23_POS_39 - Postulat Laurent Balsiger et consorts - Favoriser la terre crue au lieu du béton ! (Développement et demande de renvoi à commission avec au moins 20 signatures).

Séance du Grand Conseil du mardi 23 mai 2023, point 9 de l'ordre du jour

Texte déposé

Selon le site internet de l’EPFL[1], « le secteur de la construction contribue à 39% des taux d’émission de gaz à effet de serre au niveau mondial, dont 11% résultent directement de la fabrication de matériau de construction tels que l’acier, le ciment et le verre. Le recours systématique au béton représente actuellement l’un des principaux freins à la réduction de ce lourd bilan carbone. Changer cette pratique est ainsi devenu la priorité de nombreuses et nombreux architectes et ingénieurs sensibilisés à cet enjeu ». Le béton est indispensable pour des nombreux chantiers, notamment dans la mobilité (ponts, tunnels, etc.) ou les énergies renouvelables (barrages, éoliennes, etc.) ; l’enjeu est donc de l’utiliser à bon escient, lorsque c’est indispensable, et de chercher à le remplacer par des matériaux plus durables partout où c’est possible.

 

Dans le cadre de son travail de master en architecture à l’EPFL présenté le 30 septembre 2022 à Genève lors de la Quinzaine de l’Urbanisme, Jeremy Morris s’est intéressé à l'utilisation du béton et de la terre crue : il dévoile les complexités d’un système et de ressources limitées. Il a identifié trois mesures qui ouvrent des pistes pour réduire l’usage du béton en favorisant celui de la terre crue.

 

Premièrement, l'architecte propose de changer le statut juridique du matériau excavé, afin de le faire passer de «déchet» à «ressource». «La terre crue peut être construite et déconstruite, ce qui est plus difficile pour le béton, dont l’usage devrait vraiment se limiter aux éléments structurels des bâtiments et aux infrastructures de génie civil», commente le diplômé sur le site internet de l’EPFL.

 

Comme deuxième mesure, le jeune architecte suggère un soutien étatique à ce type de construction, jusqu’à ce qu’une véritable économie circulaire se mette en place. En effet, le recours à la terre crue est toutefois onéreux face au béton, qui reste la solution la meilleure marché, malgré son lourd impact environnemental. «La France construit près de 400 logements en terre crue provenant d’excavations faites à Paris grâce à un soutien européen», explique l’architecte toujours sur le site internet de l’EPFL. De trop rares exemples existent aussi dans notre Canton, comme la Maison de l’Environnement.

 

La troisième mesure vise à encourager la formation continue en pisé et en terre crue, deux techniques qui recourent à l’usage de matériaux durables et renouvelables, pour réduirel’utilisation systématique du béton. Elle demande aussi logiquement une intégration pleine et entière de cette formation aux cursus académiques suisses des métiers de la construction ainsi qu’un soutien financier à la recherche dans cette technique, afin d’en améliorer encore le potentiel. En effet, un changement radical au niveau de la vision et de la philosophie de la pratique architecturale et constructive doit être opéré.Jeremy Morris, architecte dipl. EPFL, en est bien conscient : «Je ne suis pas naïf, je sais que ces mesures exigent beaucoup d’efforts. Mais un changement radical au niveau de la vision et de la philosophie de la pratique architecturale et constructive doit être opéré, en mettant en place des processus plus coopératifs entre les systèmes, afin d’atteindre une économie plus circulaire».

 

Au vu des enjeux importants de réduire notre consommation de béton le plus rapidement possible, en cherchant à le remplacer par des matériaux plus durables partout où c’est possible, tant pour le climat que pour notre environnement (moins de besoins de gravière, etc.), et des révisions en cours des lois sur l’énergie et sur la gestion des déchets, les membres du Grand Conseil soussignés ont l’honneur de demander au Conseil d’Etat d’étudier la possibilité de :

  • changer le statut juridique du matériau excavé normé, afin de le faire passer de «déchet» à «ressource» ;
  • subventionner l’utilisation de la terre crue ou de tout autres matériaux durables et locaux se substituant au béton, que ce soit dans les nouvelles constructions ou rénovations ;
  • proposer et soutenir des formations en pisé, en terre crue, et en bois tant dans les formations de base des métiers de la construction que dans des formations continue ;
  • que la notion d’exemplarité soit respectée pour toutes les nouvelles constructions et rénovations du Canton, notamment :
    • en étant conforme au Standard de construction durable suisse (SNBS)[2] et
    • en s'assurant que les appels d’offres de génies civil soient équitable entre les modes de construction, c’est-à-dire que les études de statique, les cahiers des charges, et le tableaux de chiffrage soient de même niveau de détail pour toutes les variantes.

 

[1] Cf. https://actu.epfl.ch/news/favoriser-la-terre-crue-au-lieu-du-beton-pour-chan/#:~:text=C'est%20le%20cas%20de,celui%20de%20la%20terre%20crue.

[2] Cf. https://www.kbob.admin.ch/kbob/fr/home/themen-leistungen/nachhaltiges-bauen/standard-nachhaltiges-bauen-schweiz.html

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Hadrien BuclinEP
Sébastien HumbertV'L
Valérie InduniSOC
Sylvie PodioVER
Nathalie JaccardVER
Olivier GfellerSOC
Laurence CretegnyPLR
Oscar CherbuinV'L
Claude Nicole GrinVER
Daniel RuchPLR
Yolanda Müller ChablozVER
Elodie LopezEP
Jacques-André HauryV'L
Romain PilloudSOC
Nathalie VezVER
Alexandre RydloSOC
Felix StürnerVER
Patricia Spack IsenrichSOC
Julien EggenbergerSOC
Yves PaccaudSOC
Cendrine CachemailleSOC
Alice GenoudVER
Joëlle MinacciEP
Alberto CherubiniSOC
Muriel ThalmannSOC
Sébastien CalaSOC
Denis CorbozSOC
Aurélien DemaurexV'L
Isabelle FreymondIND
Carole SchelkerPLR
Cédric RotenSOC
Monique RyfSOC
Rebecca JolyVER
Théophile SchenkerVER
Sandra PasquierSOC
Guy GaudardPLR
Pierre FonjallazVER
Cloé PointetV'L
Pierre WahlenVER
Marc VuilleumierEP
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Vincent JaquesSOC
Yannick MauryVER
David VogelV'L
Blaise VionnetV'L
Vincent BonvinVER
Mathilde MarendazEP
Graziella SchallerV'L
Martine GerberVER
Carine CarvalhoSOC
Oriane SarrasinSOC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Laurent Balsiger (SOC) —

Le béton c’est du solide ! C’est surtout un produit très – pour ne pas dire trop – pratique d’utilisation et bien maîtrisé dans le milieu de la construction depuis plus d’un siècle. S’il a permis la réalisation d’ouvrages remarquables et spectaculaires, comme les tunnels, barrages et autres ouvrages majeurs de génie civil, il a rapidement pris une part importante comme matériau de construction dans le secteur du bâtiment, remplaçant – notamment par facilité – la pierre, le bois et d’autres matériaux locaux. En 2019, la production de béton générait quelque 9 % des émissions suisses de CO2, sans parler des effets environnementaux liés à l’exploitation des carrières nécessaires à sa fabrication. Si le béton est indispensable à la réalisation d’infrastructures et notamment des tunnels, ponts, barrages, et autres installations pour la mobilité et l’énergie, il est beaucoup trop précieux pour être gaspillé et doit être remplacé par d’autres matériaux locaux et durables, dès que c’est possible.

Un étudiant en architecture de l’EPFL, Jeremy Morris, s’est intéressé à cette thématique dans son travail de master en architecture, et notamment à l’utilisation du béton et de la terre crue. Il dévoile la complexité d’un système et de ressources limitées. Il a identifié trois mesures principales qui ouvrent des pistes pour réduire l’usage du béton, en favorisant l’usage de terre crue ou d’autres matériaux renouvelables. Voici ces pistes :

  • Changer le statut juridique des matériaux excavés normés afin de les faire passer de « déchets » à « ressources ».
  • Subventionner l’utilisation de la terre crue ou de tous autres matériaux durables et locaux se substituant au béton, dans les nouvelles constructions ou les rénovations.
  • Proposer de soutenir des formations en pisé, en terre crue et en bois, dans les formations de base des métiers de la construction, ainsi que dans les formations continues.
  • Finalement, respecter la notion d’exemplarité pour toutes les nouvelles constructions et rénovations du canton, notamment en respectant les standards de constructions durables suisses et en s’assurant que les appels d’offres demandent des variantes avec ce genre de matériaux.

Ces propositions – partagées par plus de 50 d’entre vous que je remercie pour leur soutien – sont tout à fait en phase avec le Programme de législature 2022-2027 du Conseil d’Etat qui vise notamment à renforcer le soutien à l’innovation, entre autres dans la croissance durable, à réviser et moderniser les bases légales pour accélérer la transition vers une société bas-carbone, à assurer une croissance économique durable et à renforcer l’exemplarité de l’Etat. Je me réjouis de discuter avec la commission qui sera désignée à cet effet.

M. Laurent Miéville (V'L) — Premier vice-président

Le postulat, cosigné par au moins 20 membres, est renvoyé à l’examen d’une commission.

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