RAP_686481 - Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le Postulat Léonore Porchet et consorts - Tout n'est pas bon dans le porc ! (17_POS_014).

Séance du Grand Conseil du mardi 5 novembre 2024, point 21 de l'ordre du jour

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M. Alberto Mocchi (VER) — Rapporteur-trice

La commission s'est réunie le lundi 9 janvier 2023 et était composée de Mmes les députées Circé Barbezat Fuchs, Géraldine Dubuis, Céline Misiego, Thanh-My Tran-Nhu et Marion Wahlen, ainsi que de MM. les députés John Desmeules, José Durussel, Maurice Neyroud, Romain Pilloud, Jean-François Thuillard et moi-même. Ont également participé à cette séance : Mme la conseillère d'Etat Isabelle Moret, Mme Maribel Rodriguez, cheffe du Bureau de l'égalité entre les femmes et les hommes (BEFH), et Mme Sandra Jean, collaboratrice personnelle de Mme Moret. M. Florian Ducommun, secrétaire de commission parlementaire, a rédigé les notes de séance et en est ici vivement remercié. 

En préambule, Mme la conseillère d'Etat a indiqué que le document contenait plusieurs chapitres traitant des différents types de harcèlement sexuel – au travail, de rue, dans la sphère privée ou encore politique – tout en rappelant le plan d'action du gouvernement concernant la mise en œuvre de la Convention d'Istanbul. La position de la postulante, qui ne siège plus au sein du Parlement cantonal, a été relayée par une députée qui a remercié le Conseil d'Etat pour ce rapport très complet, tout en regrettant que celui-ci ne propose pas de nouvelles pistes d'action pour lutter contre le harcèlement. 

Lors de la discussion générale, plusieurs députés ont tenu à remercier le Conseil d'Etat pour la qualité du rapport proposé et pour les nombreuses mesures qui y sont détaillées. Une députée a demandé si des sondages ou des questionnaires avaient été proposés au sein des écoles et des gymnases afin de savoir si les mesures de sensibilisation ont un impact sur les jeunes. Il lui a été répondu qu'a priori aucune enquête à proprement parler n'avait été menée dans ce but, mais que plusieurs campagnes de sensibilisation ont eu lieu récemment dans les établissements scolaires vaudois. 

Dans la lecture du rapport point par point, une députée a souligné que 11 % des cibles du harcèlement de rue sont des personnes de moins de 13 ans et que ses victimes sont majoritairement des femmes, à savoir environ 19 fois sur 20. Un député a indiqué que dans certaines situations où des femmes portent plainte contre leurs conjoints ou ex-conjoints, il conviendrait de garder une certaine marge et de tenter de comprendre tous les tenants et aboutissants. Cela a donné lieu à un bref débat, d'autres députés n'étant pas d'accord avec ces propos. 

Une députée a souhaité savoir comment le kit gratuit de prévention du harcèlement sexuel au travail à l'intention des entreprises et organisations a été proposé et s'il a reçu de l’intérêt. Il lui a été répondu qu'un courrier avait été adressé et qu'il y a eu de l’intérêt et un bon accueil des mesures sur le terrain. Une députée a demandé des renseignements sur d'éventuelles sanctions pour les entreprises qui n'effectuent rien, et si certaines se sont vues retirer leur autorisation de former à la suite de cas avérés de harcèlement d'apprentis. Il lui a été répandu que des sanctions avaient déjà été prises et que certaines entreprises avaient pu se voir retirer leur statut d'entreprise formatrice. Enfin, un député s'est ému du comportement de certains ou certaines jeunes sur les réseaux sociaux. Il lui a été répandu que cette préoccupation était partagée par les services de l'Etat, notamment par l'Unité de promotion de la santé et de prévention en milieu scolaire, qui aborde la question de l'usage des réseaux sociaux avec les élèves. 

Au vote, la commission recommande au Grand Conseil d'accepter à l'unanimité le rapport du Conseil d'Etat.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est ouverte. 

Mme Céline Misiego (EP) —

Dans son rapport, le Conseil d'Etat énumère plusieurs actions entreprises pour lutter contre le harcèlement sexuel, notamment des campagnes de sensibilisation et des formations destinées aux professionnels. Si certaines initiatives témoignent d’un effort louable pour encadrer et informer, nous constatons de graves insuffisances, dont notamment le manque de caractère obligatoire des mesures et l'absence de sanctions pour les manquements. Notre position exprime ces préoccupations et propose des améliorations pour une action plus efficace et structurée contre le harcèlement sexuel dans le canton de Vaud. Le BEFH a développé un kit de prévention à destination des entreprises. C'est une bonne chose, cependant un suivi précis de son utilisation serait nécessaire pour évaluer son impact, notamment pour connaître le nombre d'entreprises engagées dans cette démarche de prévention. 

Concernant l'apprentissage, les statistiques concernant le harcèlement sexuel chez les apprentis et particulièrement les jeunes filles sont effrayantes. Un sondage mené par UNIA en 2019 auprès de 812 apprentis a montré que 80 % des femmes interrogées ont déjà été confrontées au harcèlement sexuel, tandis que chez les hommes le pourcentage est de 48 %. On parle ici de personnes très jeunes, voire parfois mineures. L'impression générale est celle d'un abandon des jeunes filles dans un environnement professionnel souvent hostile où elles se retrouvent isolées et vulnérables. Nous devons exiger des mesures strictes, dont des sanctions pour les entreprises qui ne prennent aucune mesure de prévention. Concernant le personnel qui accompagne les apprentis, la formation actuelle n'a bénéficié qu'à une centaine de participants. Ce chiffre est faible et le rapport ne précise ni le retour de l'expérience ni la proportion du personnel ayant suivi cette formation par rapport à l'ensemble des personnes concernées. Cette formation devrait être obligatoire pour tout personnel encadrant des apprentis, avec des indicateurs de satisfaction et des performances claires pour mesurer son efficacité. 

S'agissant des polices cantonales et municipales, la formation initiale des policiers à l'académie de Savatan semble difficilement adaptable pour y ajouter des cours de prise en charge des victimes de violences sexuelles, faute de temps – la formation est limitée à une durée d'un an – et du manque de pertinence perçue par certains encadrants et encadrantes qui privilégient les matières plus techniques ou physiques. Nous regrettons l'absence d'une formation obligatoire de sensibilisation pour les membres du corps de police en cours de carrière, tant au niveau cantonal que municipal, surtout alors qu’il est souvent mentionné que l'accueil et la prise en charge des victimes nécessitent des améliorations. Le Conseil d'Etat indique que cette orientation doit être poursuivie, dans la formation, mais davantage de précisions sur la manière dont cela sera concrétisé sont nécessaires.

Concernant l'administration cantonale, les formations « conflit et harcèlement au travail » pour les cadres et « prévention du harcèlement sexuel au travail » pour l'ensemble du personnel sont également à saluer, mais ne suffisent pas. Il s’agit de modules d’e-learning que les personnes suivent seules et auxquels elles accordent l'importance qu’elles jugent appropriée, souvent proportionnelle à leur sensibilité sur le sujet. Nous doutons donc de l'impact réel de telles actions sur les personnes les plus susceptibles d'être autrices de comportements du type du harcèlement sexuel. Dès lors, là aussi, un renforcement des méthodes et une analyse de leur impact sont plus que nécessaires. 

En conclusion, nous saluons l'initiative du Conseil d'Etat, mais nous regrettons fortement le caractère essentiellement facultatif de nombreuses mesures proposées. Les actions se limitent trop souvent à des affiches, des flyers et des initiatives optionnelles, ce qui affaiblit leur portée. L'efficacité réelle des mesures est difficile à évaluer sans suivi et la majorité des actions présentées manquent de la rigueur nécessaire pour garantir la sécurité et la sensibilisation à tous les niveaux. Il est urgent que le Conseil d'État applique une stratégie plus engageante s'appuyant sur des mesures obligatoires et des indicateurs de suivi clairs. Il faut donc revoir les priorités pour un renforcement systématique de la prévention. Cela étant dit, le groupe Ensemble à Gauche et POP votera ce rapport, tout en continuant à militer pour un net renforcement de ses actions, notamment par le biais d'une stratégie cantonale de l'égalité.

Mme Géraldine Dubuis (VER) —

Le harcèlement est un fléau qui touche majoritairement les femmes et les personnes issues de la communauté LGBTQIA+. Dans la rue, dans les transports, à l’école, sur les lieux de formations ou au travail, le harcèlement est partout. Des remarques, regards déplacés, injures, invitations sexuelles, attouchements, caresses ou baisers non désirés, les actes de harcèlement prennent des formes variées, mais ont tous un impact fort sur les personnes ciblées. Première étape reconnue au continuum des violences faites aux femmes et aux personnes minorisées, il est primordial que nous luttions contre cette prise de pouvoir patriarcale qui n’a aucune raison d’être. Rappelons au passage que le harcèlement n’est en rien la faute ou la résultante d’un acte de la personne cible, mais bien une volonté affirmée d’imposer à autrui des actes liés à la sexualité sans son consentement.

Ce rapport est donc bienvenu et met en lumière le travail considérable du Conseil d’Etat dans ce domaine. Si des mesures sont mises en place, le manque de moyens pour obtenir des statistiques et leur analyse est à déplorer. Ce même manque de moyens ne permet pas d’évaluer véritablement les mesures mises en œuvre et leur efficience. De même, l’aide envers les communes dans ce domaine est sans doute insuffisante. Concernant la question des violences au sens large, les corps de police et surtout la chaîne juridique ne sont toujours pas suffisamment formés, bien que l’on constate, à la lecture du présent rapport, que des efforts en la matière existent. Malgré ces remarques, les Verts et Vertes soutiendront à l’unanimité la prise en considération de ce rapport.

M. José Durussel (UDC) —

Je ne vais pas revenir sur tous les commentaires formulés par notre rapporteur de commission, mais je tiens tout de même à relever un point, car je pense que c'est le chantier de demain : ce qui se passe dans nos écoles aujourd'hui, dans les préaux, est malheureusement inquiétant, avec tous les réseaux sociaux accessibles trop facilement aux jeunes de moins de 14 ou 15 ans. Certains les utilisent malheureusement pour des actes de harcèlement, causant des dégâts très importants auprès de certains adolescents. Tous les points sont évidemment très importants, mais celui-ci en particulier, madame la conseillère d'Etat, et nécessite une action. Des enseignants ont déjà lancé un cri d'alarme concernant les téléphones portables dans les écoles pour des enfants très jeunes. Il est crucial d’agir dès maintenant pour éviter que ces adolescents, une fois dans des entreprises ou dans de grandes écoles, ne reproduisent les comportements qu'ils ont pu adopter à l’école. Notre groupe soutiendra le rapport du Conseil d'Etat.

Mme Isabelle Moret (C-DEIEP) — Conseiller-ère d’Etat

Je vous remercie pour vos différentes remarques, qui seront prises en compte par le Conseil d'Etat, ainsi que pour le soutien que vous exprimez à l'égard de la réponse au postulat. Ce soutien s’étend aussi au BEFH, qui accomplit un travail considérable avec des moyens financiers limités face aux nombreux besoins, notamment en matière de harcèlement, ainsi qu’en matière de violences domestiques, domaine dans lequel le Bureau de l’égalité est également engagé.

J’ai bien noté la remarque de Mme Misiego sur la nécessité d’un plan d’action stratégique, et je suis consciente que c'est aussi l’objet d’une intervention de Mme Thalmann. A ce sujet, le Conseil d'Etat a choisi de procéder différemment : au niveau fédéral, il existe une stratégie 2030 mise en place par le Conseil fédéral, et notre Conseil d'Etat, au travers du BEFH, s’engage à déployer cette stratégie dans un plan d’action. Nous avons ainsi une vision, que nous aurons l’occasion de vous présenter. Le BEFH et moi-même pourrions, par exemple, envisager de revenir devant l'Intergroupe F pour échanger dans ce cadre avec les députés intéressés par ces questions.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est close. 

Le rapport du Conseil d’Etat est approuvé avec quelques abstentions. 

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