22_RES_19 - Résolution Fabrice Moscheni et consorts - L’Etat doit empêcher que les Vaudoises et Vaudois soient pris en otage (Développement et mise en discussion avec au moins 20 signatures).

Séance du Grand Conseil du mardi 29 novembre 2022, point 14 de l'ordre du jour

Texte déposé

Depuis quelques semaines, des activistes mènent des actions qui visent à bloquer le trafic routier. Ainsi faisant, les activistes contreviennent à la loi. En sus de l’illégalité de ces actes et de la gêne qu’ils provoquent pour les Vaudoises et les Vaudois pris en otage dans leur voiture, ces actes ont un impact en termes de perte économique, mais peuvent également induire des accidents graves pour les activistes eux-mêmes. On peut aussi mentionner le risque qu’une urgence, entre autres médicale, reste bloquée dans le trafic à cause d’une telle action, menant à des conséquences dramatiques comme la mort de malades transportés en ambulance.

 

Pour éviter de donner l’impression que les activistes bénéficient de passe-droits face à la loi et de contrecarrer tout sentiment d’impunité, l’Etat se doit d’appliquer la loi de façon diligente et juste.

 

Par la présente résolution, le Parlement demande au Conseil d’Etat de prendre toutes les mesures nécessaires pour, d’une part, empêcher  ou, si cela n’a pas pu être empêché, de faire cesser les actes de blocage du trafic au plus vite et, d’autre part, de sanctionner de façon exemplaire les auteurs de tels blocages.

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Thierry SchneiterPLR
Georges ZündPLR
Jean-Luc BezençonPLR
Marc-Olivier BuffatPLR
Stéphane JordanUDC
Cédric WeissertUDC
Nicola Di GiulioUDC
Marc MorandiPLR
Alexandre BerthoudPLR
Nicole RapinPLR
Florence GrossPLR
Grégory BovayPLR
Loïc BardetPLR
John DesmeulesPLR
Josephine Byrne GarelliPLR
Maurice NeyroudPLR
Fabrice NeyroudUDC
Jean-François ThuillardUDC
Jean-Daniel CarrardPLR
Laurence BassinPLR
Sylvain FreymondUDC
Denis DumartherayUDC
Céline BauxUDC
Nicolas BolayUDC
Aliette Rey-MarionUDC
Yann GlayreUDC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La résolution étant accompagnée de 26 signatures, la présidente ne demande pas l’appui de 20 membres.                             

M. Yvan Pahud (UDC) —

(Remplaçant M. Fabrice Moscheni, absent) Heureuse Europe, heureuse Suisse et heureux Pays de Vaud avec ses problèmes de riche et d’enfant gâté ! Pendant que certains meurent sous les bombes, que d’autres n’ont pas de quoi se nourrir et se chauffer et qu’ici certains arrivent juste à terminer le mois, croulant sous des charges en augmentation – assurances maladie, énergie et hausse des aliments. Des enfants gâtés, eux, se collent les mains sur nos routes vaudoises. Ils prennent en otage des honnêtes gens qui se rendent sur leur lieu de travail pour gagner leur vie. Ils prennent en otage des chauffeurs poids lourds qui livrent des produits de nécessité et qui, avec le retard, ne pourront pas terminer à l’heure et arriveront tard dans leur foyer. Des mères et pères de famille qui devaient se rendre sur le lieu de travail et peut-être amener leurs enfants à la crèche n’y arriveront pas, parce qu’ils ont été pris en otage par des enfants gâtés. Et que dire des services d’urgence qui sont bloqués derrière ces personnes qui se sont collé les mains sur le goudron ? Où va-t-on ?

Nous avons la chance de vivre dans l’un des pays les plus démocratiques du monde. Chaque citoyen peut s’exprimer par voie démocratique, par des pétitions, par la voix d’élus, par la voie d’initiatives ou peut s’engager en politique. Ils peuvent récolter des signatures pour proposer des modifications de lois. Or, ils ont choisi une autre voie : celle des actions illégales. Nous sommes, par chance, dans un Etat de droit, où le vivre ensemble implique le respect des lois, mais surtout le respect des autres. C’est pourquoi je vous invite à soutenir cette résolution qui siffle la fin de la récréation pour toutes ces personnes qui ne respectent pas nos lois et la population de ce canton.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est ouverte.        

M. Blaise Vionnet (V'L) —

Même si cette résolution soulève des questions pertinentes, telles que les conséquences économiques ou sanitaires des blocages de routes, je ne peux pas la soutenir, car les mesures exigées sont simplement inapplicables. Premièrement, demander au Conseil d’Etat de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher ou faire cesser le blocage du trafic me paraît être une demande irréaliste. Le canton a plus de 2'000 km de routes en dehors des localités. Comment surveiller un tel réseau ? C’est impossible !

Deuxièmement, la résolution demande de sanctionner les activistes de façon exemplaire. Il me semble que cette demande dépasse le cadre du législatif ou de l’exécutif. Ne mélangeons pas les trois pouvoirs et laissons la justice faire son travail. Ce n’est pas à nous, Grand Conseil, ou au Conseil d’Etat de leur donner des leçons. Avec plusieurs membres des Vert’libéraux, nous ne soutiendrons pas cette résolution. Nous vous encourageons à en faire de même.

Mme Mathilde Marendaz (EP) —

J’essaie en général d’écourter mes prises de paroles, mais là, j’ai quand même beaucoup de choses à vous dire. Dans une affaire qui a opposé un militant de la société civile à l’Etat de la Russie, la Cour européenne des droits humains (CEDH) a conclu en 2018 le paraphe suivant : « En l’absence d’actes de violence de la part des manifestants, il est important que les pouvoirs publics fassent preuve d’une certaine tolérance pour les rassemblements pacifiques, afin que la liberté de réunion garantie par l’article 11 de la CEDH ne soit pas vidée de sa substance. Toute manifestation dans un lieu public est susceptible d’entraîner des perturbations de la vie quotidienne, notamment de la circulation routière ».

Cet arrêt a depuis été invoqué par les Cours cantonales et fédérales de Suisse, dans plusieurs jugements autour de la désobéissance civile pour le climat. Eh oui, mesdames et messieurs de la droite de l’hémicycle, le droit de manifester est un droit fondamental garanti par la Constitution fédérale et cantonale.

Dans le guide sur l’article 11 de la CEDH, qui garantit la liberté de réunion et d’associations, il est question des perturbations intentionnelles de la circulation. L’obstruction d’axes routiers dans le cadre d’une manifestation est considérée comme pacifique et les Etats sont invités à faire preuve de tolérance pour ces rassemblements : la notion de proportionnalité doit être au cœur des décisions. Les limites de la tolérance des autorités à l’égard de ces rassemblements dépendent des circonstances du cas, de la durée et de l’ampleur du trouble à l’ordre public. Or, bloquer une autoroute pendant une heure, en proportion avec la mise en danger de la possibilité d’habiter et de vivre sur Terre, reste – je pense – relativement proportionnel et exige donc la tolérance de l’Etat et de la justice.

Pour préserver une démocratie, il est nécessaire de protéger le droit de liberté de réunion. Car nous ne voulons pas d’un Etat où seules les personnes qui ont le pouvoir disposeraient de tous les droits et où la population ne pourrait pas s’exprimer au moment où les élus ne font pas le travail qui leur est légalement demandé, quand les élus arrêtent de protéger la population. Oui, nous devons conserver la possibilité pour la population de s’exprimer autrement en cas de grandes injustices. Or, nous sommes précisément aujourd’hui devant une situation extrêmement injuste.

Cette situation, c’est le fait que ma génération a été prise en otage, par un système capitaliste extractiviste qui menace aujourd’hui notre possibilité d’habiter la Terre dans quelques dizaines d’années, et donc notre droit fondamental à la vie et à vivre dans un environnement sain. Cette situation, c’est que depuis des dizaines et dizaines d’années, aucune méthode légale n’est parvenue à bloquer l’influence des lobbys privés qui détruisent notre possibilité de vivre sur cette planète. En Suisse, avec la complicité du canton de Vaud, nous avons des banques qui investissent massivement dans l’extraction fossile, par exemple. En parlant d’industrie fossile, d’après de nombreuses études, depuis les années 1970, les extracteurs d’énergies fossiles savaient exactement dans quel mur ils nous emmenaient par des études qu’ils avaient eux-mêmes menées et commandées. Ces entreprises, qui sont en fait les réels criminels climatiques dans le débat, ont donc volontairement caché les données qu’ils possédaient à propos du danger. Ils ont fabriqué du doute, de la même manière que vous fabriquez aujourd’hui la criminalisation de celles et ceux qui agissent pour inverser ce cours des choses et sauver un avenir possible.

Dans ce canton nous hébergeons des multinationales qui détruisent le climat et la biodiversité ici et dans des pays éloignés. Mesdames et messieurs, je pense que vos propositions montrent que vous n’avez toujours pas saisi la teneur de la situation. Le réchauffement climatique selon les courbes actuelles, c’est un monde qui va vers les 3, 4 ou 5 degrés de plus. C’est un monde terrifiant quand on pense qu’aujourd’hui avec seulement 1,1 degré de plus qu’à la période préindustrielle, on fait déjà face à des événements climatiques extrêmes. Ce sont des faits qui sont terrifiants pour notre population, pour les agriculteurs, pour les citoyennes et citoyens et que tout le monde devrait craindre. Alors on parle beaucoup de ce désastre dans ce cénacle, mais en réalité bien peu de choses concrètes sont entreprises. M. Moscheni mentionne dans cette résolution que l’Etat devrait faire appliquer la loi durement. Mais j’ose vous poser la question : pensez-vous sérieusement que l’Etat ou le canton de Vaud serait vraiment en train d’appliquer la loi concernant la protection de la vie et de la possibilité de vivre sur Terre ? L’Etat de Vaud, par exemple, n’a aucune donnée et n’a diffusé aucun chiffre clair qui permettrait de penser que son Plan climat serait réaliste pour répondre à ses engagements légaux en matière de protection du climat. Des interpellations, dont une que j’ai soumise il y a quelques semaines, ont été déposées à ce sujet. L’Etat ne respecte pas les objectifs de l'Accord international de Paris, objectifs insuffisants qu’il s’est lui-même fixés. D’autres Etats, comme la France, ont été récemment condamnés pour inaction climatique.

On nous fait croire que les choses sont gérées, mais ce n’est pas le cas. On assiste seulement à une espèce de vernis de greenwashing sur un système business as usual. Et ce vernis ne va pas suffire face aux défis à venir. C'est de cela dont on devrait parler, mesdames et messieurs les cosignataires de cette résolution : du retard immense dont la responsabilité incombe au monde politique et des entreprises privées, de l'absence de perspectives que ce retard provoque, de l’inaction et de l’inertie de notre arène politique, du fait que des milliers et des millions de scientifiques dénoncent cette inaction, de l'impuissance que ressentent les citoyens, qui deviennent activistes, face à l’inaction. Voilà d’amples raisons de ressentir une très grande injustice.

Votre résolution est donc à la fois une atteinte antidémocratique à nos droits les plus fondamentaux, contraire à toute conviction de protection de la liberté, et à la fois un pied de nez à toute ma génération qui est prise en otage par votre système et par votre inaction politique. S’il y a bien une chose qui est claire, mesdames et messieurs de la droite, c’est que ce ne sont effectivement pas les automobilistes excédés – ce que l’on peut comprendre – qui en sont responsables. C’est bien votre bord politique dans ce Grand Conseil qui est localement responsables de cette situation. Si vous faisiez votre travail et mettiez en place des mesures réellement concrètes pour garantir un avenir viable à ma génération, il n’y aurait peut-être plus besoin que des activistes collent leurs mains sur des autoroutes. Vous diriez aux automobilistes que c’est vous, en tant que législateurs, les responsables de la situation qui les dérange.

Le durcissement des lois devrait se passer au niveau des multinationales climaticides grassement hébergées dans ce canton ou du côté de l’extraction fossile que nos banques soutiennent, et non pas du côté de ceux qui justement cherchent à minimiser les dégâts, œuvrent pour l’intérêt général et proposent un monde plus juste. Voter cette résolution serait un signal extrêmement grave pour nos concitoyens et nos libertés fondamentales.

A toutes celles et ceux dans ce Grand Conseil qui ont peut-être une vague sensibilité au fait que les conditions de vie sur Terre sont réellement gravement menacées et que nos Etats ne font pas – toujours pas – suffisamment, à celles et ceux qui tiennent un tout petit peu à la liberté d’expression, je vous invite à refuser en bloc cette résolution. (Applaudissements.)

Mme Oriane Sarrasin (SOC) —

Il est indiscutable que des blocages de routes, au-delà d’être illégaux, dérangent une partie des automobilistes. Cependant, les recherches dans mon domaine scientifique démontrent clairement que c’est ce type d’actes qui interpellent, tout en étant non violents. C’est celui qui a le plus d’impact sur la population. Les blocages de routes effectués en Suisse – je parle de la Suisse uniquement – peuvent effectivement être qualifiés de non violents, car ils permettent dans tous les cas de laisser passer une ambulance. Certaines personnes ne sont pas collées à la route – cela a été documenté dans la presse. Au contraire, à elle seule, la vague de chaleur qui a frappé l’Europe cet été a tué 15'000 personnes – c’est de la vraie violence ! Ces actes contre la norme, parfois même illégaux, mais qui sont non violents, nous font réfléchir, car ils nous interpellent, nous bousculent dans nos convictions et nos habitudes. Pensez-vous que le droit des femmes aurait été acquis si elles étaient seulement allées discuter calmement avec les hommes ? Au lieu de regarder le problème, nous discutons du doigt qui le pointe. Pour cette raison, je refuserai cette résolution.  

M. Marc Vuilleumier (EP) —

Sur la forme, cette résolution doit être rejetée, car elle n’est pas conforme à la séparation des pouvoirs. Celui qui propose cette résolution demande que le Conseil d’Etat prenne des mesures exemplaires contre les activistes, mais c’est la justice qui doit prendre ces mesures, et non les politiques. Pour cette raison de forme, cette résolution doit être rejetée.

Mme Géraldine Dubuis (VER) —

Comme l’a rappelé l’un de mes préopinants, nous avons de la chance de vivre dans un pays démocratique. L’article 21 de la Constitution vaudoise prévoit que :

1 Toute personne a le droit d'organiser une réunion ou une manifestation et d'y prendre part. Nul ne peut y être contraint.

2 La loi ou un règlement communal peut soumettre à autorisation les manifestations organisées sur le domaine public.

3 L'Etat et les communes peuvent les interdire ou les soumettre à des restrictions si l'ordre public est menacé.

La liberté de manifester est donc un principe de droit essentiel, fondement majeur de notre démocratie qui distingue notre pays de ceux qui renient ou nient les droits de l’homme, à l’exemple de la Russie ou du Qatar.

Notre système administratif et juridique prévoit déjà des sanctions pour des personnes qui organiseraient des manifestations de manière illégale ou sans autorisations. Les manifestantes et manifestants du climat sont d’ailleurs parfois jugés et condamnés par nos tribunaux qui ne reconnaissent pas encore l’état de nécessité comme un argument expliquant leur prise de position.

La prise d’otage dont vous parlez ne découle en réalité pas de ces manifestations. La prise d’otage contre laquelle nous devrions nous révolter est celle que notre place financière nous fait subir en polluant de manière inconsidérée notre planète ou celle résultant de l’inaction politique de notre gouvernement fédéral face à l’urgence climatique.

La révolte que vous voyez dans la rue est légitime même si vous avez de la peine à l’accepter. Car ces gens craignent pour leur avenir mais surtout pour celui de leurs enfants et petits-enfants. Et les otages sont bien ces dernières et derniers qui voient leur avenir se noircir des fumées de charbon et pétrole que nous brûlons quotidiennement pour notre petit confort personnel. Notre responsabilité sociétale envers elles et eux devrait être notre priorité et non la condamnation de personnes qui nous ouvrent les yeux sur les dommages de la crise climatique. Pour toutes ces raisons et plus encore, les Vertes et Verts voteront contre cette résolution.

Mme Cloé Pointet (V'L) —

Pour la même raison qu’au point précédent, je demande une motion d’ordre pour procéder au vote immédiatement.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La motion d’ordre est appuyée par au moins 20 membres.                    

La discussion sur la motion d’ordre est ouverte.

Mme Florence Bettschart-Narbel (PLR) —

Il y a eu un certain nombre de prises de parole, mais elles émanent toutes du côté gauche de l’hémicycle. Il serait également important d’entendre certaines positions de la droite. Je vous invite donc à refuser cette motion d’ordre et à continuer la discussion sur cette résolution.             

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

Je précise que j’ai donné la parole dans l’ordre où elle a été demandée.

M. José Durussel (UDC) —

Je demande un vote nominal.

Mme Sonya Butera (SOC) —

Je ne suis pas certaine d’avoir compris sur quoi portait cette demande de vote nominal. Souhaitez-vous que l’on fasse directement un vote nominal lorsque nous voterons la motion d’ordre ? Ou souhaitez-vous connaître les 20 personnes qui soutenaient la motion d’ordre. Ce dernier cas n’est pas possible…

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

En effet, il n’est pas possible de procéder à un vote nominal sur les 20 personnes qui soutiennent la motion d’ordre, mais ce sera possible de le faire lors du vote sur la motion d’ordre.                           

M. Guy Gaudard (PLR) —

C’est la deuxième fois que Mme Pointet demande une motion d’ordre sur des sujets aussi importants. Il faut que les Vaudois comprennent les comportements de ces manifestants. Si, à chaque fois qu’il y a un sujet qui dérange, après avoir entendu Mme Marendaz développer ses arguments anticapitalistes pendant un quart d’heure, on propose une motion d’ordre, je pense qu’on est mal parti pour avoir des débats cohérents où chacun peut exprimer son point de vue, notamment du côté du PLR ou de l’UDC où l’on n’a entendu personne hormis M. Pahud. Je vous invite donc à refuser cette motion d’ordre, afin que les débats soient équitables.               

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La motion d’ordre Cloé Pointet est refusée par 83 voix contre 31 et 19 abstentions.

M. David Raedler (VER) —

En complément à ce qui a été dit, les actions menées, outre leur importance pour mettre le débat au cœur de la discussion publique, sont protégées fondamentalement par les textes qui nous protègent toutes et tous, notamment la CEDH, à ses articles 10 et 11. L’article 10 concerne la liberté d’expression, celle que l’on a le plaisir de vivre ici dans le cadre de nos débats, car on peut s’exprimer comme on le souhaite. La Cour européenne des droits de l’Homme a été très claire dans le fait que les opinions peuvent être exprimées par le biais de comportements et actions qui peuvent être considérés comme illicites. C’est ainsi qu’ont été jugés comme conformes à la liberté d’expression le fait de se rassembler pour accrocher « le linge sale » de la nation sur les grilles du parlement – dans un arrêt contre la Hongrie – le fait de verser de la peinture sur les statues d’Atatürk – dans un arrêt contre la Turquie – le fait de réaliser une performance consistant à faire frire des œufs sur un moment commémoratif, le filmer, hurler et déclarer sur Internet ce qu’on est en train de faire – dans un arrêt contre l’Ukraine – et le fait de dénuder sa poitrine dans un musée, sur laquelle est inscrit un message politique, puis de planter un pieu dans une statue de cire représentant le dirigeant d’un pays – dans un arrêt contre la France. Tous ces arrêts vous montrent qu’il est absolument essentiel de protéger la liberté d’expression ; elle intervient aussi par certaines actions. Dans ce contexte, dans un arrêt contre la Russie, il a été jugé que le fait de retarder, bloquer ou enfreindre la libre circulation des véhicules pour une action limitée dans le temps était également protégé par l’article 10 de la CEDH.

Alors oui, heureux pays dans lequel on peut mener ce genre d’actions. Heureux pays dans lequel les députés et députés peuvent gloser, échanger, développer pendant des minutes et des heures des sujets comme celui-ci, pour finalement mettre en lumière l’urgence dans laquelle nous sommes. Car toutes ces actions, qu’elles soient protégées par la liberté de réunion ou la liberté d’expression, ne sont pas là pour « faire joli » et embêter, mais pour souligner l’urgence et la nécessité d’agir. Débattons et parlons, mais surtout, par nos votes, protégeons le droit de la liberté d’expression et de la liberté de manifester. Nous n’avons pas le choix, par rapport à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, d’autant plus que nous prenons ici le temps d’échanger, de débattre et d’exprimer nos propres opinions.

M. Jean-Luc Bezençon (PLR) —

Il serait bien superflu de préciser ici que chacun de nous s’accorde à reconnaître la réelle urgence climatique et que des dispositions doivent encore et toujours être prises pour y remédier. Même si les propositions, la cadence et les moyens pour y parvenir divergent d’un côté à l’autre de l’hémicycle, la volonté de trouver des solutions est bien réelle, tous partis confondus. En revanche, déclarer que les politiques ne font rien, c’est totalement ignorer non seulement les dispositions et les normes mises en place, mais c’est aussi ignorer les milliards qui ont déjà été consacrés pour notre environnement, et ce, depuis de nombreuses années – traitement des eaux, traitement des déchets, assainissement des bâtiments, assainissement des chauffages, tests antipollution et j’en passe. Des efforts importants qui doivent continuer pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Reprocher à ceux qui élaborent les lois et directives de n’avoir rien fait, dénoncer l’inaction des politiques, c’est méconnaître totalement ce que les politiques ont engagé depuis les années 70, bien avant la naissance de Mathilde Marendaz. Je rappelle que la droite était largement majoritaire à cette époque et les Verts inexistants. C’est aussi être bien peu respectueux et peu reconnaissant envers celles et ceux qui ont dû investir massivement pour respecter les exigences et les normes établies par nos Parlements depuis déjà près de 50 ans. Les démonstrations de force auxquelles nous avons assisté ces derniers mois, organisées par les activistes du climat pour, entre autres, perturber le trafic routier, faisant fi de la sécurité du trafic ou de leur propre sécurité, ignorant le respect des règles élémentaires de notre société, n’hésitant pas à provoquer de graves nuisances aux Vaudoises et Vaudois pris en otage, ne peuvent être tolérées plus longtemps. Ces actes illicites doivent être condamnés. Il en va de la cohésion sociale et de l’égalité de traitement entre justiciables. C’est la raison pour laquelle le groupe PLR acceptera la résolution de notre collègue Fabrice Moscheni et vous invite à en faire de même.   

M. Yvan Pahud (UDC) —

J’aimerais rappeler à ma collègue Marendaz que la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres. Je suis pour la démocratie, je suis pour la liberté d’expression. Par chance, on peut manifester librement dans notre pays, mais manifester de manière légale – c’est la différence. Je prends note que la gauche de cet hémicycle, avec les propos de Mmes Marendaz et Sarrasin, cautionne non seulement ces actes, mais qu’ils invitent les activistes à le faire, puisque c’est visiblement le seul moyen d’y arriver. C’est quand même grave d’inciter des activistes à se coller la main sur le goudron ; ils mettent non seulement leur vie en danger, mais aussi la vie des autres. Vous endossez une responsabilité en portant des propos pareils dans cet hémicycle. On a un devoir d’exemplarité.

M. Jean-Daniel Carrard (PLR) —

On nous a dit qu’on ne pouvait pas maîtriser toutes les routes du canton, mais ce n’est pas la question, il s’agit d’un principe. J’avais également noté ce proverbe, ou ce précepte : la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres. Il faut arrêter de vouloir justifier tous les excès. La vie en société est régie par des règles. Ce n’est pas en mettant en avant le souci de l’avenir et du climat qu’on peut justifier tous ces excès. On peut faire toutes les théories que l’on veut, ce n’est pas ainsi que cela fonctionne. Madame Marendaz, ce n’est pas non plus en rendant la droite responsable de ces actes qu’on va résoudre le problème du climat ; c’est un peu facile d’attaquer gratuitement un parti politique ou un côté de l’hémicycle. Se coller la main sur les routes va finir par entraîner un drame. Pour l’instant, cela a été maîtrisé, mais il pourrait y avoir des gens qui perdent patience ou qui mettent la vie des autres en danger. On peut trouver toutes sortes de provocations pour se faire remarquer, par exemple jeter des produits de toutes sortes contre des œuvres d’art, se coller sur le bitume ; je ne pense pas que ce soit efficace pour résoudre des problèmes. On ne doit pas cautionner cela. La résolution de M. Moscheni doit permettre au gouvernement de prendre ses responsabilités dans ce secteur et d’éviter d’aller vers un drame. Je vous invite donc à soutenir la résolution de M. Fabrice Moscheni.  

M. Xavier de Haller (PLR) —

Je déclare mes intérêts : je suis président de l’Association Vaud Routes et de l’Automobile Club de Suisse (ACS) région Vaud. A titre liminaire, je me permets une remarque : nous avons parlé de la force de la démocratie et de la question de la liberté d’expression. C’est évidemment un droit reconnu par tout le monde, en particulier dans ce Parlement. Mais il faut aussi admettre que la confrontation met à néant la force de notre démocratie et de la liberté d’expression. L’objet dont nous débattons aujourd’hui est bel est bien une forme de confrontation. En effet, c’est une chose de manifester en respectant des autorisations, en se mettant d’accord avec les autorités sur un certain nombre de règles, et en faisant passer un message. Tout un chacun, dans cet hémicycle, admet cette manière de procéder et que la manifestation fait partie d’un mode d’expression politique et sociale qui doit être reconnue et garantie. Or, ce dont nous parlons aujourd’hui est une autre forme d’expression qui, à mon sens, ne relève pas de la liberté d’expression. En effet, elle entre dans une confrontation directe. Le but des personnes qui agissent en se collant la main sur le bitume ou en entravant de manière « brutale » la circulation ne manifestent pas pour faire passer un message, elles entrent directement en confrontation avec d’autres citoyens et avec les forces de l’ordre. Or, je crois que nous entrons là dans une autre dimension qui ne relève pas de la liberté d’expression, mais d’une infraction au Code pénal, car empêcher quelqu’un de circuler sur une route est de la contrainte et donc une infraction punie à l’aune du droit suisse. Dans ce Parlement, nous devons nous souvenir de cela.

Dans ce sens, j’ai de la peine à comprendre la critique qui est faite à cette résolution et qui dit qu’il y a une violation de la séparation des pouvoirs. Nous sommes un Parlement, nous pouvons donner des injonctions à l’exécutif, qui les mettra ensuite en œuvre selon ses directives. La séparation des pouvoirs n’est donc pas violée. En revanche, quand nous commençons à interpréter dans ce Parlement les règles de droit et à décider quelle définition nous devons retenir ou non de l’état de nécessité – qui est une notion juridique du droit pénal – nous enfreignons probablement la séparation des pouvoirs, puisque nous voulons nous substituer au pouvoir judiciaire. Si l’on parle de séparation des pouvoirs, il faut savoir de quoi l’on parle. Enfin, cette résolution demande au Conseil d’Etat de faire respecter la loi et la sécurité sur les routes du canton, ce qui me semble être quelque chose de tout à fait logique. Il faut définir de manière claire ce que sont ces actions : des actes de contrainte et de confrontation qui ne relèvent pas de la liberté d’expression. Dans ce sens, le groupe PLR soutiendra la résolution.

M. Jacques-André Haury (V'L) —

Je considère que cette résolution est maladroite. Tout d’abord, elle suscite des déclarations enflammées de l’extrême gauche, qui ne cherchait qu’une occasion pour pouvoir les prononcer et elle introduit, quoi qu’en dise Me De Haller, une confusion dans les pouvoirs. Si nous voulons modifier l’intervention de la police ou de la justice, nous devons modifier la loi et pas simplement renvoyer une résolution non contraignante au Conseil d’Etat pour lui demander de faire intervenir la justice.

Toutefois, les propos de Mme Marendaz sont tellement excessifs et insupportables que je vous avoue être tenté de soutenir cette résolution malgré tout. Je vais résister à la tentation, mais j’aurais bien voulu entendre Mme Marendaz se manifester contre les 100'000 m3 de béton, de bois et d’acier de la nouvelle Ecole des sciences de la vie. (Rires dans la salle.)

M. Alberto Mocchi (VER) —

Monsieur Bezençon, si les partis écologistes ont émergé dans les années 70, c’est peut-être parce que tout n’allait pas excessivement bien en la matière et qu’il fallait agir, dans le but de protéger le vivant et l’environnement. En ce temps-là, dans les années 70 et 80, on pouvait encore éventuellement dire qu’on ne connaissait pas le réchauffement climatique, que l’effondrement de la biodiversité était quelque chose de lointain et distant. Aujourd’hui, on sait que tout cela existe et qu’il y a urgence à agir. Je ne dis pas qu’on ne fait rien et qu’il n’y a pas des élus de droite ou de gauche qui s’engagent pour essayer de remédier aux choses – je connais beaucoup d’élus bourgeois dans des communes qui s’activent pour essayer de faire changer les choses. Mais la question n’est pas là. Ce qu’on doit se demander c’est : au fond, qu’est-ce qui pousse des personnes à se lever à l’aube pour aller se coller la main sur une route ? Au-delà de ce qu’on peut penser de tout cela – est-ce utile ou non ? – il faut se dire que si des personnes en arrivent à cela, si elles mettent leur vie en danger pour ce genre de choses, c’est qu’elles sont animées par une certaine peur, une certaine crainte de l’avenir. Il faut donc entendre cela. En tant qu’élus, nous avons le devoir d’entendre cette crainte, que d’aucuns estiment irrationnelle, que d’autres estiment rationnelle. Il ne faut pas seulement l’aborder avec mépris et colère. Peut-être avons-nous toutes et tous quelque chose à faire pour éviter que cela ne se produise et pas seulement via la répression.

M. David Raedler (VER) —

Pour répondre à M. De Haller, il y a des manières d’exprimer et de comprendre la liberté d’expression, mais sur le volet spécifique du blocage des routes, il y a bien deux arrêts qui ont été rendus en la matière : l’arrêt Kudrevičius contre la Lituanie et l’arrêt Malofeyeva contre la Russie. Dans les deux cas, il a été confirmé que la liberté d’expression était protégée. C’est un volet important ; on peut déplorer ou prendre en compte la position des personnes bloquées, mais c’est quelque chose qui est protégé. Dès lors, si vous votez dans le cadre de cette résolution – même si l’on connaît la faible portée des résolutions – il faut respecter la loi. Il serait regrettable que nous votions des résolutions qui ne respectent pas le cadre légal applicable et la liberté fondamentale sur laquelle nous appuyons nos propres débats. Dans ce contexte, compte tenu de la situation juridique, je vous invite à respecter le droit et à refuser cette résolution. Si vous ne le faites, pas, vous ferez, comme les personnes qui se collent les mains, un acte de désobéissance civile.

M. Xavier de Haller (PLR) —

Je remercie M. David Raedler qui nous a donné un bref cours de droit, mais pour être complet il faut rappeler que les arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme sanctionnent généralement des Etats et condamnent l’application qui est faite par ces derniers. C’est toujours une portée relativement spécifique qui n’est pas directement applicable. A cet égard, je relève que la Suisse, et les autorités helvétiques qui font application du droit pénal, en Suisse, n’ont à ce jour pas fait l’objet d’une condamnation par la Cour européenne des droits de l’Homme ; il faut donc relativiser cet argument.

Pour répondre à M. Haury, il est intéressant d’analyser la lecture qui est faite de cette résolution. Sous l’angle formel, on peut s’interroger sur la compétence réelle du Conseil d’Etat de pouvoir faire sanctionner ou ordonner des sanctions pour des personnes qui ne respectent pas la loi. Néanmoins, la première partie de la résolution, qui tend à assurer la sécurité des usagers du domaine public et à éviter ce genre de blocages, n’est ni plus ni moins qu’une directive donnée aux forces de police ; c’est une compétence qui relève du Conseil d’Etat. C’est dans les prérogatives d’un parlement de donner un certain nombre de lignes directrices à l’exécutif pour que les services qui dépendent de ce dernier agissent dans un sens ou dans un autre. Sous l’angle formel, à mon sens, la résolution proposée est parfaitement recevable et donne une indication au Conseil d’Etat, qui pourra l’appliquer et, le cas échéant, informer le Parlement en précisant « tel volet ne peut pas être appliqué ».

M. Jean-François Chapuisat (V'L) —

J’aimerais faire un grand mea culpa. J’ai lancé une résolution en début de législature précédente, sur un « No Billag » ; j’ai été un des premiers à utiliser cet outil et vous pouvez me croire : je m’en mords les doigts aujourd’hui.

Une résolution n’a de sens que si elle est votée par l’unanimité – ou la quasi-unanimité – de notre hémicycle, car elle adresse un message fort au Conseil d’Etat. Qu’importe le résultat si c’est proche de moitié-moitié, cela n’a aucune valeur et ne sert à rien. Cela fait plus d’une heure que l’on discute inutilement de deux résolutions, si ce n’est d’avoir quelques articles dans les journaux. Avons-nous été élus pour cela ? Je ne pense pas et ne l’espère pas.

M. Yann Glayre (UDC) —

J’aimerais rappeler que chaque année la Chine grille 1,8 milliard de tonnes de charbon. Depuis qu’on a commencé ce débat, c’est plus de 100’000 tonnes de charbon qui ont été brûlées en Chine. Pendant ce temps, le contribuable vaudois finance l’isolation des bâtiments, finance des installations de production d’énergie renouvelable, prend les transports publics, investit dans des véhicules moins polluants. Compte tenu des efforts financiers effectués par nos concitoyens, je vous invite à soutenir cette résolution.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La résolution est refusée par 67 voix contre 63.                    

M. Yvan Pahud (UDC) —

Je demande un vote nominal.   

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui acceptent cette résolution votent oui ; celles et ceux qui s’y opposent votent non. Les abstentions sont possibles.       

Au vote nominal, la résolution est refusée par 68 voix contre 65.                 

Insérer vote nominal*

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