22_HQU_47 - Question orale Elodie Lopez au nom EP - Hébergement d'urgence - Un toit est un droit.

Séance du Grand Conseil du mardi 10 mai 2022, point 4.6 de l'ordre du jour

Texte déposé

Les associations actives dans les dispositifs d’accueil d’urgence ont à nouveau tiré la sonnette d’alarme : le dispositif d’hébergement d’urgence est dépassé. Dans un contexte d’augmentation des inégalités exacerbé par la pandémie, les demandes augmentent encore et le système est saturé. Il ne permet plus de répondre aux besoins actuels et compromet des conditions d’accueil décentes. Dans ce contexte, la fermeture des hébergements d’urgence à la date du premier mai (160 lits en tout) a pour conséquence de condamner des personnes à dormir dans la rue, ceci alors que nos législations le condamne, que les structures doivent refuser des gens et que la Constitution vaudoise – dont l’État cantonal est garant – expose dans son article 33 que « toute personne dans le besoin a droit à un logement d’urgence approprié et aux moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.»

 

Afin d’améliorer la situation dans l’immédiat, des revendications ont été adressées par des collectifs au Conseil d’État : garder l’ensemble des structures ouvertes durant toute l‘année et ainsi mettre fin à la politique du thermomètre, augmenter le nombre de places d’accueil afin de répondre aux besoins, et mettre fin à la pénalisation du camping sauvage, dernier rempart aux aux personnes refusées dans les structures.

 

Dans ce contexte, nous avons l’honneur d’adresser au Conseil d’État la question suivante :

 

  • Quelles mesures le Conseil d’État compte-t-il prendre pour répondre aux revendications adressées par les collectifs et associations à son intention ?
     

 

Transcriptions

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

Département de la santé et de l’action sociale

Mme Elodie Lopez (EP) —

Question orale Elodie Lopez au nom EP - Hébergement d’urgence - Un toit est un droit (22_HQU_47)

Les associations actives dans les dispositifs d’accueil d’urgence ont à nouveau tiré la sonnette d’alarme : le dispositif d’hébergement d’urgence est dépassé. Dans un contexte d’augmentation des inégalités exacerbé par la pandémie, les demandes augmentent encore et le système est saturé. Il ne permet plus de répondre aux besoins actuels et compromet des conditions d’accueil décentes. Dans ce contexte, la fermeture des hébergements d’urgence à la date du 1er mai – 160 lits en tout – a pour conséquence de condamner des personnes à dormir dans la rue, ceci alors que nos législations le condamnent, que les structures doivent refuser des gens et que la Constitution vaudoise – dont l’Etat cantonal est garant – expose dans son article 33 que « toute personne dans le besoin a droit à un logement d’urgence approprié et aux moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. »

Afin d’améliorer la situation dans l’immédiat, des revendications ont été adressées par des collectifs au Conseil d’Etat : garder l’ensemble des structures ouvertes durant toute l’année et ainsi mettre fin à la politique du thermomètre, augmenter le nombre de places d’accueil afin de répondre aux besoins, et mettre fin à la pénalisation du camping sauvage, dernier rempart aux personnes refusées dans les structures.

Dans ce contexte, nous avons l’honneur d’adresser au Conseil d’Etat la question suivante : quelles mesures le Conseil d’Etat compte-t-il prendre pour répondre aux revendications adressées par les collectifs et associations à son intention ?

Mme Rebecca Ruiz (C-DSAS) — Conseiller-ère d’Etat

En préambule, le Conseil d’Etat précise que sa compétence est subsidiaire dans le dossier de l’hébergement d’urgence. Malgré ceci, conscient du problème et sensibilisé à la situation des nombreuses personnes concernées, il a alloué des ressources financières supplémentaires depuis plusieurs années en associant le Conseil de politique sociale, naturellement avec la validation du Grand Conseil.

Il relève que l’offre permanente de places d’hébergement d’urgence a considérablement augmenté entre 2019 et 2022. En 2019, elle était de 97 places – 56 en région lausannoise et 41 dans le reste du canton – et en 2022, elle est de 150 places – 97 en région lausannoise financées par la participation à la cohésion sociale et 53 dans le reste du canton. La Ville de Lausanne finance elle-même 31 places supplémentaires. A cette offre annuelle s’ajoute une offre saisonnière, en période hivernale, d’une centaine de places. En cas de grand froid, il existe encore un autre dispositif d’urgence.

Ainsi, trois nouvelles structures ont vu le jour durant les années 2019 et 2021 :

  1. Le Manteau, à Saint-Martin, offre 41 lits à l’année en remplacement de L’Etape ;
  2. La Borde 47, toujours à Lausanne, offre 42 lits en hiver ;
  3. Le Phare, à Nyon, offre 10 lits à l’année.

Un monitoring des refus est réalisé quotidiennement par la Ville de Lausanne ; il est transmis à la Direction générale de la cohésion sociale pour pouvoir assurer un suivi et un monitoring de l’adéquation de l’offre. Ce suivi existe depuis 2008. Il montre une diminution du nombre des refus depuis 2018. Ainsi, à l’été 2015, on dénombrait plus de 40 refus quotidiens en moyenne, avec un pic à 57 refus en moyenne sur le mois de juillet, soit 1759 refus sur le mois. L’année 2017 avait également enregistré un nombre très important de refus, avec en moyenne plus de 1000 refus par mois, soit 30 refus par jour. En 2021, la moyenne était de 15 refus quotidiens. La situation pour les quatre premiers mois de 2022 suit la tendance de 2021. Suite à la fermeture des dispositifs hivernaux, le 30 avril, il n’y a pas eu une explosion des refus.

Financièrement, le budget accordé par le canton a crû de 40% depuis 2020. Il est passé de 3,46 millions à 4,9 millions. Je l’ai dit précédemment, les communes participent à ce financement par le biais de la participation à la cohésion sociale. Le Conseil de politique sociale a évidemment validé à chaque fois toutes ces dépenses.

Introduite durant la pandémie, la gratuité des hébergements d’urgence a été maintenue après la crise sanitaire. Soutenue et souhaitée par les différents acteurs qui accompagnent les populations sans domicile fixe, elle permet non seulement d’améliorer la situation des usagers, mais aussi des travailleurs sociaux. C’était ce qui était revendiqué par les différentes associations actives dans le domaine pour pouvoir permettre à ces travailleurs sociaux de se concentrer sur le travail social et ne pas avoir à faire du travail administratif – ou la récolte des fameux 5 francs au moment où les usagers se présentent dans les différents lieux.

Pour le Conseil d’Etat, le sans-abrisme est une thématique importante. Le canton et le Conseil de politique sociale ont manifesté concrètement leur préoccupation, comme l’a fait le Grand Conseil, en consentant des montants importants et croissants, ce qui a permis d’augmenter l’offre en place et d’offrir aussi la gratuité.

L’Office fédéral du logement a mandaté la Haute Ecole du Nord-Ouest de la Suisse pour analyser le phénomène du sans-abrisme en Suisse. Cette étude relève un manque de données de base. Il est recommandé de les améliorer pour pouvoir notamment recenser et définir plus clairement les contours du sans-abrisme et ses différentes formes. Or, de l’avis du Conseil d’Etat, une phase d’objectivation de la situation est nécessaire pour pouvoir fonder une évolution du dispositif actuel. En 2021, une étude a été effectuée par Unisanté auprès des usagers des hébergements d’urgence pour mieux connaître cette population. Les résultats seront disponibles dans les prochaines semaines. Nous savons que parmi les personnes qui fréquentent ces lieux, une minorité relève du droit d’asile ou touche l’aide sociale et pourrait donc bénéficier d’un logement autre. Pour appréhender ces situations, mais aussi toutes les autres situations qui se présentent dans ce type d’hébergement d’urgence, le Conseil d’Etat a chargé la Direction générale de la cohésion sociale de formuler des propositions d’action permettant par exemple d’orienter une partie des personnes qui se présentent à un hébergement d’urgence vers un logement de transition. Je développerai ce point plus précisément lors de la réponse à la question de M. Keller. Le Conseil d’Etat estime qu’il sera nécessaire pour ces situations de poser des critères à ces prestations – jeunes en rupture, femmes isolées, travailleurs précaires, permis de séjour. Il faudra aussi travailler avec le réseau actuel de professionnels en associant certains partenaires privés, comme des gérances, qui seraient volontaires ou une association professionnelle du domaine.

Il manque encore au Département de la santé et de l’action sociale une évaluation portant sur l’adéquation entre l’offre et la demande de lits d’urgence en fonction d’un certain nombre de critères autres, comme la saison – la question qui est aujourd’hui au cœur des débats – et la typologie des usagers. Ce mandat figurait au rang des objectifs du département. Il lui sera donné suite ces prochaines semaines, avec un objectif de remise d’un rapport dans les 6 à 8 mois qui, pour se réaliser, devra aussi interroger les bénéficiaires et les associations ainsi qu’institutions actives dans le domaine. Dans l’attente des conclusions de cette étude, le département a déjà décidé, il y a plus d’un an, de soutenir un projet-pilote innovant à Renens pour répondre aux besoins particuliers des femmes sans domicile fixe. Ce projet démarrera courant juin 2022.

Mme Elodie Lopez (EP) —

Je remercie Mme la conseillère d’Etat pour sa réponse. Je la remercie aussi d’avoir rappelé les efforts qui ont été consentis par le canton en la matière. Certes, la situation s’est améliorée, mais les inégalités augmentent toujours et, sur le terrain, des collectifs constatent une différence entre les moyens à disposition et les besoins exprimés. Cette différence de perspective m’interroge. L’étude projetée permettrait de pouvoir engager des actions à long terme, mais je voudrais connaître les actions que le Conseil d’Etat pourrait entreprendre à court terme, notamment pour les personnes qui se retrouveraient à la rue et devraient dormir dehors ? Dans le contexte de l’interdiction du camping sauvage, quelles réponses le canton pourrait-il apporter pour résoudre ces problèmes ?

Mme Rebecca Ruiz (C-DSAS) — Conseiller-ère d’Etat

Madame la députée, je vous l’ai dit et vous le savez : la compétence du canton dans le domaine est subsidiaire ; le canton ne gère pas lui-même des structures d’accueil ; ce sont les communes qui le font. Pour d’autres structures, des associations sont subventionnées par les communes – par le biais de la participation à la cohésion sociale – et par le canton. Dans le cas qui nous occupe, les lits ont été fermés par la Ville de Lausanne. Ce n’est pas le canton qui a décidé de fermer ces lits, c’est une procédure usuelle qui existe dans le canton, avec ces questions de temporalité et de la saisonnalité qui pourraient peut-être être revues. Pour cela, il est nécessaire d’évaluer la situation en objectivant les données. Comme je vous l’ai dit, vous parlez d’explosion des refus, mais si on regarde les statistiques des années 2015 et 2017, on voit en réalité qu’il y a plutôt une diminution du nombre de refus. Evidemment, cela n’enlève rien au fait que tout refus est un drame individuel et que tout doit être entrepris pour en éviter un maximum. Tout cela, je le concède, mais nous ne sommes actuellement pas dans la possibilité d’assurer le « zéro refus », y compris si le dispositif était augmenté de 100 ou 150 lits. En revanche, j’ai la conviction que ce dispositif d’urgence doit être présent pour des situations pour lesquelles il n’y a pas d’autre solution d’hébergement. On entend de la part des différentes institutions actives dans le domaine qu’il y a des personnes dans ces hébergements d’urgence qui pourraient, d’une manière ou d’une autre, bénéficier d’un toit autrement : soit parce qu’elles touchent l’aide sociale et qu’elles pourraient donc aussi bénéficier d’un logement, moyennant un accompagnement et un coaching social. Pour en arriver à ce stade, il s’agit souvent de personnes extrêmement désinsérées de point de vue social, des personnes nécessitant un accompagnement. Il y a également des personnes qui relèvent du domaine de l’asile et qui auraient une possibilité d’être logées, pas forcément dans la ville où se trouve l’hébergement d’urgence, mais ailleurs. Evidemment, pour ces situations, nous devons orienter les personnes là où nous sommes sûrs que leur dignité est assurée pour la nuit, qu’elles auront une couverture, un matelas et un endroit où elles peuvent résider en sécurité pour que ces places d’urgence soient réellement dévolues à des situations d’urgence.

Pour le court terme, je ne peux pas vous dire autre chose, madame la députée. Comme vous le savez, il y a des lignes budgétaires attribuées par le Grand Conseil. Je ne vais pas vous faire la démonstration du fonctionnement de la « maniclette » budgétaire. Les budgets sont attribués pour un certain nombre de places. Je vous l’ai dit, depuis la fermeture des lits, nous ne voyons pas une explosion des refus. La situation a été tant bien que mal réglée par les différentes associations. Aujourd’hui, elles ne nous disent pas qu’elles font face toutes les nuits à 100 ou 150 refus, contrairement à ce qui a été annoncé. Nous partons du principe que ces craintes étaient exprimées de bonne foi par le collectif auquel vous faites référence, au moment où les lits ont été fermés par la Ville de Lausanne, il y a quelques jours.

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