24_INT_19 - Interpellation Arnaud Bouverat et consorts - Les pharmacies refusent de négocier une CCT. La pilule ne passe pas auprès des assistantes en pharmacie. (Développement).

Séance du Grand Conseil du mardi 6 février 2024, point 10 de l'ordre du jour

Texte déposé

Les pharmacies sont un maillon important de notre système de santé. En vertu de la loi vaudoise sur la santé publique, le Département de la santé et de l’action sociale (DSAS) peut leur confier des tâches de santé publique et n’hésite pas à orienter les patient-e-s auprès des officines. Sous la pression des diverses réformes de la loi sur l’assurance-maladie obligatoire (LaMal), les pharmacies ont acquis un quasi-monopole dans la délivrance des médicaments sous prescription non seulement directement auprès des assuré-e-s mais aussi via les établissements médico-sociaux. Dans les faits, les pharmacies effectuent donc des tâches de service public financées notamment par les deniers publics et les primes d’assurance-maladie qu’il convient de considérer comme un impôt affecté à une tâche spécifique, du fait de son caractère obligatoire. Considérant notre politique des subsides rendue nécessaire par l’augmentation constante des coûts, il faut être conscient que l’activité des pharmacies est grandement subventionnée par notre Canton.

 

En Suisse romande, la densité d’officines reste élevée, ce qui atteste de la bonne santé de la branche. Malgré cet état de fait, et malgré une pénurie de personnel, la Société vaudoise de pharmacie (SVPh) a fait savoir dans un communiqué de presse daté de fin novembre 2023 qu’elle renonçait à négocier une Convention collective de travail (CCT) malgré la demande émise par l’assemblée des assistant-e-s en pharmacie du syndicat Unia. Il s’agit du 2ème refus en une vingtaine d’années. En lieu et place d’une discussion avec les partenaires sociaux, la SVPh se dit en contact avec le Canton pour revaloriser le métier d’assistant-e-s en pharmacie via la loi sur la santé publique.

 

Cette dernière demande syndicale s’appuyait sur un sondage effectué auprès de 740 assistant-e-s en pharmacie sur le millier d’actives : 80% d’entre elles demandent des revalorisations salariales via une CCT. Le but principal est d’assurer une meilleure reconnaissance de la formation et de l’expérience au cours de la carrière alors qu’aucun standard minimum impératif n’existe au sein de la branche.

 

Ce refus de négocier est d’autant plus étonnant que, dans un contexte de pénurie, des pharmacies délivrent des primes à l’embauche de plusieurs milliers de francs pour attirer de nouvelles forces. En outre, il n’est pas rare que des échoppes se revendent pour des sommes proprement indécentes ce qui montre la profitabilité du secteur.

 

En date du 24 janvier, en lien avec la surcharge hospitalière, la Département de la santé et de l’action sociale (DSAS) a publié une communication urgente recommandant aux citoyen-ne-s de consulter préalablement un médecin ou un-e pharmacien-ne pour bénéficier d’un conseil et d’une orientation avisés. Cette communication montre que les pharmacies sont de fait un maillon essentiel de notre système de santé publique.

 

Considérant ce qui précède, nous avons l’honneur de poser au Conseil d’Etat les questions suivantes :

 

  1. Quelle est l’appréciation du Conseil d’Etat concernant le refus d’une branche en bonne santé financière, dépendante de contributions publiques et d’une assurance sociale, de négocier une convention collective de travail pour garantir des standards sociaux minimaux ?
  2. Le Conseil d’Etat trouve-t-il normal que les pharmacies consacrent plusieurs milliers de francs au recrutement de personnel mais refusent en parallèle de prévoir des ravalorisations salariales via une CCT ?
  3. Alors que les EMS et autres institutions subventionnées sont tenus de respecter des standards salariaux minimaux et sont régulièrement contrôlés sur ce plan, comment se fait-il que les pharmacies ne soient soumises à aucune obligation similaire ?
  4. Quelles mesures le Conseil d’Etat est-il prêt à prendre pour, soit mandater uniquement des pharmacies d’établissement pour les tâches subventionnées ou relevant de la santé publique, soit garantir que les pharmacies vaudoises s’inscrivent effectivement dans un partenariat social ?
  5. Dans un tel contexte, le Département est-il, comme le prétend la SVPh, en train de procéder à une revalorisation du métier d’assistant-e-s en pharmacie via une révision de la LSP ?
  6. Si oui, comment prévoit-il de procéder et est-il conscient de cautionner de telle manière un refus de dialogue social ?
  7. Quelles sont les tâches déléguées par le Département aux pharmacies et dans quels délais ces contrats de prestations ou ces orientations des assuré-e-s pourraient-ils être révisés afin de ne les octroyer qu’à des acteurs responsables et respectueux du partenariat social vaudois ?

Conclusion

Souhaite développer

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Sébastien KesslerSOC
Olivier GfellerSOC
Laurent BalsigerSOC
Hadrien BuclinEP
Yves PaccaudSOC
Romain PilloudSOC
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Laure JatonSOC
Julien EggenbergerSOC
Nathalie JaccardVER
Denis CorbozSOC
David RaedlerVER
Georges ZündPLR
Valérie ZoncaVER
Marc VuilleumierEP
Joëlle MinacciEP
Alexandre DémétriadèsSOC
Alberto MocchiVER
Monique RyfSOC
Vincent JaquesSOC
Felix StürnerVER
Cédric RotenSOC
Oriane SarrasinSOC
Cendrine CachemailleSOC
Céline MisiegoEP
Cédric EchenardSOC
Claire Attinger DoepperSOC
Sandra PasquierSOC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Arnaud Bouverat (SOC) —

Je déclare mes intérêts : je suis secrétaire régional du syndicat UNIA qui organise syndicalement les assistantes en pharmacie de notre canton. La présente interpellation fait suite à deux communications. La première émane de la Société vaudoise de pharmacie – le patronat de la branche – qui, en novembre dernier, a communiqué son refus de négocier une convention collective de travail (CCT) pour les assistantes en pharmacie. L’association patronale répondait ainsi à une sollicitation de notre syndicat et surtout des assistantes en pharmacie qui souhaitaient une reconnaissance de leurs compétences et de leurs expériences, un système de formation au niveau de la branche et de meilleures conditions sociales et salariales, autant de choses essentielles dans cette période où sévit une importante pénurie de personnel dans le secteur. La deuxième est une communication du Conseil d’Etat émanant du Département de la santé et de l’action sociale, en date du 24 janvier dernier, demandant à la population vaudoise de s’orienter vers les pharmacies pour obtenir des conseils afin d’éviter de surcharger les hôpitaux. En effet, la Loi sur la santé publique reconnaît déjà le rôle des pharmacies en tant que maillon du système de santé, ce qui permet de leur déléguer des tâches d’utilité publique.

Notre interpellation estime que ces deux communications sont quelque peu contradictoires. D’un côté, des patrons refusent le partenariat social tout en sollicitant par ailleurs de nouvelles tâches déléguées de l’Etat, et de l’autre côté, un Etat oriente les patients auprès de ces officines, sans condition, et sollicite les pharmacies pour effectuer des tâches, somme toute, de service public. Pour nous, un mandat public pour une tâche financée par l’assurance-maladie obligatoire – puis par nos impôts via la politique des subsides développée dans notre canton – impose une certaine responsabilité sociale et des conditions de travail exemplaires, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. L’optique nous paraît d’autant plus légitime que, dans notre canton, quantité d’acteurs se sont pliés à la maxime : subvention publique – convention collective. Le secteur parapublic, par exemple, est couvert par une CCT et le secteur de la construction respecte une charte cantonale sur les marchés publics qui fait référence aux conventions collectives en vigueur. Comment aujourd’hui peut-on exiger des obligations d’un simple peintre ou d’un électricien indépendant, alors que des chaînes de pharmacie en sont totalement exemptes ? Nous pouvons demander quelque chose de similaire de la part des pharmaciens. Ainsi, notre interpellation demande au Conseil d’Etat un état des lieux sur cette situation et sonde l’exécutif sur certaines pistes pour une meilleure responsabilité sociale dans cette branche, ainsi qu’une meilleure reconnaissance de la formation professionnelle. Le rôle que l’Etat peut jouer est essentiel pour une telle évolution. Nous remercions par avance le Conseil d’Etat pour ses réponses.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

L’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.

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