23_INT_173 - Interpellation Laure Jaton et consorts - quand l’Etat va-t-il enfin exécuter son engagement de créer un foyer EVAM non mixte pour protéger les femmes migrantes au statut précaire victimes de violence dans le couple ? (Développement).
Séance du Grand Conseil du mardi 28 novembre 2023, point 5 de l'ordre du jour
Texte déposé
Cette interpellation rappelle que la journée de lutte contre la violence faite aux femmes a lieu chaque année le 25 novembre. Les violences basées sur le genre sont plurielles : violence intrafamiliale, mais aussi mariages forcés, mutilations génitales, contraintes sexuelles, incitations à la prostitution, risques de perdre la garde des enfants, etc.
Le 30 juin 2022, le Conseil d’État et le Bureau de l’égalité annonçaient des prochaines mesures en matière de protection des femmes migrantes victimes de violence dans couple, en particulier en améliorant l’offre d’hébergement. Ceci faisait suite notamment à deux interventions du groupe socialiste[1].
Ainsi, un accueil au Centre Malley Prairie (CMP) pour une durée de 60 jours a été mis sur pied, pour toutes les femmes, quel que soit leur statut. Cet accueil dans un lieu protégé est essentiel pour les victimes. Il offre un lieu sécurisé, une évaluation de la situation et un accompagnement psycho-social, il permet aux victimes d’initier un travail de reconstruction ainsi qu’un support au lien mère-enfant, voire une prise en charge de ceux-celles-ci[2].
60 jours, c’est peu pour des femmes migrantes sans statut, isolées et sans réseau familial. Après ces deux mois d’accueil, ces victimes n’ont souvent, pour seule alternative, que d’être hébergées dans les centres d’aide d’urgence de l’EVAM, qui n’offrent ni l’infrastructure ni la prise en charge nécessaire et adaptée pour ces profils particuliers de femmes victimes de violences dans le couple.
Ces femmes au statut précaire, souvent accompagnées de leurs enfants, ne bénéficient d’aucun lieu d’accueil sécurisé au sein des structures de l’EVAM. Pourtant ces victimes présentent, très fréquemment, des séquelles psychiques et physiques notoires (stress post traumatique, santé physique et mentale détériorées, liens familiaux altérés, etc.[3]).
Du point de vue de l’hébergement, ces femmes et leurs enfants se retrouvent donc aujourd’hui dans les foyers mixtes de l’EVAM, malgré l’engagement du Conseil d’Etat qui mentionnait que les femmes « hébergées par l’EVAM pourront choisir de l’être dans un foyer non mixte ».
Certes, l’EVAM a organisé des étages non-mixtes dans certains foyers, notamment au Chasseron, mais cette solution ne représente qu’un pis-aller. Un étage n’est pas un espace fermé, son imperméabilité totale n’est pas possible et les pièces communes, les cages d’escalier, les pièces de séjour, les espaces extérieurs restent mixtes.
En outre, pour prendre en charge les spécificités des séquelles de la violence de genre, la formation du personnel est primordiale. Or, dans les foyers mixtes, même avec un étage séparé, le personnel n’est de manière générale pas formé à une telle prise en charge.
Un foyer exclusivement non-mixte, comme annoncé par le Conseil d’Etat il y a plus d’une année, permettrait d’éviter ces écueils et de garantir enfin une égalité de traitement entre toutes les victimes de violence de genre et de leur assurer un traitement digne. De plus, la création d’un nouveau foyer d’accueil permettrait au canton de Vaud d’étoffer son offre de places d’accueil.
Au vu de ce qui précède, j’ai l’honneur de poser les questions suivantes au Conseil d’Etat :
- Suite à la ratification de la Suisse à la Convention d’Istanbul, le canton de Vaud est-il suffisamment doté en place dans les foyers d’accueil EVAM ?
- Quelle organisation de projet a été mise en œuvre pour la réalisation d’un foyer EVAM non-mixte répondant à l’engagement du Conseil d’Etat du 30 juin 2022 ?
- Plus particulièrement, quel service ou entité porte la responsabilité du projet ?
- A quel stade exactement en est le projet et quels sont les prochaines étapes à franchir ?
- Quels sont les freins qui n’ont pas permis à l’Etat de répondre à son engagement après plus d’une année ?
- Et quelles mesures correctrices ont été mises en œuvre après leur identification ?
- Au vu de la situation actuelle, à quel délai le Conseil d’Etat envisage-t-il l’ouverture de cet espace pour les populations les plus faibles ?
Je remercie d'avance le Conseil d'Etat pour sa réponse.
[1] Postulat Muriel Thalmann et consorts « Pour prévenir les violences contre les femmes hébergées dans les centres d'accueil pour requérants d'asile » et interpellation Neumann « Aide cantonale apportée aux personnes victimes de violence à l'étranger »
[2] https://malleyprairie.ch/hebergement/
[3]https://backend.ebg.admin.ch/fileservice/sdweb-docs-prod-ebgch-files/files/2023/08/28/6f598e4b-39a2-414f-8360-dfee1a23c8cc.pdf Violence domestique : définition, formes et conséquences. Bureau de l’égalité fédéral, juin 2020
Conclusion
Souhaite développer
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Cédric Roten | SOC |
Monique Ryf | SOC |
Cendrine Cachemaille | SOC |
Laurent Balsiger | SOC |
Géraldine Dubuis | VER |
Vincent Jaques | SOC |
Sébastien Cala | SOC |
Alexandre Démétriadès | SOC |
Patricia Spack Isenrich | SOC |
Valérie Zonca | VER |
Felix Stürner | VER |
Claire Attinger Doepper | SOC |
Séverine Evéquoz | VER |
Sylvie Pittet Blanchette | SOC |
Théophile Schenker | VER |
Julien Eggenberger | SOC |
Oscar Cherbuin | V'L |
Céline Misiego | EP |
Romain Pilloud | SOC |
Jean Tschopp | SOC |
Sandra Pasquier | SOC |
Muriel Thalmann | SOC |
Claude Nicole Grin | VER |
Vincent Keller | EP |
Martine Gerber | VER |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourSamedi passé, le 25 novembre, c’était la journée de lutte contre la violence faite aux femmes. Mais les victimes subissent les séquelles de la violence 365 jours sur 365 ! Rappelons que ces violences sont basées sur le genre : elles sont exercées sur des femmes parce qu’elles sont femmes. Les violences sont de tous types – violences intrafamiliales, contraintes sexuelles, féminicides, mais aussi mariages forcés, mutilations génitales, incitations à la prostitution, etc. Elles touchent l’ensemble de la population, quelles que soient les origines ethniques et sociales des victimes, cependant les femmes migrantes sont particulièrement exposées dans de nombreux domaines. Les moyens mis en œuvre pour leur protection diffèrent suivant que les violences ont été commises sur notre territoire, dans leur pays d’origine, ou sur le chemin de l’exil, alors que les séquelles sont parfaitement identiques où qu’aient eu lieu les violences. Il y a plus d’une année, en juin 2022, le Conseil d’Etat annonçait que ces femmes au statut précaire bénéficieraient d’un lieu d’accueil leur permettant d’être prises en charge à la hauteur de leur traumatisme, soit dans un foyer non mixte avec un personnel formé pour elles et leurs enfants. Toutefois, plus de 17 mois après cette annonce, aucun foyer non mixte ne pointe à l’horizon.
Un pis-aller a été aménagé au Chasseron, avec l’aménagement d’un étage non mixte, mais au sein d’un bâtiment qui ne l’est pas. Les femmes victimes ne peuvent donc ni s’y sentir en sécurité ni entamer le long travail de reconstruction. Afin d’assurer une protection adéquate de ces femmes migrantes victimes et que le Conseil d’Etat mette ses promesses en œuvre, par le biais de cette interpellation, je lui demande de renseigner notre assemblée sur quelques points, dont en particulier :
- Quelle organisation de projet a été mise en œuvre pour la réalisation du foyer de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) non mixte ?
- Quels sont les freins qui n’ont pas permis sa réalisation dans un délai raisonnable ?
- Où en est ce projet et quand pourra-t-il être enfin mis en œuvre ?
Je remercie d’avance le Conseil d’Etat pour ses réponses.
Retour à l'ordre du jourL’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.