23_INT_79 - Interpellation Alexandre Démétriadès et consorts - L’association PRO-JET (entre autres ?) en danger : une menace pour l’insertion professionnelle et sociale dans l’Ouest vaudois (et dans le Canton ?). (Développement).
Séance du Grand Conseil du mardi 23 mai 2023, point 5 de l'ordre du jour
Texte déposé
1. L’association Pro-jet
1.1. Activités et origine de l’association
Basée à Nyon, l’association PRO-JET est une association à but non-lucratif et reconnue d’intérêt public active depuis plus de 25 ans dans les districts de Nyon et de Morges en faveur de la socialisation et de l’accompagnement de jeunes et d’adultes en recherche d’une formation ou d’un emploi[1]. Dans le cadre de ses activités, l’association PRO-JET emploie 60 collaborateurs/trices et fait bénéficier de ses actions à près de 160 personnes.
Pour accomplir ses buts, l’association PRO-JET met en place, en collaboration étroite avec plus de 40 entreprises et de nombreux organismes étatiques[2], quatre mesures « jeunes » et une mesure « adultes »:
- Le semestre de motivation de la La Côte (SEMOLAC) qui vise à clarifier l’orientation professionnel des jeunes adultes 15-25 ans en les accompagnant dans leurs choix de formation et de travail ;
- « PRO-JET coaching-ado » : mesure d’éducation spécialisée en vue de l’insertion professionnelle (MESIP) de jeunes de 15-18 ans suivis par différentes institutions cantonales (DGEJ, Tribunal des Mineurs, OCTP) ;
- « PRO-JET starter » : mesure d’insertion sociale pour jeunes adultes en difficulté (MISJAD) qui propose un accompagnement personnalisé à des jeunes de 15-25 ans au bénéfice du revenu d’insertion ou issus du Guichet de la Transition région Ouest ;
- « PRO-JET App Cor » : mise en place des apprentissages coordonnés en réseau d’entreprises formatrices en collaboration avec plusieurs entités (DGEJ, DGCS, OAI).
- « PRO-JET Net & Co » ou « IMAP » : programme d’emploi temporaire (PET) destiné à augmenter l’employabilité des adultes au bénéfice de l’assurance chômage ou du revenu d’insertion et mesure de réadaptation pour des adultes bénéficiaires de l’AI ;
1.2. Graves difficultés pour l’association
En janvier 2023, évoquant l’annulation d’un projet de ressourcerie élaboré en partenariat entre PRO-JET et la Commune de Gland qui était pourtant sur le point d’être mis en place, le journal La Côte révélait d’importantes difficultés financières auxquelles fait actuellement face l’association PRO-JET[3]. En substance, en juin 2022 l’association apprenait que l’entier des subventions cantonales qui soutenaient depuis plusieurs années la mesure Net & Co (voir ci-dessus) allaient être supprimées pour décembre 2022, ce qui a provoqué l’annulation du partenariat avec Gland tout en générant une charge nette estimée à CHF 155'000 pour l’association. Par ailleurs, PRO-JET a vu sa subvention SEMO baisser de CHF 500'000 pour 2023 (1/3 du budget de la mesure).
Ces deux décisions ont été prises courant 2022 par la direction générale de l’emploi et du marché du travail (DGEM) suite à une baisse des moyens alloués aux Cantons par la Confédération engendré par la baisse du taux de chômage. Dans l’article précité, Madame Françoise Favre, Cheffe de la DGEM, précise cette révision de l’offre : « Certaines de nos relations avec nos partenaires ont dû être revues, ceci en raison de deux facteurs principaux : la baisse importante du nombre de personnes à la recherche d’un emploi inscrites auprès des Offices régionaux de placement (ORP) et l’adéquation réduite de certaines mesures à l’état du marché du travail ».
Un nouvel article de La Côte paru à la fin mars 2023[4] révélait que le total des coupes de subventions subies par PRO-JET en 2022 s’élevait finalement à CHF 1'000'000 et qu’un autre million de francs de subventions liées au chômage avait été coupé sur les sept dernières années. À noter ici que les comptes 2021 de PRO-JET faisaient état d’un chiffre d’affaires global de CHF 5'300'000.
1.3. Futur très incertain pour PRO-JET
Les différentes décisions et difficultés évoquées plus haut ont contraint l’association PRO-JET à faire d’importantes économies en réduisant un certain nombre de ses activités et de son personnel (suppression de 3 ateliers sur 16 et suppression de 6 EPT), ce qui est déplorable en soi.
Malgré la réduction de son activité, plusieurs charges fixes restent incompressibles en raison des divers baux commerciaux et contrats signés par l’association. En outre, le système de subventionnement de PRO-JET ne lui permet pas de constituer de réserves lorsqu’elle réalise un bénéfice (comme en 2022), ce dernier devant être reversé à ses différents mandants. Le cadre légal ne permet enfin pas à l’association de compenser d’éventuelles charges supplémentaires par des budgets issus d’autre mandants.
Cette situation plonge l’association PRO-JET dans une très grande incertitude – prévisions de pertes de dizaines de milliers de francs par mois en 2023 – et l’oblige à élaborer un plan de sauvetage face à un manque criant de liquidités et à la crainte d’une éventuelle faillite. Triste ironie du sort : PRO-JET vient tout juste d’inaugurer son installation dans un bâtiment rénové et agrandi, un projet conçu par l’association elle-même en partenariat avec ses divers mandants quant aux équipements à y intégrer (ateliers professionnels, etc.).
1.4. Résumé
L’association PRO-JET joue un rôle fondamental dans l’insertion sociale et professionnelle de jeunes et d’adultes en difficulté de la Côte. Sa dépendance vis-à-vis de différentes subventions cantonales, qui varient elles-mêmes annuellement en fonction notamment du taux de chômage, la rend particulièrement vulnérable et ne lui permet pas d’envisager son développement sur le long terme. Malgré la quantité de travail à fournir pour lancer de nouveaux projets et la difficulté de recruter et surtout de former des collaborateurs/trices pour mener à bien ses actions, l’association se voit parfois contrainte de licencier du personnel et de cesser des activités à cause de la volatilité des subventions qu’elle reçoit. Compte tenu de la situation conjoncturelle du chômage, qui est en soi à saluer, l’existence de PRO-JET en vient même à être remise en cause.
Les soussigné.e.s pensent que la disparition de PRO-JET serait particulièrement préjudiciable pour les districts de Nyon et de Morges. D’une part, elle impliquerait le licenciement de près de 60 collaborateurs/trices et la disparition de prestations pour 160 bénéficiaires environ. D’autre part, elle signifierait la disparition d’une association ayant accumulé 30 années d’expérience dans l’insertion sociale et professionnelle.
D’un point de vue purement financier, les soussigné.e.s pensent que les économies de court terme réalisées par la baisse des subventions – et le potentiel arrêt brutal qui en découle – risquent ici d’occasionner une coût plus important à moyen terme lorsqu’il s’agira de redémarrer, forcément plus lentement et avec moins d’efficacité, une structure idoine lors d’une remontée du taux de chômage.
2. La Fondation Esp’Asse[5]
La Fondation Esp’Asse est une fondation à but non-lucratif qui gère les locaux de l’ancienne usine de métallurgie Stellram de Nyon et met à disposition des surfaces à prix très attractifs à des associations d’entraide et d’insertion ainsi qu’à des artistes et artisans de la région nyonnaise.
À l’origine même de la création de cette fondation en 2001 et du rachat de l’usine Stellram la même année, on trouve le besoin de l’association PRO-JET de trouver des locaux pour pérenniser, déjà en son temps, le Semestre de Motivation de La Côte (SEMOLAC)[6]. Ce partenariat privilégié et au long cours se traduit aujourd’hui par la part très importante qu’occupe PRO-JET dans les locaux d’Esp’Asse. Concrètement, plus du tiers des loyers payés à la fondation proviennent des surfaces occupées par PRO-JET (environ CHF 450'000 sur près de CHF 1,2 mios/an).
Prévenue depuis quelques mois de la tempête que traverse l’association PRO-JET – qui a dû renoncer à occuper certains locaux et craint plus généralement pour son avenir, le Conseil de la Fondation Esp’Asse est très préoccupé par cette situation qui, si elle devait se traduire par une faillite de PRO-JET, pourrait menacer la viabilité de l’ensemble de la structure gérée à Nyon.
Les soussigné.e.s pensent qu’une telle issue serait particulièrement néfaste pour l’ensemble des locataires de la Fondation qui, au-delà de nombreux artistes, artisans et associations, se composent de Caritas Vaud (qui y offre notamment des hébergements d’urgence), de Compétence Bénévoles, de la Fondation de Vernand, de l’association Lire & Écrire, de l’OSEO, de la Fondation Pré de Vert, de Pro Infirmis, de la fondation Pro Fa, ou encore de la fondation Trait d’Union – Proactif.
Ainsi, il s’agit de tenir compte des nombreux/ses jeunes et autres personnes en difficulté qui ne seraient plus suivi.e.s dans leur région et qui risqueraient de ne pas poursuivre leur programme d’insertion. Il s’agit également de saisir que la fermeture d’un lieu majeur d’insertion de l’Ouest vaudois causerait un grand dégât d’image aux pouvoirs publics, mais aussi et surtout un effet en cascade sur divers partenaires de PRO-JET, dont le propriétaire de ses locaux qui lui-même loge les plus importantes institutions sociales du Canton. La chute de PRO-JET risque d’en entraîner d’autres ou de mettre en difficulté des locataires de tout un quartier socio-culturel.
3. La situation dans le Canton
En septembre 2022, le député Cédric Roten interpellait le Conseil d’État sur l’impact de la baisse du taux de chômage sur les Mesures du Marché du Travail (MMT)[7]. Dans ce cadre, une de ses questions portait précisément sur l’impact de la baisse des subventions fédérales provenant du SECO sur les organismes actifs dans l’offre des Mesures du Marché du Travail (MMT) ou qui œuvrent en prévention du chômage.
La réponse du Conseil d’État à cette interpellation a été publiée fin mars 2023[8]. À la question susmentionnée du député Roten, il répond :
« Le Conseil d’Etat ne peut pas se prononcer sur les mesures prises par des organismes prestataires quant à l’organisation de leur structure. Les organisateurs de mesures ont été avertis à la fin du premier semestre 2022 des estimations de besoins en MMT pour l’année 2023. Dès cet instant, ils ont été en mesure de formuler des propositions budgétaires en lien avec l’offre de prestations et de prendre leurs dispositions organisationnelles dont certaines touchent aux ressources en personnel.
Il convient de noter, dans ce contexte singulier, que l’impact budgétaire de cette baisse du chômage n’est pas linéaire, ceci en raison des besoins plus ou moins marqués en fonction des secteurs d’activité. Ainsi, un secteur qui connaît une pénurie de main d’œuvre – tel que ceux des services, de la restauration, du nettoyage ou des transports comme évoqué plus haut – sera impacté plus directement par la baisse des budgets alloués et la commande de prestations MMT. »
À la question de savoir si le Conseil d’État serait prêt à compenser à l’avenir les baisses de subventions fédérales afin de maintenir une prise en charge optimale des chercheur.euse.s d’emploi vaudois.es, ce dernier répond qu’il n’entend pas le faire et qu’il considère que « ce n’est pas la préservation à tout prix des structures et de l’offre de mesures qui constitue la finalité de l’action publique mais bien leur adaptation aux conditions et aux besoins du marché du travail ».
Ces éléments ne rassurent pas les soussigné.e.s quant à l’avenir de PRO-JET et les laisse penser que d’autres structures du même type doivent être concernées dans d’autres lieux du Canton.
En outre et contrairement à ce qui est dit dans la réponse susmentionnée, les soussigné.e.s pensent qu’en coupant dans les subventions d’une association comme PRO-JET (CHF 1 mio sur 5,3 mios dans le cas d’espèce) et en l’obligeant ainsi à licencier son personnel et à diminuer sa palette de prestations, le Canton affaiblit au mieux son adaptabilité à l’évolution du marché du travail. Au pire, il risque de condamner une structure en ne lui octroyant aucun délai ou moyen suffisant pour se réadapter, ce d’autant plus que la constitution de réserves financières lui est interdite.
Les soussigné.e.s s’interrogent enfin sur un autre effet collatéral des coupes de subventions. Les structures externes comme PRO-JET à qui l’État délègue des prestations doivent conclure des contrats avec des privés (personnel, locations, leasing de véhicules, achats d’équipement parfois lourds, etc.). Lorsque le Canton coupe des moyens à très court-terme à une entité qui assume ses tâches de manière déléguée, se pose la question de la responsabilité étatique à l’égard des tiers qui risquent de voir des contrats non honorés. Si l’État assumait lui-même ses tâches, il paraîtrait en effet tout à fait étonnant de le voir casser l’ensemble de ses contrats dans des délais très courts sans honorer ses engagements.
Au vu de ce qui précède, les soussigné.e.s pensent qu’il est nécessaire de mettre en place un groupe de travail réunissant l’ensemble des partenaires de PRO-JET et les autorités locales et régionales concernées. Ils et elles ont l’honneur de poser les questions suivantes au Conseil d’État et à l’ensemble des départements concernés (DGEM, DEF, DGEJ, DGCS) :
- Quelle appréciation le Conseil d’État fait-il de la situation décrite dans la présente interpellation, notamment le risque de faillite de PRO-JET ?
- Quelles pistes le Conseil d’État envisage-t-il de suivre pour éviter une faillite de l’association PRO-JET ?
- Comment les différents départements et services de l’État se coordonnent-ils dans leurs relations avec PRO-JET et dans le suivi de cette association ?
- En particulier, un financement supplémentaire de la DGEM pour compenser le retrait du SECO peut-il être alloué, à tout le moins pour une période transitoire de deux à trois ans ?
- Le Conseil d’État envisage-t-il de mettre en place un groupe de travail avec l’ensemble des partenaires de l’association PRO-JET, groupe de travail qui comprendrait également des représentant.e.s des autorités locales et régionales concernées ?
- Est-ce que d’autres structures s’apparentant à PRO-JET sont concernées par le même type de difficultés financières dans le Canton ?
- Dans l’affirmative et malgré la réponse apportée à l’interpellation Roten citée plus haut, le Canton envisage-t-il de trouver des mécanismes financiers permettant à ces structures de travailler, en temps normal, avec un horizon de plus d’une année et de pouvoir faire des réserves ?
[1] Voir le site de l’association : https://association-projet.ch/
[2] On peut citer ici : Guichet de la Transition 1 Région Ouest (T1), Office assurance invalidité du canton de Vaud et Genève (AI), Office régionaux de placement (ORP), Centre social régional de Nyon et de Morges (CSR), Office régional de protection des mineurs de l’Ouest vaudois (ORPM), Tribunal des Mineurs (TM), Centre social d’intégration des réfugiés (CSIR).
[3]https://www.lacote.ch/vaud/la-cote/nyon-district/gland/gland-fin-du-bric-a-brac-pro-jet-ferme-son-espace-a-la-dechetterie-1251389
[4]https://www.lacote.ch/vaud/la-cote/nyon-district/nyon-commune/association-pro-jet-on-ne-sattendait-pas-a-des-coupes-aussi-importantes-1273243
[5] Le premier signataire du texte est vice-président du Conseil de cette Fondation et ne touche aucune rémunération de sa part.
[6] Pour une présentation complète de l’histoire et des activités de la Fondation Esp’Asse, voir la brochure créée à l’occasion des 20 ans de la Fondation disponible au téléchargement sur le lien suivant : https://www.espasse.ch/social
[7] Le texte de cette interpellation est disponible sur ce lien : https://www.vd.ch/toutes-les-autorites/grand-conseil/depute-e-s/detail-objet/objet/22_INT_116/membre/624927
[8] Le texte de la réponse est disponible sur cet autre lien : https://www.vd.ch/fileadmin/user_upload/organisation/gc/fichiers_pdf/2022-2027/22_INT_116_TexteCE.pdf
Conclusion
Souhaite développer
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Cédric Roten | SOC |
Sandra Pasquier | SOC |
David Raedler | VER |
Sylvie Podio | VER |
Denis Dumartheray | UDC |
Sébastien Cala | SOC |
Patricia Spack Isenrich | SOC |
Martine Gerber | VER |
Hadrien Buclin | EP |
Alberto Cherubini | SOC |
Yannick Maury | VER |
Denis Corboz | SOC |
Nathalie Jaccard | VER |
Jean Tschopp | SOC |
Didier Lohri | VER |
Marc Vuilleumier | EP |
Claire Attinger Doepper | SOC |
Michael Wyssa | PLR |
Cendrine Cachemaille | SOC |
Romain Pilloud | SOC |
Jerome De Benedictis | V'L |
Marc Morandi | PLR |
Anne-Lise Rime | PLR |
Jean-Marc Udriot | PLR |
Pierre Dessemontet | SOC |
Nicolas Bolay | UDC |
Nathalie Vez | VER |
David Vogel | V'L |
Pierre Wahlen | VER |
Julien Eggenberger | SOC |
Philippe Jobin | UDC |
Muriel Thalmann | SOC |
Sébastien Humbert | V'L |
Maurice Gay | PLR |
Claude Nicole Grin | VER |
Laurent Balsiger | SOC |
Pierre Fonjallaz | VER |
Josephine Byrne Garelli | PLR |
Monique Ryf | SOC |
Nicolas Suter | PLR |
Isabelle Freymond | IND |
Yves Paccaud | SOC |
Olivier Gfeller | SOC |
Laurence Cretegny | PLR |
Vincent Bonvin | VER |
Sergei Aschwanden | PLR |
Marion Wahlen | PLR |
Anna Perret | VER |
Maurice Treboux | UDC |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourRetour à l'ordre du jourL’auteur n’ayant pas souhaité développer son interpellation en plénum, celle-ci est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.