23_INT_31 - Interpellation Rebecca Joly au nom Les Vert-e-s vaudois-e-s - Domiciliation fiscale : peut-on jouer ainsi au chat et à la souris ? (Développement).
Séance du Grand Conseil du mardi 14 mars 2023, point 8 de l'ordre du jour
Texte déposé
Lors de l'émission Forum du 3 mars 2023, nous apprenions que la Cheffe du Département des finances et de l'agriculture (DFA) n'avait encore jamais payé ses impôts dans le canton.
Si cette information questionne s'agissant notamment d'une personne qui exprimait un attachement au canton de Vaud depuis plusieurs années lors la dernière campagne électorale cantonale, cet état de fait est d'autant plus problématique au vu du département dont Mme Dittli a la charge aujourd'hui. La situation semble trouble au moins depuis 2016.
En effet, depuis 2016 et jusqu'en 2020, Mme Dittli était engagée comme assistante diplômée à l'Université de Lausanne (Unil). Cette fonction implique non seulement une activité administrative liée à l’organisation et la préparation des cours ainsi qu’à la gestion des étudiant-e-s, mais suppose également que la moitié du temps soit consacré à la rédaction d'une thèse de doctorat. Ces deux activités, rémunérées par l’Unil directement et s’inscrivant dans les tâches académiques y relatives, s’inscrivent dans un contrat de travail qui lie l'assistant-e diplômé-e à l’institution universitaire et supposent un lieu de travail à Lausanne. Une activité professionnelle qui, selon ses déclarations sur Forum, impliquait un taux d’activité de 100%.
En parallèle à ce volet professionnel, les activités politiques de Mme Dittli dans le canton de Vaud, notamment dès 2020 avec la reprise de la présidence du Centre Vaud et en 2021 avec une candidature lors des élections communales à Lausanne, impliquent un investissement extra-professionnel important dans le canton de Vaud, difficilement compatible avec un retour hebdomadaire à Zoug. En outre, ce volet politique suppose aussi un ancrage dans le Canton de Vaud ainsi qu’une intention de s’y établir durablement, en tant que tout-e prétendant-e à un poste exécutif souhaite naturellement y confirmer son engagement pour la communauté au sein de laquelle il ou elle vit.
Tous ces éléments engendrent des soupçons légitimes sur la domiciliation fiscale de Mme Dittli depuis 2016 au moins. Ceci a fortiori considérant que, après les élections communales de 2021, elle a semble-t-il retiré sa domiciliation du Canton de Vaud pour formellement la mettre dans le Canton de Zoug, ceci avant de le rapatrier à nouveau en terres vaudoises en janvier 2022, peu avant l’échéance des candidatures au Conseil d’Etat.
En cas de doute sur l'exactitude de la fiscalisation d'une personne, notamment sur la domiciliation, l'Administration vaudoise peut initier une procédure de rappel d'impôt (art. 207 ss LI) et mener une enquête plus approfondie. Un cas qui n'est pas rare en pratique.
Or, dans le cas qui nous occupe, un conflit d'intérêt pourrait naître dès lors que l'ACI est sous la direction actuelle de Madame Dittli. Cela soulève plusieurs questions que nous avons l'honneur de poser au Conseil d'Etat :
1) Au vu des nouveaux éléments en possession de l'autorité fiscale, est-ce qu'une enquête pour rappel d'impôt va être ouverte pour la période fiscale non prescrite ? Sinon, pour quelle raison ?
2) Au vu du potentiel conflit d'intérêt, est-ce qu'une telle enquête doit être confiée à un tiers ?
3) De manière générale, qui s'occupe de la taxation des Conseillers ou Conseillères d'Etat en exercice ?
De plus, pour la période fiscale 2021, qui est celle qui pose le plus question au vu de la domiciliation politique (certes furtive, mais présente malgré tout) lors des élections communales générales, une question supplémentaire se pose. En effet, l'examen de la situation fiscale 2021 a lieu au mieux au printemps 2022, voire en été ou automne 2022. A ce moment-là, Mme Dittli était déjà en campagne, respectivement élue puis en fonction dans son nouveau rôle de Cheffe du DFA. Nous nous posons donc la question supplémentaire suivante :
4) Quelle est la procédure pour les Conseillers et Conseillères d'Etat élu-e-s mais non encore en fonction ?
5) Si rien n'est prévu, ne serait-il pas judicieux de mettre en place une procédure ?
Conclusion
Souhaite développer
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourA mon tour de développer une interpellation pour laquelle il s’est passé beaucoup de choses entre la date de son dépôt et aujourd’hui. Je crois toutefois que les questions restent d’une grande actualité. En effet, la question de la domiciliation fiscale de nos élus ou élus potentiels intéresse ou du moins interpelle une partie de la population. Comme ma préopinante, je suis ravie que le Conseil d’Etat ait mandaté une expertise fiscale indépendante. Il se pose toujours la question – c’est la première de mon interpellation – de l’étendue de cette expertise. S’agira-t-il d’une expertise en droit ou en fait ? En effet, ici les faits sont questionnés et questionnables, et non seulement le droit. Je pense que ce genre d’« affaire » – puisqu’on l’a appelée ainsi – est toujours une occasion de faire mieux et d’améliorer nos processus. C’est la raison pour laquelle je demande au Conseil d’Etat si les procédures spéciales sont prévues en cas de conflit d’intérêts potentiel. Il s’agit notamment de savoir si l’Administration cantonale des impôts (ACI) devrait enquêter sur sa cheffe, Mme Dittli, mais cela concerne également toute la question de la taxation des conseillers et conseillères d’Etat en exercice, et également des conseillères et conseillers d’Etat qui seraient éventuellement élus, mais non encore en fonction. En effet, au moins pour la période fiscale 2021, la question se pose, puisque les déclarations fiscales 2021 arrivent au printemps 2022 sur la table de l’ACI et à ce moment-là, changement de législature oblige, on se retrouve dans un cas particulier avec des personnes élues, mais pas encore entrées en fonction. Je questionne donc également le Conseil d’Etat sur la possibilité – ou l’opportunité – de mettre en place des procédures spécifiques pour des contribuables également spécifiques.
Retour à l'ordre du jourL’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.