23_LEG_122 - Exposé des motifs et projet de loi modifiant la loi du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux (LI) - personnes morales (2e débat).
Séance du Grand Conseil du mardi 3 octobre 2023, point 12 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourIl est passé à la discussion du projet de loi, article par article, en deuxième débat.
Article premier. –
Les articles 105, 111 et 113 sont acceptés tels qu’admis en premier débat.
Art. 277k. –
Comme lors du premier débat, nous vous invitons à refuser les articles qui portent sur l’astuce fiscale permettant aux grandes entreprises de réduire leur taux à moins de 15 % jusqu’en 2029. Voici quelques arguments supplémentaires par rapport au premier débat. D’abord, le taux de 15 % est déjà très faible en comparaison internationale, le taux moyen s’élevant à 23 % dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). L’Allemagne, moteur économique de l’Europe, pratique un taux de près de 30 % − le double du taux minimal de 15 % qui nous est proposé. Même en comparaison intercantonale et en comparaison suisse avec d’autres grands cantons, 15 % restent faibles. Zurich applique un taux nominal de 19,6 % ; Berne, de structure et de taille comparables à Vaud, de 21 % ; même l’Argovie, où la droite est très forte au Grand Conseil, affiche un taux nominal de 17,4 %.
Vous voyez où je veux en venir : il n’y a aucune raison, du point de vue de la compétitivité intercantonale, d’introduire une astuce fiscale qui permet aux grandes entreprises, – les plus rentables et qui dégagent les bénéfices les plus importants – d’esquiver le taux de 15 % pour six ans supplémentaires, soit jusqu’en 2029. Nous accepterons donc la partie de l’exposé des motifs portant sur le taux minimal fixé à 15 %, mais refuserons les articles relatifs à l’astuce fiscale du step-up.
Sans réitérer mon développement du premier débat, je rappelle que la commission a accepté l’amendement par 9 voix contre 5, qu’il ne s’agit pas d’une astuce, que le terme « bénéfice » n’est pas un vilain mot, que les entreprises concernées investissent dans notre canton et offrent de la formation duale ou supérieure et des emplois. Certes, la concurrence intercantonale et internationale existe, mais ce qui est proposé avec le step-up n’est pas une astuce ; c’est en cohérence avec la Loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID). Dès lors, je vous propose de soutenir l’amendement et l’article amendé tels qu’admis en premier débat.
On ne peut pas, d’un tour de main, abroger l’imposition au taux distinct. Celui-ci a fait ses preuves. La majorité de la commission souhaite garder, dans ce canton, les entreprises concernées par la réforme pour des raisons non seulement économiques mais aussi d’image.
Je rapporte la position de la minorité qui s’oppose, premièrement, à la modification de cet article et, deuxièmement, à l’amendement de la majorité de la commission.
D’abord, ce n’est pas parce qu’une nouvelle tournure ou un nouveau moyen est légal qu’il est souhaitable. Il est sans doute conforme à la LHID, mais est-il souhaitable ? Nous ignorons l’effet du step-up et si nous laissons cohabiter les deux systèmes. Manifestement, pour des raisons de secret fiscal, je ne suis pas sûr que cela nous empêche des projections. Par ailleurs, encore une fois, l’article 277k s’applique à une quantité minime d’entreprises. Je dis « minime » parce que nous n’avons reçu aucune information sur le nombre d’entreprises potentiellement touchées par la disposition. Ce sont uniquement des sociétés de participation qui n’ont pas d’activité économique sur le territoire national. Par conséquent, elles créent de l’emploi et de la valeur ajoutée de manière extrêmement indirecte, vous en conviendrez.
Le peuple suisse a approuvé, le 18 juin dernier, la réforme de l’OCDE qui assure un taux d’imposition de 15 % des bénéfices des entreprises réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 750 millions d’euros. Ce taux minimal s’applique à chaque Etat. Il en va d’équité entre les pays, afin d’empêcher l’un ou l’autre de favoriser des sociétés transnationales en exigeant moins. Un mécanisme autorise désormais d’autres États à taxer un grand groupe international lorsqu’il est imposé dans un pays au-dessous de 15 %. Notre canton taxait justement au-dessous de 15 %, raison pour laquelle nous avons modifié la Loi sur les impôts directs des personnes morales en premier débat. Il est déloyal de créer dans cette loi une nouvelle niche fiscale qui privilégie les sociétés cachant des millions de francs. Imposées à un taux très bas, ces réserves latentes sont, par définition, inconnues du public, des actionnaires et du fisc. Si le paradis helvétique admet ces pratiques malheureuses, le canton de Vaud ne devrait pas se salir en favorisant éhontément les géants miniers, commerciaux ou financiers qui se comportent parfois mal sur d’autres continents. Tortueusement formulée, mais acceptée mardi dernier par une majorité, la disposition de l’article 277k permet ce tour de passe-passe en contredisant le but et le sens de la réforme de l’OCDE approuvée par le peuple et les cantons. Au lieu de la justice fiscale, cet article de loi crée un privilège incroyable pour les sociétés anonymes qui dissimulent des montants énormes. Cela ne ferait pas honneur au canton.
Nous aimerions − c’est un nouvel élément du débat − comprendre aussi le caractère rétroactif du nouvel article 277k. Pourquoi l’entrée en vigueur est-elle prévue au 1er juillet de cette année 2023, selon l’article 2 du décret modifiant la loi d’impôt ? Qu’y a-t-il d’urgent au point de faire entrer en vigueur cette disposition trois mois avant la date de son adoption ? Les Vertes et les Verts acceptent la révision dans son ensemble, mais vous invite à refuser l’article 277k.
Au nom du groupe PLR, je vous demande de réitérer vos votes du premier débat. Je vais reprendre les arguments de M. Buclin qui cite des cantons et leur taux d’impôt. De mon côté, j’aimerais comparer ce qui est comparable. Tous les cantons n’ont pas la même structure économique et il faut vraiment parler des entreprises qui répondront aux critères Anti Global Base Erosion (GloBE) et qui seront traitées sur pieds d’égalité. Ces entreprises sont implantées dans certains cantons, tels Zurich, Bâle-Ville, Schaffhouse, Zoug ou Lucerne, cantons qui ont mis en place le principe du step-up. Il ne faut pas comparer les cantons où il y a relativement peu ou pas d’entreprises dans le cadre des critères GloBE. Il est extrêmement important de le répéter. S’il vous plaît, votez comme lors du premier débat pour que nous puissions traiter ce texte une fois pour toutes en vote final.
Certains collègues peuvent prononcer des attaques personnelles, d’autres peuvent attaquer les entreprises qui payent des impôts. Toutefois, en affirmant que de l’argent est caché, on commence à dépasser les bornes et essayer de vendre à la population des choses qui ne sont pas réelles. Je l’ai dit en premier débat : par votre position, vous empêchez le canton de Vaud de parvenir au même niveau que les autres cantons, étant donné que, de toute façon, l’aspect GloBE lisse les éléments de concurrence. A ce titre, vous tirez une balle dans le pied du canton.
Par ailleurs, monsieur Buclin, je vous ai entendu parler du canton d’Argovie. Mon collègue Berthoud a expliqué la différence entre certains cantons par rapport aux entreprises GloBE, si elles se trouvent dans certains cantons ou non. J’attire votre attention sur ceci : si vous faites des comparaisons sur cet élément, considérez l’ensemble des impôts. Or, concernant l’outil de travail dans la fortune, dans le canton d’Argovie, il est à 4,3 ‰, tandis que dans le canton de Vaud, il est à 7,9 ‰. Si vous considérez l’ensemble, prenez en compte la fortune et l’imposition des personnes physiques.
Des « réserves latentes cachées », « dissimulées », surtout au fisc... Monsieur Zwahlen, chers collègues, je vous remercie de lire le projet de loi à l’article 277k ! L’alinéa 1 parle des entreprises qui ont déclaré leurs réserves latentes existant au 31 décembre 2019 et l’alinéa 2 indique que le montant de ces réserves acceptées est fixé par une décision de l’Office d’impôt des personnes morales. Pour ma part, je ne vois pas comment des réserves latentes déclarées et connues du fisc peuvent être dissimulées. Si le fisc les admet et qu’elles ont été déclarées, je peine à voir où est la dissimulation. C’est écrit noir sur blanc à l’article 277k.
Par ailleurs, les réserves latentes sont imposées par l’autorité fiscale à un moment ou un autre, notamment au moment du step-up. La semaine passée, Mme la conseillère d’Etat chargée des finances nous a expliqué que si l’on introduisait le step-up, 20 millions entreraient immédiatement dans les caisses de l’Etat. Certes, l’entreprise peut amortir ses réserves taxées jusqu’en 2029, mais les réserves auront été taxées d’ici là. Il est aussi possible de ne rien faire. La société peut décider de payer l’impôt sur les réserves latentes seulement au moment où ces réserves sont réalisées ou dissoutes. A ce moment, il faut le faire avant 2024, si l’on veut bénéficier du taux réduit fixé par la LI actuellement en vigueur. Dans tous les cas, les réserves latentes dont il est question à l’article 277k, issues des anciens articles 108 et 109, c’est-à-dire les anciennes sociétés privilégiées, seront taxées.
J’aimerais rappeler deux points. D’abord, avec le changement de loi et l’article 277k, nous essayons surtout de nous mettre au même niveau que les autres cantons suisses. En effet, nous devons garantir notre attractivité face à nos collègues de Fribourg et Genève, qui ont ce mécanisme – Genève en tout cas. J’adhère à ce que vient de déclarer M. Mojon : les réserves latentes ne sont pas cachées – je ne peux pas laisser dire cela – elles sont portées au bilan lors de la sortie des statuts spéciaux, lors de la Réforme fiscale et financement de l’AVS (RFFA). Je vous invite donc à suivre la majorité de la Commission des finances et à accepter cet article.
J’aimerais répondre à notre collègue Mojon que les réserves latentes ont été dissimulées et sont déclarées à un certain moment, selon l’alinéa 1 de l’article 277k. L’enjeu est là. La Suisse admet ces réserves latentes et notre canton admet leur publication. A ce moment, l’article 277k s’applique. Toujours est-il que, de cette manière, nous formons une niche fiscale ou un havre fiscal.
Madame la conseillère d’Etat, vous n’avez pas répondu à ma question concernant l’entrée en vigueur de l’article 277k. Je pensais déposé un amendement pour modifier la date, mais j’attends d’abord vos explications.
Je n’étais pas certaine du dépôt de l’amendement, raison pour laquelle je n’avais pas pris position. Si nous reportons l’entrée en vigueur en décembre, les entreprises qui bouclent avant décembre ne pourront pas prendre en considération ce changement de loi. Or, la plupart des entreprises bouclent avant le 1er décembre. Je ne peux pas vous les nommer parce qu’à titre personnel, je ne les connais pas toutes et on toucherait au secret fiscal. Je vous invite donc à maintenir la date du 1er juillet parce que les entreprises peuvent prendre en considération ce changement. Sinon, cela ne sert à rien.
L’article 277k est accepté tel qu’admis en premier débat par 72 voix contre 52 et 2 abstentions.
L’article premier est accepté tel qu’admis en premier débat.
Art. 2 et 3. –
Les explications données au sujet du bouclement des comptes de certaines entreprises m’étonnent. Notre pays et notre canton sont très attachés à la sécurité du droit. Or, la notion de rétroactivité au 1er juillet me paraît contraire à cette manière de procéder. Je ne comprends pas l’urgence à ce que déjà cet automne, les entreprises qui bouclent leur compte devraient bénéficier de l’article 277k. Je soumets donc un amendement proposant de reporter l’entrée en vigueur de l’article 270k au 1er décembre de cette année.
« Art. 2. – L’article 277k de la présente loi entre en vigueur le 1er
juilletdécembre 2023. Les articles 105 alinéas 1 et 3, 111 alinéas 1 et 3 et 113 alinéa 1 de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2025. »
Je vous invite à refuser cet amendement pour la sécurité du droit, parce que, comme l’a expliqué Mme la conseillère d’État Dittli, une partie des sociétés bouclent au 30 juin. Ces pratiques existent dans les affaires commerciales. Il est légal de choisir de boucler, pas du 1er janvier au 30 décembre, mais du 1er juillet au 30 juin de l’année future. En n’inscrivant pas la date du 1er juillet, nous ne pourrons faire bénéficier de la disposition les entreprises qui ont choisi de boucler au 30 juin. C’est justement important pour des raisons de sécurité du droit, monsieur Zwahlen, de permettre ce genre de bouclement. Je vous invite donc à refuser cet amendement qui ne permettrait pas à l’ensemble des sociétés d’être traitées sur le même pied d’égalité.
Je voudrais répondre à M. Berthoud et à Mme la ministre des finances qu’il est tout de même curieux que ce projet de loi ait été publié début juillet. Par conséquent, nous le ferions entrer en vigueur après la date de son adoption par le gouvernement. L’argument du bouclement des comptes d’entreprises transnationales me paraît fallacieux. Je ne comprends pas l’urgence d’appliquer immédiatement cet article sur les réserves latentes. On aurait même pu reporter l’entrée en vigueur au 1er juillet de l’année prochaine. Dans un esprit généreux et conciliant, j’admets une entrée en vigueur moins de deux mois après l’adoption par le Grand Conseil, au 1er décembre 2023. Je vous invite à suivre cet amendement.
J’aimerais apporter deux réponses à M. le député Zwahlen. Tout d’abord, ces entreprises ne suivent pas les règles comptables suisses − ou pas uniquement − parce que le contexte est international. Ces entreprises doivent suivre des règles internationales en matière de comptabilité. Ainsi, elles ne bouclent pas − comme nous − du 1er janvier au 31 décembre, mais comme M. le député Berthoud l’a rappelé, du 1er juillet au 30 juin. Mettre en place cette solution à partir de décembre induirait une inégalité de traitement que je ne saurais pas justifier face à ces entreprises. Deuxièmement, l’adoption par le gouvernement du projet a eu lieu avant le 1er juillet 2023. Je vous invite donc à refuser cet amendement pour une question d’égalité de traitement.
L’amendement Pierre Zwahlen est refusé par 71 voix contre 38 et 12 abstentions.
L’article 2 est accepté tel qu’admis en premier débat par 75 voix contre 44 et 2 abstentions.
L’article 3, formule d’exécution, est accepté tel qu’admis en premier débat par 80 voix contre 36 et 6 abstentions.
Le projet de loi est adopté en deuxième débat.
La discussion générale est ouverte.
En vote final, la commission a accepté le projet de loi par 9 voix contre 2 et 3 abstentions.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Le projet de loi est adopté définitivement par 85 voix contre 31 et 7 abstentions.