24_HQU_35 - Question orale Mathilde Marendaz - La dérogation pour arroser en permanence la Tour des Cèdres en cas de sécheresse est-elle compatible avec le droit ?.
Séance du Grand Conseil du mardi 23 avril 2024, point 3.6 de l'ordre du jour
Texte déposé
Dans le cadre de la mise à l'enquête en cours du projet de la Tour des Cèdres à Chavannes, il a été découvert par le bureau d'ingénieur 2401 qu'une dérogation garantissant un arrosage permanent des arbres et arbustes de la Tour même en cas de restrictions sur la sécheresse a été donnée par la commune pour considérer que la façade était incombustible selon les prescriptions incendie de l'AEAI dont l'application vaudoise est assurée par l'ECA. Selon l'AEAI, les parois extérieures des bâtiments élevés (de 30 à 100m) doivent être construites avec des matériaux RF1 – incombustibles –, tel que ce n’est pas le cas des arbres prévus sur la façade de la Tour. La dérogation obtenue impactera Chavannes quand la commune fera face à des restrictions d'eau et qu'un arrosage intensif du bâtiment primera sur d'autres besoins. Cette dérogation est-elle légale du point de vue du droit cantonal et du droit fondamental à vivre dans un environnement sain, dans le contexte climatique de l'appauvrissement à venir en Suisse et dans le Canton de la ressource en eau ?
Transcriptions
Question orale Mathilde Marendaz – La dérogation pour arroser en permanence la Tour des Cèdres en cas de sécheresse est-elle compatible avec le droit ? (24_HQU_35)
Dans le cadre de la mise à l'enquête en cours du projet de la Tour des Cèdres à Chavannes, il a été découvert par le bureau d'ingénieur qu'une dérogation garantissant un arrosage permanent des arbres et arbustes de la Tour même en cas de restrictions sur la sécheresse a été donnée par la commune pour considérer que la façade était incombustible selon les prescriptions incendie de l'Association des établissements cantonaux d’assurance incendie (AEAI) dont l'application vaudoise est assurée par l'Etablissement cantonal d’assurance (ECA). Selon l'AEAI, les parois extérieures des bâtiments élevés de 30 à 100m – celui-ci en fera 120m – doivent être construites avec des matériaux RF1 – incombustibles – tel que ce n’est pas le cas des arbres prévus sur la façade de la Tour. La dérogation obtenue impactera Chavannes quand la commune fera face à des restrictions d'eau et qu'un arrosage intensif du bâtiment primera sur d'autres besoins fondamentaux. Cette dérogation est-elle légale du point de vue du droit cantonal et du droit fondamental à vivre dans un environnement sain, dans le contexte climatique de l'appauvrissement à venir en Suisse et dans le Canton de la ressource en eau ?
Retour à l'ordre du jourUne façade végétalisée est effectivement prévue dans le projet actuellement à l'enquête. Les prescriptions de protection incendie 2015 qui ont force de loi dans le canton visent à limiter la propagation des incendies. Ainsi, un incendie qui se déclare à un étage dans un bâtiment élevé ne doit pas se propager à plus de deux étages, via la paroi extérieure, avant l'intervention des sapeurs-pompiers et doit pouvoir être éteint sans que les sapeurs-pompiers aient à intervenir depuis l'extérieur. Pour que la façade végétalisée comme prévu par le projet réponde aux conditions précitées, la végétation la composant doit en effet être arrosée en permanence. La municipalité a accepté le principe d'une dérogation communale spéciale pour l'arrosage de la végétation de la Tour des Cèdres, conformément à la Loi sur la distribution de l'eau qui fixe les obligations et la marge de manœuvre des communes. Cette dérogation est cependant conditionnée aux résultats d'une étude complémentaire quant à l'arrosage avec des eaux de récupération et des bassins de rétention.
Par ailleurs, la Loi sur la distribution de l'eau octroie la compétence à la commune de conclure une convention avec le propriétaire pour régler les modalités de fourniture d'eau dans les cas d'installation nécessitant des besoins exceptionnels. Dans ce dossier, l'Etablissement cantonal d’assurance (ECA) doit encore délivrer une autorisation spéciale une fois ces compléments connus. Il convient aussi de préciser que l'autorité compétente est la commune et que la Direction générale de l'environnement n'a pas été amenée à émettre un préavis sur ce projet. Le droit cantonal ne prévoit effectivement pas que le canton intervienne dans la procédure de délivrance des permis de construire sous l'angle d'une évaluation en termes d'une utilisation rationnelle des ressources en eau.
Cela étant dit, la question des impacts des changements climatiques sur la disponibilité et la qualité de la ressource est fondamentale. Cela se traduira par une pression accrue, voire des conflits entre les différents types d'usages, en particulier la consommation d'eau potable, l'agriculture, les besoins industriels, la production d'énergie, les loisirs, ainsi que pour les besoins propres au fonctionnement des milieux naturels. C'est la raison pour laquelle le canton souhaite développer une stratégie globale de l'eau sous la forme d'une gestion intégrée de l'eau. Une telle gestion permet d'articuler les trois piliers que sont : utiliser, la protéger et s’en protéger. Cette approche intégrée est d'ailleurs préconisée par le rapport du 15 mai 2022 du Conseil fédéral sur la sécurité de l'approvisionnement en eau et sur la gestion de l'eau. Celui-ci annonce différentes mesures, comme le développement de la gestion intégrée des eaux et l'élaboration des plans régionaux d'approvisionnement en eau potable. Il est donc fort probable que le cadre légal fédéral soit appelé à évoluer au cours des années à venir.
Concernant la distribution d'eau potable au niveau du canton de Vaud, les distributeurs d'eau sont tenus d'établir des plans directeurs de la distribution d'eau potable, qui sont soumis à l'approbation du Service de la promotion de l’économie et de l’innovation (SPEI). En cas de nécessité, avant la réalisation des plans directeurs, des études régionales sont également réalisées et approuvées par le SPEI, afin de garantir un développement coordonné des réseaux d'eau et de garantir la sécurité d'alimentation sur le long terme. Au niveau cantonal, une adaptation des bases légales et un exposé des motifs et projets de décret lié aux mesures emblématiques du plan Climat 2024 sont en cours de rédaction et devraient prochainement être transmis au Grand Conseil. La gestion raisonnée de nos ressources en eau est donc une préoccupation très actuelle du Conseil d'Etat et pourrait conduire à proposer de nouvelles priorités s'agissant des différents usages de l'eau. Ainsi, si le canton n'a pas été amené à se prononcer sur le projet en question, il poursuit ses travaux afin d'anticiper le plus en amont possible les futurs impacts des changements climatiques.