22_LEG_272 - Exposé des motifs et projet de loi modifiant la loi sur la santé publique du 29 mai 1985 et rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion Julien Eggenberger - Pour l'interdiction des "thérapies de conversion" (21_MOT_6) (1er débat).

Séance du Grand Conseil du mardi 27 août 2024, point 35 de l'ordre du jour

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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Gérard Mojon (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

La commission de santé publique (CTSP) vous propose d'accepter le projet de loi du Conseil d'Etat, avec deux amendements. Le projet de loi fait suite à une motion déposée par le député Julien Eggenberger. Celui-ci se déclare satisfait du texte proposé ; les différents aspects qu'il demandait de traiter figurent dans l’exposé des motifs et projet de loi, à sa satisfaction. Il est utile de préciser d'emblée deux éléments relevés en commission. Tout d'abord, les thérapies de conversion ont été portées parfois à l'excès par certains milieux évangéliques étrangers. Les mouvements évangéliques de Suisse romande, beaucoup plus modérés, s'en distancient clairement. Ensuite, le fait que le Conseil d'Etat formule aujourd'hui ses textes en parlant d'orientation affective et sexuelle est considéré comme une avancée très positive, évitant ainsi de réduire une population à sa seule activité sexuelle. 

Le projet de loi consiste à introduire un seul article nouveau dans la Loi sur la santé publique (LSP), à savoir l'article 71a, intitulé « Interdiction des pratiques visant à modifier l'orientation affective et sexuelle ou l'identité de genre d'autrui ». Lors de l'analyse de ce projet de loi, plusieurs propositions d'amendement ont été abordées, aux alinéas 1 et 5. Après discussion, seules deux d'entre elles ont été finalement retenues par la commission : l’alinéa 5, lettre b a été modifié et ce même alinéa 5 s'est vu ajouter une lettre c, nouvelle. La divergence avec la minorité ne porte que sur la nouvelle lettre c, au cinquième alinéa. Par souci de clarté et avec l’accord du président, je présenterai les propositions et positions de la commission au fur et à mesure de l'avancement des débats. 

En fin de discussion, la commission a adopté l'article 71a amendé à l’alinéa 5 lettres b et c sans opposition, avec quatre abstentions. Au vote final, le projet de loi tel que discuté et amendé par la commission a été adopté à l'unanimité. C'est également à l'unanimité que la commission recommande au Grand Conseil d'entrer en matière sur ce projet de loi. Finalement, c'est encore à l'unanimité que la commission recommande au Grand Conseil d'accepter le rapport du Conseil d'Etat sur la motion Eggenberger. 

Je dois encore préciser qu'en fin de séance, la présidente de commission qui a dirigé les débats a annoncé qu'elle déposerait un rapport de minorité. C'est ainsi que le présent rapport de majorité a été rédigé et présenté ce jour par le vice-président de la commission, votre serviteur. 

Mme Sylvie Podio (VER) — Rapporteur-trice de minorité

La minorité soutient et salue le projet de loi du Conseil d’Etat. Elle estime nécessaire de légiférer dans ce domaine et d’interdire enfin toute pratique visant à modifier l’orientation sexuelle et affective, ou l’identité de genre d’une personne. Ainsi que l’avait souligné le motionnaire, la minorité rappelle qu’un rapport du Conseil des droits de l’homme de l’ONU (CDH) qualifie les thérapies de conversion d’ « actes de torture », d’où la nécessité de les interdire.

L’interdiction est donc nécessaire pour combattre concrètement toute tentative de conversion et empêcher leur réalisation. Ainsi, la minorité de la commission s’aligne sur la position du motionnaire et du Conseil d’Etat qui fait partie intégrante du rapport de majorité auquel nous nous rallions, sauf en ce qui concerne l’amendement qui demande l’ajout d’une lettre c à l’alinéa 5. Pour la minorité, cette dernière proposition va au-delà de la construction du consentement libre et éclairé et fait doublon à la lettre b amendée. Prévoir trop d’exceptions affaiblirait le principe général déjà posé.

La minorité vous invite donc à accepter l’entrée en matière et le projet de loi du Conseil d’Etat, en refusant l’amendement consistant en l’ajout d’une lettre c à l’alinéa 5.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.

M. Olivier Petermann (PLR) —

En préambule, je rappelle que lors du traitement de la motion de notre collègue député Eggenberger et consorts – Pour l’interdiction des thérapies de conversion – le motionnaire a bien précisé que l’expression « thérapies de conversion » employée dans le titre de sa motion n’était pas la plus adéquate, même s’il s’agit du terme communément employé. 

Pour donner suite à cette motion et à son renvoi au Conseil d’Etat, ce dernier propose au Grand Conseil de modifier la LSP. Le but du présent exposé des motifs et projet de loi est de demander l’interdiction de certaines pratiques qui visent à modifier l’orientation sexuelle ou affective, ou encore l’identité de genre d’une personne. Cela concerne les domaines des professionnels de la santé, ainsi que des organismes ou des églises qui se rapprochent de ces pratiques. 

Comme vous avez pu le constater, quatre amendements ont été proposés durant le débat en commission. Compte tenu des discussions entre les commissaires et avec les représentants de l’Etat, le premier amendement n’a pas été formellement déposé, le deuxième a été retiré alors que les deux derniers ont été adoptés par la majorité de la commission. En vote final, le projet de loi tel que discuté et amendé en commission a été adopté à l’unanimité de ses membres. Le groupe PLR dans sa majorité vous recommande d’accepter l’entrée en matière de cet exposé des motifs et projet de loi et de suivre le rapport de majorité de la commission.

M. Sébastien Cala (SOC) —

Exorcisme pratiqué par des mouvements religieux ou des guérisseurs, viols « correctifs », obligation de suivre un traitement psychologique : voilà quelques exemples de modes de thérapies de conversion relevés par le CDH, qui qualifie à juste titre ces « thérapies » d’actes de torture. Il est donc essentiel et impératif de les interdire dans notre canton. C’est ce que demandait la motion Eggenberger et c’est ce que propose le Conseil d’Etat dans cet exposé des motifs et projet de loi.

Tenter de modifier l’orientation affective et sexuelle d’une personne ou empêcher une personne de vivre selon son orientation relève d’une forme de répression particulièrement violente et peut avoir de lourdes conséquences. L’ONU le relève d’ailleurs : les thérapies de conversion provoquent des traumatismes physiques et psychologiques profonds, quel que soit l’âge des victimes. Par ailleurs, différentes études démontrent que, particulièrement chez les moins de 20 ans, la part de la population dont l’orientation affective et sexuelle n’est pas exclusivement hétérosexuelle est beaucoup plus sujette aux tentatives de suicide : de deux à cinq fois plus fréquentes que dans le reste de la population ! Et cette statistique est encore renforcée si l’on ne considère que les personnes transgenres.

Il est de notre devoir de parlementaires de veiller à ce que le cadre légal permette de protéger la dignité, les droits et les libertés de chacune et chacun. Aimer n’est pas un tort, aimer ne se soigne pas, aimer ne se contrôle pas, aimer c’est la liberté ! Cet exposé des motifs et projet de loi est là pour le garantir et le groupe socialiste vous encourage à soutenir l’entrée en matière.

M. Blaise Vionnet (V'L) —

S’il est un sujet sensible, c’est bien celui de cet exposé des motifs et projet de loi. Il touche à notre condition humaine, au plus profond de notre être, en abordant la question de notre identité de genre. C’est pourquoi nous ne désirons pas simplement discuter d’articles de loi de façon détachée, mais nous souhaitons que, tout au long de nos débats, nous soyons sensibles à la réalité et aux souffrances que vit chacune des personnes en quête de son identité de genre.

La motion de notre collègue Eggenberger demandait l’interdiction des thérapies de conversion et la modification de la LSP proposée dans cet exposé des motifs et projet de loi y répond. Si le Grand Conseil accepte cette modification, le canton de Vaud rejoindra les cantons de Neuchâtel et du Valais qui ont adopté une loi similaire. Mais le projet de loi qui nous est proposé va au-delà de la demande du motionnaire puisqu’il aborde la problématique des traitements hormonaux et chirurgicaux d’affirmation de genre, ce qui a motivé le dépôt d’amendements en séance de commission. Les raisons de ces amendements seront développées au moment d’aborder les articles de loi. 

Le groupe vert’libéral soutiendra à l’unanimité l’entrée en matière sur cet exposé des motifs et projet de loi. En revanche, il sera plus diversifié quant au soutien ou non de ces amendements.

Mme Céline Misiego (EP) —

Imaginez un instant être jugé et rejeté pour ce que vous êtes au plus profond de vous-même, imaginez être contraint de renier votre identité sous la pression incessante de celles et ceux qui prétendent vouloir votre bien. C’est la réalité dévastatrice des thérapies de conversion qui prétendent guérir l’homosexualité ou la transidentité. Mais il n’y a rien à guérir ! La seule chose dont nous souffrons, c’est du regard des autres. Le rapport de la CDH est sans appel : ces pratiques sont des violations flagrantes des droits humains, assimilées à des formes de torture psychologique. Les victimes de ces thérapies rapportent des niveaux alarmants de dépression, d’anxiété et de comportements suicidaires. Elles subissent une violence qui les marque à vie, infligée au nom d’une fausse bienveillance. 

Ecoutez le témoignage d’une personne qui a subi une de ces thérapies de conversion : « C’était une démarche volontaire de ma part de suivre cette thérapie. J’ai vite compris que l’homosexualité n’était pas acceptée par ma famille, par mes amis, par mon église, et que pour avoir ma place dans ce monde, je devais changer. » Qu’entendons-nous si nous écoutons les voix de celles et ceux qui ont souffert de ces thérapies ? Dans le témoignage que je viens de vous lire, relayé par la RTS, la personne raconte comment, désespérée, elle a supplié Dieu de la guérir de son homosexualité. Elle décrit une souffrance si profonde et si accablante qu’elle a cherché refuge dans la prière, dans l’espoir d’un miracle. « C’était une démarche volontaire de ma part de suivre cette thérapie. » Ce témoignage reflète une douleur, partagée par tant d’autres. Cette douleur n’est pas née de son orientation sexuelle ni de son identité de genre, mais du rejet, de l’incompréhension et de la haine de son entourage et de la société qu’elle connaît. Et c’est bien ce qui rend les gens malades. De nombreux témoignages de survivants et survivantes des thérapies de conversion décrivent des expériences traumatisantes, des souffrances psychologiques et des séquelles à long terme. Des études telles que celle citée par le CDH corroborent ces témoignages en montrant que les thérapies de conversion sont associées à des niveaux élevés de détresse mentale et à des risques accrus de comportement suicidaire. 

Les coûts psychiques et physiques des thérapies de conversion sont immenses et largement documentés. Ces pratiques sont donc profondément destructrices pour tous, car les thérapies de conversion ne causent pas seulement des souffrances individuelles, mais elles ont également des coûts économiques pour la société, car subir une telle thérapie amènera un besoin de vraie thérapie, de psychothérapie pour réparer tout le mal qui a été fait. Il est impératif que la société reconnaisse ces dangers et travaille activement à interdire ces pratiques, tout en offrant un soutien adéquat et empathique aux personnes LGBTIQ+. Promouvoir la compréhension, l’acceptation et le respect des identités individuelles est essentiel pour la santé mentale et physique de toutes les personnes. Nous devons interdire les thérapies de conversion, mais à elle seule, une loi – bien qu’essentielle – n’y suffira pas. Il nous faudra aussi sensibiliser, éduquer, changer les mentalités pour que chaque individu puisse être authentiquement lui-même, sans peur d’être nié, afin de garantir ainsi une société où chacun et chacune peut vivre librement. Le groupe Ensemble à gauche et POP vous encourage donc à suivre le rapport de minorité en acceptant le projet de loi et en refusant l’amendement ajoutant une lettre c au cinquième alinéa.

M. Julien Eggenberger (SOC) —

Si cet objet a mis du temps pour aboutir, l’urgence de la modification législative n’en demeure pas moins indéniable. Il y a quelques semaines encore, j’ai été alerté au sujet d’un nouvel épisode problématique, dans une structure sise en ville de Lausanne. Ces pratiques existent donc dans le canton de Vaud, encore en 2024, ce qui témoigne de la nécessité du projet législatif. Je tiens donc à remercier le Conseil d’Etat d’avoir proposé un projet clair et précis, en parfaite adéquation avec ma motion, dont je rappelle qu’elle avait été approuvée sans opposition par le Grand Conseil. Certes, cela a pris du temps, mais avec pour résultat un projet bien construit, fruit d’une consultation et d’un large consensus ; cela valait la peine, car nous devons offrir aux personnes concernées une protection contre les pratiques de conversion et envoyer un message clair de condamnation de ces pratiques.

Un rapport du CDH assimile lesdites « thérapies de conversion » à des actes de torture et appelle à leur interdiction. En effet ces pratiques sont intrinsèquement discriminatoires, cruelles, inhumaines et dégradantes. Selon leur sévérité, la souffrance physique et morale qu’elles infligent peut être assimilée à de la torture. Elles reposent sur l’idée fausse que les personnes ayant une orientation affective et sexuelle différente ou une identité de genre non conforme seraient déviantes et inférieures, et qu’elles devraient changer pour entrer « dans le moule ».

Ce que nous nous apprêtons à faire aujourd’hui, au Grand Conseil, a déjà été fait dans de nombreux pays et plusieurs cantons suisses – Neuchâtel et le Valais – ont déjà adopté des mesures ou sont en voie de le faire. Nous nous apprêtons à inscrire dans la loi qu’aimer n’est pas une maladie et qu’il n’y a donc rien à soigner, à corriger ou à concilier. C’est aussi affirmer qu’une conception libérale de notre société implique d’empêcher quiconque de s’immiscer dans la vie privée des individus pour l’influencer. Il s’agit de garantir à chacun et à chacune la liberté d’aimer selon son orientation affective et sexuelle, de vivre selon son identité de genre, sans que des dogmes politiques, philosophiques ou religieux viennent s’y opposer. Je vous encourage donc à accepter le projet du Conseil d’Etat tel qu’il vous est présenté, sans l’ajout de la lettre c et vous en remercie.

M. Cédric Weissert (UDC) —

Le groupe UDC soutiendra l’entrée en matière sur cet exposé des motifs et projet de loi, à l’instar de la commission. Il vous propose d’en faire autant, car ce projet de loi clarifie certains points qui nécessitaient de l’être. Notre groupe est partagé sur l’amendement proposé par la majorité de la commission et certains de nos membres prendront la parole pour défendre leur position en faveur ou opposée à l’amendement proposé.

Mme Rebecca Joly (VER) —

A mon tour, je vous enjoins à entrer en matière sur ce projet de loi, d’une grande importance pour notre canton. C’est un signal très important de la part de notre Grand Conseil, surtout si – comme je l’entends – cette entrée en matière est très largement soutenue, voire unanime.

Je tiens à signaler que nous sommes satisfaits que ce point figure enfin à l’ordre du jour, dans une position qui permet que nous le traitions. En effet, les rapports sont prêts depuis plusieurs mois et l’objet a déjà figuré plusieurs fois dans le bas de notre ordre du jour. Vu son importance pour les personnes concernées, les souffrances en jeu et les discriminations subies, ce point mérite amplement que nous l’empoignions, et cela le mieux possible. Je suis donc satisfaite que nous y arrivions enfin, même si j’aurais souhaité que ce soit fait plus rapidement.

Je ne veux pas répéter ce qui a déjà été dit sur les thérapies de conversion, mais je rejoins M. Petermann pour trouver le terme particulièrement mal choisi. En effet, il sous-entend que l’on peut « guérir » de qui l’on est, de qui l’on aime ; l’exprimer de cette manière montre à quel point c’est absurde. Postuler qu’il est possible d’influencer l’orientation affective et sexuelle ou l’identité de genre des personnes autour de nous est très néfaste, puisque cela montre que l’on n’accepte pas qui elles sont. Dans notre société, les personnes LGBTIQ + sont encore extrêmement discriminées, que ce soit au travail, dans le cadre de la formation ou au sein de leur famille. Ainsi, c’est envoyer aujourd’hui le signal que ces dites « thérapies de conversion », ces pratiques assimilées à des actes de torture, sont discriminatoires, dégradantes et humiliantes, et qu'elles ne sont pas acceptées par la société que nous représentons ici, par notre canton et par la population qui nous a élus. Il s’agit donc d’un signal fort et important que je vous invite à envoyer massivement par une entrée en matière aussi large que possible.

Mme Géraldine Dubuis (VER) —

Je me permets de rappeler le contexte qui entoure cette question de santé publique. Les données de l’étude suisse pour la santé montrent que la probabilité de faire une tentative de suicide est environ quatre fois plus élevée parmi les personnes issues de la communauté LGBT que dans le reste de la population. Des analyses plus approfondies montrent que l’orientation sexuelle ou l’identité de genre n’augmente pas en soi la probabilité d’une tentative de suicide, mais que ce sont plutôt les expériences vécues dans l’entourage et dans la société qui sont liées à des vecteurs de stress spécifiques aux personnes LGBT. Il s’agit par exemple des discriminations, mais c’est aussi lié à des facteurs de protection moins prononcés – moins grand sentiment d’efficacité personnelle, soutien social réduit : ces effets négatifs ont tous une incidence sur la santé psychique des personnes concernées.

Conformément à d’autres études, l’enquête LGBT Hill Survey met en évidence le fait que les personnes trans et non binaires sont largement désavantagées dans le domaine de la santé mentale. Au total, 30 % des personnes trans et non binaires ont indiqué avoir fait une tentative de suicide au cours de leur vie, soit entre 1,5 et 2 fois plus que les personnes LGB et cisgenre. Il faut tenir compte du fait que les personnes transgenres ont été particulièrement touchées par les mesures contre le COVID 19 pendant la pandémie, par exemple en ce qui concerne la mise en œuvre de mesures de réassignation sexuelle. Je tenais à rappeler cette fragilité mentale dans le débat d’entrée en matière, parce qu’aujourd’hui, nous discutons d’une loi de santé publique qui vise à permettre à ces personnes de voir leur santé mieux protégée dans le canton de Vaud. Les risques que cette fragilité mentale engendre pour la santé de ces personnes doivent être pris en compte dans nos débats d’aujourd’hui. Je suis certaine qu'ainsi nous pourrons mettre en œuvre une politique en matière de santé publique qui intègre aussi les personnes de cette communauté.

M. David Raedler (VER) —

Ce sujet est essentiel, tant les dégâts que peuvent causer les thérapies dites de conversion sont grands. Les motifs évoqués à l’instant par notre collègue imposent de s’assurer que toutes les discriminations, violences, oppressions et agressions à l’égard des personnes LGBT cessent à tous égards, et les pratiques dites de conversion jouent un rôle central lorsque l’on parle de ces violences. Il est maintenant important de nous assurer nous-mêmes et individuellement, aussi dans nos futurs débats, que nos propos ne constituent pas eux-mêmes de telles violences. Il est donc impératif de faire preuve de responsabilité dans le choix de nos mots lors de nos développements, y compris et surtout dans le débat sur les deux amendements du rapport de majorité. En effet, il faut bien rappeler qu’au final, nous abordons un sujet qui touche au plus profond de leur être des personnes qui, pour beaucoup, n’ont pas elles-mêmes leur voix dans ce plénum. Pour ce motif, à ce stade de l’entrée en matière, il me semble utile de donner la parole à l’une de ces personnes, le philosophe Paul Preciado, en vous lisant un court extrait d’un texte touchant au sujet :

« L’homosexualité est un sniper silencieux qui colle une balle dans le cœur des enfants des cours de récréation. Il vise sans chercher à savoir s’ils sont fils de bobos, d’agnostiques ou de catholiques intégristes. Sa main ne tremble pas, ni dans les collèges du 6e arrondissement ni dans les zones d’éducation prioritaire. Il tire avec la même précision dans les rues de Chicago, les villages d’Italie ou les banlieues de Johannesburg. L’homosexualité est un sniper aveugle, comme l’amour, éclatant comme un rire et aussi tendre qu’un chien. Et s’il se lasse de prendre des enfants pour cibles, il tire une rafale de balles perdues qui vont se loger dans le cœur d’une agricultrice, d’un chauffeur de taxi, d’un chanteur hip-hop, d’une factrice durant sa tournée.

La transsexualité est un sniper silencieux qui colle une balle dans la poitrine d’enfants plantés devant un miroir ou qui comptent leurs pas sur le chemin de l’école. Il ne se préoccupe pas de savoir s’ils sont nés d’une insémination artificielle ou d’un coït catholique, il ne se demande pas s’ils viennent d’une famille monoparentale ou si papa portait du bleu et maman s’habillait de rose. Il ne tremble ni du froid de Sotchi ni de la chaleur de Carthagène. Il ouvre le feu aussi bien sur Israël que sur la Palestine. La transsexualité est un sniper aveugle comme le rire, éclatant comme l’amour, aussi tendre et tolérant que le sont les chiennes. De temps en temps, il tire sur une professeure en province, sur un père de famille… Et boum !

Pour ceux qui ont le courage de regarder la blessure en face, la balle devient la clé d’un monde dont ils n’avaient jamais rien vu auparavant : les rideaux s’ouvrent, la matrice se décompose. Mais parmi ceux qui portent la balle dans la poitrine, quelques-uns décident de vivre comme s’ils ne sentaient rien, d’autres compensent le poids de la balle en faisant de grands gestes de dons Juans ou de princesses. Des médecins et des églises promettent d’extirper la balle. On dit qu’en Equateur, une nouvelle clinique évangéliste ouvre chaque jour pour rééduquer les homosexuels et les transsexuels. Les foudres de la foi deviennent des décharges électriques ! Mais nul n’a jamais su comment extirper la balle, ni les mormons, ni les castristes. On peut l’enfouir plus profondément dans sa poitrine, mais on ne peut jamais l’extirper. »

Ce texte me paraît absolument essentiel pour vous appeler à la mesure dans les propos qui viennent, car c’est à nous, individuellement, de nous assurer que nous ne participerons pas, par nos débats à venir, à faire brûler cette balle qui se trouve au plus profond d’entre nous.

Mme Rebecca Ruiz (C-DSAS) — Conseiller-ère d’Etat

Avec cet exposé des motifs et projet de loi, le Conseil d’Etat souhaite ancrer l’interdiction des thérapies de conversion dans la LSP de notre canton. Si vous soutenez ce projet de loi en vote final, nous pourrons ainsi rejoindre d’autres cantons qui ont déjà opéré des modifications législatives en ce sens. Je pense par exemple au canton de Neuchâtel évoqué tout à l’heure qui a choisi d’articuler cette interdiction avec sa loi pénale, ou encore au canton du Valais qui comme nous a fait le choix de la placer sous la coupe de sa loi cantonale sur la santé.

Les thérapies de conversion telles qu’elles existent dans notre pays s’adressent le plus souvent à des personnes qui vivent leur orientation affective et sexuelle ou de genre comme étant incompatibles avec leur foi, leur croyance, avec leurs liens familiaux et communautaires, souvent autour de leurs croyances. Les personnes concernées sont souvent prises dans des conflits de loyauté extrêmement puissants avec leur entourage et s’exposent ainsi à des risques non négligeables, en termes de santé mentale par exemple. Du moment qu’elles violent le principe de l’autodétermination et induisent le dégoût de soi chez les personnes qui les subissent, ces soi-disant et pseudo « thérapies » devraient être assimilées à de mauvais traitements et relèvent de l’atteinte à l’intégrité personnelle. 

Certes – ce point a été discuté lors des travaux de commission, mais il date désormais quelque peu – notre droit pénal permet d’ores et déjà de sanctionner certaines pratiques, à l’instar de l’abus de faiblesse, des faits de violence ou encore les atteintes à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle. Mais au travers du présent projet qui donne suite à la motion Julien Eggenberger et à la volonté du Grand Conseil, le Conseil d’Etat a souhaité ancrer formellement cette interdiction dans notre loi cantonale sur la santé et ainsi faire passer un message fort aux auteurs et aux victimes de ces soi-disant thérapies, aussi en prévoyant des poursuites qui pourront être envisagées envers les contrevenants, y compris sur le plan pénal si des infractions devaient être constatées.

Il paraît également important de rappeler un point brièvement évoqué lors des travaux de commission : si cette interdiction est bel et bien ancrée dans notre loi, elle ne doit en aucun cas restreindre l’offre de soins pour les personnes concernées, tant sur le plan psychologique que somatique. Il va sans dire que les personnes qui rencontrent des difficultés concernant leur santé physique ou psychique, quelle que soit leur orientation sexuelle ou affective, devront évidemment pouvoir continuer à bénéficier des soins et des traitements médicaux adaptés à chaque situation.

A nos yeux, les amendements proposés par une majorité de la Commission thématique de santé publique ne font que souligner des principes déjà consacrés dans la législation, dans la mesure où ils mentionnent l’autonomie et l’autodétermination du patient, tout en engageant à la prudence. Il me semble important de relever ici qu’aux yeux du Conseil d’Etat, l’essentiel est avant tout de pouvoir ancrer cette interdiction dans la LSP. C’est pourquoi je vous remercie non seulement de votre attention, mais aussi de soutenir ce projet du Conseil d’Etat.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est close.

L’entrée en matière est admise avec 1 avis contraire et 1 abstention.

Il est passé à la discussion du projet de loi, article par article, en premier débat.

Article premier.–

Art. 71a.–

M. Blaise Vionnet (V'L) —

J’aimerais faire une remarque concernant le cinquième alinéa de l’article 71a, à la lettre a. Cette partie de l’article détaille les prestataires qui ne sont pas concernés par les interdictions de pratique visant à modifier l’orientation affective et sexuelle ou l’identité de genre et qui offrent des prestations d’aide et de soutien de nature psychosociale ou psychothérapeutique. Cette spécificité fait référence à la dimension psychique et psychologique ou sociale de l'être humain, mais ne mentionne pas sa dimension spirituelle. Plusieurs travaux scientifiques cherchent actuellement à étendre le modèle biopsychosocial classique de la médecine en y intégrant la dimension spirituelle de l'être humain. Je peux mentionner par exemple les travaux de l'ancien professeur de psychiatrie de la Faculté de médecine, Jacques Besson. Les personnes en quête d'identité de genre connaissent des souffrances intérieures qui peuvent également impacter leur vie spirituelle. Ce ne sont pas les psychologues ni les psychothérapeutes qui pourront les accompagner dans cette dimension, mais plutôt des pasteurs, des curés, des aumôniers ou des accompagnants spirituels, dans des lieux d'écoute. Pour ces raisons, en commission, nous avions proposé un amendement qui visait à supprimer la spécification « de nature psychosociale ou psychothérapeutique » pour ne pas exclure l'accompagnement spirituel. Je précise qu'il s'agit bien d'un accompagnement spirituel et non pas d'une tentative détournée de modification de l'identité de genre, puisque cette dernière sera interdite par la loi en cas d'acceptation de cet exposé des motifs et projet de loi. L'idée de cet amendement était de ne pas rendre condamnable un accompagnement spirituel respectueux de la libre expression de l'orientation affective et sexuelle de la personne. 

En commission, Mme la conseillère d'Etat nous a certifié qu'il y aurait toujours la possibilité pour les pasteurs, curés et autres intervenants spirituels d'accueillir les personnes en quête d'identité de genre, en étant à l'écoute de leurs souffrances spirituelles. Au vu de cette affirmation, nous avons retiré notre amendement, mais nous souhaitions que Mme la conseillère d'Etat puisse confirmer devant le plénum que les pasteurs, curés et autres intervenants spirituels pourront continuer leur travail d'écoute, de prière et d'accompagnement spirituel, sans risque d'être condamnés, cela pour autant qu'ils respectent cette loi, bien sûr. 

M. Gérard Mojon (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Mon intervention concerne la lettre b du cinquième alinéa. Constatant que certaines personnes semblent pousser assez rapidement à des traitements hormonaux ou chirurgicaux, alors que l’adolescence est une période durant laquelle l’identité de genre peut se montrer variable, et aussi que certaines personnes incitées à engager une transformation de genre reviennent parfois en arrière, un commissaire propose de freiner les possibles pressions à engager trop rapidement des traitements difficilement réversibles. Il dépose ainsi un amendement consistant à compléter la lettre b du cinquième alinéa 5 de la manière suivante :

« Art. 71a. – Al. 5, lettre b. : les traitements hormonaux et les chirurgies d'affirmation du genre effectuées avec le consentement libre et éclairé de la personne et indiquées médicalement dans le cadre des traitements reconnus de l'incongruence de genre. » 

Certains commissaires considèrent que cet amendement est inutile, car il ne fait que confirmer la pratique actuelle, tout acte médical devant de toute façon répondre au consentement libre et éclairé du patient, sauf en cas d’urgence ou lorsque le consentement ne peut être recueilli. D’autres commissaires estiment que, chez les jeunes tout particulièrement, il est important de rappeler la nécessité de se donner du temps et de la liberté, surtout face à des traitements relativement agressifs. 

Aucun amendement n’étant proposé, nous n’avons pas parlé de l’alinéa 3 qui sanctionne les professionnels de la santé manquant à leurs devoirs professionnels et pourtant, il rappelle lui aussi une évidence. Ainsi, parfois, certaines évidences méritent d’être rappelées...

En commission, l’amendement à la lettre b a été adopté par 8 voix contre 1 et 6 abstentions. Au vote final. L’alinéa 5 lettre b amendé a été adopté sans opposition, mais avec 1 abstention. Si le président le souhaite, je reviendrai par la suite sur la lettre c. nouvelle, mais il me semble important de parler d’abord de la lettre b où le désaccord est relativement faible, avec 1 seule opposition. Ce ne sera pas le cas avec la lettre c.

Mme Rebecca Joly (VER) —

Ma première question concerne la procédure : finalement, vous ferez voter les amendements, avant l'article 71a en entier ? J’imagine que nous ne voterons pas les alinéas successivement, du fait qu’il n’y a pas d'amendement pour les premiers alinéas ? Je vois que vous opinez et je vous remercie, c'est magnifique. 

Je tenais à préciser quelques points sur le premier amendement, qui n’a guère été combattu en commission. Personnellement, je ne pourrai pas l'accepter pour des raisons que j’ai exposées en commission. Le fait de préciser que ces traitements et ces chirurgies doivent être effectués avec le consentement libre et éclairé de la personne me dérange, puisque c’est une règle générale en médecine que tous les traitements, toutes les interventions chirurgicales et tous les actes médicaux doivent être effectués avec le consentement libre et éclairé de la personne concernée. Il y a effectivement une réserve pour les cas d'urgence, en cas d’inconscience ou d’incapacité à donner ce consentement, mais globalement, le consentement libre et éclairé doit être la règle pour tous les actes médicaux, et pas uniquement pour celui-ci. J'ai donc beaucoup de mal à accepter que ce point juridique soit précisé pour ce traitement particulier plutôt que pour les autres, car cela pourrait sous-entendre que l'on crée une exception, alors qu'en fait c’est la règle. C'est donc la raison pour laquelle je ne soutiendrai pas cet amendement, à mon sens juridiquement confus. En effet, on crée un particularisme concernant certains traitements médicaux alors qu’il s’agit bien de la règle. J’estime qu’il faut le répéter, encore et encore, jusqu'à ce que ce soit bien compris par toutes et tous : tous les traitements médicaux et actes médicaux doivent être accomplis avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Dans le cas contraire, il s’agit d’une atteinte à l'intégrité physique qui peut être poursuivie pénalement et civilement.

M. Blaise Vionnet (V'L) —

Je voudrais mentionner deux choses pour répondre en partie aux propos de ma préopinante. Premièrement, l'adolescence est une période très complexe et la maturation du cerveau prend de nombreuses années. Il est donc reconnu que, durant cette période, une certaine variabilité émotionnelle et cognitive peut se présenter, qui inclut une quête et une exploration de domaines multiples. Le risque est donc réel de figer cette période en prenant des décisions prématurées, sans se laisser de possibilité de retour en arrière. 

Deuxièmement, nous rappelons le cri d'alarme de pédiatres qui s'inquiètent devant le fait que des jeunes femmes, ou je devrais plutôt dire des jeunes filles, optent pour une mastectomie parce qu'elles peuvent être nées dans le mauvais corps. Selon les statistiques de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), en Suisse, entre 2018 et 2021, 10 jeunes filles de 10 à 14 ans ont subi une mastectomie. Il semble que le terme de thoracoplastie tende actuellement à remplacer celui de mastectomie. Cherche-t-on ainsi à masquer une réalité ? Dans l’opération en question, il s’agit bien d'enlever les deux seins et non d’une simple plastie du thorax. 

Le nombre des demandes de réassignation sexuelle chez les 15 à 19 ans a explosé ces derniers temps. Aujourd'hui, il existe deux groupes distincts. Il y a les personnes qui souffrent d'une vraie dysphorie de genre, pour lesquelles la mise en route d'un tel traitement paraît nécessaire et sans discussion. Mais il y a un autre groupe de jeunes qui se trouvent dans ce qu'on appelle « l'approche affirmative ». Cette approche met l'accent sur la perception qu'ont les jeunes de leur identité de genre, et sur la mise en route rapide – trop rapide ? – de traitements de type bloqueurs de puberté, traitements hormonaux, mastectomies et autres chirurgies de réorientation sexuelle. Le Grand Conseil du canton de Berne vient d'interdire les transitions de genre pour les mineurs. Nous n'avons pas opté pour cette proposition et nos amendements ne visent pas à interdire, mais simplement à rappeler l'importance d'un consentement libre et éclairé, pour les jeunes patients, ainsi que le fait de ne pas se précipiter dans de telles démarches au cours d’une période troublée comme celle de l'adolescence.

Mme Céline Misiego (EP) —

Pour aller dans le même sens que ma collègue la députée Joly, je rappelle qu’au premier alinéa de son article 23, appelé « consentement libre et éclairé », la LSP stipule : « aucun soin ne peut être fourni sans le consentement libre et éclairé du patient concerné capable de discernement, qu'il soit majeur ou mineur ». Ainsi, si vous pensez que les adolescents et les adolescentes sont moins capables de discernement, il faut modifier cet article. Mais ajouter la mention proposée dans l'article sur les thérapies de conversion est inutile, voire stigmatisant. Pour une bonne information de tout le monde, j’ajoute que, dans le canton de Vaud, le temps d'attente pour une hormonothérapie est de 2 ans.

M. Julien Eggenberger (SOC) —

Je puis entendre les inquiétudes de notre collègue Vionnet, même si je ne pourrais dire que je les comprends. Je me permets de rappeler ici que nous discutons d’une loi qui vise à interdire les pratiques de conversion et je trouverais regrettable que le débat sur ce projet de loi devienne le lieu où l’on ouvre le grand débat sur la question des transitions ! De plus, je ne suis pas sûr que nous soyons en état ni suffisamment documentés pour traiter de cette question. Lors du débat sur le rapport de gestion, l’année dernière, la question a été débattue et selon le retour des sous-commissaires qui s’en sont chargés, il me semble qu’ils ont montré que la question était bien traitée. Selon les différentes études menées sur la pratique, dans le canton de Vaud, nous sommes loin de la caricature selon laquelle il suffit de prendre rendez-vous pour commencer le traitement dans la minute, mais qu’au contraire notre pratique est extrêmement raisonnée. J’aimerais donc bien que nous ne mélangions pas les deux sujets ! Et s’il faut revenir sur la question des transitions, cela se fera au travers d’un autre article – l’article 23 mentionné par Mme Misiego – ou d'un autre dossier, mais en tout cas pas dans un article qui traite de l’interdiction des pratiques de conversion ! En effet, le présent article ne concerne pas des pratiques médicales ni des procédures, désormais éprouvées.

Concrètement, concernant l’amendement à la lettre b proposé par la commission, à titre personnel, je m’abstiendrai. Je suis évidemment extrêmement favorable au consentement libre et éclairé, mais il figure effectivement déjà au titre de principe général de cette loi. Je ne tiens pas à m’opposer au fait qu’on le répète, mais je n’en vois pas du tout la nécessité, raison pour laquelle je m’abstiendrai.

M. Olivier Petermann (PLR) —

J’interviens pour apporter un complément aux propos de notre collègue Vionnet par rapport à l’amendement déposé. Je pense bien que le corps médical fait tout son possible pour ne pas faire n’importe quoi, mais on observe que la Suède, par exemple, qui était l’un des premiers pays en Europe à ouvrir l’hormonothérapie pour les mineurs est maintenant revenue en arrière, et qu’au Royaume-Uni, des procès ont lieu parce que certains estiment qu’il est trop facile d’accéder à des thérapies hormonales et d’accomplir des actes irréversibles avant l’âge de la majorité. C’est pourquoi nous avons demandé l’ajout de cet amendement et je vous propose de le soutenir.

Mme Géraldine Dubuis (VER) —

J’aimerais répondre à certaines remarques de mes préopinants. Tout d’abord, concernant la maturation du cerveau évoquée par notre collègue Vionnet, de mémoire, certaines études décrivent que cette maturation est atteinte à l’âge de 25 ans. Alors qu’en est-il de tous les droits que nous acquérons toutes et tous à 18ans – le droit de vote, le droit de se faire faire une implantation mammaire, le droit de recevoir un vaccin ? Et lorsque l’on est mineur, le droit de se faire prescrire une pilule dès l’âge de 12 ans pour des problèmes de douleurs liées à l’endométriose, par exemple ? Comme on le voit, la question de la maturité des jeunes et de leur prise en considération concernant leurs problèmes de santé doit être notre préoccupation de législateurs, mais le principe du consentement libre et éclairé des patients est universel et il s’applique déjà – comme l’a rappelé notre collègue Misiego – par l’article 23 de la LSP. Ainsi, il s’agit d’une attention que nous devons avoir en permanence dans nos rapports avec les jeunes, et il n’est donc pas question de l’axer sur un traitement hormonal ou chirurgical.

Quant à la Suède, je me permets de préciser ce qui s’est passé. Il ne s’agit pas d’un arrêt complet des démarches visant à soutenir des jeunes mineurs dans leur transition, mais de ne plus permettre l’accès aux retardateurs de puberté sans protocoles d’études standardisés. Il s’agit donc uniquement d’une généralisation : puisqu’il y a une augmentation des demandes, il y a également une augmentation des études faites sur la délivrance de retardateurs de puberté. J’ajoute encore que des retardateurs de puberté sont prescrits à des jeunes pour de nombreuses raisons médicales autres que la transition. C’est une réalité, de même que l’on fournit à des jeunes des hormones de croissance pour de nombreuses raisons qui ne concernent pas non plus la transition. Il me semble important de ne pas tout mélanger, mais de s’en tenir au texte du Conseil d’Etat qui, à mon avis, a tout son sens sur ce sujet.

Mme Rebecca Ruiz (C-DSAS) — Conseiller-ère d’Etat

J’aimerais répondre à la demande de M. le député Vionnet. Ainsi que je l’ai déclaré en commission, je confirme que toute aide spirituelle – écoute, prière, accompagnement – sera toujours possible, évidemment, à condition qu’elle n’entre pas dans le périmètre que la loi interdit, à savoir celui d’une thérapie de conversion. Et je rappelle que ce n’était pas du tout ce que vous aviez mis en évidence lors des travaux de commission. Nous avons pu vous rassurer quant au fait que toute personne qui a des questionnements individuels et qui a envie de se tourner vers un pasteur, un aumônier ou un curé sera toujours libre de le faire, si tant est que ces personnes ne pratiquent pas des thérapies de conversion. Ce n’était clairement pas du tout ce à quoi vous vous référiez et, de toute évidence, une aide spirituelle sera toujours autorisée.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

L’amendement de la commission est accepté par 65 voix contre 37 et 28 abstentions.

Le débat est interrompu.

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