’émissions de CO2 et dans toutes nos discussions en plénum. Il est vrai que plusieurs des idées sont déjà prises en compte dans la nouvelle Loi sur l’énergie et d’autres projets en cours. Cependant, il nous paraît utile que le Conseil d’Etat se positionne explicitement, dans un rapport, sur les nombreuses questions posées par le postulant. En ce sens, nous rejoignons Mme Marendaz sur les propositions concrètes qu’elle souhaite comme nous lire dans cette réponse au postulat. Il nous paraît utile et nécessaire d’établir une liste des indicateurs et des métriques que le Conseil d’Etat entend utiliser pour mesurer la progression des efforts pour diminuer les émissions grises de CO2 dans la construction, et en particulier dans toutes les constructions de l’Etat. En ce sens, nous suivons entièrement le postulant dans son souhait d’affirmer l’exemplarité de l’Etat et nous aimerions inviter le Conseil d’Etat à procéder à un écobilan complet de toutes les constructions qu’il fait, en particulier des émissions grises, et définir des indicateurs écologiques ou des seuils de budget carbone pour les bâtiments que nous construisons.

Il y a aussi un autre aspect que nous plébiscitons : l’idée de privilégier des méthodes de réaffectation des matériaux lors de nouvelles constructions. Nous souhaiterions beaucoup connaître les intentions du Conseil d’Etat dans ce domaine. C’est une problématique difficile, car elle relève presque du domaine de la recherche. Elle demande à la fois de savoir quels matériaux existent dans les bâtiments qui sont à détruire et ensuite de modéliser mathématiquement, de manière aussi fiable que possible, la manière de les réutiliser et de les réaffecter dans de nouvelles constructions. Dans notre canton, à l’EPFL en particulier – et je déclare mes intérêts, même si ce n’est pas un intérêt direct, je travaille dans cette institution, mais je ne travaille pas dans ce domaine – plusieurs laboratoires ont ces compétences et pourraient venir en soutien à des développements intéressants. Nous ne partageons donc pas la vision de la minorité de ne pas répondre à ce postulat et nous vous invitons à soutenir la demande de prendre ce postulat en considération et de lui donner une réponse explicite.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Avant de passer la parole au prochain député, je voulais vous tenir au courant de l’évolution de la situation informatique. Un problème se pose dans l’identification de vos ordinateurs pour se connecter au réseau Internet « Parlement VD ». Il n’y a pas de problème avec l’utilisation de SIEL, mais y accéder est problématique. Il faut simplement passer sur le réseau Wi-Fi « VD public » qui vous permettra ensuite d’accéder à Internet. Pour celles et ceux qui utilisent leur téléphone portable, n’utilisez pas le réseau « Parlement VD », car c’est ce serveur censé reconnaître les demandes de connexion à Internet qui a sauté. Il ne peut donc plus vous donner accès à Internet si vous êtes sur le Wi-Fi « Parlement VD ». Ce n’est pas le Wi-Fi du Parlement qui est problématique, mais l’accès à la reconnaissance des utilisateurs.

M. Jacques-André Haury (V'L) —

Le présent postulat a été déposé au printemps 2022. Six mois plus tard, avec l’appui massif de ceux qui, aujourd’hui, défendent ce postulat, le Grand Conseil a voté un crédit pour les 1000 m3 de béton, verre et métal du Bâtiment des sciences de la vie de l’Université. J’aime beaucoup les gens qui font des postulats pour de grands principes, mais j’aime aussi que ces grands principes soient ensuite appliqués concrètement ; dans le cas particulier, je crois que ceux qui soutiennent le postulat ont manqué une belle occasion d'en soutenir l'objectif.

M. Georges Zünd (PLR) —

Je déclare mes intérêts : je suis directeur sortant de la Fédération vaudoise des entrepreneurs (FVE). Je dois avouer que je commence à en avoir marre des donneurs de leçons de tous bords, car ici, l’argent est quand même le nerf de la guerre. Je vous donne un exemple : pour des raisons financières, une association scolaire de notre beau canton a attribué le mandat pour le gros œuvre à une entreprise fribourgeoise, pour une différence de 17’000 francs, soit 0,5 % sur 3,6 millions. Vive les circuits courts, vive le développement durable ! Merci de votre attention et de classer ce postulat.

M. Laurent Balsiger (SOC) —

Tout d’abord, oui à l’unité de la matière. Cela est d’ailleurs bien mentionné dans le titre, puisqu’il concerne la durabilité dans la construction, soit un problème bien réel. J’en veux pour preuve le travail de master de Klaus Müller, de l’Université de Zurich, qui a montré que 59 % des émissions de CO2 d’un immeuble collectif suisse, en moyenne, sont imputables à la phase de construction. En gros, la phase de construction est celle qui utilise le plus d’énergie. Comme cela a été dit tout à l’heure, cette phase n’est souvent pas comptabilisée, parce que les matériaux viennent de l’étranger. Pour l’illustrer, selon son bilan des émissions de gaz à effet de serre, le canton de Vaud a estimé qu’à peu près 6 % de notre production de CO2 concernait simplement la consommation de biens et services importés liés à la construction. C’est énorme : l’importation de matériaux de construction étrangers concerne 6 % de notre production de CO2. Ce projet de postulat est bien évidemment parfaitement en lien avec le Programme de législature du Conseil d’Etat qui veut faire de notre canton un canton pionnier dans l’économie circulaire des matériaux.

Enfin, je suis un peu surpris de la réaction de certains préopinants qui voient dans ce postulat une guerre contre le béton. Personnellement, plutôt qu’une guerre contre le béton, j’y vois une motivation et un appel fort à utiliser le bon matériau au bon moment. Il s’agit d’être adéquat dans les méthodes et les matériaux utilisés. Je crois qu’il est important de donner les bons outils pour faire les bons choix, aux milieux de la construction, aux propriétaires et aux collectivités publiques qui doivent faire ces choix. En résumé, la problématique de l’impact du milieu de la construction est importante et bien réelle. Il reste beaucoup à faire ; je vous invite donc à soutenir ce postulat.

M. Laurent Miéville (V'L) —

On me signale que « Parlement VD » fonctionne à nouveau.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Monsieur le président, vos propos sur les connexions ont été salvateurs, puisque nous pouvons à nouveau nous connecter à SIEL. En préparant mon intervention, je me disais que, s’agissant du développement durable, si un de nos collègues déposait un texte pour demander un système informatique enfin fiable, je l’appuierais très volontiers. A force de pannes et d’avaries diverses, nous allons finir par tout imprimer à nouveau pour être sûrs de pouvoir travailler correctement. Je pense qu’il y aurait peut-être aussi un petit effort à faire du côté de nos propres outils de travail.

S’agissant du texte qui nous est proposé, c’est un postulat qui en regroupe en tout cas 7 ou 8, si on lit les différentes pistes évoquées. Je pense que c’est problématique et je me demande d’ailleurs pourquoi le Bureau a laissé passer ce texte à l’époque, mais on ne refait pas l’histoire. Il y a manifestement un problème d’unité de matière qui aurait dû inciter le Bureau à inviter le postulant à déposer 7 postulats plutôt qu’un seul.

Dans les différentes propositions qui nous sont faites, il y a premièrement la question du retraitement des déchets de chantier et de matériaux de construction. Il se trouve que j’étais présent à l’inauguration d’une installation, à Vufflens-la-Ville, qui retraite d’anciens bétons. Lors de cette inauguration – c’était à l’époque de l’ancienne législature – il n’y avait pas un seul représentant du Conseil d’Etat. C’est vous dire l’importance assez relative que portent les autorités politiques à ce type d’installations, pourtant précisément dans la cible de ce qu’on nous propose aujourd’hui. Deuxièmement, en ce qui concerne la question du bonus, j’aimerais vous rappeler que deux bonus existent déjà : le bonus énergétique et le bonus lié à la construction de logements d’utilité publique (LUP). Finalement, on nous propose un troisième bonus, alors j’ai envie de dire : « Trop de bonus tuent les bonus. » C’est encore un postulat qui mériterait d’être étudié pour lui-même.

La vraie question a été soulevée par notre collègue Georges Zünd : comment va-t-on financer tout cela ? C’est vrai et tout le monde l’a dit : aujourd’hui, dans la construction, techniquement on peut tout faire. Il y a suffisamment de bois, de matériaux, de filières, de béton. Finalement, la grande question qui se pose concerne l’applicabilité des méthodes et le coût de construction lui-même – pas seulement le coût du matériau. J’entends souvent dire « Ce n’est pas plus cher. » Ce n’est pas seulement le matériau en lui-même qui est coûteux, mais encore la façon dont on va l’appliquer dans la construction. Si le postulat devait être accepté, j’inviterais le Conseil d’Etat à réfléchir à la problématique des moyens de financement. Entre des constructions avec un squelette en béton ou des constructions avec des matériaux mixtes, le prix du mètre cube – et donc le coût du loyer pour le locataire qui entrera dans cet appartement – n’est pas du tout le même. Globalement, nous savons très bien que c’est là que ça coince.

Il me semble que nous serions bien inspirés de laisser le Conseil d’Etat faire son travail dans le cadre du Plan climat et de la Loi sur l’énergie. Entamer une espèce de rapport synthétique dans différents domaines – qui sont parfois contradictoires – me paraît être une mission impossible pour le Conseil d’Etat, surtout sans étudier la piste du coût et du financement. En termes de délai, pour des constructions énergétiques ou des améliorations énergétiques de bâtiments, devoir attendre 2 ans pour obtenir un permis de construire est aussi un réel problème. Vous voulez encore ajouter une couche supplémentaire avec un écobilan ? Il faudra attendre 3 ans pour avoir un permis de construire ! Aujourd’hui, si nous voulons aller de l’avant dans l’urgence climatique et rénover des bâtiments, je pense qu’il faut impérativement que nous puissions avoir un système où le permis de construire est délivré dans un délai moyen qui doit se situer entre 1 et 3 ans. A titre indicatif, à Lausanne, ce délai varie entre 1 et 2 ans. Vous imaginez bien que ce n’est pas possible, ce n’est pas tenable et ce n’est pas ainsi que nous résoudrons nos problèmes.

M. Sébastien Humbert (V'L) —

Malheureusement, pour des questions économiques, on observe encore souvent une destruction complète de bâtiments, alors que d’un point de vue écologique – montré par des éco-bilans – il serait plus intéressant de les rénover et de récupérer certains matériaux.

Ce postulat s’inscrit dans une philosophie durable et nous encourage à aller dans la bonne direction, en proposant une riche liste de solutions possibles à mettre en place ou – pour celles qui existent déjà – à développer et encourager. Pour cela, il faut commencer par l’approche des éco-bilans appliqués au domaine de la construction qui apportent toujours des informations très utiles pour les choix stratégiques en amont de la construction. C’est pour cela que je vous invite à renvoyer ce postulat, qui porte un message positif, au Conseil d’Etat.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Merci pour ce passionnant débat sur une problématique importante. Cela a été rappelé, le Conseil d’Etat a affiché sa volonté d’être un canton pionnier en matière d’économie circulaire et d’économie circulaire des matériaux. Cela a été dit, il est faux de vouloir opposer les différents matériaux de construction. Nous aurons effectivement encore besoin de béton à l’avenir pour différentes constructions, que ce soient des infrastructures en matière de mobilité ou des établissements publics. Toutefois, il faut reconnaître que les matériaux ne sont pas tous égaux et que certains matériaux ont un impact carbone, un impact territorial et un impact énergétique beaucoup moins louable. Cet impact important doit être pris en compte dans les différentes pesées d’intérêts, en plus de l’aspect du prix, comme rappelé par M. Buffat. Tous les matériaux ne sont donc pas égaux. Par contre, les matériaux qui ont été cités ont tous un point commun : ils sont finis. Or, la finitude des ressources fait aussi partie des principes portés par le Conseil d’Etat à travers son Programme de législature qui guide nos différentes réflexions et nos différentes démarches. A travers son Programme de législature, le Conseil d’Etat affiche sa volonté d’être un canton pionnier en matière d’économie circulaire, ce qui va s’accompagner de différentes réformes. Comme vous avez pu le voir hier, un des premiers jalons de cette volonté est la révision de la Loi sur l’énergie. Il y a dans cette loi un article relatif à l’usage durable des matériaux qui parle de réemploi dans la construction. Ce réemploi est encore au stade du balbutiement, mais c’est une approche qui mérite d’être thématisée. Aujourd’hui, il est extrêmement difficile de porter ce genre de stratégie dans la construction, mais il y a une volonté du Conseil d’Etat d’introduire ce type de démarche. D’ailleurs, le Conseil d’Etat viendra aussi à l’avenir avec une révision de la LATC, qui répondra d’ailleurs à une motion votée par ce Grand Conseil pour introduire la nécessité de valoriser et de favoriser des matériaux recyclés.

Nous avons donc besoin de l’ensemble de ces matériaux et il ne faut pas les opposer les uns aux autres. D’ailleurs, le Conseil d’Etat a bien l’intention d’honorer la décision du Tribunal fédéral relative à la Birette, qui a confirmé que le secteur de la Birette pourrait être exploité. Le Conseil d’Etat a évidemment l’intention de respecter cette décision de justice pour faire en sorte que nous continuions à exploiter et à produire du béton sur le territoire vaudois. Néanmoins, dans le même temps, le Conseil d’Etat a aussi affiché sa volonté de présenter un contre-projet ambitieux à l’initiative populaire sur le Mormont, déposée notamment par les Verts. Ce contre-projet visera, dans un premier temps, à inscrire le principe de l’économie circulaire des matériaux dans la Constitution et il contiendra une proposition pour une protection du Mormont, probablement sur le modèle de ce que nous connaissons pour la Venoge dans la Loi sur la protection du paysage.

Bref, tout cela pour dire que le Conseil d’Etat est évidemment conscient de la nécessité de trouver des solutions durables en matière de construction. Cela se traduit, d’une part, par sa volonté d’inscrire ce principe dans la Constitution, mais aussi de présenter des propositions de modifications de lois. J’aurais pu parler de la révision de la Loi sur la gestion des déchets ou de la révision du Plan directeur des carrières qui doit se faire tous les dix ans. Finalement, ce postulat reprend différentes actions et différentes annonces qui ont déjà été portées par le Conseil d’Etat. Même si j’émettrais quelques nuances sur certaines propositions portées par ce postulat, je ne vois pas de contradiction forte entre les propositions formulées et les différentes actions qui sont menées aujourd’hui par le Conseil d’Etat. Nous devons évidemment nous affranchir de l’utilisation de certaines ressources dans certaines situations. Pour reprendre la très bonne expression utilisée par M. Balsiger tout à l’heure, nous devons choisir le bon matériau de construction au bon moment et au bon endroit. Nous aurons besoin de béton dans certaines situations et nous aurons besoin de bois dans d’autres situations. Finalement, c’est en combinant les différents matériaux que nous pourrons répondre aux différents enjeux de société auxquels nous sommes confrontés et construire une véritable économie circulaire des matériaux dans le territoire cantonal.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil refuse la prise en considération du postulat par 70 voix contre 60 et 2 abstentions.

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