22_RAP_46 - Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le postulat Muriel Thalmann et consorts au nom du groupe thématique Intergroupe F - Pour l'extinction de la responsabilité solidaire pour dette fiscale en cas de séparation pour tous les montants d'impôts encore dus. (21_POS_34) - NOUVELLE VERSION.

Séance du Grand Conseil du mardi 13 juin 2023, point 21 de l'ordre du jour

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Florence Gross (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Dans sa réponse, le Conseil d'Etat propose une version modifiée de la législature actuelle, soit riche d’une modification des conclusions. La motion transformée en postulat souhaite une modification de la loi d'impôt afin d'abroger la responsabilité solidaire et illimitée en dépit d'une séparation. Dans son rapport, le Conseil d'Etat expose le cadre légal actuel en l'analysant sous l'angle de la discrimination, de sa constitutionnalité et de l'égalité de traitement. La loi vaudoise stipule que les époux sont débiteurs du montant global de l'impôt du couple, y compris en cas d'insolvabilité de l'un des deux, et qu'ils restent débiteurs solidaires des montants d'impôt issus de la taxation de couple une fois qu'ils sont séparés.

Toutefois, rappelons qu'en cas de séparation, les ex-conjoints sont taxés de manière individuelle, dès lors qu'ils ne font plus ménage commun. Malgré ce qu'affirme la motionnaire, le Conseil d'Etat rappelle que la loi vaudoise ne crée pas de discrimination, sachant que le maintien de la solidarité après la séparation ne vise que les dettes fiscales nées durant la vie commune. Enfin, des facilités de paiement voire des remises peuvent être demandées. La situation ne peut donc être comparée à celle des concubins, sa définition fiscale étant différente tant dans les lois fédérales que cantonales.

Pour conclure, le Conseil d'Etat confirme que la loi d'impôt est conforme au principe de l'unité d'imposition de la famille, qu’elle n'est pas anticonstitutionnelle et qu’elle ne fait pas preuve de discrimination. Toutefois, le Conseil d'Etat confirme sa volonté d'engager les réflexions à ce sujet, allant ainsi dans la droite ligne de ce que demande la motionnaire afin d'aligner la loi vaudoise sur l'impôt fédéral direct. Il met néanmoins en garde sur le timing pour le faire, des adaptations informatiques importantes étant nécessaires.

Au vu de ce qui précède, la majorité de la commission vous propose d'accepter la réponse du Conseil d'Etat à la motion transformée en postulat. En effet, lors de la commission, la conseillère d'Etat en charge des finances a confirmé sa volonté de modifier la pratique vaudoise. Quant à la position de la postulante, elle est largement détaillée dans le rapport. Malgré la position du Conseil d'Etat, celle-ci maintient les termes de « discrimination anticonstitutionnelle » et souhaite que le texte obtienne un effet immédiat avec engagement ferme, sans quoi elle invite la Commission des finances à rejeter le rapport. La majorité de la commission rappelle qu'il s'agit d'un postulat et que, à ce stade, le rapport ne peut comporter de proposition de modification de loi. En cas de renvoi de ce rapport, un nouveau rapport devrait être établi, ce qui repousserait d'autant plus les délais de mise en place de mesures pourtant aujourd'hui annoncées et confirmées par le Conseil d'Etat. Les modifications informatiques engendrées doivent encore être étudiées, et elles auront un coût ; dès lors, une procédure parlementaire devra suivre. Si les délais peuvent interroger, il est rappelé que les outils actuels ont été développés il y a plus de 15 ans, avec une tout autre définition de la structure familiale.

Enfin, refuser ce rapport équivaut à repousser d'autant plus la mise en place des modifications. Dès lors, la majorité de la Commission des finances recommande au Grand Conseil d'accepter le rapport du Conseil d'Etat par 6 voix contre 6 et une abstention, avec la voix prépondérante de la présidente. Je vous remercie.

Mme Amélie Cherbuin (SOC) — Rapporteur-trice de minorité

Une fois de plus, la loi telle qu'elle est prévue prétérite principalement les femmes. En demandant aux conjoints d'être co-solidaires d'une dette d'impôt après séparation et bien que cela s’applique tant aux femmes qu’aux hommes, dans les faits, les femmes se voient majoritairement recherchées sur la part solidaire et alors même que la plupart du temps elles ont les salaires les plus bas, ce sont elles qui contribuent le plus, proportionnellement.

En commission, il nous fut expliqué que la personne qui se verrait devoir payer plus que sa part de l'impôt pourrait recouvrer le montant auprès de son ex-conjoint, en application des dispositions générales du droit civil… Or, on voit mal comment une femme arriverait à obtenir le paiement de cette dette, à titre personnel, quand l'Etat lui-même n'a pas pu contraindre le conjoint à payer sa part des impôts dus. Si c'était si simple, alors pourquoi existe-t-il un Bureau de recouvrement et d’avance sur pensions alimentaires (BRAPA) ? De plus, la solidarité reste entière tant qu'il n'y a pas de changement de domicile. Or, en cas de séparation, il n'est pas toujours simple de trouver un lieu de vie permettant d'effectuer un changement d'adresse. Souvent, les hébergements d'urgence n'autorisent pas d'y mettre son adresse officielle et, pendant ce temps, la responsabilité solidaire perdure. Enfin, sans une attestation vierge de l'Office des poursuites demandée par les régies immobilières, la possibilité d'obtenir un logement est quasi nulle. Nous rappelons également que le paiement des dettes mensualisées n’est pas pris en compte pour le calcul du minimum vital par l'Office des poursuites : c’est une spirale infernale bien engagée qui ne laisse que peu de chances de s'en sortir. Et le fait qu'aucune donnée chiffrée ne soit disponible, en la matière, ne fait que le confirmer. En effet, si la situation était inversée, les hommes se seraient déjà manifestés depuis longtemps, et la loi aurait été modifiée.

En revanche, un fait avéré réside dans le nombre de recours introduits par des femmes devant le Tribunal cantonal. Par conséquent, le fait de ne pas reconnaître cette discrimination, même indirecte – alors que la Suisse a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme –, le fait de ne pas transmettre les chiffres de l'administration fiscale permettant de démontrer le problème de manière factuelle, le fait de proposer le maintien du statu quo, alors que cela met les femmes dans une spirale infernale de l'endettement et, enfin, le fait que la grande majorité des cantons a accepté de libérer le conjoint de la part solidaire, sauf le canton de Vaud, amène la minorité à refuser le rapport du Conseil d'Etat afin que l'ouvrage soit remis sur le métier et qu'une modification de l'article de la loi incriminée soit proposée très rapidement. Mesdames et Messieurs, pour les femmes, mais pas uniquement, la minorité de la Commission des finances vous demande de refuser le rapport du Conseil d'Etat.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

L'Intergroupe F avait déposé cette motion, transformée en postulat, car il avait été alerté par des témoignages qui reflétaient une dure réalité. En effet, devoir éponger des dettes fiscales qui portent sur le revenu d'un ex-conjoint est ressenti comme une vraie injustice qui peut plonger des femmes qui élèvent et entretiennent seules leurs enfants dans de très graves difficultés financières.

C'est le cas, par exemple, de Bérangère qui a deux enfants à charge. Elle travaille à temps partiel, elle est séparée du père de ses enfants qui a été hospitalisé suite à un AVC et qui a dû être placé sous curatelle. Monsieur a d'importantes dettes d'impôt, ce que Bérangère ignorait jusqu'à sa mise en curatelle. Elle doit désormais rembourser les dettes d'impôt de son ex-mari. Sa capacité de remboursement est très faible. Elle mettra 143 mensualités pour payer la totalité des créances fiscales dues par son ex-mari sur les salaires qu'il a encaissés. Elle est donc endettée pour les 12 prochaines années.

C'est le cas de Katia, divorcée, qui s'est mariée sous le régime de la séparation des biens. Le jugement de divorce, prononcé par un juge, prévoit qu'elle doit verser à son ex-mari la moitié de son avoir de prévoyance, accumulé durant le mariage, soit plus de 100’000 francs pour solde de tout compte. L’ACI a, de plus, exigé que Katia paye les dettes d'impôt de son ex-mari, alors qu'il avait encaissé la moitié de son avoir de prévoyance pour solde de tout compte, et qu'il n'était manifestement pas insolvable.

C'est le cas de Valentine qui est séparée et qui a la garde exclusive de ses deux enfants. Elle s'est mariée sous le régime de la séparation des biens et a toujours fait caisses séparées pendant la vie commune. Valentine a été taxée à la source et n'avait donc aucune dette d'impôt sur ses propres éléments imposables, à la séparation. Deux ans après la séparation, Valentine apprend qu'une procédure pénale est ouverte à l'encontre de son ex-mari pour soustraction d'impôt. Bien que poursuivi pour fraude fiscale, son ex-époux a été autorisé à clore tous ses comptes bancaires suisses et à s'enfuir à l'étranger, sans qu'aucune mesure conservatoire ne soit prise à son encontre pour garantir le paiement de ses dettes fiscales et les amendes auxquelles il a été condamné. Alors que l'Etat laisse partir le fraudeur en toute impunité, il a poursuivi Valentine, considérée comme solidairement responsable des dettes d'impôt de son ex-mari, sur des revenus qu'elle n'a jamais encaissés. Sans pension alimentaire, épuisée par les procédures et étranglée par les poursuites, Valentine se retrouve aujourd'hui dans de très graves difficultés financières, du seul fait qu'elle a été mariée. Et il y a bien sûr bien d'autres cas, sans compter les cas à venir, puisque l'article est toujours en vigueur.

L'Intergroupe F a déposé, il y a plus de trois ans, une motion transformée en postulat en vue d'obtenir l'extinction de cette co-solidarité fiscale en cas de séparation. C’est déjà la règle au niveau fédéral, puisque la Loi fédérale sur l'impôt fédéral direct prévoit que la solidarité fiscale s'éteint dès que les époux ne vivent plus en ménage commun, ceci afin de tenir compte de la situation financière du partenaire le plus faible, majoritairement les femmes, comme indiqué dans le message sur le train des mesures fiscales FF 2001 du 28 février 2001. Au niveau cantonal, le canton de Vaud est le seul canton romand – et l’un des derniers cantons en Suisse avec les deux Appenzell – à maintenir une solidarité fiscale illimitée entre les époux après la séparation. Ainsi, dans le canton de Vaud, et comme nous l'avons vu en introduction, un conjoint peut se retrouver, même plusieurs années après la séparation ou le divorce, à devoir régler les dettes d'impôt de son ex, ce qui peut conduire à des situations dramatiques.

Il y a déjà deux ans, le 15 juin 2021, les députées et les députés du Grand Conseil ont, à une très large majorité, par 105 voix contre 30 et 1 abstention, demandé au Conseil d'Etat de modifier immédiatement la loi pour mettre fin à la solidarité fiscale illimitée. Nous ne pouvons donc pas accepter la réponse du Conseil d'Etat. Par conséquent, le groupe socialiste demande au Grand Conseil de refuser la réponse du Conseil d'Etat qui affirme que l'article 14, alinéa 1, LIVD, ne fait pas preuve de discrimination tant directe qu'indirecte envers les femmes et laisse ainsi perdurer cette situation uniquement pour des raisons techniques. En outre, ce rapport n'offre aucune perspective immédiate. Il ne propose ni calendrier ni délai et continue à nier le caractère indirectement discriminatoire de cet article. Ce dernier reste en vigueur et d'autres femmes et hommes vont se retrouver à rembourser les dettes fiscales générées par le salaire ou/et le revenu de leur ex-partenaire. Enfin, il incombe au Conseil d'Etat d'apporter la preuve que cette loi touche autant d'hommes que de femmes. Nous sommes toujours dans l'attente de cette preuve, vu l’indisponibilité des données, malgré tous les efforts déployés pour les obtenir afin de compiler nous-mêmes ces statistiques.

La motion de l'intergroupe F, déposée en novembre 2019, demandait au Conseil d'Etat d'abroger avec effet immédiat une loi discriminatoire qui plonge de nombreuses femmes dans la précarité. Elle a été transformée en postulat, sans pour autant que le contenu en soit changé. Trois ans plus tard, nous constatons que cette loi est toujours appliquée, alors que la discrimination directe et indirecte est formellement interdite tant par la Constitution que par les traités internationaux qui ont été ratifiés par la Suisse : trois ans de difficultés financières en plus. A ce stade, le seul et unique argument invoqué par le Conseil d'Etat pour s'opposer à cette modification législative réside en un problème informatique. Pourtant, on imagine mal un employeur expliquer à un juge qu'il ne peut pas mettre fin à des pratiques discriminatoires dans son entreprise parce que son système informatique ne le permet pas… alors même que le Conseil d'Etat convient que la modification est relativement simple – il suffit de modifier l'article 14 avec un copier-coller – il ne propose pas d'abroger un article qui est indirectement discriminatoire.

Pour tous ces motifs, le groupe socialiste demande au Grand Conseil de renvoyer le rapport au Conseil d'Etat conformément à l'article 119, alinéa à 5, puisqu’il ne répond pas à la demande des députés du Grand Conseil. Nous rappelons que le Grand Conseil a demandé à une très large majorité de mettre fin immédiatement à ces pratiques fiscales. Cela permettra au Conseil d'Etat de compléter son analyse en répondant aux demandes du Grand Conseil.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

Je vais répéter certaines choses, mais je considère qu’il est opportun que différents partis s'expriment sur cette question. Comme cela a été dit, la première réponse du Conseil d'Etat ne reconnaissait aucune discrimination et ne proposait aucune modification à la loi actuelle. Toutefois, il faut saluer le fait que cette réponse a été complétée par un engagement du Conseil d'Etat à mener une réflexion à ce sujet.

En effet, la responsabilité solidaire pose de graves problèmes ; c’est un traitement discriminatoire puisque tous les dossiers qui arrivent devant la justice concernent des femmes. Celles-ci se trouvent à devoir payer – en sus de leurs propres impôts – des arriérés d'impôts lorsque l'ex-conjoint ne s'est pas acquitté des dettes fiscales nées pendant la vie commune. Elles se retrouvent de ce fait dans des situations financières impossibles. L'administration prétend qu'elles peuvent se retourner contre leur ex-conjoint pour récupérer leur part. Vous comprendrez évidemment que cela relève de l'impossible. Comment discuter d'argent justement quand les relations sont orageuses ou tout simplement inexistantes ? C'est tout simplement inapplicable ! C’est une situation injuste que ce postulat demande à corriger.

Pourquoi refuser ce rapport ? Mme Cherbuin l'a indiqué dans le rapport de minorité : la résolution de ce problème va prendre du temps, puisqu'il faut changer les programmes informatiques, ce qui va aussi coûter très cher. En outre, ce rapport ne contient aucun chiffre pour étayer ces inégalités, alors qu'il est patent que les informations sont connues puisqu'elles permettent de chiffrer le manque à gagner évalué à 10 millions par M. le conseiller d'Etat Broulis. Aucun délai n'est indiqué pour la modification de cette pratique. Enfin, Vaud est le seul canton avec Appenzell à continuer à l'appliquer, alors que l'administration fédérale des impôts, quant à elle, a déjà supprimé cette disposition. Je regrette que la proposition d'un moratoire n'ait pas été retenue. Cela aurait permis de résoudre provisoirement ces cas en attendant un changement de loi et de système informatique ; peut-être qu'un peu de bonne volonté pourrait aussi faire évoluer des pratiques injustes. Par conséquent, tout en saluant la position plutôt encourageante du Conseil d'Etat, nous estimons qu’accepter cette réponse constitue un signal très négatif. C'est pourquoi nous vous invitons à la refuser et à soutenir le rapport de minorité, afin que le Conseil d'Etat revienne très vite avec des chiffres, des propositions de modification et des délais de mise en œuvre.

Mme Céline Baux (UDC) —

Plus encore que la discrimination, c'est l'injustice que je ne comprends pas dans cette façon de faire. Comment comprendre et admettre que s'il reste une dette fiscale après un divorce, qu'elle est séparée en deux, et que lorsque l'un des conjoints s'est acquitté de sa partie, l'autre – l'épouse la plupart du temps – doive continuer à rembourser la somme non payée par l'ex-conjoint ? Ceci crée des situations tragiques et totalement inadmissibles à mes yeux. Alors que l'on dépense des millions dans le cadre des programmes et mises à jour informatiques, j'ai également de la peine à entendre qu’il s’agit de l'une des raisons pour ne pas changer ce système archaïque par un logiciel adapté. Seuls Vaud et Appenzell appliquent encore cette règle. Il ne me semble pas que notre canton soit à ce point en retard en matière de système d'information pour que les modifications nécessaires ne puissent être effectuées rapidement, même si cela comprend un coût. J'ai bien compris également que Mme la conseillère d'Etat n'est pas opposée à un changement et qu'il est bel et bien prévu de changer la méthode vaudoise ; néanmoins, je voudrais manifester mon soutien à ce changement de façon de faire par le refus de ce rapport. Je ne vois pas comment cela pourrait encore ralentir la réforme nécessaire. Je vous encourage donc à soutenir le rapport de minorité.

M. Jean-Franco Paillard (PLR) —

L'Intergroupe F a déposé cette motion transformée en postulat, par l'intermédiaire de Madame Thalmann, en vue d'obtenir l'extinction de la solidarité fiscale en cas de séparation. Si sur le fond, je peux imaginer que l'intention est bonne, toutefois je vous propose de valider le rapport du Conseil d'Etat. En effet, ce dernier est conscient des problèmes liés à l'imposition de la famille, sujet qui est actuellement au cœur des débats politiques. Ce débat s'inscrit dans un contexte plus large en lien avec l'égalité femmes-hommes. Ce postulat implique d'importants travaux de mise en œuvre, notamment au niveau informatique. La conseillère d'Etat, Mme Dittli, se dit très sensible à cette problématique et relève le fait que le rapport du Conseil d'Etat a été adapté pour tenir compte du fait que l'impôt fédéral a été modifié en 2001, déjà, et prévoit une méthode d'application différente de la loi cantonale. Dans ce contexte, le Conseil d'Etat a ajusté sa réponse, car il souhaite adapter la pratique cantonale à celle fédérale. En d'autres termes, la pratique vaudoise va être modifiée. Un calendrier plus précis est en cours d'analyse. Pour rappel, le canton compte environ 520’000 contribuables, et la demande du postulat implique d'importants travaux. Alors, même si la volonté est là, la difficulté est plutôt technique avec l'implémentation d'une nouvelle application informatique. Dès lors, le groupe PLR vous prie d'accepter le rapport du Conseil d'Etat en suivant le rapport de majorité. De la patience, s'il vous plaît !

Mme Rebecca Joly (VER) —

Je serai brève ne souhaitant pas répéter les précédents propos, mais j'ai plusieurs choses à dire sur ce thème. Déjà, d’une part, je pense qu'on ne peut pas dire aujourd'hui aux personnes et notamment surtout aux femmes qui sont dans une situation de détresse financière : « Désolés ! mais notre système informatique ne permet pas de résoudre votre problème. » On ne peut plus garder une règle qui induit des discriminations indirectes – puisqu'une discrimination peut être directe ou indirecte selon la Constitution – en matière d'égalité, en disant « Désolés ! notre système informatique n'est pas assez performant pour qu'on puisse mettre en place une loi qui soit égalitaire. » L’argument me semble impossible à entendre. Ensuite, pour toutes les bonnes raisons déjà énumérées par mes collègues, je vous invite, au nom du groupe des Verts, à refuser la réponse du Conseil d'Etat à ce postulat. J'ajouterai qu'au contraire de ce qui a été dit, refuser cette réponse n’équivaut pas à prolonger le délai de mise en œuvre effective de l'arrêt de la responsabilité solidaire entre époux. Au contraire, c'est le seul moyen que nous avons, en tant que Grand Conseil – à moins de redéposer un objet – de s'assurer que cet objet reste sur la table, sur le haut de la pile du Conseil d'Etat. Je crois que nous le devons à toutes les femmes qui assument ou qui vont assumer les dettes de leur ex-époux parce que notre système informatique est has-been.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Le groupe Ensemble à Gauche et POP soutient bien entendu le rapport de minorité. Avoir pareillement traîné les pieds dans ce dossier est un point noir au bilan de l'ancien chef du Département des finances. Le résultat, comme cela a été rappelé, est le Canton de Vaud demeure l’un des deux derniers cantons à n'avoir pas supprimé la co-solidarité fiscale en cas de séparation. Comme répété à de maintes reprises, la situation actuelle est discriminante, plaçant des femmes dans de grandes difficultés matérielles. A la veille d'un grand mouvement de grève féministe, nous sommes en droit d’attendre de ce Parlement qu’il envoie une demande claire au Conseil d'Etat pour l'extinction de la co-solidarité fiscale. S'agissant de l'argument informatique, nous pensons qu’il incombe à la politique de déterminer quelles doivent être la forme et les modalités du système informatique et non pas au système informatique de dicter une politique. Par conséquent, pour toutes ces raisons, soutenons le rapport de minorité !

Mme Florence Gross (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Au vu des nombreuses interventions, je souhaite vous relire quelques phrases de conclusion de Mme la conseillère d'Etat : « Dans ce contexte, l'engagement du gouvernement à trouver une solution dans ce dossier est ferme » ; voici par conséquent un engagement ferme allant dans le sens de la demande de la motionnaire. Vous trouverez la même chose dans le rapport du Conseil d'Etat qui s'engage à mener des réflexions à ce sujet. Il s’agit, je vous le rappelle, d’un postulat –– forme préférée par le plénum, une décision démocratique qu’il faut respecter – et non d’une motion. Or, vous demandez une modification de loi. Par conséquent, je peine à saisir comment il est possible de s'opposer à un rapport qui s'engage fermement dans le sens du postulat, de la motion transformée en postulat.

Songer que refuser le rapport accélérera le processus me paraît absurde ! Il me semble que cela risque plutôt de produire l’effet inverse, quand l'accepter demande au Conseil d'Etat de mettre en œuvre des mesures rapidement. En effet, refuser le rapport implique un autre rapport, c’est-à-dire un « re-travail », bien que le Conseil d'Etat prenne l'engagement ferme d’agir. Il me semble que le refus témoigne d’une position clairement compliquée dont je peine à saisir la pertinence si ce n’est, peut-être, relativement aux événements de la semaine, pour mettre certaines choses en valeur. Je le répète : le Conseil d'Etat vous propose, par engagement ferme, de prendre en considération ce qui est demandé, et vous, vous demandez que ce texte soit renvoyé, donc finisse clairement sous la pile ! Enfin, je vous invite à respecter les décisions déjà prises par ce plénum et d'accepter ce rapport.

Mme Valérie Induni (SOC) —

En l'absence de données chiffrées ou de documents prouvant que, dans les faits, autant d'hommes que de femmes sont appelés en solidarité de dette d'impôt de leur ex-époux-se, le Conseil d'Etat ne peut pas conclure que l'article 14 alinéa 1, LI ne fait pas preuve de discrimination tant directe qu'indirecte envers les femmes. Nous vous invitons donc à refuser le rapport du Conseil d'Etat dans le but que celui-ci puisse réellement montrer son engagement ferme en modifiant très rapidement la loi afin de permettre aux femmes concernées de retrouver une vie sans dette fiscale. La patience ne peut pas être invoquée de bonne foi dans de telles situations.

M. Gérard Mojon (PLR) —

La nouvelle version du rapport du Conseil d'Etat est excellente. Chacun son avis ! Il pose trois éléments essentiels, cela a été dit, je n'y reviendrai pas, mais ils sont importants. Le Conseil d'Etat accepte avec raison de mener des réflexions. Je ne citerai que le cas, par exemple, de la taxation individuelle. En effet, le principe de taxation individuelle peut potentiellement redéfinir totalement les bases de la fiscalité des couples. La réflexion du Conseil d'Etat est par conséquent parfaitement justifiée. J'aimerais ajouter encore deux éléments qui me tiennent à cœur. D'abord, pour la sécurité même du droit, il faut que l'on ne modifie jamais la nature juridique d'une créance en cours d'existence. Il en va de la sécurité même du créancier et, pour moi, c'est un élément essentiel. Et si vous êtes le créancier, je suis persuadé que vous l'estimez essentiel. De plus, on dit que cette affaire touche des personnes qui ont toujours payé leurs impôts. Mesdames et messieurs, ce n'est pas correct. S'il existe une créance fiscale ouverte, cela signifie que les contribuables débiteurs ne se sont pas acquittés intégralement de leurs obligations fiscales. Si tel avait été le cas, le problème n'existerait tout simplement pas. En conséquence, je vous encourage à accepter le rapport du Conseil d'Etat qui va dans le sens du postulat.

Mme Florence Bettschart-Narbel (PLR) —

Sans être longue, je dois avouer que je suis un peu surprise de la position de certains qui veulent renvoyer ce dossier au Conseil d'Etat. La conseillère d'Etat va s'exprimer, et je pense que sur le fond elle partage la préoccupation que nous avons votée, soit de mettre fin à la solidarité fiscale en cas de séparation : ce que nous attendons aujourd'hui du Conseil d'Etat. Sans siéger à la Commission des finances, il me semble que c’est ce qui a été promis par le Conseil d'Etat. Ainsi, renvoyer tout le dossier au Conseil d'Etat entraînera une prolongation de la procédure. Personnellement, le but de cette tactique m’échappe… à part celui qui tend à faire parler de soi à la veille d'une grève intersectionnelle. Pour faire avancer le débat, il vaudrait mieux accepter le rapport du Conseil d'Etat et laisser ce dernier travailler sur ce dossier.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

J'entends des "Ah, enfin !" Non, mais tout a été dit, donc je n'ai plus rien à dire ! Voilà. Merci de m'avoir donné la parole, madame la présidente. (Rires)

M. Nicolas Glauser (UDC) —

Les propos de M. Buclin me font réagir. Il profite de ce rapport pour reprocher à M. l'ancien conseiller d'Etat, Broulis, d’avoir fait traîner les choses. Pourtant, si l’on prend la peine de lire la fin du rapport, il est indiqué « adopté en séance du Conseil d'Etat, à Lausanne, le 16 novembre 2022. » Je voulais juste vous signifier que pour la rédaction de ce rapport, M. Broulis n'était pas présent et que c'est un rapport écrit par un gouvernement composé à majorité de femmes. La conseillère d'Etat avait déjà indiqué en commission qu'elle tenait à corriger cela de manière rapide. Je pense qu'elle va vous livrer la suite de sa position. Ainsi, je vous enjoins à soutenir le rapport de majorité.

Mme Valérie Dittli (C-DFA) — Conseiller-ère d’Etat

Brièvement, j’aimerais souligner deux choses importantes. Pour que nous soyons tous au clair, deux cas doivent être distingués : d’une part, le cas de la solidarité après la séparation pour une dette née pendant une vie commune. Dans ce cas-là, Vaud n’est pas l’unique canton avec Appenzell à se trouver dans cette situation, car on compte Appenzell Rhodes-Intérieures, Appenzell Rhodes-Extérieures, Saint-Gall, Lucerne, Nidwald et Zurich qui adoptent encore cette logique. D’autre part, il existe le cas de l'insolvabilité. Même si vous êtes en ménage commun, et que l’un des deux devienne insolvable, trois cantons maintiennent la solidarité : les deux Appenzells et Lucerne. Il faut être clair. La situation s’avère un peu plus compliquée que de simplement affirmer que nous sommes les derniers avec Appenzell.

Forte de ces éléments, j'affirme à nouveau ma ferme volonté de changement. En effet, un impôt ne comprend plus ce système, depuis 2003 : l'impôt fédéral. Ainsi, je vais m’aligner sur l'impôt fédéral et établir le même système. Enfin, j’aimerais aussi vous dire que les travaux ont déjà été commencés ; je suis en discussion avec la Direction générale du numérique et des systèmes d’information (DGNSI) pour effectuer ce changement ; cela prend simplement un petit peu de temps. Sans connaître encore clairement le calendrier, il a été indiqué à mes services et à la DGNSI que je vais aller rapidement de l'avant avec ce dossier pour parvenir à une solution très rapide. Ainsi, vous pouvez ou non accepter ce rapport, j’irai de toute manière de l'avant. Dès que possible et dès que nous posséderons la solution technique – sans cela c’est impossible –j’apporterai ce nécessaire changement de loi. Tout cela devrait se faire très rapidement – en tout cas, c'est ma volonté. Enfin, je vous propose vraiment d'accepter ce rapport pour aller de l'avant et pour effectuer les travaux nécessaires par mes services.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est close.

Le rapport du Conseil d'Etat est refusé par 67 voix contre 63 et 1 abstention.

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :