23_LEG_123 - Exposé des motifs et projet de loi sur la réduction de l’impôt cantonal sur le revenu des personnes physiques (1er débat) (Suite des débats).

Séance du Grand Conseil du mardi 3 octobre 2023, point 11 de l'ordre du jour

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Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Suite du premier débat.

Le débat est repris.

M. Pierre Dessemontet (SOC) —

Il m’appartient donc de reprendre ce débat où nous l’avions laissé la semaine passée. Pour tout ce que je vais dire par la suite, j’aimerais que vous gardiez à l’esprit que j’ai parfaitement conscience que nous parlons du canton de Vaud et donc que les termes que je vais peut-être employer pourraient sembler légèrement grandiloquents dans ce contexte. J’en suis conscient, monsieur le président, mais je pense qu’il faut prendre ce moment pour ce qu’il est. En effet, je pense que nous vivons, à l’échelle de notre bien beau canton, un moment historique avec ce projet de décret. En effet, pour la première fois de ce siècle, nous prenons congé de la méthode qui a fait le succès et le redressement de ce canton. Pour la première fois en 25 ans, le gouvernement a décidé de tourner le dos à ce que l’on a appelé, à l’époque, le miracle vaudois.

Au nom d’un consensus, cela mérite d’être qualifié. En effet, la proposition du Conseil d’Etat à 3,5 % – dont nous allons certainement discuter si nous entrons en matière – est donc le résultat d’une négociation – les députés Berthoud et De Benedictis nous l’ont confirmé lors du débat la semaine passée – mais une négociation qui ne s’effectue pas au milieu, avec une solution sensée qui pourrait entraîner une adhésion large au sein de ce Grand Conseil – comme c’était l’usage d’ailleurs depuis le début de ce siècle – mais un compromis entre le gouvernement d’une part et la droite de la Commission des finances et uniquement elle. Je peux en témoigner : nous nous sommes mis à disposition de l’ensemble des protagonistes de ce débat ; nous avons clairement dit que, moyennement des aménagements, nous pourrions entrer en matière sur une somme d’environ 75 millions de francs, ce qui correspondait au projet initial à 2,5 % du Conseil d’Etat. Nous aurons évidemment l’occasion d’y revenir lors du débat sur les articles si nous entrons en matière. La majorité de la Commission des finances n’en a absolument pas voulu. Elle a choisi une voie diamétralement opposée et le Conseil d’Etat donne l’impression d’improviser une réponse en une semaine, une réponse qui va largement dans la direction de la majorité de la Commission des finances. C’est peut-être un compromis, mais ce n’est certainement pas avec nous qu’il s’est fait. C’est à mon sens bien peu vaudois que de se prévaloir d’un compromis en laissant sur le côté plus de 40 % de l’électorat et 43 % des députés.

Vu d’où nous siégeons, l’impression que cela donne est la suivante : une majorité parlementaire se lâche et le gouvernement fait preuve de faiblesse en suivant et en négligeant presque la moitié de ce Parlement. Nous avions proposé une autre voie, vous n’en avez pas voulu, dont acte, mais la manière de faire est inédite depuis une génération. A notre sens, c’est très inquiétant, parce que toutes les conditions sont désormais politiquement réunies pour que demain nous retournions à ce que nous avons connu avant le fameux miracle vaudois, avant ce compromis dynamique que l’on a connu durant ces vingt dernières années. Cela nous renvoie aux funestes années 90, à la discorde, au déficit, à l’endettement et au plan d’austérité – sans parler de toute une série de mots-codes, comme Orchidée notamment, qui avaient lieu à cette époque. Comme je l’ai dit, à notre sens ce qui se passe est extrêmement inquiétant et ne présage rien de bon… ça va mal finir. Pour notre part, nous en prenons acte.

M. Yann Glayre (UDC) —

J’ai demandé la parole la semaine dernière pour répondre brièvement à notre collègue Jean Tschopp, qui nous disait que les baisses d’impôts ne profitent qu’aux riches. Quand un citoyen vaudois aisé expatrié à Genève pour son travail paye 23’000 francs d’impôt sur son revenu et qu’il considère l’opportunité de revenir dans le canton de Vaud, le calcul d’impôt vaudois lui augmentera sa facture de 3000 francs. Cette situation ne profite ni aux riches ni aux plus modestes ; elle ne profite à personne. Monsieur Tschopp, la fiscalité dont vous vantez les mérites ne profite qu’aux autres cantons romands.

M. Romain Pilloud (SOC) —

La semaine dernière, nous avons terminé le débat sur un propos de M. Moscheni sur lequel je voudrais revenir très brièvement. Notre collègue a profité de cette fin de séance pour nous confirmer que la proposition faite par la majorité de la Commission des finances était avant tout une façon de dire merci aux riches et non pas d’aider la classe moyenne. M. Moscheni s’étant effectivement étendu sur l’importance de dire merci à ces personnes aisées, on comprend bien en quoi cette proposition n’est pas particulièrement positive pour la classe moyenne et nous en avons eu la confirmation la semaine dernière. On le sait, ces derniers mois et ces dernières années, plus le niveau du revenu est faible, plus l’angoisse est grande. Cette baisse d’impôts proposée donne le contraire d’une solution : elle va soulager celles et ceux qui n’angoissent pas à la fin du mois.

Initialement, j’avais prévu de dire quelque chose de similaire aux propos de mon collègue et camarade Pierre Dessemontet, mais il l’a dit beaucoup mieux que moi. Cela me permet donc de raccourcir un peu mon intervention. En proposant des baisses d’impôts aussi massives, vous suggérez effectivement d’offrir de l’argent aux ménages aisés, entre 105 et 130 millions qui ne toucheront a priori pas les personnes souffrant le plus de l’inflation, ni de l’augmentation des loyers, ni de l’augmentation des primes d’assurance-maladie. Car oui, chers collègues, ô surprise : plus le revenu du ménage est faible, plus l’inflation est lourde à porter. Pour les revenus de 4000 francs, le coût de la vie a augmenté d’environ 30 %, ces 23 dernières années. Pour des ménages gagnant 20’000 francs par mois, l’augmentation du coût de la vie n’a été que de 10 %, et seulement de 6 % pour les ménages gagnant 40’000 francs. La classe moyenne, que vous ignorez, représente 50 % de la population ; n’en déplaise à d’aucuns, elle bénéficie d’une définition statistique. Pour ces personnes, votre baisse d’impôt ne permettra même pas de compenser l’augmentation de charges liées à l’inflation, mais videra les caisses de l’Etat en période d’incertitude, limitant de fait la marge de l’Etat pour soutenir ses citoyennes et ses citoyens.

Enfin, j’aimerais aussi revenir sur deux propos tenus la semaine dernière : monsieur Pahud, vous parliez de « mesures arrosoir » pour qualifier les propositions de la gauche, mais vous proposez d’arroser les riches en ne laissant qu’une gouttelette pour les autres, celles et ceux qui souffrent le plus de l’inflation. Quant à vous, monsieur Berthoud, vous faisiez référence aux positions hautement politiques d’Avenir Suisse : essayons tout de même de nous rappeler l’orientation de cette organisation qui, pour mémoire, est un laboratoire d’idées libérales ou – pour utiliser un terme plus populaire – un porte-voix de l’affaiblissement de l’Etat social. Je ne suis pas sûr que cela permette au Grand Conseil de prendre un peu de hauteur dans ce débat.

M. Philippe Miauton (PLR) —

Pour cette intervention, vous me permettrez de procéder en deux temps. Premièrement, pour revenir sur les propos tenus la semaine dernière, je ne comprends pas la gauche qui se plaint d’une réduction linéaire pourtant totalement égalitaire et qui fait parfaitement écho au slogan rabâché à l’envi de « pour tous sans privilèges ». Vous n’en êtes pas à votre première contradiction, puisque la semaine dernière, vous avez même réussi à ne pas être contents avec une double augmentation des impôts pour les personnes morales. Aujourd’hui, pour les personnes physiques, il faut à mon avis s’éloigner des actions ciblées qui ont émaillé les législatures précédentes et qui ne faisaient que corriger des situations particulières. Aujourd’hui, une vraie réforme de la fiscalité est nécessaire pour garder de la substance.

Par ailleurs, comment craindre ce désert étatique dans ce canton lorsqu’on sait que le social a augmenté de manière exponentielle durant ces dix dernières années ? Je note que les subsides à l’assurance-maladie ont doublé, que les subventions sociales ont bondi de 76 %, que les subventions à la Fondation pour l’accueil de jour des enfants (FAJE) ont augmenté de 448 % et que les effectifs de l’Etat hors CHUV et Unil ont augmenté de 23 %. Pour le désert étatique, vous repasserez...

Ensuite, M. Duggan nous a donné les définitions de l’Office fédéral de la statistique (OFS) concernant cette classe moyenne. Je l’en remercie. Je note que pour les personnes seules, il s’agit d’un montant entre 32'000 et 69'000 francs et pour les couples mariés avec deux enfants, d’un montant entre 67'000 et 145'000 francs.

M. Keller a parlé d’une droite décomplexée. Le gouvernement se lâche, entend-on aujourd’hui. Mes oreilles saignent. Je ne sais pas où il voit cette droite décomplexée. Ne vous en déplaise, le Conseil d’Etat à majorité de centre-droite a été élu sur la base d’une baisse d’impôts. Le Conseil d’Etat suit, à la virgule près, son Plan de législature. Je me demande où vous voyez une droite décomplexée dans tout cela.

En revanche, j’invite mes collègues de gauche et M. Keller à balayer devant leurs villes de gauche. Prenons l’exemple de Lausanne, une ville où se trouvent les électeurs que défend la majorité des intervenants du Parti socialiste dans ce débat. Dans cette ville, la majorité est bien à gauche avec un notable municipal POP. Dans cette ville de gauche – pour le coup « décomplexée » – un couple marié avec deux enfants et un revenu de 90’000 francs – parfaitement dans cible de M. Duggan – paye cinq fois plus d’impôts qu’à Genève, une autre ville de gauche. Cela représente un différentiel de 4416 francs d’impôts. Vous conviendrez que c’est bien mieux que vos chèques et rabais ciblés. On pourrait en faire des choses avec cette somme. La réalité, c’est que vous tapez sur tout ce qui bouge ou plutôt tout ce qui paye, y compris les classes que vous prétendez défendre. De grâce, cessez un peu de nous faire la leçon sans vouloir regarder l’ensemble des chiffres et ceux de vos majorités !

J’en viens maintenant aux propositions de ce jour et cela n’étonnera personne, ce n’est pas assez. Je déclare mes intérêts, je suis membre du comité de l’initiative qui a récolté plus de 28’000 signatures. Une initiative qui, si elle ne fait pas d’émules dans cet hémicycle, aura au moins inspiré la méthode plus efficace de l’abattement au gouvernement. Je rejoins peut-être notre collègue Keller sur un seul point : l’accouchement de ce plan s’est fait dans la douleur, aux forceps même : 2,5, 4,5, puis 3,5, avec 1,5 l’année suivante, plus la fortune tout à la fin. Un ping-pong gouvernement-Commission des finances qui peine à donner une lisibilité d’un plan mûrement réfléchi. Je le répète, ce n’est pas assez, mais nous nous consolerons en nous disant que chaque rondelle de salami est bonne à prendre, même petite. Ce plan, pour la gauche, s’inscrit dans le Plan de législature du Conseil d’Etat et surtout a été établi avec une délégation gauche-droite du Conseil d’Etat. Pourquoi ai-je ce sentiment que ce n’est pas assez ? Parce que si le canton se porte bien aujourd’hui, c’est grâce essentiellement aux communes – dont nous allons reparler dans les mois qui suivent – et aux contribuables. Monsieur Dessemontet, ce qui a fait le succès du canton de Vaud, ce sont les communes et les contribuables. Malheureusement, aujourd’hui, ces contribuables ne s’inquiètent plus des budgets. Ils regardent les comptes, les excédents qui affichent également en parallèle une augmentation soutenue des charges du canton. Ces contribuables ne comprennent pas pourquoi ils n’ont pas aussi droit à un retour pour leurs efforts.

Dans ce contexte dans lequel les prochaines mesures du plan sont conditionnées aux incertitudes économiques – sans que nous ayons les détails des prochains « go » ou « no go » – à mon avis, il y a une grande oubliée dans ce plan : la fortune. L’impôt sur la fortune aurait, à mon sens, dû être intégré dès le départ dans cet abattement, et ce, afin de prendre l’ensemble de l’assiette fiscale. La fortune est le parent pauvre depuis de trop nombreuses années dans les efforts qui ont été faits. Non, l’impôt sur la fortune, ce n’est pas un sujet pestiféré. La fortune, c’est l’outil de travail pour les entrepreneurs de PME – et je déclare d’autres intérêts, puisque je suis aussi directeur de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI). Même Genève – il faut parfois le citer en exemple – est parvenu à proposer un rabattement pour cette classe de l’outil de travail. La fortune, ce sont aussi les petits épargnants, dont la classe moyenne.

Enfin, la fortune, ce sont les personnes aisées qui devraient être choyées. Dans notre canton, un peu plus de 5 % des personnes qui payent l’impôt sur la fortune y contribuent pour 75 %. Mme Fontanet, la conseillère d’Etat PLR du canton de Genève a spécifié que pour compenser 10 contribuables aisés qui partent du canton de Genève, il en faudrait 2000. Que cela plaise ou non à la gauche, ce sont ces gens qui permettent à l’Etat de connaître sa situation actuelle – ce miracle vaudois cité précédemment – et qui permettent vos politiques. Vous devriez donc intimement souhaiter que de nouveaux contribuables viennent dans ce canton et surtout que le moins possible en partent, parce qu’ils en ont les moyens. Cet argent ne disparaîtra pas, il repartira dans l’épargne ou dans les dépenses et sera à nouveau taxé. Cela explique aussi – même si vous ne le comprenez pas – que les baisses d’impôts conduisent bien souvent à terme à une augmentation des rentrées fiscales. Je crois savoir que dans le canton de Vaud, on connaît aussi une baisse de ce type de contribuables : s’ils partent, nous n’aurons malheureusement plus que nos beaux discours et nos beaux yeux pour pleurer.

Au vu de ce qui précède, j’aurais souhaité, dans un monde idéal, déposer un amendement à l’article 2 – périmètre de la loi – pour y introduire la fortune, ce qui aurait représenté 17 millions, soit moins que ce dont nous avons discuté précédemment. Constatant que cela est malheureusement déjà bien trop compliqué dans cet hémicycle, mais aussi touché par la grâce ou plutôt par la main invisible du Château, je renoncerai à le déposer. C’est aussi une forme de compromis dynamique. Je renonce donc, mais en vous rendant attentifs au fait que la population – celle qui a permis au canton d’être ce qu’il est aujourd’hui et dont on ne parle que de son pouvoir d’achat – nous observe et sait finalement que si elle n’est pas satisfaite, elle décidera un jour, lors d’une votation, si nous sommes suffisamment à son écoute. Pour ma part, je reste serein.

Mme Joëlle Minacci (EP) —

J’ai un gros problème avec le vote d’aujourd’hui dans la mesure où il intervient alors que nous n’avons pas encore reçu le budget 2024. Nous allons voter sur des baisses fiscales sans connaître les conséquences concrètes sur le budget 2024. (Réactions dans la salle.) Les membres de la Commission des finances ont reçu le budget, mais pas tous les députés ; il n’est pas sorti publiquement. La convocation urgente de la Commission des finances, il y a deux semaines, puis le communiqué de presse du Conseil d’Etat sur la proposition d’une baisse d’impôt de 3,5 % et, quelques jours plus tard, la publication d’un communiqué de presse sur le budget 2024 qui était très général, tout cela laisse déduire assez facilement que la baisse d’impôt et les coupes budgétaires sont intimement liées. Dès lors, il me semble nécessaire de pouvoir voter en toute connaissance de cause. Pour le moment, ce n’est pas le cas. Dans le cadre de ce débat, je souhaiterais avoir des informations précises de la part du Conseil d’Etat sur les conséquences d’une telle baisse d’impôt sur le budget 2024. Quels services ont été impactés, quelles coupes ont été opérées, etc. ? J’aimerais avoir des réponses précises du Conseil d’Etat à ces questions.

M. Philippe Jobin (UDC) —

J’aimerais rappeler à mon collègue Dessemontet que depuis en tout cas seize ans, près de 3,5 milliards de francs de dépenses sociales supplémentaires ont été pris en charge par les communes. Comme syndic, il doit le savoir. A l’heure actuelle, la situation financière du canton permet heureusement d’envisager des réformes comme celles que l’on vous a proposées et comme celle que je proposais au travers de ma motion, mais je me suis rallié au pourcentage comme la Commission des finances et le Conseil d’Etat l’avait demandé. Durant les seize dernières années, le produit intérieur brut vaudois a davantage augmenté que celui de la Suisse. Cela a conduit à enregistrer des bénéfices pour le canton, bénéfices qui ont permis non seulement d’investir dans le social, mais aussi d’économiser sur la dette en opérant des remboursements multiples et variés. Le Canton de Vaud reste parmi les cantons qui taxent le plus lourdement les revenus moyens et élevés.

J’aimerais encore revenir sur deux choses qui m’ont fait relativement plaisir. Dans Le Matin Dimanche, il y a trois semaines, un conseiller national de gauche plaidait plutôt pour une baisse d’impôts, surtout pour les familles monoparentales qui gagnent entre 110'000 et 150'000 francs par année et qui ont beaucoup de soucis pour finir le mois. J’ajoute encore une chose qui m’étonne toujours de la part de la gauche : l’excellent Jean-Pierre Grin – qui quittera prochainement le Conseil national – avait déposé une motion pour qu’il y ait une déduction, au niveau de l’impôt fédéral direct (IFD), des assurances-maladie. La gauche n’en a pas voulu. Finalement, mesdames et messieurs de la gauche, permettez-moi quand même de rester dubitatif sur vos arguments.

Je pense qu’il faut suivre cette future baisse d’impôt en grande partie, même s’il convient encore de discuter du pourcentage : 3,5 ou 4,5 %. Je pense que nous sommes sur la bonne route. Enfin, je rappelle encore que la population reste attentive aux différentes hausses qui vont nous atteindre en 2024. Aussi, je vous encourage à accepter l’entrée en matière afin que nous puissions ensuite discuter des différents articles de loi.

Mme Rebecca Joly (VER) —

Je crois que ce débat recèle assez peu de surprises. Je voulais y apporter deux éléments qui me semblent importants et qui n’ont pas été encore amenés lors du débat d’entrée en matière. Je dois vous dire qu’en tant que députée, je suis relativement abasourdie par la procédure suivie par ce projet de décret. On nous présente des mesures qui sont importantes, extrêmement fortes. Elles ont été présentées au public, elles sont sorties officiellement le 3 juillet dernier, soit très peu de temps avant la pause estivale des commissions du Grand Conseil – un épisode qui arrive tous les ans, donc très peu surprenant. Durant l’été, les commissions ne siègent pas, sauf si elles ont été prévenues longtemps à l’avance, et donc l’activité parlementaire est mise en pause, comme beaucoup d’autres activités d’ailleurs. De ce fait, ce projet n’a pu être analysé par une commission qu’à la rentrée, dans un contexte d’urgence, puisque si nous voulons que les baisses fiscales annoncées aient un effet pour l’année prochaine, nous devons les adopter rapidement, dans la mesure où elles ont un impact sur le budget, etc. Nous sommes donc dans un contexte institutionnel qui nous presse, qui nous stresse, alors que les choses étaient prévues depuis longtemps. A ce titre, j’ai de la peine à comprendre le manque d’anticipation dont le gouvernement a fait preuve en la matière.

A cela s’ajoute un débat en Commission des finances qui a été effectivement rapide et qui a mené à une contre-proposition de cette dernière – comme c’est son droit le plus strict. Puis il y a eu une nouvelle convocation urgente, il y a 15 jours, de la Commission des finances avec une délégation du Conseil d’Etat. Ici aussi, on peut être surpris par la méthodologie retenue. Aujourd’hui, la cheffe du Département des finances a été accompagnée à la Commission des finances pour expliquer à cette dernière ce qu’il fallait voter ou ne pas voter. Dans ce canton, au XXIe siècle, c’est du jamais vu. On n’a jamais vu un tel « petchi » institutionnel. En tant que députée non-membre de la Commission des finances, c’est quelque chose qui m’inquiète, dans la mesure où ce débat malmène nos institutions. Cela a d’ailleurs été dit : nous n’avons pas reçu le budget, nous ne pouvons donc pas vraiment savoir quels ont été les impacts de ces coupes fiscales. Bref, de toute façon, nous sentons bien que notre poids n’est pas très important ni très intéressant, que tout est déjà bouclé. Nous nous demandons d’ailleurs à quoi cela sert que nous venions. Nous nous demandons encore qui tient la barque dans ce Conseil d’Etat et au Département des finances en particulier.

Je déplore cet aspect institutionnel du débat. Sur le fond, nous avons compris – la plupart de mes collègues de gauche l’ont aussi dit – que nous n’échapperons pas à des baisses fiscales, des baisses fiscales qui sont annoncées comme saucissonnées. En effet, 3,5 % d’abattement aujourd’hui, plus demain et encore plus avec l’impôt sur la fortune. En résumé, où vont s’arrêter les baisses fiscales ? On ne sait pas. En revanche, ce qui est sûr, c’est que l’impact de ces baisses fiscales sur les individus sera relativement faible. A l’échelle individuelle, on ne va pas beaucoup voir la différence – et c’est quelqu’un qui a un revenu assez confortable qui vous le dit. Personnellement, je vais voir très peu de différence dans mon train de vie, puisque ce ne sont pas ces baisses fiscales qui vont m’aider. D’ailleurs, j’ai la chance de ne pas avoir besoin d’aide. En revanche, celui qui va perdre beaucoup, c’est l’Etat. A terme – c’est le communiqué de presse du Conseil d’Etat qui nous le rappelle – l’Etat perdrait environ 270 millions de francs annuellement. Mesdames et messieurs de la droite de cet hémicycle, la question à laquelle vous refusez obstinément de répondre depuis le début de cette planification de la perte de l’Etat est la suivante : dans quoi faut-il couper ? Quelles politiques publiques voulez-vous diminuer ? Je pense que les Vaudoises et les Vaudois ont le droit d’obtenir une réponse à cette question. Ils ont le droit de savoir ce qu’est « le gras ». Est-ce la politique de la formation ? Faut-il plus d’élèves dans les classes ? Moins d’enseignants ? Moins d’écoles ? Moins d’espaces pour le sport ? Faut-il diminuer la qualité des soins dans nos hôpitaux ? Faut-il que certaines régions n’aient plus accès à des soins de proximité ? Faut-il – si c’est encore possible – diminuer notre lutte contre le réchauffement climatique ? Diminuer l’aide de l’Etat à la rénovation énergétique des bâtiments, au tournant énergétique ? Faut-il – là aussi, si c’est encore possible, parce qu’il n’y aurait plus rien – carrément annuler notre politique en matière de biodiversité ? Faut-il encore diminuer la protection de la jeunesse, fermer des centres, laisser les jeunes livrés à eux-mêmes ? Faut-il revenir sur les acquis du compromis dynamique de la RIE III, supprimer l’aide aux subsides de l’assurance-maladie ? Nous avons entendu que l’augmentation de la subvention pour les crèches était quelque chose d’exponentiel, que nous ne savions pas jusqu’où cela irait. Est-ce dans ce domaine qu’il faut faire des coupes ? Faut-il moins de places de crèches dans ce canton, même si nous savons qu’il en manque cruellement ? Faut-il arrêter les aides pour les plus modestes, ce social qui augmente soi-disant de façon exponentielle ? Faut-il laisser les pauvres de ce canton livrés à eux-mêmes ? Doivent-ils se débrouiller, être dans la misère et surtout se cacher ? Mesdames et messieurs de la droite, c’est la question qu’il faut se poser aujourd’hui : dans quoi coupe-t-on ? Quelles politiques publiques faut-il diminuer ? Et comment ? Aujourd’hui, nous n’aurons probablement pas la réponse. On nous dira que tout va très bien, madame la Marquise, jusqu’au jour où il faudra couper. Malheureusement, nous n’aurons pas obtenu de réponse à cette question avant ce jour-là. Nous le ferons alors dans l’urgence, dans la douleur. C’est précisément le problème qui se pose aujourd’hui : nous ne savons pas où nous allons. Nous ne savons pas quel est le projet. Baisser les impôts, certes, mais qu’offre-t-on en moins à la population ?

M. Arnaud Bouverat (SOC) —

Comme plusieurs de mes préopinants, je suis assez étonné de la légèreté de l’exposé des motifs qui nous a été soumis pour un projet de législature. Pas de chiffres sur la distribution des effets fiscaux, pas de documentation en dehors de quatre lignes sur les conséquences financières de ce projet. Pas de réflexion alternative, quitte à expliquer pourquoi les autres options auraient été écartées. Vous nous annoncez plusieurs étapes, mais vous n’examinez pas leurs conséquences dans l’ensemble. Par ailleurs, vous révisez, après discussion avec la Commission des finances, les premières étapes évoquées. Je dois donc remercier aujourd’hui le rapport de minorité de nous donner quelques chiffres. Mais quel est le sens pour une administration cantonale et un Conseil d’Etat que de ne pas venir devant ce Grand Conseil avec des chiffres, des données sur les conséquences ? Avez-vous, chères et chers collègues, des données à cacher ? Avez-vous de la peine à assumer les conséquences de votre politique fiscale ? Honnêtement, je ne vois pas pourquoi ces éléments ne figurent pas simplement en annexe de votre projet. Il y a des miliciens dans ce Conseil, de toute évidence, ils ont de bonnes capacités de calcul. M. Miauton a l’air de très bien assumer le fait d’accorder des cadeaux fiscaux à sa clientèle privilégiée, je pense que notre Conseil d’Etat devrait, de manière tout aussi transparente, montrer les effets de sa politique, des effets qui sont bien éloignés des slogans que vous tenez.

Prenons les quelques mots que vous avez eu la décence de nous transmettre : vous voulez assurer une libération du pouvoir d’achat. Tel que je comprends l’économie, pour libérer le pouvoir d’achat, il faut déjà donner de l’argent à des gens qui vont assurément effectuer des achats par la suite. Je ne comprends pas la logique de donner de l’argent à des gens qui épargnent et capitalisent. Aujourd’hui, qui est impacté le plus par le coût de la vie et son augmentation ? Qui, à un moment donné, est bridé dans sa capacité de pouvoir d’achat, parce qu’il n’a pas les moyens nécessaires ? Mon collègue l’a cité tout à l’heure, pour un revenu de 4000 francs, le coût de la vie entre 2000 et 2022 a augmenté de 30 %. Il a augmenté de 15 % pour les personnes avec un revenu de 10'000 francs et de 6 % seulement pour les personnes avec un revenu supérieur à 40'000 francs. Prenons votre barème tel que vous l’imaginez pour les priorités que vous fixez – la politique équivaut à établir des priorités – et regardons où vous mettez la priorité : à qui accordez-vous la plus grande baisse fiscale dans ce projet ? De toute évidence, vous l’accordez à ceux qui dépensent le moins dans la consommation et qui investissent le plus dans l’épargne. Dans cet exposé des motifs, vos mesures pour renforcer le pouvoir d’achat, pour l’essentiel, vous les mettez à la corbeille. Et tout cela intervient avant la situation économique de cette fin d’année qui prévoit des hausses de loyers, des hausses des prix et des hausses de primes d’assurance-maladie. Mesdames et messieurs les représentants du Conseil d’Etat, les besoins sociaux font précisément partie de ce domaine. A l’heure actuelle, nous n’avons aucune politique ni à l’échelle fédérale ni à l’échelle cantonale – outre celle héritée par vos prédécesseurs qui ont effectivement mis en place une politique du pouvoir d’achat. Aujourd’hui, vous mettez en place une politique d’arrosoir. Un arrosoir qui ne distribue pas de l’eau à tout le monde : il va noyer les plantes qui sont déjà les mieux arrosées, celles qui ont le plus de moyens et qui n’ont pas besoin de cette eau. Nous avons des besoins pour l’avenir : nous avons des besoins pour les crèches, nous avons encore des besoins pour les primes d’assurance-maladie – en plus des dispositifs déjà mis en place. Nous avons des besoins en matière énergétique, de financement des transports et des déplacements et des coûts de logement. Ces éléments sont ceux qui prennent à la gorge les citoyennes et citoyens de ce canton et votre projet de loi n’y répond aucunement.

Je déclare mes intérêts : je suis secrétaire syndical à UNIA. Actuellement, des gens nous téléphonent pour nous dire qu’ils ne savent pas comment ils survivront l’année prochaine. Je peux bien leur expliquer combien ils toucheront avec les mesures que vous proposez, mais honnêtement cela ne changera rien du tout à leur désarroi. A un moment donné, je ne sais pas comment vous communiquer les choses. Faut-il dévier dévier notre centrale téléphonique vers vos téléphones privés, mesdames et messieurs les députés au Grand Conseil, pour que vous compreniez ce que c’est que le désarroi de la population et son besoin de retrouver du pouvoir d’achat ? Aujourd’hui, j’ai vraiment l’impression que l’on parle d’une grande fiction. Face à la sérénité de mon collègue M. Miauton, la sérénité de la bourgeoisie quand elle a la majorité, je vous fais part de la grande inquiétude de la majorité sociale de notre population. Dans votre projet, elle ne trouve pas de solution face au problème du pouvoir d’achat. Ce désarroi, je pense qu’il faut l’empoigner, qu’il faut l’entendre, et que cela aurait mérité une analyse plus poussée que trois petites pages avec trois lignes de conséquences financières.

Enfin, je termine avec l’évocation de M. Berthoud du problème de la classe moyenne. Comment résoudre ce problème ? Faut-il le résoudre par la main gauche ou par la main droite, comme le dirait un ancien ministre des finances que je commence tardivement à apprécier un peu plus ? (Rires.) L’étude d’Avenir Suisse peint un peu le diable sur la muraille, mais elle est intéressante. Elle parle de la disparition des augmentations de salaire dans l’imposition puisque, à un moment donné, il y a des effets progressifs de l’impôt et que la classe moyenne se retrouve avec un pouvoir d’achat en partie miné par l’augmentation des impôts. En résumé, l’étude d’Avenir Suisse citée par M. Berthoud s’attaque à la progressivité de l’impôt. C’est intéressant, mais les aspects un peu dramaturgiques de cette étude sortie en août font des projections sur des augmentations des salaires réels de 20 à 30 %. Dans les négociations salariales de cet automne, je serais content si nous réussissons à arracher entre 2 et 5 %. Le drame d’Avenir Suisse, c’est une augmentation réelle des salaires de 20 à 30 % qui serait minée par l’imposition. Je pense que nous avons le temps de voir venir et de faire des correctifs. En revanche, il y a une chose pour laquelle nous n’avons pas le temps : le pouvoir d’achat des gens pour le début de l’année 2024. Or, vous ne donnez aucune solution pour cela. Nous ne pouvons que le regretter et proposer un amendement avec cette solution de crédit d’impôt. C’est la seule solution qui va dans le bon sens, une première étape pour répondre aux besoins sociaux de notre population.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

On va peut-être éviter les outrances et tenter d’élever le débat parce que je crois qu’il est instructif pour les élèves qui nous entendent et qui peuvent – et je le dis en face du conseiller d’Etat Borloz –assister à un débat politique intéressant, un débat de fond qui remet en cause les visions politiques que l’on peut avoir de la société. Quand j’entends la gauche, je me rappelle du discours de Sylvain Tesson – qui n’est quand même pas un ultralibéral de droite – qui disait finalement que la démocratie est un paradis peuplé de gens qui sont persuadés de vivre en enfer. Or, c’est un peu ce que vous nous décrivez. Je crois que le canton de Vaud est sur le podium des cantons – on le sait, vous ne pouvez pas le contester – où l’on paye le plus d’impôts sur les personnes physiques. Il est aussi sur le podium pour l’assurance-maladie et les subsides. Il est également sur le podium des coûts de la santé ou pour tout ce qui touche au social. Dans votre chasse aux riches – mais je sais bien que la chasse est ouverte désormais – vous oubliez simplement tout le système redistributif qui résulte par exemple de l’AVS. Je n’ai pas le sentiment que les riches que vous stigmatisez ont véritablement le retour de tout ce qu’ils payent d’un autre côté au titre de l’AVS. Vous oubliez évidemment les 900 millions de subsides et d’aides à l’assurance-maladie, parce que ce sont 900 millions sur un budget de 11 milliards. Heureusement que nous avons corrigé le fait qu’on ne pouvait pas encore déduire les subsides pour ceux qui ne payaient pas leur assurance-maladie – mais c’est encore un détail.

Madame Joly, vous nous demandez constamment où nous allons faire des coupes. Vous essayez de faire peur aux citoyennes et aux citoyens. Mais nous n’allons rien couper du tout. Votre raisonnement est faux, archifaux. Comme le dit très bien le prix Nobel d’économie en 2014, M. Jean Tirole, votre raisonnement n’a rien d’économique, c’est ce qu’on appelle le raisonnement à somme nulle. Vous êtes persuadée que l’économie est statique, ce qui est faux. Vous êtes persuadée que si l’on baisse les impôts, l’Etat va avoir moins de ressources, ce qui est faux, archifaux. L’économie, mesdames, messieurs de la gauche, ce n’est pas un système de vases communicants. Et je vais vous en apporter une preuve éclatante, qui n’est pas si ancienne dans notre canton de Vaud, c’est le système de la RIE III voté par 86 % des Vaudoises et des Vaudois. Qu’a-t-on fait ? On a mis sur pied des subsides massifs à l’assurance-maladie. Peut-être que Mme la conseillère d’Etat, Valérie Dittli, pourra nous donner, en primeur, quelques indications sur le nombre de Vaudoises et de Vaudois qui vont toucher des subsides en 2024. Cela va représenter une somme de l’ordre de 900 millions, avec 10 % de hausse. Il n’y a pas besoin d’avoir fait des études de maths très poussées pour se rendre compte qu’on est bientôt au milliard de subsides. Payés par qui ? Payés par ces « salauds de riches » que vous stigmatisez en permanence et auxquels on accorderait des cadeaux fiscaux. Non, mesdames, messieurs, l’équilibre sociétal est fait d’une redistribution, c’est vrai, mais aussi d’un sain équilibre dans les ressources et les moyens que l’on met à disposition. Comme cela a été dit, en particulier par M. Miauton, cela fait plus de 20 ans que c’est le contribuable vaudois – même s’il est aisé – qui paye largement le plus d’impôts. On dit que ceux qui ont des revenus supérieurs à 150'000 francs – un couple dont les deux membres gagnent 75'000 francs, puisqu’ils sont imposés communément, vivement la taxation séparée – contribuent à 50 % de l’ensemble des subsides à l’assurance-maladie. Il faut quand même le dire et le répéter.

Il faut le dire, nous avons aussi entendu des horreurs sur la société néolibérale, sur les multinationales, en oubliant non seulement les impôts qu’elles payent dans ce canton, mais surtout les salaires qu’elles versent aux gens qui travaillent pour elles dans ce canton. Nous serions une sorte de caricature des Etats-Unis, un affreux pays ultralibéral où la misère jonche les rues. On a les comparaisons que l’on peut ou que l’on veut. Je me souviens qu’au Venezuela – qui était le pays avec le produit intérieur brut le plus élevé par habitant de l’Amérique du Sud – il y a eu M. Chavez. Dans la presse, les médias trouvaient la révolution socialiste de M. Chavez formidable. On a maintenant M. Maduro, espèce d’avatar du général Tapioca. Finalement, sur 32 millions d’individus au Venezuela, 7 millions de migrants. Où vont-ils ? Dans cet enfer social que sont les Etats-Unis. Non, mais cherchez l’erreur ! C’est dire à quel point nous divergeons effectivement sur la politique à mener. Je persiste et signe : je pense que la population vaudoise dans son ensemble a besoin de cette baisse d’impôt. Je pense que nous en avons besoin pour l’équilibre sociétal, pour maintenir un très haut niveau de prestations sociales dans ce canton. Et non, il n’est pas question de limiter ou de supprimer des prestations.

En revanche, on peut s’interroger sur l’idée géniale qui vient de surgir – à la veille des élections fédérales – et qui consiste à charger à nouveau le contribuable par un impôt sur la santé, l’idée étant de faire des primes d’assurance-maladie en fonction du revenu. La belle affaire ! Je pense que, du coup, il faudra supprimer les subsides. Est-ce vraiment une bonne idée ? J’en laisse la responsabilité à la gauche. Je constate finalement que Mme Ruiz, conseillère d’Etat, se félicite de la baisse fiscale induite par les déductions des primes d’assurance-maladie sur le revenu. Nous avons entendu les médias dire « dans le canton de Vaud, il y a la déduction des primes d’assurance-maladie pour ceux qui les payent et qui payeront encore plus cher en 2024 ». Mesdames et messieurs de la gauche, vous poussiez les mêmes cris lorsque nous avons discuté de l’initiative des jeunes PLR, UDC et du Centre qui a conduit à permettre aux contribuables de déduire les primes d’assurance-maladie de plus en plus élevées qu’ils payent dans ce canton. Une dernière question à l’attention de cette assemblée et du gouvernement : pourquoi ce canton reste-t-il le plus cher dans les coûts de la santé ? D’après ce que je sais, Zurich n’est pas dans un enfer fiscal de la santé, mais les coûts de la santé par habitant y sont 30 % moins élevés que dans notre canton.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Je voulais aller dans le même sens que ma collègue Joëlle Minacci : finalement, excepté les 15 membres de la Commission des finances, les 135 autres députés votent avec très peu d’informations sur la manière dont le budget a été bouclé et sur la manière dont on a trouvé ces 105 millions pour présenter un budget qui respecte la limitation du déficit. Nous pouvons d’ailleurs d’autant plus nous en inquiéter qu’en 2023, nous avons perdu un autre revenu très important, à savoir la rétrocession aux cantons de la part de la Banque Nationale Suisse. On parle d’un montant encore plus élevé que les baisses fiscales présentées aujourd’hui, à savoir 187 millions. 105 millions plus 187 millions, cela représente près de 300 millions de trous dans les finances du Canton. 300 millions qui viennent s’ajouter à une kyrielle d’autres allégements fiscaux décidés durant ces dernières années, notamment sur la fortune ou sur les retraits en capitaux. Tout cela va dans le même sens : on arrose toujours la même tranche de contribuables ayant des revenus élevés ou une fortune la plus élevée. Si l’on se montre un peu conséquent, on peut effectivement nourrir quelques inquiétudes. Et ce, d’autant qu’on entend à longueur d’interventions médiatiques la cheffe des finances dire que la situation est compliquée, que le budget est très fragile, qu’il faut faire extrêmement attention. Si j’étais un député non-membre de la Commission des finances, je nourrirais aussi certaines interrogations sur la manière dont ce budget 2024 a été bouclé. Ce, d’autant que nous avons reçu quand même des indices particulièrement inquiétants, notamment cet été, la décision prise en catimini de couper dans l’accueil de jour des enfants en situation de handicap. Cela nous donne une indication sur la méthode avec laquelle procède le Conseil d’Etat pour boucler son budget. On gratte à droite ou à gauche, on fait de petites économies. D’ailleurs, on ne recule pas sur des économies particulièrement mesquines qui ciblent des familles déjà en difficulté. Cela me permet aussi de réfuter les propos de M. Buffat lorsqu’il prétend qu’il n’y a eu aucune coupe. Dans les faits, il y en a déjà eu, nous l’avons appris cet été.

Un dernier point : finalement, ces coupes budgétaires vont nous amener à un déficit, voire à une dette. On peut se demander si la droite – malgré tous les beaux discours tenus sur l’équilibre budgétaire – n’aime pas le déficit, puisque ce dernier permet de justifier l’austérité et de nouvelles coupes budgétaires. On peut se demander si ce n’est pas consciemment la politique des caisses vides qui est recherchée, des caisses vides qui justifieront de nouveaux sacrifices imposés à la population. Pour toutes ces raisons, je vous invite à refuser l’entrée en matière sur cette proposition.

M. Romain Belotti (UDC) —

Comment faire fuir les contribuables ou l’enfer fiscal vaudois en quelques chiffres ? Nous sommes l’avant-dernier canton de ce pays qui connaît l’imposition la plus forte sur le revenu des contribuables. Il est temps que cela change. Prenons un couple marié avec 6000 francs de revenu par personne et un enfant à charge. En ville de Lausanne, ce couple payera 22'000 francs d’impôt ; il lui faudra travailler 52 jours pour payer son impôt. En ville de Zurich, le même couple, avec les mêmes charges, payera 15'960 francs. Il lui faudra donc 38 jours pour payer son impôt. Et en ville de Zoug – rêvons un peu pour finir – ce même couple payera 5753 francs d’impôt. Je récapitule : 22'000 francs d’impôt en ville de Lausanne et 5753 francs en ville de Zoug. Dans cette dernière ville, il ne faudra à ce couple que 14 jours de travail pour payer son impôt. Si un canton comme Zurich y arrive – avec 1,5 million d’habitants, soit deux fois la population du canton de Vaud – pourquoi pas nous ? Nous devons travailler en amont et reprendre ce qui fonctionne bien chez nos voisins suisses alémaniques. Avec 30 % de charges en plus à Lausanne qu’à Zurich, il est grand temps d’aider nos contribuables – trop d’impôts tuent l’impôt – et de redonner plus de pouvoir d’achat à cette population qui paye l’impôt. Notre groupe vous recommande de suivre la Commission des finances en acceptant une diminution de 4,5 % sur l’impôt cantonal.

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

J’aimerais revenir sur les propos tenus par mon collègue, M. Pilloud en lien avec Avenir Suisse et son étude. Monsieur Pilloud, je n’ai fait que citer cette étude. Je n’ai aucune déclaration à faire sur mes liens d’intérêt par rapport à cette étude. Votre collègue Bouverat l’a également citée et je pense qu’elle est intéressante dans la mesure où elle permet de connaître les personnes qui n’ont pas pu bénéficier d’une réelle amélioration de leur pouvoir d’achat. Il s’agit justement des personnes qui sont aidées par les prestations sociales mises en place dans notre canton, notamment les subsides à l’assurance-maladie qui représentent à peu près 840 millions sur un budget de 11 milliards. Ces gens payent des impôts « à plein pot », peut-être 20'000 ou 30'000 francs. Mon collègue Keller passe son temps à classer les gens : les méchants et les gentils, les pauvres et les riches. Personnellement, je pense qu’une collectivité, c’est un tout – les pauvres comme les riches – et qu’il faut respecter tout le monde. Aujourd’hui, ces personnes payent 20'000 francs d’impôt pour financer les prestations que l’Etat peut fournir. En plus de ces 20'000 francs d’impôt, non seulement elles payent « « plein pot » leur assurance-maladie – parce qu’elles n’ont pas de possibilité d’obtenir des subventions – mais elles donnent en plus 10 % de leurs impôts pour soutenir leurs copains qui n’arrivent pas à payer leur assurance-maladie. Pour ma part, je pense que les personnes qui doivent bénéficier d’une baisse fiscale sont précisément celles qui payent des impôts et qui ne reçoivent aucune subvention.

Par ailleurs, certains collègues ont également parlé de coupes budgétaires. Je pense que vous avez tous vu le budget sorti lundi passé. Il présente 547 millions de charges supplémentaires dans un budget de 11,6 milliards de francs. Cela représente 4,9 % de charges supplémentaires. Un compromis a été réalisé au sein du gouvernement. Nous verrons, au mois de décembre, si ce budget permettra finalement de subvenir à l’ensemble des besoins. Pour 2024 en tout cas, à aucun moment on ne peut parler de coupes. J’aimerais que l’on arrête de peindre le diable sur la muraille.

En ce qui concerne la méthode, elle est totalement institutionnelle. Une proposition du Conseil d’Etat – 3,5 % de baisse d’impôt – est présentée avant le budget. Elle est intégrée dans le budget présenté lundi. Je ne comprends pas pourquoi on ne respecte pas l’institution, notamment Mme Joly qui ne m’écoute pas. Selon moi, ces 3,5 % d’impôts sont précisément débattus aujourd’hui, dans cette salle. Plus respectueux que ça de la démocratie, c’est difficile ! La Commission des finances s’occupe du budget ; c’est une commission de surveillance qui s’occupe des comptes de l’Etat. Elle est évidemment dotée plus rapidement de certains éléments qui seront ensuite présentés au plénum. La solution présentée par l’ensemble du gouvernement – gauche comme droite – à la Commission des finances a été présentée partiellement aujourd’hui et sera présentée ensuite lors du débat budgétaire.

Par ailleurs, j’ai parfaitement entendu M. Miauton parler de l’impôt sur la fortune : vous parlez de 17 millions de francs. Le Conseil d’Etat, sur sa nouvelle feuille de route, parle d’un montant de l’ordre de 48 millions de baisses supplémentaires, précisément pour s’occuper de ces personnes qui font tourner l’Etat, de ces riches qui ne plaisent pas à nos collègues de gauche. Je le rappelle, ces riches payent des impôts qui permettent de mettre en place toutes les politiques publiques offertes par notre Canton et dont nous pouvons être fiers. Pour ma part, j’estime que votre proposition est décalée dans le temps dans le cadre du processus du Conseil d’Etat. Ce que la Commission des Finances a finalement voulu réaliser, c’est anticiper la feuille de route du Conseil d’Etat de quelques années, en passant de 2,5 % à 3,5 % de rabais d’impôts – parce qu’on peut clairement appeler cela un rabais d’impôts sur la fortune.

Et pour ma part, il y a aussi tout l’aspect Anti Global Base Erosion (GloBE) qui est extrêmement important et que l’on doit voter. Aujourd’hui, il est très important de le faire pour sécuriser ces impôts. Pourquoi cela se réalise-t-il de cette manière ? Parce qu’après, il y a aussi des coefficients d’impôts et d’autres aspects administratifs : des décomptes et des demandes d’acomptes doivent être envoyés. Cela se réalise toujours ainsi, de deux manières différentes.

Madame Joly, j’aimerais revenir sur votre manière de peindre le diable sur la muraille lorsque vous dites que nous allons couper dans des politiques publiques. C’est exactement comme pour le CHUV : selon moi, l’Etat doit être plus efficient. Je vais vous le démontrer avec deux chiffres : le CHUV, c’est 2 milliards de budget. Le canton de Vaud, c’est 11,6 milliards de budget. 1 % d’efficience sur le budget du CHUV, c’est 20 millions économisés. 1 % d’efficience sur le budget du canton de Vaud, ce sont 110 millions économisés. Il s’agit simplement de rendre l’Etat un tout petit peu plus efficace, un tout petit peu plus efficient. Il n’est pas nécessaire de s’énerver beaucoup pour faire tourner la machine. C’est la méthode que j’utiliserai de mon côté, au niveau du législatif.

Mme Isabelle Freymond (IND) —

Décidément, l’impôt heureux du PLR a du plomb dans l’aile. Si les payeurs d’impôts ont des soucis, que peut dire la classe moyenne ? Je ne pensais pas prendre la parole dans ce débat, mais lorsque j’entends parler de familles monoparentales qui gagnent entre 100'000 et 150'000 francs, j’avoue être un peu choquée. Je déclare mes intérêts, je suis maman d’une famille monoparentale, je fais partie du groupe d’entraide pour des familles monoparentales. Je pense que si certaines d’entre elles arrivaient déjà à gagner un peu plus de 50'000 francs par année, elles seraient bien heureuses et ne se plaindraient pas.

Je reprends les paroles de la conseillère d’Etat en charge des finances lors d’un discours tenu devant le syndic du Gros-de-Vaud. Elle expliquait que certes, le canton de Vaud a de plus en plus de contribuables, mais de moins en moins de personnes qui peuvent payer des impôts. Qu’y a-t-il d’étonnant à cela dans l’un des cantons où le taux de pauvreté augmente le plus en Suisse ? Dans un pays riche, c’est quand même formidable.

En ce qui concerne les impôts, j’ai fait mes calculs : mon fils et moi allons économiser 60 francs sur nos impôts l’année prochaine… Cela va grandement augmenter notre pouvoir d’achat, à peine 5 francs par mois. Mon Dieu, que nous allons être heureux ! Tout ce que nous allons pouvoir faire avec ça ! Effectivement, les rabais d’impôts auraient été plus efficaces, mais si l’on observe ces 20 dernières années, on remarque effectivement qu’avec de moins en moins de gens qui payent des impôts, on a un problème sur les salaires. Si de moins en moins de gens payent des impôts et que le canton de Vaud veut garder ses prestations, voire les améliorer, cela va poser un problème : moins de payeurs d’impôts, moins de salaires, moins de rentrées d’impôts, un même niveau de prestations, voire une amélioration des ces dernières : je sais qu’en maths, on dit que moins par moins ça fait plus, mais en économie on ne m’a pas encore expliqué comment on multiplie les billets.

Les plus aisés doivent assumer leurs richesses, et l’Etat doit respecter le rôle de l’impôt, soit de redistribuer la fortune à sa population, car sa population s’appauvrit et elle en a marre. A un moment donné, il ne s’agit plus de discuter de quelques centimes, nous sommes clairement en train de revenir à la lutte des classes. Faudra-t-il à nouveau manifester dans les rues ? Faudra-t-il attendre que les gens s’appauvrissent et crient au secours ? A un moment donné, ce n’est pas être dogmatique de dire que de nombreuses personnes ne savent plus comment faire. Personnellement, si je pouvais payer plus d’impôts, mon Dieu que j’aimerais cela ; ça voudrait dire que mon fils et moi pourrions vivre dignement.

M. Fabrice Moscheni (UDC) —

Monsieur Pilloud, vous étiez peut-être un peu fatigué, vous m’avez mal compris, votre dogmatisme vous aveugle ou vous ne comprenez rien à l’économie – je vous laisse choisir. Comme je vous aime bien, je vais vous expliquer à nouveau ce que j’ai essayé de dire la dernière fois : bien sûr que la classe moyenne va profiter de cette baisse d’impôt. Faites les calculs, vous verrez qu’il y aura effectivement plus d’argent dans les poches de la classe moyenne, de l’argent qui ne sera pas envoyé au canton. Je vous rappelle que l’initiative lancée par les milieux patronaux a déjà recueilli 30'000 signatures – quasiment un record – et il n’y a pas 30'000 riches qui ont signé cette initiative. Donc oui, la classe moyenne veut une baisse d’impôt.

Dans mon propos, la dernière fois, j’ai mis l’accent sur ces riches que vous aimez haïr pour vous expliquer qu’ils sont les meilleurs amis de la classe moyenne. Je reprends quelques chiffres – oui, malheureusement, les chiffres sont têtus – 15 % des contribuables vaudois payent 60 % des impôts sur le revenu, et 5,4 % des contribuables vaudois payent 72,4 % de l’impôt sur la fortune. Oui, mesdames et messieurs, les riches sont vraiment nos meilleurs amis. Les chiffres le démontrent et il est difficile – que l’on soit de gauche ou de droite – d’aller à l’encontre des chiffres. Mesdames et messieurs, ne pas donner un peu d’air à ces riches, c’est saborder la classe moyenne. Baisser la fiscalité dans le canton de Vaud ne revient pas à créer un paradis fiscal. Je vous rappelle qu’en matière de fiscalité, le canton de Vaud est l’un des pires cantons au niveau suisse. Je remercie le Secrétariat général de projeter l’image que je lui ai fait parvenir.

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On peut y voir la pression fiscale dans les différents cantons suisses. Vous pouvez chercher le canton de Vaud en haut, vous ne le trouverez pas. Le canton de Vaud est avant-dernier, tout en bas, juste avant celui de Neuchâtel. Aujourd’hui, on ne parle pas de créer une sorte de paradis fiscal, mais simplement de repositionner le canton de Vaud un peu plus haut dans ce ranking, ce qui me semble quand même assez raisonnable.

Mesdames et messieurs de gauche, si vous étiez un peu cohérents, vous devriez applaudir des deux mains le fait de baisser les impôts. Nous l’avons vu avec la RIE III : aujourd’hui, on perçoit plus d’impôts qu’avant, parce la baisse d’impôts a créé une stimulation économique qui a permis au Canton de collecter plus d’impôts qu’auparavant. Si vous étiez cohérents, vous seriez les premiers à dire qu’il faut baisser des impôts. Finalement, cela rejoint votre vision selon laquelle le Canton doit percevoir plus d’impôts pour mener toutes ses politiques sociales. Baisser les impôts, c’est gagnant-gagnant-gagnant. Les riches restent dans le canton et ils payent leurs impôts. La classe moyenne profite d’une baisse d’impôts et profite des impôts payés par les riches. En plus, le Canton devient un peu plus attirant pour les éventuels riches qui voudraient venir y habiter et donc y payer leurs impôts. La baisse d’impôts dont nous discutons sera favorable à tous les Vaudois. Dans cette idée, je vous invite à soutenir la baisse de 4,5 % proposée par la Commission des finances.

M. Kilian Duggan (VER) —

Si l’enfer, c’est le canton de Vaud, je suis personnellement prêt à y vivre. Monsieur Moscheni, j’avais l’intention de réagir à vos propos de la semaine passée, mais vous avez été encore plus précis et je vous en remercie. Il y a une théorie que vous n’avez pas encore mise en avant, mais je vais le faire pour vous : c’est la théorie du ruissellement. Avez-vous déjà entendu parler de cette théorie ? Elle dit que si l’on donne plus aux plus aisés – et je ne veux pas en faire une lutte des classes – par nature, cela va ruisseler dans la société et revenir jusqu’aux classes les plus modestes. C’est une théorie qui a été mise en œuvre par Reagan dans les années 80 aux Etats-Unis. On voit l’effet produit… C’est une théorie qui n’est soutenue par aucun économiste, mais qui est souvent mise en avant dans des parlements. Elle est actuellement thématisée un peu différemment par Emmanuel Macron. Dans les faits, elle se heurte à un problème principal : si on libère du pouvoir d’achat aux plus aisés, il n'y a qu’une proportion marginale de consommation supplémentaire. Faire croire que si l’on donne plus de pouvoir d’achat aux plus aisés ils vont plus investir dans l’économie, cela n’a jamais été prouvé.

Par ailleurs, on a fait beaucoup de distinctions cantonales : « le canton de Genève, pour une fois, c’est moins cher ». J’ai repris les chiffres de M. Bellotti : Zurich, 15'960 francs d’impôt dans votre exemple et 22'000 pour Lausanne. Mais personne ne nous a dit quel est l’impact du projet du Conseil d’Etat à 2,5, 3,5, 4,5 sur l’imposition dans le canton de Vaud. Vous ne nous avez pas dit de combien les impôts allaient descendre. Va-t-on se retrouver à 15000 francs d’impôt pour une famille à Lausanne ? J’en doute et ce ne sont pas les chiffres que nous avons. Nous avons aussi entendu que l’imposition dans le canton de Vaud était un enfer fiscal, que nous faisions fuir les personnes aisées. Personnellement, j’aime bien utiliser les statistiques : entre 2005 et 2019, la proportion de contribuables dont le revenu imposable dépassait 200'000 francs a crû de pratiquement 1 %. Avec une imposition que d’aucuns souhaiteraient qualifier de confiscatoire, la partie des contribuables les plus aisés a continué à augmenter. Ce n’est donc pas une petite baisse d’impôt qui va changer les choses.

M. Jean-Daniel Carrard (PLR) —

Ce débat est quand même relativement édifiant. Je ne pense pas que ce clivage gauche-droite va aider les citoyens à s’en sortir. En fait, l’équation est simple : il faut le dire, le Canton de Vaud a connu des résultats fantastiques ces dernières années et les citoyens attendent maintenant un retour sur cette bonne santé financière du canton. Tout ce que nous disons, c’est qu’il faut payer moins d’impôts et que c’est le moment pour que nos citoyens puissent avoir une sorte de « retour sur investissement ».

Le rapport de minorité veut utiliser un système arrosoir, mais pour M. Bouverat, c’est le rapport de majorité qui propose un système arrosoir. C’est le monde à l’envers ! On tire sur des gens qui payent des impôts et qui alimentent la caisse. Ce sont ces gens qui nous permettent de faire le budget 2023-2024 dont nous aurons l’occasion de discuter. Ce n’est pas maintenant qu’il faut discuter d’éventuelles coupes budgétaires. Dans les communiqués de presse – si on se contente de lire ces derniers – on voit que le Canton a mis en place un budget qui comprend 471,5 ETP supplémentaires, dont 128 ETP au niveau administratif. Lorsqu’interviennent des coupes budgétaires, ce n’est pas ainsi qu’on présente un budget. Nous pourrions donc arriver à la conclusion qu’il n’y a peut-être pas de coupes budgétaires. Encore une fois, il ne m’appartient pas, même si je fais partie de la Commission des finances, de dire ce qui figure dans ce budget.

Je vous propose d’envisager le problème sous l’angle pur et dur de l’équité : nous demandons de baisser l’impôt d’une façon linéaire, contrairement au rapport de minorité qui nous propose d’arroser à raison de 112 francs par personne, et ce, quels que soient les montants d’impôts payés. Admettons l’inverse :  que l’on doive augmenter les impôts. Va-t-on augmenter les impôts de 112 francs pour chaque personne assujettie ou fera-t-on une augmentation linéaire ? Bien sûr, il s’agira d’une augmentation linéaire, c’est-à-dire que ceux qui payent des impôts en payeront beaucoup plus. Un tel système ne peut pas fonctionner si l’on ne peut pas l’appliquer dans les deux sens.

Nous devons maintenant être tout à fait terre à terre, nous devons répondre à des attentes de la population. Nous devons garder un système qui assure une équité. Or, l’équité consiste à aller dans le sens du rapport de majorité qui préconise de baisser les impôts de 3,5, 4,5 – ou que sais-je, nous pourrons débattre du taux. Pour respecter le principe d’équité, c’est une baisse linéaire qui doit être appliquée et pas autre chose.

M. Nicolas Glauser (UDC) —

Je voulais tout d’abord rassurer Mme Joly qui nous parle de coupes budgétaires. Elle évoque des possibilités, par exemple, en lien avec l’enseignement et la formation, mais si elle avait pris la peine de lire le communiqué de presse du Conseil d’Etat, elle aurait pu voir qu’il y aura une augmentation de 98 millions et non une diminution. Concernant les ressources supplémentaires pour la santé, c’est la même chose : une augmentation de 135 millions. L’action sociale, idem : 89 millions. Je trouve que lorsque le Conseil d’Etat se donne la peine de faire un communiqué de presse, en tant que députés, nous devons quand même nous donner la peine de le lire. Lorsque l’UDC soutient la proposition de la majorité de la Commission des finances pour une baisse d’impôt en pour cent, la gauche crie au scandale. En revanche, quand on parle de l’indexation des salaires en pour cent, nos collègues de gauche ne tiennent pas le même discours.

M. Jean Tschopp (SOC) —

J’aimerais revenir un peu en arrière. Il y a une année et demie, l’Alliance vaudoise – dite de centre droit – remportait les élections avec une mesure-phare concernant une baisse d’impôt. C’est évidemment incontestable, ce sont les résultats des élections qui s’imposent à nous. Quelques mois après, la mesure 1.1 du Programme de législature de la nouvelle majorité de droite du Conseil d’Etat souhaitait améliorer l’attractivité du canton, en réformant de manière ciblée la fiscalité, pour que Canton demeure compétitif. C’était clair, assumé : c’était la priorité des priorités, on annonçait la couleur. Nous voici maintenant une année après. C’est vrai, monsieur le président, nous avons un long débat qui est inversement proportionnel à la taille de l’exposé des motifs. Mais comment voulez-vous que nous nous satisfassions d’un exposé des motifs – si tant est que l’on puisse le qualifier de la sorte – qui est incapable de nous expliquer qui va gagner plus ou qui va payer moins d’impôts en fonction des catégories de revenus ? Nous n’accédons pas à ces projections. Elles sont simplement absentes de l’exposé des motifs. En réalité, j’en ai appris plus en lisant le rapport de minorité qui nous fait une projection sur sa proposition de crédit d’impôt dans laquelle on peut constater que 90 % de la population serait gagnante avec ce crédit d’impôt en comparaison avec une baisse d’impôt.

Voilà où nous en sommes aujourd’hui : une nouvelle majorité a gagné les élections, mais elle est dans l’incapacité de nous expliquer qui va profiter de ces baisses d’impôts – sans aucun doute parce qu’elle n’assume pas le fait que, en réalité, cela ne concernera qu’une toute petite minorité par rapport aux alternatives que nous avons proposées. Nous avons été conséquents : dans notre motion sur le rabais d’impôts, nous proposions 1000 francs pour une famille de 4 personnes. Il y a eu la motion « allocation énergétique » et l’initiative de notre collègue Sébastien Cala pour la déduction pour contribuable modeste, déduction qui bénéficierait aux deux tiers de la population. Des propositions, nous en avons donc amené, mais à chaque fois, on nous laisse entendre que nous sommes à côté du sujet.

Par ailleurs, chers collègues, il y a une autre chose que vous devez entendre : le poids des primes d’assurance-maladie devient considérable et les ménages étouffent sous ce poids. Vous devez aussi entendre que près de la moitié de la population dans ce canton paye plus en primes d’assurance-maladie qu’en impôts. C’est une réalité ! Peut-être qu’elle vous déplaît, mais c’est une réalité qui est documentée. Monsieur Buffat, vous ne pouvez pas vous offusquer que nous en arrivions à ce stade. Certes, il y a eu un allégement des primes, c’est une très bonne chose puisque cela va continuer à soulager une bonne partie de la classe moyenne. M. Berthoud a eu l’amabilité de rappeler que je touche un subside partiel qui m’aide à payer les primes d’assurance-maladie de mes enfants. Ces aides – et c’est très important de le rappeler – permettent de répondre à une situation dans laquelle la prime d’assurance-maladie est devenue un impôt. La réduction de prime par le subside n’est pas une aide sociale ; il n’y a pas 40 % de la population de ce canton qui est à l’aide sociale – et vous devez l’entendre une fois pour toutes – mais c’est un correctif indispensable dans le système de prime par tête. Vous ne pouvez pas non plus vous offusquer que nous voulions aller plus loin en réfléchissant à un calcul des primes en fonction du revenu, dès lors que pratiquement une personne sur deux paye plus en primes qu’en impôts.

En conclusion, ce qui me surprend aujourd’hui – et c’est sans doute l’enseignement que je tire de cette nouvelle configuration dans laquelle nous pouvions nous attendre à des compromis droite-droite – c’est que ces compromis n’ont pas eu lieu. J’entends l’UDC qui est insatisfaite de la mesure qui est proposée, un peu en catastrophe, par le Conseil d’Etat qui nous explique dans un communiqué alambiqué qu’il y a eu un échange de vues qui donne à penser que tout ça s’est fait en buvant le thé et en toute tranquillité. En réalité, le Conseil d’Etat a dépêché une délégation en catastrophe pour essayer de voir ce qui pouvait être fait par rapport à la prise de pouvoir par la majorité de la Commission des finances, toujours dans l’incapacité de chiffrer et de projeter les vainqueurs et les perdants de ces baisses d’impôts.

Après une heure et demie de débat, je dois aussi faire le constat que les partisans de ces baisses d’impôts – qui jouent la surenchère, qui veulent aller encore plus loin – sont dans l’incapacité de définir les gagnants et les perdants de la mesure qu’ils proposent. Toutes les projections sont exclusivement basées sur des comparaisons, indépendamment de la baisse d’impôt proposée. Dans ces conditions, comment voulez-vous qu’on vous croie lorsque vous nous direz dans quelques minutes qu’il n’y aura absolument aucune coupe ? C’est ce que vous allez nous dire en réponse aux questions de notre collègue Rebecca Joly. Comment voulez-vous que l’on vous croie, alors que vous êtes incapables de nous expliquer les effets concrets de ces baisses d’impôt ? Voilà où nous en sommes : la confiance s’érode et ce n’est pas dans les habitudes de ce Canton. On nous avait vanté les mérites de l’impôt heureux, vous nous faites entrer dans l’ère de l’impôt houleux. (Rires.)

M. Gérard Mojon (PLR) —

Je commence par déclarer mes intérêts : je suis actif dans le domaine de la fiscalité à titre professionnel. Une fois de plus, ce matin, j’entends dire que les baisses d’impôts profitent essentiellement aux plus riches, en laissant entendre – voire en disant clairement – que la droite souhaite délibérément favoriser les contribuables à forte capacité contributive. Eh bien non, il n’en est rien. Cela est simplement lié au système de progressivité du taux et de solidarité de l’impôt, un système voulu et âprement défendu par une très large frange de cet hémicycle – et probablement à juste titre. Par rapport à une situation donnée, lorsque le taux d’impôt augmente ou que la masse imposable augmente, les contribuables à forte capacité contributive – les riches – seront plus fortement impactés ; ils subiront une augmentation en francs plus forte que les contribuables à faible capacité contributive. Tout le monde trouve que c’est normal, c’est mathématique. Dès lors, tout aussi automatiquement, lorsque ce taux ou cette masse diminue, cela profite plus aux contribuables à forte capacité contributive qu’à ceux à faible capacité. L’effet est exactement le même, c’est tout aussi mathématique, tout aussi normal. Le seul problème, mes chers collègues de gauche, c’est que vous ne l’acceptez pas. Qu’est-ce que cela veut dire ? Ça veut dire que les impôts ne peuvent donc qu’augmenter… les contribuables vaudois apprécieront. Pour réduire cet effet, il existe quelques possibilités : la première consiste tout simplement à supprimer la progressivité du taux de l’impôt – mais je ne pense pas que c’est ce que vous voulez. On peut même supprimer totalement cet effet en revenant à la capitation, c’est-à-dire que chaque individu paye un impôt fixe en francs – je pense que vous le voulez encore moins. Alors, s’il vous plaît, n’accusez pas les autres des effets d’un système que vous prônez.

Ce matin, Mme Joly nous demande où la droite souhaite couper. Si j’en crois vos critiques répétées des résultats de l’Etat – les fameux 600 millions par année qui dérangent tant de monde – la réponse est claire : nulle part ; il n’y aura pas besoin de faire des coupes. Les baisses d’impôts représentent 270 millions, alors que le résultat extraordinaire de l’Etat se monte à 600 millions. Il y aura moins de résultats, il n’y aura aucune coupe, si j’en crois vos dires. En élisant un Conseil d’Etat annonçant clairement des baisses d’impôts – M. Tschopp a eu l’honnêteté de le dire – et en signant l’initiative des associations économiques, les Vaudois ont clairement indiqué qu’aujourd’hui ils veulent une baisse d’impôts. Respectons ce choix !

M. Didier Lohri (VER) —

Je déclare mes intérêts : je suis membre de la Commission des finances. Tout ce débat et ce capharnaüm viennent simplement du manque de sincérité lors de l’élaboration du budget depuis de nombreuses années de la part de la majorité du Conseil d’Etat et du Grand Conseil. A force de sous-estimer les recettes fiscales, nous arrivons dans cette situation qui saute à la figure du gouvernement par ses atermoiements. Je suis scandalisé que le Conseil d’Etat n’ait pas eu le courage de proposer son amendement et qu’il laisse un membre de la Commission des finances – ayant proposé 4,5 % – pour le ramener à un 3,5 %. Et ceci en 7 jours ! Je doute que tous les services aient trouvé des économies pour offrir ces 30 millions.

Le Conseil d’Etat corrige simplement la ligne budgétaire des recettes fiscales de 30 millions sans prendre de risque, admettant ainsi que cette technique de sous-estimation plus que raisonnable n’est plus crédible. Il faut féliciter le Conseil d’Etat de tenter de s’approcher de la sincérité budgétaire !

Toutes ces prises de paroles ne changeront pas le vote d’entrée en matière et de la décision finale pressentie. Je m’étonne que la droite ne propose pas une motion d’ordre sur le vote d’entrée en matière pour aller dans le vif du sujet soit les 4,5 ou 3,5 ou 2,5 ou 0.

M. Yvan Pahud (UDC) —

Lorsqu’on touche au porte-monnaie et à la fiscalité, on est vite dans l’émotionnel. J’ai beaucoup de respect pour mes collègues de gauche, mais je m’inscris en faux – comme mon collègue Mojon – au sujet d’éventuelles coupes qui feraient suite à cette baisse d’impôt. Notre Canton a les moyens. J’en veux pour preuve le dernier bénéfice de l’année 2022, qui s’élevait à 494 millions, ou les dix derniers exercices qui présentaient plus de 600 millions d’excédent de revenus. Notre Canton en a les moyens. Que l’on prenne les 2,5 – 75 millions – les 3,5 – 105 millions – ou les 4,5 – 135 millions – nous sommes toujours loin des 400 ou 600 millions de bénéfice. Nous pouvons donc nous permettre une baisse d’impôt sans toucher aux prestations.

Je le répète, nous avons rempli les coffres de l’Etat parce que nous avons trop ponctionné le contribuable. Il s’agit donc d’un simple retour à la normale pour soulager principalement la classe moyenne. Je pense que le moment est venu. Notre collègue Miauton a rappelé le titre de l’initiative des milieux économiques : « Baisse d’impôt pour tous – Redonner du pouvoir d’achat à la classe moyenne ». Par ailleurs, c’est aujourd’hui qu’il faut lui redonner du pouvoir d’achat, parce que c’est aujourd’hui qu’elle est touchée par la crise.

Notre collègue Freymond nous disait que cela ne représenterait que 60 francs d’économie à la fin de l’année, soit un café par mois. Mais si l’on additionne la hausse des primes de l’assurance-maladie, la hausse du prix de l’électricité et la hausse du prix de l’essence, à la fin de l’année, ce sont des milliers de francs en moins dans votre porte-monnaie. Certes, c’est une petite mesure pour les petits revenus, mais c’est une plus grande mesure pour les grands revenus qui consommeront davantage et qui alimenteront l’économie de ce canton. J’espère que nous arriverons vite au point crucial qui traitera des amendements pour que nous puissions enfin redonner du pouvoir d’achat à la classe moyenne.

Mme Amélie Cherbuin (SOC) —

Le coût de la vie augmente, mais c’est également le cas pour le Canton. Cette baisse d’impôts – quoi qu’on en dise – est une perte pour ce dernier, donc pour la collectivité. Je ne suis pas d’accord de dire qu’accepter une augmentation des charges de 4,9 % est un compromis. Non, l’augmentation des charges assure l’adaptation au renchérissement des coûts qui vont également toucher le canton : l’augmentation du nombre d’habitants qui nécessite des adaptations des infrastructures, le nombre de classes qui doivent être mises à disposition, le vieillissement de la population qui nécessite des frais, etc.

« On nous regarde », dites-vous… oui ! en tant que politiques, nous avons la responsabilité de ralentir la montée de l’individualisme et du « chacun pour soi » que nous constatons dans notre société. Nous devons faire en sorte d’équilibrer un tant soit peu la qualité de vie des gens. Cette baisse d’impôt, c’est une double peine pour les petits revenus. Pas d’impact – ou très peu – sur le pouvoir d’achat et, par voie de conséquence, une future stagnation, voire une baisse programmée des prestations – ça c’est sûr. Lors de la prochaine étape, on viendra nous dire qu’il n’y a plus assez de budget pour faire tourner la maison, et qu’il faut entamer des mesures de redressement. Si nous avons autant d’argent que le prétend M. Mojon, pourquoi le budget est-il déficitaire ? Cela pointe déjà dans le discours de M. Miauton, qui fait croire qu’il croit ce qu’il dit en disant que ces baisses d’impôt sont équitables. M. Mojon l’a démontré, les baisses d’impôt sont plus importantes pour les hauts revenus. M. Miauton laisse entendre que les prestations pour les pauvres coûtent cher. Bien sûr, alors ne dites pas que cela ne favorise pas les hauts revenus. Il semble assez clair d’imaginer où vous voulez couper. Et que dire de la comparaison avec Genève qui est en tête des cantons les plus endettés, avec 11 milliards contre 600 millions pour notre canton ? En comparaison, je peux vous dire que les prestations sociales accordées à la population dans les cantons alémaniques sont très faibles et principalement à la charge des communes. Je pense donc que cela ne vous plairait pas non plus. Antoine de Saint-Exupéry a dit : « Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible. » Avec ces baisses d’impôts, je trouve que l’avenir est bien compromis.

M. Philippe Miauton (PLR) —

Je n’ai pas dit que c’était équitable mais égalitaire : quand le pourcentage est le même pour tout le monde, c’est tout à fait égal. Vous nous demandez où il s’agirait de faire des coupes, mais je peux vous poser la même question : s’il y a des départs des contribuables aisées – et moins de rentrées – où faudra-t-il faire des coupes ? Si ces départs ont lieu, c’est peut-être parce nous ne sommes plus dans l’impôt heureux. Nous ne sommes pas non plus dans l’impôt houleux, comme l’a dit notre collègue Tschopp, nous sommes maintenant dans la catégorie des contribuables malheureux, et il faudrait peut-être aussi le prendre en compte.

« Vendu », « bourgeois », j’espère que le président qui voulait un débat serein a été satisfait. Je suis content d’apprendre que notre camarade Bouverat déclare sa flamme pour Pascal Broulis, je suis sûr qu’il votera pour lui dans deux semaines. Vous m’avez qualifié de « bourgeois » : en vivant dans cette joyeuse ville de Lausanne, je devrais presque recevoir une médaille pour cet acte. Courageusement, je paye mes impôts. J’ai fait deux enfants, alors je paye la crèche « plein pot » et je dois me « fader » l’accueil pour enfants en milieu scolaire (APEMS) à 35 francs pour du boulgour – mais ça c’est une autre histoire. Vous allez venir avec les transports gratuits. (Réactions dans la salle.) Non, mais faites la liste ! Maintenant, vous voulez que les primes soient payées selon le revenu. Additionnez tous ces éléments et vous verrez que ceux qu’on essaye de mettre dans cette classe moyenne vont se retrouver exactement au même niveau que ceux qui touchent des aides. S’il existe des subsides pour les primes de l’assurance-maladie, c’est bien pour prévenir ce genre de situation. Cela figure au budget et, d’après ce que je sais, ça n’a pas fait l’objet d’une coupe. C’est un élément à prendre en compte. Vous nous faites de grandes théories, mais l’exemple que je vous ai cité sur ce couple lausannois – avec deux enfants – qui paye 4416 francs de plus d’impôts en comparaison avec Genève devrait quand même vous faire réfléchir où prévoir des baisses, plutôt que des aides toujours ciblées qui arrosent et touchent le 100 % des contribuables, par rapport à ce qui est proposé aujourd’hui.

On nous demande d’expliquer ce que représenterait cette proposition. C’est assez simple : il suffit de calculer 3,5% sur 15'000 francs d’impôt. Vous faites ce calcul pour toutes les catégories et vous aurez vos chiffres. En faisant ce calcul, vous vous rendrez compte que, dans la majorité des cas, cette proposition est plus élevée que votre chèque de 112 francs. Evidemment, vous voulez toucher beaucoup plus de monde, mais c’est un autre élément.

Enfin, en ma qualité de « vendu » – puisqu’on m’a précédemment qualifié ainsi – je précise à M. Bouverat que je côtoie des entrepreneurs qui ne sont pas forcément des grands patrons. Ce sont eux qui offrent des emplois aux personnes qu’il défend – et c’est tout à son honneur. Or, ces personnes me parlent de la fortune et de leur outil de travail. Si l’on continue à les imposer fortement, à la fin, il n’y aura plus d’innovation, donc moins de nouveaux emplois. Finalement, l’entreprise pourrait aussi faire face à des difficultés lorsqu’il s’agira de payer l’IPC, un élément cher à votre cœur et cher au cœur des entrepreneurs – quand ils peuvent le faire. Arrêtez de nous donner des leçons et de qualifier les gens de manière détestable sous prétexte que ce qu’ils pensent ne va pas dans votre sens. Il y a un moment où cela dépasse les bornes.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Nous allons suspendre les débats pour la pause de midi et permettre ainsi aux groupes de se réunir.

M. Julien Eggenberger (SOC) — Rapporteur-trice de minorité

Beaucoup de choses ont été dites : on est passé du Venezuela aux communes, des économies dans la santé à l'amour des riches de certains. Je vais rester très bref et apporter quelques éléments qui font écho à ce dont nous avons discuté la semaine dernière. De part et d'autre, les camps s'accusent d'arroser certaines politiques publiques. Il faut reconnaître que, par définition, une baisse d’impôts qui s'applique à l'entier des contribuables correspond à une sorte d'arrosage. La question est de savoir : est-ce qu'on arrose bien ? Est-ce qu'on arrose au bon endroit ? Je constate que le rapport de majorité propose d'arroser les massifs qui sont déjà les plus prolifiques aujourd’hui, qui ont les meilleurs approvisionnements en eau, tandis que le rapport de minorité propose de faire du goutte-à-goutte auprès de chacun des contribuables. Ce sont deux manières d'appréhender la question fiscale, et notre Grand Conseil tranchera cette question aujourd’hui.

Plusieurs fois, des intervenants ont parlé de « nos » baisses d'impôts et de « vos » charges – nos baisses d'impôts de la droite, vos charges de la gauche. J'espère qu’il s'agit d'un lapsus, puisque nous devons toutes et tous être fiers de ce que la collectivité entreprend grâce aux impôts et aux taxes collectés ; des prestations sont offertes à la population, des mécanismes de redistribution, bien que perfectibles, sont déjà existants. Il ne s'agit donc pas de faire un compromis entre ceux qui défendent les charges et ceux qui défendent les baisses d'impôts ; nous avons toutes et tous à être fiers de ces prestations qui sont offertes. Ce constat me fait arriver à la même conclusion que mardi passé : vous appelez à la responsabilité de maintenir à flot la collectivité. Or, la collectivité est notre outil qui permet de rétablir un peu de justice sociale, qui permet de fournir des prestations aux habitants et habitants de ce canton. A n’en point douter, ils et elles sont tout autant attachés à ces prestations qu'à ce slogan de la baisse d'impôt. Je vous invite donc à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.

Mme Florence Gross (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Je suis surprise de constater, lors de ce débat d'entrée en matière, à quel point une partie de l'hémicycle renie totalement la progressivité de l'impôt, notamment lorsqu'on parle de proposition de crédit d'impôt. Cette progressivité est pourtant mentionnée dans l'article 47 de la Loi sur les impôts directs cantonaux (LI), et elle ne peut pas aller que dans un sens. Pire encore, les principes constitutionnels de capacité économique et de capacité contributive sont totalement mis à mal. Comment pourrait-on souhaiter maintenir ces principes en cas de hausse fiscale et les supprimer en cas de baisse ? Et c'est ce qui est notamment souhaité au travers du crédit d'impôt : briser la solidarité fiscale. Les contribuables à forte capacité contributive permettent et permettront, même en cas de baisse fiscale, de financer les infrastructures, les politiques publiques, les mesures sociales, etc. Des baisses fiscales ne sont évidemment pas équivalentes à des coupes linéaires brutes, mais plutôt à des recherches d'efficience. D'autant plus que le Conseil d'Etat nous a annoncé une feuille de route qui lui permet d'anticiper et donc de se préparer. Pas d'arrosage, mais simplement un respect des lois et de ses principes.

Je rappelle qu'une partie de la population qui pourrait ne pas bénéficier ou que peu de cette baisse fiscale, ne payant que peu ou pas d'impôts, bénéficie et surtout continuera à bénéficier des subsides à l'assurance-maladie. En effet, ce principe n'est aucunement remis en question par cette baisse fiscale souhaitée, sachant que 86 % de la population vaudoise a accepté la RIE III, dont ses compensations sociales. Pour preuve, l'estimation qui figurait dans la brochure de votation RIE III concernant le subside LAMal était largement sous-estimée et ce montant est largement dépassé, mais il n'est pas coupé. En contrepartie, il était également prévu une baisse importante du produit de l'impôt sur le bénéfice, mais cette baisse est depuis entièrement compensée. La baisse d'impôt amène de l'impôt : hausse de charges d'un côté, augmentation des recettes de l'autre. Dès lors, les contribuables qui ne bénéficient pas de subsides, mais qui contribuent à ceux-ci, n'ont-ils le droit à rien ? Selon vous, ils n'étouffent pas ? N'y a-t-il pas chez eux également du désarroi ? Non pas chez les riches, comme vous aimez les appeler et les dédaigner, mais chez les personnes qui gagnent juste assez pour ne pas toucher de subsides, mais qui paient plein pot ; ils semblent être oubliés par une partie des députés. Cessons de parler uniquement des gros contribuables. Cette partie importante de la population qui paie impôts et primes doit aujourd'hui voir son pouvoir d'achat amélioré. Cela passe par la baisse fiscale proposée, qui respecte les principes déjà énoncés de capacité économique et contributive. Ces personnes ne doivent pas voir le revenu de leur travail confisqué. Ou alors souhaitez-vous peut-être abolir les barèmes ? Ceci serait une autre discussion.

Dès lors, selon la majorité de la commission, il n’y a aucun mépris, comme cela a pu être envisagé de la part du Conseil d'Etat, qui avait d'ailleurs déjà annoncé dans son Programme de législature des mesures ainsi qu'un montant global. Il n'est ici lieu que de sa réalisation, ou du moins une étape. Un Programme de législature du Conseil d'Etat, une proposition ce jour du Conseil d'Etat in corpore, car je ne crois pas avoir constaté une rupture de collégialité. D'ailleurs, de nombreuses autres mesures figurent dans ce Programme de législature, qui peut-être arrangent d'autres personnes, mais qui sont également non remises en question.

Je déplore également les attaques sur la manière dont les institutions ont été traitées. Si, certes, la Commission des finances a dû débattre en urgence en août, la nouvelle feuille de route du Conseil d'Etat émise suite au débat prouve que la Commission des finances, qui représente l'organe législatif, est écoutée et a son influence. La majorité de la Commission des finances, en acceptant l'entrée en matière, souhaite faire un geste pour soulager les contribuables, ceux qui paient tant des impôts que leurs primes d'assurance-maladie. Je vous invite à entrer en matière sur ce projet de loi et à accepter cette baisse fiscale qui respecte les principes légaux et constitutionnels et qui, de plus, est déjà incluse au budget.

Mme Valérie Dittli (C-DFA) — Conseiller-ère d’Etat

Je vous remercie pour vos différentes prises de position qui montrent l'importance de ces débats en matière de fiscalité pour l'attractivité de notre canton et le maintien des équilibres. Avec ce projet de loi, l'ensemble du Conseil d'Etat a proposé, début juillet, de concrétiser son Programme de législature et sa planification financière. Le Conseil d'Etat a détaillé sa vision avec une feuille de route. Nous sommes convaincus que seule cette vision construite est susceptible de garantir l'équilibre global nécessaire à la stabilité financière du canton. Le projet du budget 2024 a été présenté lundi dernier à la Commission des finances et à la presse. Le Conseil d'Etat souhaite préserver les équilibres. Avec ce projet de budget, le Conseil d'Etat vous propose – on en débattra en décembre – de consolider les prestations existantes, de soutenir le pouvoir d'achat, mais aussi de préparer les investissements de demain.

Madame Rebecca Joly, dans le projet de budget 2024, il n'y a aucune charge qui baisse. Préserver les revenus passe aussi par une baisse fiscale, comme l'a démontré l'exercice de la RIE III dont j'ai fait le bilan lors de la dernière séance. Monsieur Buffat, concernant le volet social de cette réforme, 287’000 personnes bénéficient des subsides en 2023. Cela correspond à environ 35 % et ils bénéficient d'environ 866 millions de francs au total. Rappelons que 15 % des contribuables vaudois paient 60 % de l'impôt cantonal sur le revenu et que 4,5 % paient 72,4 % de l'impôt sur la fortune.

Plusieurs études ont démontré que le canton de Vaud est l'un des cantons les moins attractifs fiscalement pour les personnes physiques. La charge fiscale figure au troisième rang des charges fixes des ménages. Pour donner un souffle à toute la population et soutenir le pouvoir d'achat, le gouvernement considère qu'une baisse de la fiscalité est nécessaire. Pour soulager la charge fiscale des ménages vaudois et ainsi libérer du pouvoir d'achat pour la population, plusieurs options existent en théorie : la baisse du coefficient, les déductions, les rabais d'impôts, la réduction en pourcentage ou encore la modification du barème.

Concernant le coefficient, le canton de Vaud a le même coefficient pour les personnes physiques et les personnes morales. Le coefficient cantonal n'est ainsi pas l'outil adéquat pour atteindre l'objectif d'une baisse de la fiscalité des personnes physiques, puisqu'il conduirait à une baisse de l'imposition des personnes morales, ce qui est contraire à l'imposition minimale de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dont nous discuterons tout à l'heure.

Concernant les déductions, la Loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs (LHID) fixe le cadre des déductions possibles. Les déductions ont déjà été adaptées à la hausse ces dernières années, notamment en 2023 avec l'augmentation des déductions pour l'assurance-maladie et l'augmentation des frais de garde. En 2024, la déduction pour frais de garde augmentera encore, pour passer de 13’000 à 15’000 francs par enfant – une mesure que vous avez déjà adoptée. Certaines classes de contribuables ne profiteront pas, ou seulement partiellement, de cette mesure. Dans ces circonstances, cette mesure ne remplit que partiellement l'objectif visant à améliorer le pouvoir d'achat de toute la population.

Concernant le rabais d'impôt, la LHID et la jurisprudence du Tribunal fédéral limitent les rabais d'impôt. Le rabais d'impôt tel que proposé par la minorité de la commission est en contradiction, parce que le canton de Vaud connaît déjà la déduction sociale du quotient familial. Ajouter une deuxième déduction sociale qui a le même but n’est pas permis par la LHID. Il convient aussi de relever que le canton de Vaud est déjà extrêmement compétitif en matière d'imposition des plus bas revenus. Un crédit d'impôt ne fera qu'accentuer cette situation.

La question du barème va se poser tôt ou tard. En effet, selon un rapport qui a été soumis par Statistique Vaud, c’est un des seuls moyens pour tenir compte de la classe moyenne et de l'évolution du niveau de vie de la société globale. Le barème de l'impôt sur le revenu des personnes physiques n'a pas été modifié sur le fond depuis les années 2000, et le barème de l'impôt sur la fortune également. Il y a eu une petite modification en 2004 pour le barème de l'imposition sur le revenu.

Enfin, il reste la réduction d'impôt qui est, aux yeux du Conseil d'Etat, avec une vision et un Programme de législature, la solution la plus adéquate en ce moment. En effet, c'est une mesure ciblée sur les personnes physiques, simple à mettre en œuvre et modulable dans le temps. Elle permet aussi de laisser ouvertes les réflexions sur les réponses apportées aux différentes interventions parlementaires et à l'initiative populaire cantonale. De plus, la réduction d'impôts ne s'applique qu'à l'impôt cantonal sur le revenu des personnes physiques. Elle n'a pas d'impact sur les communes, qui elles-mêmes sont impactées favorablement en raison des maxima d'imposition globaux des impôts cantonal et communal cumulés de l'article 8 de la Loi sur les impôts communaux (LICom). En relation avec l'article 8 de la LICom, et pour remettre l'église au milieu du village, cette réforme ne s'applique pas qu’aux plus riches. Bien au contraire, car elle ne s'applique pas du tout aux plus riches. Les personnes soumises aux maxima d'imposition des impôts tant cantonal que communal – le fameux bouclier fiscal – ne bénéficieront pas de la réduction. Il a été dit la semaine dernière que 96 % de la population vaudoise s'en sortirait mieux avec le crédit d'impôt tel que proposé par la minorité de la Commission des finances. Un tel chiffre ne peut être affirmé ainsi. Il n'y a pas de réponse et d'affirmation faciles : tout dépend de la situation familiale. En effet, la mesure proposée par la minorité de la commission dépend en grande partie de la situation familiale et non de la capacité contributive. Le quotient familial permet déjà de tenir compte de la situation familiale. Par exemple – je me base sur la calculatrice publique qui est accessible sur le site internet de l'Etat de Vaud – pour un célibataire avec un revenu de 50’000 francs, une réduction de 3,5 % correspond à une économie de 186 francs. L’impôt à payer sera de 5'327 francs ; avec un rabais de 3,5 %, le montant sera de 5'141 francs. Pour un couple avec deux enfants et un revenu imposable de 100’000 francs, une réduction de 3,5 % correspond à 335 francs. Au lieu de payer 9'491 francs, ce couple paiera 9'159 francs. Je rappelle qu’en ce qui concerne les personnes seules, 34,5 % des contribuables ont des revenus imposables de plus de 50’000 francs et que 25,5 % ne paient pas d'impôt. Pour les couples mariés, 40,2 % des contribuables ont des revenus imposables de plus de 100’000 francs et seulement 5,9 % ne paient pas d'impôt. De tels chiffres ne peuvent pas être avancés, et il est difficile de faire des généralités, car les situations sont toutes différentes.

Avec ce projet de loi et sa feuille de route, le Conseil d'Etat veut soutenir le pouvoir d'achat de toute la population, notamment en période d'inflation, demeurer compétitif et améliorer l'attractivité de notre canton en tant que lieu de vie, pérenniser l'implantation de contribuables et inciter la main-d'œuvre qualifiée à venir travailler et habiter dans notre canton, ainsi qu’assurer le financement des prestations publiques. Avec la proposition du Conseil d'Etat, tous les contribuables voient leur charge fiscale diminuée dans une proportion identique. La capacité contributive est déjà prise en considération au niveau du barème ; c'est un élément important. Le barème est le reflet de la capacité contributive puisqu'il est progressif. Cette baisse de la fiscalité permet de soulager l'ensemble des Vaudoises et des Vaudois qui sont particulièrement touchés par l'inflation ; cette dernière pèse lourdement dans le porte-monnaie de toutes et tous.

Conscient qu'un changement s'impose, le Conseil d'Etat souhaite soulager la charge fiscale des ménages et propose une baisse de 3,5 % en 2024. Cette dernière permet d'intensifier l'effort consenti en 2024, tout en tenant compte de la situation financière de l'Etat. Avec sa feuille de route et cette proposition de baisse de 3,5 % dès 2024, le Conseil d'Etat réaffirme ses engagements pris dans le Programme de législature, tout en respectant les équilibres nécessaires. Cette baisse est d'ores et déjà intégrée dans le projet de budget 2024 et dans la planification financière qui figure dans le Programme de législature. Le Conseil d'Etat vous propose une réduction équilibrée, réfléchie, raisonnable et judicieuse – le mot judicieux est synonyme de juste, logique, sage, raisonnable et approprié. Dans ce débat, il ne faut jamais oublier qu'on ne parle pas de notre argent, mais de celui du contribuable. Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter l'entrée en matière de cette loi et à soutenir la proposition du Conseil d'Etat, soit une baisse de 3,5 % en 2024.

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Président-e du Conseil d’Etat

Je souhaiterais mettre en exergue trois éléments par rapport à cette entrée en matière. Ces éléments ont déjà été déclinés ce matin par Mme Dittli, mais il est important de les répéter et de les souligner. Premièrement, les propositions qui sont aujourd'hui sur la table sont celles de l'ensemble du Conseil d'Etat, et non pas d’une majorité ou d’une portion du Conseil d'Etat. C'est un point qu'on doit préciser pour répondre à ce qui a été dit ce matin.

Deuxièmement, les mesures qui vous sont proposées sont celles qui relèvent du Programme de législature, avec un montant que nous souhaitons mettre sur la table de l'ordre de 270 millions. C'est bel et bien quelque chose qui est connu depuis une année ; il n'y a pas de précipitation du Conseil d'Etat au sujet de ce programme, puisque le montant a été connu. Le fait de planifier les montants prévus sur plusieurs années est aussi un élément qui ressort de ce Programme de législature. Ce sont uniquement les modalités qui ont été précisées aujourd’hui.

Troisièmement, les mesures qui sont mentionnées dans le Programme de législature s'inscrivent dans un programme global, un programme équilibré, un programme qui est fait pour faire face aux enjeux de la société dans laquelle nous vivons, tant au niveau des défis structurels ou conjoncturels. On parle beaucoup des crises qui se succèdent ces dernières années, et nous devons à la fois assumer les prestations qui sont les nôtres et travailler sur le pouvoir d'achat. Alors non, monsieur Tchopp, nous ne sommes pas là pour faire voter le programme d'un parti ou d'un autre, d'une organisation ou d'une autre ni pour être les défenseurs d'un organisme d'intérêts. Nous sommes là pour travailler pour l'ensemble des Vaudoises et des Vaudois. Pour preuve, les propositions que nous amenons vont trop loin pour une certaine partie de l’hémicycle et pas assez loin pour une autre partie ; cela me laisserait plutôt penser que ces propositions sont équilibrées.

Madame Joly, je m'étonne que vous soyez étonnée sur plan institutionnel... Comme chaque année, la Loi sur les impôts arrive avant le budget. Et comme chaque année, cette loi sur les impôts doit être votée avant le 15 octobre. Mais le budget est connu, de même que tout ce qui touche à l'équilibre entre les charges et les revenus ; vous le retrouvez dans le cadre du communiqué de presse qui est sorti au moment de la publication de ce budget. Sur la forme, je m'étonne aussi que vous soyez étonnée que plusieurs conseillers d'Etat s'inscrivent dans la démarche du jour. Cela me paraît bien normal dès lors qu'il y a une solidarité du collège ; on l’a vécue par exemple avec la Loi sur les taxes véhicules et bateaux que j’ai défendue avec Mme Gorrite, ou ce matin encore à l’aune de l'amendement qui a été déposé par M. Aschwanden sur le sport. C'est bien normal, dans le cadre d'une activité gouvernementale, que l'on puisse avoir plusieurs conseillers d'Etat qui s'inscrivent dans le cadre d'un débat de ce type, d’autant plus au vu de son ampleur. Par ailleurs, je m'étonne que vous soyez étonnée du dialogue qu'il peut y avoir à la fois avec la Commission des finances, ou ici même avec votre Parlement. C'est bel et bien le principe du débat démocratique que de pouvoir discuter, d’avoir des séances de dialogue informel ou formel, comme lors de ce débat qui est aujourd'hui le nôtre.

Concernant le fond, on a beaucoup parlé des priorités pour le pouvoir d'achat et Mme Dittli a résumé les arguments en faveur de la solution que nous avons préconisée. Tout d’abord, je vous remercie pour le débat de ce matin, mais comme Mme Dittli, je regrette simplement son ton qui est un peu tombé dans la caricature et dans le procès d'intention. Le Conseil d'Etat se préoccupe de l'ensemble de la population, comme vous toutes et tous. Nous ne sommes pas ici pour sectoriser la population, ni pour parler des bons, des méchants, des pauvres ou des riches. Nous nous devons de trouver des équilibres pour toute la population vaudoise. Cela se traduit sur ces baisses fiscales, mais aussi sur un budget que nous voulons équilibré, qui travaille sur le pouvoir d'achat – 105 millions de baisse fiscale – mais qui travaille aussi sur les prestations délivrées à la population. L’augmentation des charges est importante ; elle est liée aux crises que nous vivons : à l'inflation, à l'Ukraine, mais aussi à un système de santé qu'on veut efficace – plus de 135 millions pour la santé, plus de 89 millions pour les subsides, 41 millions pour les transports publics – évidemment cette liste n’est pas exhaustive. Dès lors, il n'y a pas eu de coupe dans le cadre du budget ; cela a été rappelé par Mme Dittli.

M. Berthoud l'a dit ce matin, il n'est pas scandaleux de se préoccuper également de la saine gestion des données publiques et de l'efficience qui doit être celle de l'Etat, indépendamment des prestations qui sont délivrées. En effet, il s’agit d'argent public on se doit d'être efficace dans ce cadre.

J’aimerais aborder un dernier élément, au sujet de la classe moyenne et des personnes qui vont bénéficier de ces baisses fiscales. Au-delà des évaluations personnelles de chacun sur ce qu'est ou non la classe moyenne, la définition est connue : il s’agit de celle de l'Office fédéral de la statistique (OFS) et je ne vais pas revenir sur les chiffres par rapport à cela ; ils ont d’ailleurs été cités assez partiellement par l'un ou l'autre d'entre vous. Aujourd'hui, je constate que plus de 50 % de la population vaudoise est considérée dans la classe moyenne ; et on a à peu près 20 % en dessous et 20 % en dessus… Dans ce cadre, par rapport aux personnes les plus précarisées, un système entier est mis en place, notamment les subsides. Plus de 20 % de la population vaudoise ne paie pas d'impôts ; plus de 30 % de la population vaudoise est soutenue par les subsides. Dès lors, les baisses fiscales telles qu'elles vous sont proposées bénéficieront tout simplement à 80 % de la population vaudoise. C'est la réalité, parce que ce sont les personnes qui paient des impôts dans ce canton ; les plus précarisés ne paient pas d'impôt et les plus riches, comme l'a rappelé Mme Dittli, sont au bouclier fiscal et ne seront donc pas touchés par ces baisses fiscales. Ce sont donc des baisses fiscales qui ciblent les personnes qui en ont besoin. Nous vous invitons, avec Mme Dittli, à entrer en matière sur ce projet.

M. Julien Eggenberger (SOC) — Rapporteur-trice de minorité

Je suis obligé de réagir suite à l'intervention de la conseillère d'Etat en charge du Département des finances. Tout d’abord, je regrette que les différents éléments qui ont été amenés par la conseillère d'Etat dans son intervention d'entrée en matière ne figurent pas dans l'exposé des motifs et projet de loi. Cela l'aurait un petit peu étoffé et aurait nourri les discussions en Commission des finances.

Le deuxième point sur lequel je suis obligé de revenir concerne la proposition qui est faite par la minorité de la commission. Elle n'avantage pas 95 % de la population du canton de Vaud, évidemment, puisque 20 % de la population ne paie pas d'impôts. En revanche, elle avantage 95 % des contribuables ; il est très facile d'en faire le calcul puisqu'on connaît la réduction de 2,5 % qui était dans le projet de base sur lequel nous avons fait le calcul, et que nous connaissons le montant de 112 francs que nous proposons. Il est tout à fait possible de faire ce calcul, ce sont des mathématiques, et nous reviendrons là-dessus lors des amendements.

Le troisième point que je voulais mentionner concerne la cohérence avec le Programme de législature. Le programme de législature, à son point 1.1, dit « améliorer l'activité du canton en réformant de manière ciblée la fiscalité ». Il est difficile de comprendre en quoi une baisse en pourcentage est une baisse ciblée, puisque par définition une baisse en pourcentage touche tout le monde.

Enfin, pour conclure, je souhaite interroger la conseillère d'Etat en charge des finances. Nous avons demandé à plusieurs reprises quelle est la planification financière qui rend crédibles ces baisses fiscales. Est-ce que nous ne nous retrouverons pas, dans une ou deux années, dans des situations difficiles ? On aurait besoin de ces informations pour pouvoir décider aujourd'hui de cet élément important. Comme vous l'avez rappelé plusieurs fois, c’est la première mesure du Programme de législature, et je pense qu'il ne faut pas la traiter de manière légère.

Mme Joëlle Minacci (EP) —

Veuillez m’excuser de prendre la parole après Mmes les conseillères d'Etat. J'aimerais revenir sur un élément que j'ai amené tout à l’heure et je trouve qu'on a eu assez peu d'informations sur la manière dont la baisse d'impôt impacte le budget. Je rappelle que, non, ce budget n'est pas connu dans les détails. Il est connu par la Commission des finances et par un communiqué de presse à l'attention des autres députés. Dès lors, moi, députée qui ne fais pas partie de la Commission des finances, je n'ai pas eu accès à ce budget et je ne sais pas, dans les détails, quelle incidence cette baisse fiscale aura sur la construction du budget. Vous avez dû vous réunir avec la Commission des finances, et vous avez ensuite sorti un communiqué de presse sur ce budget ; il y a donc eu une incidence sur la construction de ce budget. Or, aujourd'hui, on n'est pas en mesure de savoir exactement de quoi il retourne.

Je me demande comment vous avez fait pour consolider des prestations existantes avec une proposition de baisse fiscale de 3,5 % ? On a l'impression d’assister à une sorte de miracle, parce qu'à chaque budget, presque tout amendement de la gauche est refusé sous prétexte que le budget est serré. Dès lors, il y a d'année en année des services publics qui restent sous-dotés pour des raisons budgétaires. Or, tout à coup, cette baisse fiscale est intégrée de manière harmonieuse au budget. Alors, quelle stratégie avez-vous avez mis en place pour qu'il n'y ait aucune coupe budgétaire ? Et est-ce que le Conseil d'Etat sera en mesure de faire perdurer cet état de fait les années suivantes ? Si aucune coupe n’est prévue cette année, est-ce qu'il y a en revanche une baisse ou une absence d'investissement dans certains services du fait de la décision de baisse fiscale ? Ce sont des éléments qu'on aimerait pouvoir analyser avant ce débat. Pour cette raison, selon l'article 91 de la Loi sur le Grand Conseil, j'aimerais déposer une motion d'ordre pour renvoyer ce débat à une date où nous aurons le budget en main, afin de pouvoir décider en toute connaissance de cause.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La motion d’ordre est appuyée par au moins 20 membres.

La discussion sur la motion d’ordre est ouverte.

M. Julien Eggenberger (SOC) — Rapporteur-trice de minorité

Je suis intervenu il y a quelques instants pour mentionner tous les éléments qui restent encore inconnus et qui, en réalité, nous empêchent de nous positionner sur ce point. J'ai l'impression que cela va dans le sens de la motion d'ordre proposée par Mme la députée Minacci. Je la remercie pour sa proposition.

Mme Florence Gross (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Je vous invite à refuser cette motion d'ordre, et ce, pour différentes raisons. Premièrement, le Conseil d'Etat nous fait toujours voter sur ces lois d'impôt, sur le coefficient ou aujourd'hui sur un pourcentage, avant le budget. Ce n'est pas une nouveauté. Il y a des acomptes qui doivent être fixés et qui doivent être envoyés. Cela a déjà été fait, notamment, durant la législature précédente. Certes, cela ne paraît peut-être pas habituel, parce que la dernière fois nous avions voté un texte pour 3 ans, Dès lors, il est vrai que, durant les deux années précédentes, nous ne l'avons pas fait. Mais aujourd'hui, il n'y a absolument rien de nouveau ! Il faut laisser l'Administration cantonale des impôts (ACI) travailler, pour qu'elle puisse envoyer les acomptes, pour qu'il y ait des rentrées fiscales dans ce canton et qu'on ne reporte pas ces rentrées, notamment pour avoir les liquidités suffisantes pour différentes politiques publiques. Pour cela, nous devons pouvoir fixer cela avant mi-octobre, soit avant le budget.

D'ailleurs, la conseillère d'Etat Dittli l’avait annoncé l’an dernier. Il y a plus de transparence – vous pouvez le voir, notamment dans la conférence de presse et les nombreux slides dans les annexes du budget – et une grande majorité des infos sont déjà annoncées. Si vous avez besoin des environ 6’000 lignes de budget pour pouvoir prendre une décision, si chaque député dans cette salle lit chaque ligne au budget pour pouvoir prendre une décision, je m'en réjouis, mais je n'ai pas l'impression que ce soit le cas. La conférence de presse du Conseil d'Etat, ainsi que ses annexes qui donnent beaucoup de détails sur les mises en place lors du budget, les modifications, mais également les augmentations de charges, sont largement suffisants pour prendre cette décision qui ne peut pas, pour des raisons évidemment légales et aussi opérationnelles, être repoussée. Je vous invite donc à refuser cette motion d'ordre et à maintenir le débat afin de voter en premier débat aujourd'hui.  

M. Hadrien Buclin (EP) —

Je vous invite à soutenir cette motion d'ordre de ma collègue Joëlle Minacci, qui formule une revendication assez élémentaire, qu'on pourrait qualifier de démocratique : à savoir que chaque élu puisse être nanti de la brochure du budget avant de voter sur un impact budgétaire de 105 millions. Madame Gross, vous avez dit qu'il n'y a là rien d'inhabituel, mais on est quand même dans un contexte assez inhabituel en réalité, avec des pertes massives de revenus du côté de la Banque nationale suisse (BNS), avec l'inflation, les questions d'indexation, non seulement des salaires, mais aussi des prestations sociales, de certaines subventions, qu'elles soient culturelles ou autres. Donc oui, nous aimerions savoir comment ce budget a été bouclé, afin de pouvoir voter en connaissance de cause, puisque pour nous, derrière ces 6’000 lignes budgétaires, des situations concrètes dans lesquelles évoluent de vraies gens. J'ai parlé tout à l'heure des enfants en situation de handicap dont le Conseil d'Etat a coupé les subventions à l'accueil de jour durant l'été en catimini. C'est absolument scandaleux et mesquin ! Or, on aimerait savoir s'il y a d'autres éléments de ce type qui ont été coupés dans ce budget avant de sabrer 110 millions. J'espère donc que vous accepterez cette motion d’ordre qui est démocratique et élémentaire.

M. Nicolas Suter (PLR) —

Je vous invite à refuser cette motion d'ordre. Ce qui nous est présenté ici n'est pas une baisse d'impôt circonstancielle ou conjoncturelle qui dépend d'un budget ou d'une rentrée extraordinaire. C'est le résultat d'une feuille de route qui nous a été présentée, d'un Programme de législature. On en sait déjà assez sur ce budget pour l'année prochaine. Cette baisse d'impôt n'est pas liée à quelques lignes ou à ce qui va être fait. On a essayé de nous faire peur en nous disant que tout allait diminuer, que l'Etat allait s'effondrer. Je pense vraiment que l'Etat ne va pas s'effondrer et je vous invite donc à refuser cette motion d'ordre.

M. Kilian Duggan (VER) —

Je vous invite à soutenir cette motion d'ordre. Des raisons techniques sont invoquées, par exemple que l’ACI n'aura pas le temps d'envoyer ses acomptes. Or, il me semble que, notamment l'année passée, les déductions des primes LAMal ont été votées en même temps que le budget, et cela n’a pas eu d'impact important sur les accords.

M. Jean-Daniel Carrard (PLR) —

Le budget a été validé et posé par le Conseil d'Etat dans le cadre de sa feuille de route. Dès lors, le Conseil d'Etat assume son budget. Il n'y a donc pas de raison de reporter ce vote d’entrée en matière. De plus, nous n’en sommes qu'au premier débat ; dès lors, si on voulait vraiment le lier au budget, il faudrait le faire en parallèle du budget, et ce serait une folie totale. Ce n'est donc ni réaliste, ni possible, ni raisonnable. Je vous invite donc à refuser cette proposition.

M. Jean Tschopp (SOC) —

Je n'ai pas eu l'occasion de parler de cette motion d'ordre avec mon groupe, mais le premier élément qui me vient en tête est une certaine cohérence, parce qu'en réalité, il y a une certaine logique à mettre les recettes en regard des dépenses ou des pertes de recettes, précisément liées à ces baisses d'impôts. De toute évidence, il y a eu une surenchère et une précipitation dans l'ampleur des baisses fiscales projetées qui se sont télescopées avec le budget, budget dont nous n'avons pas connaissance.

Pour conclure, Kilian Duggan l'a dit, mais on peut étendre le raisonnement à la plupart des autres exercices budgétaires – et j'en ai vécu un certain nombre : les décrets fiscaux étaient toujours examinés en parallèle au budget. Dès lors, en comparaison avec la sérénité affichée par Mme la présidente du Conseil d'Etat quant à cette réforme, vous aurez compris que de ce côté de l'hémicycle on voit les choses un peu différemment. Du côté du Conseil d'Etat, vous ne devriez pas redouter, en toute logique, de mener cette discussion en parallèle pour réfléchir de manière intégrée sur ces questions importantes pour l'avenir de notre canton. Dès lors, je vous invite à soutenir cette motion d'ordre.

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

Je vous demande prestement de refuser cette motion d'ordre, notamment parce que le coefficient d'impôt n'est pas mis en place pour 2024. Précédemment, il y avait en effet des coefficients d'impôt qui étaient parfois déterminés pour 2, 3 ou 4 années – c’est ce qu'on a fait lors de la législature précédente. Aujourd'hui, il y a une proposition qui a été faite par le gouvernement de travailler sur un coefficient d'impôt de 155 pour 2024, avec une possibilité de faire un rabais d'impôt de 3,5 % – c’est le projet de loi actuel. Ce 3,5 % a été intégré dans le budget et il est extrêmement important et impératif de réaliser cette opération maintenant. Monsieur Tschopp, que vous le vouliez ou non – je sais que vous êtes aussi un ancien député, déjà présent dans cet hémicycle lors de la législature précédente – on n'a pas d’autres choix que de voter ce coefficient d'impôts, notamment pour pouvoir envoyer les acomptes d’impôts.

Monsieur Buclin, on a l'habitude de vos effets de manche au budget ; alors vous les ferez, au même titre que vous avez insisté sur le fait que la BNS allait nous verser de l'argent cette année. Vous avez une fois de plus raconté des choses qui ne se sont pas réalisées. On a beaucoup bataillé là-dessus et cela continuera cette fois. Proposez donc cette fois de mettre 62 millions dans le budget et il y aura encore 547 millions à disposition de nouvelles charges. Travaillez dessus pour modifier vos charges et faites des amendements de manière tout à fait respectueuse, démocratique, comme cela doit se faire dans cet hémicycle ; ensuite vous gagnerez ou vous perdrez. Or, aujourd'hui, nous devons respecter les gens qui travaillent pour l'administration ; ils travaillent à la minute et il y a des éléments importants à mettre en place : il y GloBe ou le coefficient d'impôts et c'est important pour pouvoir produire les acomptes. Il faut aussi tenir compte des communes, car elles doivent avoir des rentrées d'impôts qui se basent sur les mêmes éléments, puisque l'Etat est aussi percepteur pour les communes. Je vous invite donc à refuser cette motion d'ordre et à continuer ce débat qui est totalement démocratique et dans le respect des institutions.

Mme Joëlle Minacci (EP) —

J'aimerais rappeler que cette demande s'inscrit aussi dans le fait que cette baisse à 3,5 % intervient après une mise sous pression de la majorité de la Commission des finances qui a voté une baisse à 4,5 %. Il me semble donc qu'à l'origine, le budget du Conseil d'Etat a été construit sur une baisse à 2,5 % et qu'ensuite vous avez dû convoquer en urgence la Commission des finances pour faire cette proposition à 3,5 %. Or, vous avez présenté le budget après ; cela veut dire qu'il y a eu une incidence.

Monsieur Berthoud, vous voulez faire passer cette baisse fiscale à marche forcée, mais je pense que nous devons analyser et réfléchir sur l'impact de cette baisse à 3,5 % sur le budget. Je me permets aussi de contextualiser certains propos : vous dites qu'il y a des hausses budgétaires dans les services publics, etc. Or, je tiens quand même à dire que j'ai travaillé pendant 11 ans dans un secteur qui était constamment sous-doté, que ce soit d'un point de vue salarial ou d'un point de vue des prestations. Concernant la protection de l'enfance, il y a suffisamment de rapports qui montrent à quel point ce secteur est en souffrance, qu’il mériterait d'avoir des petites augmentations budgétaires, avec la même facilité qu'une baisse fiscale. Il faut qu'on puisse analyser ces effets.

M. Julien Eggenberger (SOC) — Rapporteur-trice de minorité

Je suis tout aussi attaché que M. le député Berthoud au débat démocratique. Je prie tous les collègues de m’excuser, car on a viré dans un débat un peu technique, interne à la Commission des finances, mais nous avons trois projets de lois différents à l'ordre du jour ces semaines. Le coefficient d'impôt figure dans l’exposé des motifs et projet de loi 23_LEG_122. Nous discutons ici de l’exposé des motifs et projet de loi 23_LEG_123, qui est la loi sur la réduction de l'impôt sur le revenu des personnes physiques. D'après ma compréhension, Mme la députée Minacci propose de renvoyer l'examen de l’exposé des motifs et projet de loi 23_LEG_123, et non pas l’exposé des motifs et projet de loi 23_LEG_122 qui définit le coefficient d'imposition cantonale. Dès lors, tous les contre-arguments qui ont été évoqués sont sans objet.

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

Madame Minacci, je suis désolé, mais il y a une proposition qui a été réalisée avant l'été par le Conseil d'Etat, à savoir un rabais pour les personnes physiques de 2,5 %. La majorité de la Commission des finances a déposé des amendements – qu'on le veuille ou non, c'est la démocratie – à 4,5 %. Ensuite, le Conseil d’Etat a fait une proposition de 3,5 % à la Commission des finances et au Parlement, à intégrer dans le budget. Il ne faut pas faire une enquête là-dessus, car les choses sont assez claires et précises. Tout a été communiqué de manière transparente et limpide pour que nous puissions en parler aujourd’hui.

Monsieur Eggenberger, aujourd'hui, ce projet de loi est complètement intégré dans les acomptes, parce qu'on va recevoir le montant avec le coefficient d'impôts à 155 %, moins la proposition du projet de loi de 3, 5% qui permettra de poser les acomptes. Je ne veux pas que vous pensiez que j’imagine que vous racontez des histoires, contrairement à vous qui pensez que je raconte des histoires... Aujourd'hui, ce rabais d'impôt de 3,5 % sera intégré dans les acomptes. Qu'on le veuille ou non, c'est ainsi que cela se passe. Il est important de prélever cet impôt pour la partie de la population qui a envie de s'acquitter de ses impôts le plus rapidement possible. Je vous invite donc à refuser cette motion d'ordre et à avancer.

Mme Valérie Dittli (C-DFA) — Conseiller-ère d’Etat

Il faut distinguer deux choses : la Loi annuelle sur l'impôt et la Loi sur l'impôt (LI). Dans le cadre du budget et des déductions dont on discute en décembre, on parle de la LI. Ici, on discute de la Loi annuelle sur l'impôt, qui fixe le coefficient. Si on ne vote pas aujourd'hui, j'ai une administration derrière moi qui travaille dur et qui doit pouvoir envoyer les acomptes à temps. Je suis peut-être la seule à m'inquiéter pour mon administration, mais il y a des délais légaux à respecter. On doit avoir une Loi annuelle sur l'impôt le 1er janvier 2024. Si on ne l'a pas, cela signifie qu’on ne pourrait pas envoyer les acomptes, et que la prochaine échéance sera en juin, pour adapter tout le système. Dès lors, on aura un retard immense au niveau de la taxation ; c’est un élément qu’il ne faut pas sous-estimer. Cela ne vous parle peut-être pas, mais je consulte chaque semaine les chiffres sur l'avancement de la taxation. C'est important, ce sont des centaines de collaborateurs qui travaillent là-dessus. Or, si on ne peut pas envoyer les acomptes, c'est un réel problème. Il faut donc bien distinguer ces deux lois. Aujourd'hui, on parle de la Loi annuelle d'impôt dans laquelle est fixé le coefficient.

Dans la situation actuelle qui est instable, le Conseil d'Etat a décidé de fixer le coefficient ou de décider la loi annuelle pour une seule année, afin de pouvoir regarder l'année prochaine quelle sera la situation financière – ce qui est d'ailleurs annoncé dans la feuille de route. Je n'ai plus le wording, mais il faudra prendre en considération la situation financière au niveau des comptes. Il faut agir avec prudence, dans cette situation incertaine. Cela permet difficilement d’avoir une planification, mais il faut quand même avoir une planification qui prévoit une augmentation et une absorption au niveau de ce budget

Madame Minacci, dans la présentation du budget, vous avez des slides qui expliquent dans les détails ce qui change au niveau du budget du côté des charges et du côté des revenus. Je me réfère même aux slides qui concernent le Département de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité de mon cher collègue M. Venizelos, où il y a un renfort en faveur de la politique de l'enfance et de la jeunesse –domaine socio-éducatif et revalorisation salariale de la convention collective de travail sociale : augmentation de 5 millions, et de 12,7 ETP. Cela a été annoncé, ce sont des éléments qui sont connus et qui figurent dans le budget, dans une planification, et qui sont accessibles au public. Dans cette présentation, il y aura de grands arbitrages à effectuer et je confierai l'évaluation de ce projet de budget à la Commission des finances ; nous en débattrons ici au mois de décembre.

La situation est difficile, mais je peux vous dire aujourd'hui que le budget 2024 est connu. Le budget 2024 prévoit une augmentation, avec ou sans éléments d'inflation, de 2,8 % et respectivement 4,9 % au niveau des charges et la même chose au niveau des revenus. Nous aurons ce débat au mois de décembre, et on examinera chaque ligne du budget et sa composition. Avec le contexte actuel, avec une inflation qui génère des coûts énormes dans tous les départements et sur l'ensemble de l'Etat de Vaud, il est actuellement difficile de prévoir plus loin. Je l'ai d'ailleurs dit à la conférence de presse : ce budget est marqué par l'inflation.

De plus, on a un accord canton-communes qu’on doit aussi adopter dans cette planification. Il y a plusieurs éléments qui doivent être bien planifiés et qui figurent dans la planification financière qui est publique. Dès lors, laisser entendre qu'on ne connaît pas le budget, qu'on ne connaît pas tous les détails et que c'est une procédure inhabituelle n’est pas correct. La Loi annuelle sur l'impôt doit être votée. Je vous prie donc de ne pas accepter cette motion d'ordre, parce que nous avons a besoin d'envoyer les acomptes et de pouvoir payer nos charges ; si nous accusons du retard, c'est grave !

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Président-e du Conseil d’Etat

Je vous invite à ne pas soutenir cette motion d'ordre. Ces baisses fiscales ne sont pas liées à un seul budget, elles sont liées à un Programme de législature et donc, de manière structurelle, à un ensemble de mesures que nous souhaitons mettre en place sur 5 ans. Aujourd'hui, il ne s'agit pas de prendre en otage ce budget, parce que si on suivait votre raisonnement, on devrait postposer toutes les décisions de ce Parlement qui ont des incidences financières avant de connaître le budget. C'est cela que vous devriez faire, si telle était réellement la question, mais je ne pense pas que c'est ce vous souhaitez vraiment, parce qu'on parle d'un budget, ou de mesures qui s'installent dans la durée. Dès lors, on ne pourrait plus prendre une décision avec des conséquences financières. Aujourd'hui, nous avons une planification financière et un Programme de législature ; le coefficient d'impôts doit être connu. Nous avons un budget qui, sur le plan politique, n'induit pas de coupe.

S'agissant des questions d'aide à l'intégration – et vous le savez très bien monsieur Buclin – ce ne sont pas des questions qui sont liées au budget, mais ce sont des questions qui sont liées aux compétences entre le canton et les communes. D’ailleurs, une réponse a déjà été donnée à ce sujet et une séance va se tenir ces prochains jours avec tous les acteurs concernés, afin de voir quelles solutions donner à cela. Ce n'est pas une question de budget ; cela concerne les compétences respectives et les responsabilités du canton et des communes. C'est dans ce cadre que des solutions doivent être trouvées, mais ce n’est pas lié au budget 2024.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Je voulais juste réagir à ces derniers propos. Un report de charges sur les communes est évidemment une manière de faire des économies. Ce n'est pas nouveau et cela a une incidence sur le budget 2024, puisque quand on se décharge sur les communes, on allège le budget 2024 : cela s'appelle une économie budgétaire.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

La motion d’ordre Joëlle Minacci est refusée par 80 voix contre 55.

L’entrée en matière est admise par 80 voix contre 55.

Il est passé à l’examen du projet de loi, article par article, en premier débat.

Art. 1. –

M. Julien Eggenberger (SOC) — Rapporteur-trice de minorité

Au nom de la minorité de la commission, j’ai l’honneur de déposer un amendement à l’article 1 visant à le transformer de la manière suivante :

« La présente loi arrête les dispositions mettant en œuvre une réduction en pour-cent appliquéeun crédit d’impôt sur l’impôt de base. »

Cet amendement fera écho à un autre amendement – même s’ils portent sur deux articles différents – qui décrira le crédit d’impôt de 112 francs francs par individu.

Monsieur le président, souhaitez-vous faire voter les deux amendements de manière liée, ou que nous les traitions indépendamment l’un de l’autre ?

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Traitons déjà l’article 1, et nous aborderons les autres amendements et les autres articles par la suite.

M. Julien Eggenberger (SOC) — Rapporteur-trice de minorité

Merci pour votre précision. Nous vous présenterons donc le principe du crédit d’impôt à l’article 4, mais en réalité, il serait plus simple de présenter toute la logique du crédit d’impôt maintenant.

Le raisonnement est le suivant : maintenant que vous avez accepté d’entrer en matière sur cette loi, considérez la somme que le Conseil d’Etat a décidé de consacrer à une baisse d’impôt dans cet exposé des motifs et projet de loi, mais au lieu de distribuer cette baisse d’impôt en pourcentage de l’impôt effectivement payé, distribuez-le par individu. Ainsi, pour chaque contribuable, cela représente un montant de 112 francs. Le calcul de savoir qui gagne et qui perd permet de constater que, parmi les contribuables – j’insiste sur ce terme, car évidemment les personnes qui ne payent pas d’impôts ne sont ni gagnantes ni perdantes quel que soit le modèle – 95 % des contribuables sont gagnants. Ainsi, choisir le rabais en pourcentage, c’est choisir de soutenir les 5 % les plus aisés des contribuables, tandis que soutenir le crédit d’impôt, c’est choisir 95 % des contribuables. C’est aussi simple que cela ! C’est ce que nous devons décider maintenant.

Mme Florence Gross (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Cet amendement a été refusé en Commission des finances par 9 voix contre 5. Il y a plusieurs raisons à cela, à commencer par la mise en doute de l’application juridique de cet amendement, mais également le risque de création de nouvelles inégalités. Cela a été largement débattu pendant le débat d’entrée en matière, et surtout, le crédit d’impôt a déjà été débattu ici en plénum lors du débat sur la motion Tschopp. Dans le cas présent, la majorité de la Commission des finances refuse d’ignorer la capacité contributive, soit le fait de donner un crédit d’impôt d’un même montant, quels que soient les impôts payés et donc l’effort fait par le contribuable. Par conséquent, je vous invite à refuser cet amendement.

M. Pierre Dessemontet (SOC) —

J'avais prévu d’intervenir à l'article 4, au moment de parler du rabais effectif de 2,5 %, 3,5 % ou 4,5 %. Mais comme les deux articles 1 et 4 sont évidemment liés et parlent de la logique du crédit d’impôt, j'interviens dès maintenant, puisque je voulais m’exprimer sur cette logique au nom de la minorité. Comme nous l'avons déjà dit et répété, nous sommes ouverts à une réduction fiscale correspondant à 2,5 % de réduction de la masse totale. Sur la base des chiffres 2019 – les derniers chiffres dont nous disposons sur la structure des contribuables de ce canton – le calcul aboutit à une somme d'environ 78 millions de francs. Comme nous le défendons depuis longtemps, nous avons pris le modèle du rabais d'impôts et, pour la première fois dans nos propositions, il ne s'applique qu'à la somme perçue. En effet, nous avons accepté de renoncer à l'impôt négatif, ainsi qu’à la possibilité de fournir également la population de contribuables qui ne payent pas d'impôt, et ainsi de réserver le rabais d'impôt à ceux qui le payent effectivement. Nous avons donc travaillé sur la notion d'un rabais d'impôts par tête, par personne, par individu. En comparaison avec le projet original du Conseil d'Etat, ce modèle est effectivement plus favorable à une grande majorité de la population, c’est-à-dire à 95 % des contribuables payant un impôt, ainsi qu’il a été dit, qui sont aussi 84 % de la population qui paie un impôt, et environ 67 % de la population totale. Les contribuables dont le revenu annuel imposable est inférieur ou égal à environ 125’000 francs par année toucheraient plus d'argent via notre mécanisme que selon le modèle du Conseil d'Etat – je parle évidemment du modèle original, soit le modèle présenté, à 2,5 %.

Maintenant, dans ce Parlement et dans ce débat, on parle évidemment beaucoup de la classe moyenne et je le fais à mon tour. Soyons clairs : celles et ceux qui bénéficient du modèle du Conseil d'Etat ne font pas partie de la classe moyenne, mais de la classe aisée, privilégiée. J'en parle d'autant plus volontiers que j'admets en faire partie, et je le sais puisque je remplis moi-même mes déclarations fiscales. Dans le tableau présenté en annexe du rapport de minorité, je sais parfaitement dans quelle classe de contribuables je me situe, c’est-à-dire dans la classe des contribuables nettement favorisés par le modèle du Conseil d'Etat. En ce qui me concerne, je bénéficierais de plusieurs centaines de francs par année – et là je parle du modèle à 2,5 %, parce qu'à 3,5 % ou à 4,5 %, pour moi c'est Byzance ! Or, chers collègues, je n'ai pas besoin de cet argent. Typiquement, je peux assumer les hausses annoncées la semaine passée dans le domaine de l'assurance-maladie. Evidemment, je les assume sans plaisir, mais je peux assumer sans mal ces augmentations, comme j'ai pu assumer sans plaisir, mais sans mal la vague inflationniste et les prix de l'énergie qui ont augmenté lors des 12 derniers mois.

Ce n'est malheureusement pas le cas de la majeure partie de la population ! Je reviens sur le chiffre déjà donné : 68 % de la population de ce canton serait avantagée par le modèle que nous présentons, correspondant à 2,5 % de réduction. En dessous, 18 % de la population ne paie pas du tout d'impôt et n’est donc pas concernée, et environ 14 % sont en dessus. Mesdames et Messieurs, considérez cela comme vous voulez, mais 68 % de la population vaudoise, c'est la classe moyenne, il n’existe pas de définition de cette classe qui ne prenne pas en compte cette population. C’est la part de la population – la classe moyenne – qui depuis deux ans subit l'inflation, la hausse des prix de l'énergie qui se répercute évidemment partout puisque le prix de l’énergie est contenu partout, et désormais la hausse de l'assurance-maladie. Il y a peut-être un geste à faire pour le pouvoir d'achat et je pense que nous pouvons nous mettre d'accord sur ce point d'un côté de l'hémicycle comme de l'autre. Mais, s'il y a un geste à faire, il doit être fait vis-à-vis de cette part de la population et non pas pour des gens qui, comme moi, peuvent assumer les hausses actuelles.

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

Nous atteignons là l'apothéose du débat : la classe moyenne, c'est la classe Dessemontet ! On sait qu'à partir de maintenant, c'est cette partie de classe qui est la classe moyenne, ce quartile ou ce quintile – on peut l’appeler comme on veut – c'est sa classe à lui-même, soit quelqu'un qui peut assumer les charges et les hausses. Eh bien non, ce n'est pas ça la classe moyenne ! Je rappelle que pour ma part, je considère qu’elle est formée des gens qui payent des impôts, qui ont besoin de pouvoir d'achat et qui ne bénéficient d'aucune aide de l'Etat. Je rappelle aussi – cela figure dans le budget du Conseil d'Etat qui a été critiqué jusqu'à maintenant – que concernant les hausses d'assurance-maladie, les personnes qui bénéficient de subsides vont toujours pouvoir en bénéficier et qu’en plus, une ligne du budget est consacrée à la hausse de ces coûts. Monsieur Dessemontet, il n'y a pas que des gens comme vous qui gagnent beaucoup d'argent comme syndic d'une commune ! Il y a des personnes qui payent des impôts, des retraités, et des personnes – je n'aime pas dire qui se lèvent tôt le matin parce qu'il y a aussi des gens qui se lèvent tard la nuit ou qui se lèvent pendant la nuit – qui sont des travailleurs et travailleuses, des personnes de la vraie vie comme je le dis souvent, et qui payent des impôts ; ce sont ces personnes-là que nous devons soutenir ! Aujourd'hui, la baisse d'impôts sera ciblée sur les personnes qui payent des impôts et qui n'ont pas nécessairement de soutien ni d’aide étatique. S'il vous plaît, chers et chers collègues, refusez cet amendement qui prévoit l’arrosage habituel du clientélisme de la gauche ! Aujourd'hui, nous devons vraiment soutenir les personnes qui font tourner la machine du canton de Vaud. Une fois pour toutes, c’est à elles et eux qu’il faut donner du pouvoir d'achat, s'il vous plaît.

M. Sébastien Cala (SOC) —

Beaucoup d'éléments ont été relevés dans le débat d'entrée en matière. Factuellement, il en ressort que la majorité de droite de la Commission des finances préfère une mesure qui favorise le 5 % des contribuables aux revenus les plus élevés plutôt que la proposition du Parti socialiste et de la gauche qui favorise le 95 % des contribuables – les autres. Cette position me rappelle celle que la majorité de droite de la Commission thématique des affaires sociales et Mme la conseillère d'Etat ont adoptée en commission lors du traitement de mon initiative demandant une hausse des déductions pour contribuables modestes. Alors que cette proposition bénéficierait à 2/3 des contribuables, à savoir à celles et ceux aux revenus les plus faibles et la classe moyenne, la droite et Mme la conseillère d'Etat s'y sont opposées. On parle, par exemple, de 500 francs d'économie d'impôts pour une femme seule avec deux enfants et 62’000 francs de revenus imposables, de votre serveuse au restaurant ce midi, de votre voisine retraitée qui compte ses pièces pour acheter son pain, de l'assistante ou assistant en soins et santé communautaires (ASSC) qui prend soin de vos aînés à l'EMS, ou de votre ami ouvrier dans un atelier de mécanique. On parle aussi de montants bien plus significatifs, ciblés envers les personnes qui subissent le plus l'inflation, la hausse des coûts de l'énergie, la hausse des loyers, la hausse des primes d'assurance-maladie. Au travers de cette proposition, tout comme au travers du crédit d'impôt défendu par la minorité de gauche, c’est la classe moyenne et les personnes aux revenus modestes qui bénéficieraient le plus de la mesure. Le débat de ce jour a le mérite de démontrer où sont les priorités des partis et qui défend réellement la classe moyenne et les personnes aux revenus modestes.

Par ailleurs, j'ai été très surpris de lire dans le rapport de la Commission des finances que le Conseil d'Etat ne s'était pas opposé à un amendement de la majorité de droite de cette commission, alors que cette proposition coûterait aux finances publiques des montants en proportion similaire à ce que coûterait mon initiative pour les contribuables modestes. Mme la conseillère d'Etat avait clairement combattu cette initiative en commission, nous répétant qu'avec toutes les incertitudes contextuelles, il ne fallait surtout pas réduire les rentrées fiscales, car il y avait un risque pour les prestations de l'Etat. Aujourd'hui – cinq mois plus tard – quand la droite propose une baisse d'impôt supérieure à ce que le Conseil d'Etat souhaitait et qui est essentiellement en faveur des hauts revenus de ce canton, le discours a changé ! Ce revirement de situation peut surprendre et je le regrette, surtout quand Mme la conseillère d'Etat annonçait encore, la semaine dernière, que le budget est fragile ! Et j'avoue avoir été encore plus surpris de lire et d'entendre que le Conseil d'Etat prévoit une baisse d'impôt prochaine sur la fortune – et M. Miauton semble y être très sensible. Dans le contexte inflationniste que nous traversons, alors que tout augmente, que nombre de Vaudoises et de Vaudois s'inquiètent pour leurs fins de mois et pour l'avenir de leurs enfants, je trouve inadéquat de proposer une baisse d'impôt sur la fortune plutôt que d'aider la classe moyenne. Ce n'est pas la classe moyenne qui récupérera du pouvoir d'achat en baissant l'impôt sur la fortune, tout comme ce n'est pas la classe moyenne qui récupérera du pouvoir d'achat en acceptant la proposition du jour du Conseil d'Etat. Si l'on met en place des baisses fiscales – je rejoins mon collègue Dessemontet – il est essentiel de cibler la classe moyenne et les contribuables à faible revenu, soit celles et ceux pour qui la fin de mois est compliquée. Vous l'aurez compris, je vous encourage à soutenir l'amendement de la minorité.

Mme Valérie Dittli (C-DFA) — Conseiller-ère d’Etat

J'aimerais tout d'abord souligner qu’avec la motion Tschopp, le mécanisme d'un crédit d'impôt a déjà été proposé et refusé par le Grand Conseil, en juin dernier. C’est mon premier élément et j’ai déjà exposé le deuxième élément lors du débat d'entrée en matière : le système tel que proposé par la minorité n’est pas possible légalement. En effet, le canton de Vaud connaît le quotient familial, qui est une déduction sociale. Or, le crédit d'impôt tel qu’il est proposé par le rapport de la minorité a les mêmes effets que le coefficient familial et, du coup, on ne peut pas avoir deux déductions sociales sur le même périmètre ; ce n'est tout simplement pas possible légalement. En plus, vu que cette proposition est liée à la personne, la solution d'un crédit d'impôt est carrément génératrice d'une inégalité de traitement. En effet, les contribuables ayant un impôt inférieur au crédit octroyé, en fonction de leur situation familiale, ne peuvent bénéficier pleinement de cet abattement, au contraire des autres contribuables. Une solution qui créerait une inégalité de traitement envers cette catégorie de contribuables me pose des problèmes !

Il convient aussi de relever que le canton de Vaud est déjà extrêmement compétitif en matière d'imposition des plus bas revenus, et comme je l'ai déjà dit, un crédit d'impôt ne ferait qu'accentuer cette situation. En plus, le crédit d'impôt accroît aussi le nombre des contribuables qui ne payent pas d'impôt, ce qui n’est pas à sous-estimer, car cela renforce le risque d'un déséquilibre social et fiscal. Je rappelle que 15 % des contribuables vaudois payent 60 % de l'impôt cantonal sur le revenu et que 5,4 % payent 72,4 % de l'impôt sur la fortune. La proposition du Conseil d'Etat implique que tous les contribuables voient leur charge fiscale diminuer dans une proportion identique. Je ne vais pas entrer à nouveau dans un débat qui a déjà eu lieu. C'est la raison pour laquelle je vous remercie de refuser cet amendement.

M. Julien Eggenberger (SOC) — Rapporteur-trice de minorité

Je ne peux pas laisser Madame la Conseillère d'Etat dire cela, ce n'est pas acceptable. Premièrement, on ne peut pas dire qu'un crédit d'impôt qui cible les contribuables les plus modestes crée un déséquilibre fiscal ! S'il y a bien un déséquilibre fiscal dans votre feuille de route, c'est le fait de travailler sur l'impôt sur la fortune. Deuxièmement, en commission, vous avez mentionné quelques difficultés que la forme de notre amendement pouvait poser. Nous avons eu divers échanges, aussi avec le Service juridique de la Direction générale de la fiscalité et, finalement, la nouvelle formulation de cet amendement tient compte de l'ensemble des remarques de vos services juridiques. Vous découvrirez sa forme finale lorsque nous débattrons de l'article 4, mais nous en sommes à l'article 1. Ce fonctionnement n'est pas acceptable ! On ne peut pas trouver de nouveaux obstacles qui poseraient un problème chaque fois qu'on intervient sur un amendement. Maintenant, nous allons voter l’article 1 et la question du principe. Nous examinerons le texte de l'amendement à l'article 4. Je vous invite à soutenir cet amendement.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

L’amendement de la minorité de la Commission des finances est refusé par 75 voix contre 56.

L’article 1 est accepté par 76 voix contre 53 et 1 abstention.

Les articles 2 et 3 sont acceptés par 77 voix contre 53 et 1 abstention.

Art. 4. –

Mme Florence Gross (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

La majorité de la Commission des finances a déposé et validé un amendement à l'article 4 concernant le pourcentage, consistant à l’augmenter de 2,5 à 4,5%.

« Art. 4. : L’impôt cantonal de base sur le revenu des personnes physiques est réduit de 2,5 % 4,5 % (...) ».

Pour rappel, ce débat a eu lieu fin août, notamment suite au communiqué de presse du Conseil d'Etat du 3 juillet et, évidemment, avant diverses rencontres, dont surtout celle d’une délégation du Conseil d'Etat. Pourquoi 4,5 % ? La majorité de la commission a estimé que les 2,5 % proposés par le Conseil d'Etat n'étaient pas assez ambitieux, pas suffisants et à l’évidence trop éloignés de ce qui était demandé, notamment dans la motion Jobin renvoyée au Conseil d'Etat, d’où la proposition de 4,5 %.

Je rappelle également que feuille de route établie, avec une date, n'était pas connue de la Commission des finances lors du débat de commission.

M. Jerome De Benedictis (V'L) —

Ainsi qu'annoncé dans ma prise de parole lors du débat d'entrée en matière sur ce projet, j'ai l'honneur de déposer un amendement proposant un rabais de 3,5 % au lieu des 2,5 % proposés à l'article 4 de la loi que nous discutons.

« Art. 4. – : L’impôt cantonal de base sur le revenu des personnes physiques est réduit de 2,5 % 3,5 % (...) ».

M. Julien Eggenberger (SOC) — Rapporteur-trice de minorité

Sans suspense, au nom de la minorité de la commission, nous déposons un amendement à l'article 4 qui définit concrètement en quoi pourrait constituer un crédit d'impôt. C’est un montant de 72,05 francs par individu, à multiplier par le coefficient cantonal que nous avons adopté dans un exposé des motifs précédent. Evidemment, ce crédit d'impôt demande quelques précisions pour certaines situations particulières, par exemple avec des demi-parts d'enfants à charge, sur la manière de prendre en compte les naissances, etc. Dans ces situations particulières, comme le droit fiscal en a l'habitude, nous proposons que le Conseil d'Etat édite les dispositions d'application, comme elles sont prévues dans de très nombreux articles de l'administration fiscale, qui fonctionne de cette manière.

« Art. 4. — « L’impôt cantonal de base sur le revenu des personnes physiques est réduit de CHF 72,50 par contribuable, multiplié par le nombre d’individus majeurs et mineurs imposés conjointement (art. 9 et 9a LI). Le montant de l’impôt ainsi calculé après déduction ne peut pas être inférieur à zéro. Cette déduction ne s’applique pas àde 2,5% à l’exception de l’impôt cantonal de base afférent aux revenus imposés selon les articles 48a et 49 LI. ».

L'esprit très clair de ce crédit d'impôt a été expliqué lors du débat à l'article 1. Evidemment, si vous acceptez cet amendement à l'article 4, nous reviendrons en deuxième débat pour modifier l'article 1, en espérant que le vote sera cette fois en cohérence. Je crois qu'il n'est pas besoin de rappeler ici en détail qui gagne et qui perd parmi les différentes propositions. Vous êtes face à trois variantes de baisse d'impôt pour les plus aisés, et à une variante favorable à 95 % des contribuables.

M. Yvan Pahud (UDC) —

Le groupe UDC vous invite à soutenir l'amendement de la Commission des finances au taux de 4,5 %. Ces 4,5% sont déjà un compromis, car je rappelle que la valeur de 5 points (demandée par la motion Jobin. N.d.l.r.), c'est davantage et l'UDC aurait voulu proposer 6 %, au minimum. Mais lors des travaux de commission, nous avons pu nous rallier à ce 4,5 % qui représente 135 millions, ce qui est tout à fait supportable sans devoir couper. En effet, ainsi que cela a été rappelé de nombreuses fois lors de ce débat, notre canton en a largement les moyens, avec plus de 600 millions d'excédent sur les 10 derniers exercices. Notre canton en ayant les moyens, c'est le fin moment de soulager la classe moyenne. Il est déjà difficile pour notre parti d'accepter 4,5 %, mais nous suivrons la proposition de la Commission des finances, qui est une bonne solution. Je rappelle qu’elle s'inscrit également dans la feuille de route puisque le Conseil d'Etat pourra toujours rajouter 1,5 % l'année prochaine, ou s’il est « petit joueur », il n'ajoutera que 0,5 %.

Mme Florence Gross (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Pour rappel, l'amendement de 4,5 % a été adopté par la Commission des finances par 9 voix contre 5. Evidemment, les 3,5 % n'ont pas été discutés en commission. L’amendement de la minorité a été refusé avec le même score.

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

Je m'exprime maintenant au nom du groupe PLR. Dans sa grande majorité, voire unanimité, notre groupe va soutenir l'amendement à 3,5 % déposé par notre collègue De Benedictis. Au vu du long débat de ce matin, je ne vais pas refaire la genèse de tout ce que nous avons discuté, mais aujourd'hui, une feuille de route a été mise en place par le gouvernement. Ce dernier va certes travailler sur le rabais d'impôts à 3,5 % proposé aujourd'hui, mais il a aussi acté l'initiative des Jeunes Libéraux-Radicaux dans l’exercice de 2023, de 70 millions de baisses directes aussi pour la classe moyenne et encore une fois pour son pouvoir d'achat. Et nous avons encore une proposition du gouvernement pour une prochaine baisse ciblée, de l'ordre de 48 millions, de l'impôt sur la fortune, un impôt extrêmement élevé dans notre canton. Par conséquent, si l’on met bout à bout tous ces éléments, tout en respectant le fait que l'Etat doit aussi mettre en place ses politiques publiques, nous estimons que la variante de 3,5 % est acceptable dans le cadre du budget 2024. Nous attendrons les comptes 2023. Nous disposons d’une feuille de route du gouvernement qui semble acceptable à une grande majorité du groupe PLR. En effet, le gouvernement propose de l'augmenter de 1 % par rapport à ce qu'ils ont réalisé précédemment ; on anticipe clairement la feuille de route. Pour nous, c'est satisfaisant et acceptable en l'état, dans le cadre du budget 2024, dont je rappelle qu’il est à la limite du petit équilibre.

Mme Valérie Dittli (C-DFA) — Conseiller-ère d’Etat

J'aimerais juste ajouter un élément sans entrer de nouveau dans le débat de savoir si c’est assez, pas assez, trop ou pas trop. Concernant l'amendement proposé par la minorité de la Commission des finances, c'est-à-dire le rabais d'impôts de 72,50 francs, nous avons maintenant fait les calculs et sommes arrivés à un coût de 130 millions. Il faudrait donc trouver la différence de 25 millions. J’ai parlé d'une planification, et de ce point de vue, je vous invite à suivre la position du gouvernement et à soutenir l'amendement présenté par le député De Benedictis.

M. Pierre Dessemontet (SOC) —

Nous n'avons pas été nantis des calculs dont Mme la conseillère d'Etat vient de faire état. Nous serions très heureux de les avoir de manière à pouvoir les contester.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Il y a trois demandes d'amendement, dont deux qui concernent le pourcentage. Le premier est un amendement de la majorité de la commission qui propose un pourcentage de 4,5 %. Le deuxième amendement de pourcentage est celui du député De Benedictis qui propose 3,5 %. Un troisième amendement qui concerne la transformation du pourcentage en versement d'un montant fixe par personne. Nous opposerons d’abord les deux amendements de pourcentage, de la majorité de la Commission et du député De Benedictis. Ensuite, le résultat retenu par le plénum sera opposé à la proposition du texte soumis par le Conseil d'Etat, soit un pourcentage 2,5 %. Ensuite, une fois terminée la partie sur les pourcentages, on opposera le pourcentage retenu par le plénum à l'amendement présenté par M. Eggenberger qui représente la minorité de la Commission des finances.

Nous aurons donc trois votes sur les amendements, j’espère avoir été clair. Le premier sera le choix entre 4,5 et 3,5 %. Le deuxième opposera le taux vaniqueur à 2,5 %. Le troisième vote sera le choix entre un pourcentage et un montant fixe.

Nous passons au premier vote qui oppose l'amendement de la majorité de la Commission des finances qui propose un pourcentage à 4,5 avec la proposition d'amendement de notre collègue De Benedictis avec un pourcentage de 3,5.

L’amendement De Benedictis, opposé à celui de la majorité de la commission, est préféré par 112 voix contre 22.

M. Yvan Pahud (UDC) —

Je demande un vote nominal.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui soutiennent l’amendement De Benedictis à 3,5 % votent oui, ; celles et ceux qui soutiennent la proposition de la majorité de la commission à savoir un pourcentage de 4,5 % votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, l’amendement De Benedictis, opposé à celui de la majorité de la commission, est préféré par 112 voix contre 22.

*introduire vote nominal

Vous avez retenu la proposition à 3,5 %, que je vais maintenant l'opposer à la proposition du texte du Conseil d’Etat à 2,5 %.

L’amendement De Benedictis opposé à la proposition du Conseil d’Etat, est préféré par 68 voix contre 56 et 10 abstentions.

M. Alexandre Démétriadès (SOC) —

Puisque M. Pahud ne le fait pas, je demande un vote nominal.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui soutiennent l’amendement De Benedictis à 3,5 % votent oui ; celles et ceux qui préfèrent garder le pourcentage du texte du Conseil d’Etat votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, l’amendement De Benedictis, opposé à la proposition du Conseil d’Etat, est préféré par 70 voix contre 54 et 9 abstentions.

*introduire vote nominal

Nous passons maintenant à l’opposition entre l’amendement De Benedictis à 3,5 % et l’amendement de la minorité de la commission qui vise à préférer un montant fixe à un pourcentage.

L’amendement De Benedictis, opposé à l’amendement de la minorité de la commission, est préféré par 77 voix contre 54 et 1 abstention.

L’article 4, amendé, est accepté par 77 voix contre 55 et 1 abstention.

Les articles 5, 6 et 7, formule d'exécution, sont acceptés par 77 voix contre 51 et 3 abstentions.

Le projet de loi est adopté en premier débat.

Le deuxième débat interviendra ultérieurement.

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